Shooting improviser - Carson

Assister un agent dans une courte interrogation auprès d’une personne importante dans une affaire, pour voir s’il mentait, pour voir comment il s’exprimait, voilà ce que j’avais fait au cours de la matinée. Rien de majeur, pas de quoi occuper ma journée, rien qu’une heure, tout au plus. Plus encore, la dite personne n’avait pas laissé quoi que ce soit paraître, transpirant l’honnêteté. Ou bien, c’était un acteur incroyablement doué, mais ça, je ne le pensais pas vraiment. Je ne voulais pas que tous pensent qu’il n’y avait rien à craindre ou quoi que ce soit du genre, mais j’avais vécu des situations où j’avais pas mal plus de raisons d’être méfiante. Après avoir réglé tout ce qu’il y avait à faire avec mes collègues de travail, ceux-ci prirent la direction de leur prochaine destination, me donnant congé au passage, mes services n’étant plus requis pour le moment. Je ne m’en sentis pas vexé, bien au contraire. L’heure du repas arrivant, c’était l’occasion parfaite pour en profiter, en profiter pour aller prendre un repas dans un restaurant spécialisé, comme trop peu de fois je pouvais me permettre de le faire. Manger seule ne me complexait pas, le téléphone me tint compagnie pendant un petit moment, puisque même si je prenais un peu plus de temps pour moi que j’avais pour habitude de le faire, je me devais quand même de rester à l’affût, en cas de besoin. Là, je n’eus pas à tant l’être, et plus encore, peu de choses m’attendaient à mon retour dans les bureaux du FBI, sauf de la paperasse qui ne me faisait nullement envie de faire. Puisque dans ce genre de situation, j’étais mon propre patron, je pris volontairement mon temps, marchant tranquillement jusqu’à ma voiture, considérant les environs comme rarement je le faisais, sauf quand je voulais perdre mon temps. Et là, je me congratulai même de l’avoir fait, puisqu’au passage, je vis une silhouette familière, en train de faire quelque chose qui m’étonnait que trop peu. D'humeur joueuse, je décidai de m’approcher discrètement, et une fois à sa hauteur, non loin de l’appareil photo qu’il tenait, j’y positionnai mon visage, de sorte à pouvoir lui faire une énorme grimace, de tout près, simplement pour le taquiner.

Le mouvement de recul typique de la personne surprise et perturbée vint ébranler mon ami, et ses propos vinrent me le confirmer. Est-ce que je m’en sentais mal ? Pas une seule seconde, devrais-je dire. En vérité, j’étais fière de mon coup. Fière parce que c’était ce que je cherchais, fière parce que j’étais parvenue à capter son attention. Et peu gênée de le montrer, je restai là, à rigoler, me reculant seulement un peu, de sorte à ne pas avoir son objectif en plein visage. Ce fut que lorsque je repris mon sérieux que je me permis finalement de dire:  « Salut toi. » En retour, je lui fis la bise également, me décalant pour l’écouter me poser ses questions, questions qui n’étaient en rien délicates, auxquelles je me fis un plaisir de répondre:  « Ça va ! J’étais de passage pour le boulot ici, et j’avais un peu de temps libre. » Et donc je marchais tranquillement, puis j’avais vu son appareil photo dans mon chemin, et je ne me serais clairement pas vue passer mon chemin sans au moins le saluer. Ça, je ne l’ajoutai pas toutefois, puisque cette suite des choses, Bradley venait de la vivre, alors nul besoin de lui expliquer. Et pour les détails, je supposais que s’ils étaient manquants dans le vécu, il pouvait les formuler dans sa tête. De plus, volontairement, je n’en disais pas trop, raison étant que s’il était occupé, je ne voulais pas monopoliser la conversation et le perturber dans ses plans. Mais malgré tout, je m’octroyai la permission de lui demander à mon tour:  « Et toi alors ? Tu travailles sur un nouveau projet ? » Ou bien était-il en train de prendre des photos que pour son plaisir personnel ? Voilà surtout ce que je me demandais, même si en fait, j’étais surtout curieuse de voir ce qui se passait dans sa vie, prendre de ses nouvelles. J’utilisais juste une entrée différente, voilà tout.

Prestement, je vins à secouer la tête pour lui signifier que non, il n’y avait aucun danger. Peut-être que sur un autre cas, ma réponse aurait été différente, mais là, c’était quelques questions, rien de plus que ce qui s’apparentait à une formalité, pour moi en tout cas. Et puis, si la situation était dangereuse, je ne serais certainement pas en train de marcher tranquillement, lui parler comme si rien n’était. Non seulement, je ne me laisserais pas à découvert, j’avais vu beaucoup trop de situations dangereuses pour faire une chose pareille, et je ne laisserais certainement pas mon ami en danger, parce que je tenais à lui, parce que mon emploi, même si pour moi, c'était bien indirect, consistait aussi à protéger les gens dans le besoin, et donc les gens qui pouvaient se retrouver dans une situation dangereuse parfois même sans le savoir. Mais rien à l’horizon, qu’une conversation qui, qu’importe la durée, promettait d’être agréable. Parce que j’étais contente de voir Bradley, et parce que celui-ci était réceptif à mes questions, venant m’expliquer sans aucune gêne qu’il était là surtout pour son plaisir personnel, dans l’espoir de capturer une photo qui saurait lui plaire, sans paraître avoir aucune obligation quelconque. Faire ce qu’on aimait sans le sens du devoir, voilà quelque chose qui devait être agréable, mais que je ne pouvais tristement pas partager. Oui, j'avais des passe-temps, mais je m’y adonnais que trop peu, le temps ne me le permettant jamais vraiment. Je ne me pensais pas malheureuse pour autant, mais clairement, c’était plus compliqué. Après tout, je ne délaissais pas mes amis pour autant, et cette discussion que j’avais avec Bradley en était la preuve, même si pour être honnête, je ne m’attendis pas du tout à ce qu’elle prenne une telle tournure. Écarquillant les yeux, j’eus un rire nerveux, et comme si limite je n’arrivais pas à y croire, je dis:  « M… Moi ? Sérieux ? » Je ris encore un petit moment, avant de finalement me calmer, en arrivant à la conclusion qu’il était sérieux dans sa proposition. Encore un brin perplexe, j’haussai les épaules, repris ma contenance, et je dis:  « Écoute, c’est comme tu veux, mais je ne te promets pas de bons résultats. Honnêtement, je ne sais pas trop quoi faire. » Et c’était vrai; outre des photos pour le plaisir, entre amis, je ne savais pas tellement comment me comporter. Du coup, il faudrait que l’expert, Bradley en l’occurence, me donne des consignes, mais si c’était réalisable, alors j’étais prête à l’écouter et me laisser guider.

Je n’étais pas le genre de personne qui complexait sur son corps. Je n’étais pas celle qui en prenait désespérément soin non plus, mais disons que je m’appréciais comme j’étais, avec mes défauts, avec ce que j’avais à offrir. Je ne m’en vantais pas, mais je ne me faisais pas chaste non plus. Donc non, je ne serais pas celle qui allait fuir une photo, mais je n’allais pas être celle qui allait se placer sérieusement devant la caméra, même si là, je me voyais bien mal refuser ce qui me paraissait être une faveur à mon ami. Et pourtant, je me retrouvai à blaguer à ses dépens, roulant les yeux au ciel pour lui signifier que ça m’embêtait, même si ce n’était pas le cas, pas tout à fait. Tel que dit, c’était de la pure plaisanterie, mais c’était aussi par orgueil, pour ne pas lui dire que j’appréciais la marque de confiance qu’il était en train de m’offrir. La photographie, c’était son métier, alors s’il savait que je risquais de ruiner ses photos - même si avec la technologie, il y avait moyen de recommencer dès qu’on le souhaitait, autant de fois que souhaité aussi - certainement qu’il ne me l’aurait pas demandé. Ne faisais pas plus de cas que ça, je lui demandai:  « Je dois bien faire quelque chose quand même. » Parce que clairement, je n’allais pas rester plantée là, à attendre qu’il trouve l’angle, la lumière, comme il ne cesse de le dire. Ses photos se voulaient très certainement plus artistiques qu’une personne plantée là, attendant, comme si elle était sur le point de faire faire sa photo de permis de conduire, sans émotion, le regard vide. Du coup, oui, je voulais des consignes, qu’il me dise quoi faire. Heureusement, il ne tarda pas à répondre à mon désir sans que je doive en faire davantage, même si la façon qu’il s’y prit me perturba un peu. En effet, je ne pensais pas qu’il irait jusqu’à emprunter un accessoire à une tierce personne. Non pas que ça me gênait, mais disons que c’était, pour mon en tout cas, relativement spontané. L’attrapant malgré tout, je l’écoutai, acquiesçant à ses consignes, prenant l’ombrelle, l’appuyant sur mon épaule, me retournant, pour seulement tourner la tête, pour me rendre compte qu’en fait… Je ne savais pas tant quelle tête faire. Devais-je avoir l’air intriguée ? Naturelle ? Regarder ailleurs ? Je tentai d’adopter une expression neutre, fixer quand même l’objectif pour, justement, ne pas faire une photo de type passeport ou permis de conduire, mais clairement, ce n’était pas mon métier premier, être modèle. J’espérais juste que Bradley ne m’en voudrait pas, et qu’au besoin, il saurait me guider un peu mieux.

Je n’étais pas le genre de personne qui manquait de confiance en moi en temps normal, mais là, être dans l’incertitude de quoi faire, tout en étant consciente que cela finirait pas paraître sur une photographie - même si de nos jours, tout pouvait être retouché - ne me rendait pas tout à fait confortable. Mais parce que c’était pour mon ami, et parce que ça semblait lui faire plaisir, et qu’au final, ça ne me faisait pas tant de mal quand on y pensait, je me voyais difficilement râler de quelconque façon. Du coup, je faisais mon mieux, espérant juste ne pas décevoir, ou plutôt, espérant juste ne pas provoquer un malaise si Bradley se rendait compte que je n’avais pas tant de talents d’actrice, sauf quand je devais le faire pour mon boulot, et ça, ça ne ressemblait en rien à mon boulot. Mentir ne me faisait pas envie, jouer les hypocrites non plus. Mais quand même, je fis un effort pour me soumettre à tout ça, sauf à un moment où la suggestion de Bradley fut, à mes yeux, un peu impossible. Je ne lui dis pas directement, mais j’eus quand même un rire à la fois amusé et nerveux quand il me demanda de penser à la personne que j’aime. Qui ? Les relations amoureuses, ça n’avait jamais été mon truc… Enfin… Je le fis quand même, ne pensant pas vraiment à l’être-aimé mais plutôt… à un donut. Un donut fourré à la crème avec du chocolat dessus. Bon d’accord, je n’étais pas amoureuse de ça, mais ça devrait être suffisant pour me donner un regard d’envie, non ? Je tentai le coup, avant de passer à la séquence suivante, qui se trouva à être un peu plus facile. Suffisait de penser que le donut, il avait été pris par mon supérieur, donc pas moyen de râler pour l’avoir… Bon, ce n’était pas le meilleur exemple de tristesse que j’avais, de ça, je ne manquais pas du tout, mais je restais dans le thème, dans ma tête, et visiblement, cela fut suffisant pour satisfaire Bradley, qui prit ses photos, remis l’ombrelle à la personne qui avait eu la bonté de lui prêter, me proposant d’aller ailleurs pour continuer. Regardant mon téléphone, d’abord pour voir l’heure, mais aussi pour voir que je n’avais pas de message, j’en vins à la conclusion que j’avais encore du temps. Et puis, il fallait l’avouer… C’était quand même amusant comme exercice. Haussant les épaules, je répondis:  « Pourquoi pas ? Tu veux aller où ? » Encore une fois, je jugeais préférable de m’en remettre à lui, parce que c’était l’expert, parce que c’était sa vision de ses photos, et non pas la mienne, d’autant plus que je ne savais pas trop ce que je pourrais lui suggérer comme lieu. C’était à ce point que je ne m’y connaissais pas en photographie.