Une soirée entres amies (Elisa)

Rien ne peut me stresser. Enfin, en général. Mais, je ne suis pas au travail. Je n’ai donc aucune chance de croiser mon patron ; sauf s’il débarque à l’improviste mais je ne pense pas qu’il sache ou j’habite. Ma colocataire n’est pas là, donc, non aucune raison de me stresser. De toute façon, comme je l’ai dit, ce n’est pas dans mes habitudes et à part mon patron et sa façon plutôt énigmatique de se comporter avec moi depuis quelques semaines, je n’ai vraiment aucune raison de me prendre la tête. Je vais juste éviter de parler de lui ce soir, il en va de ma santé mentale. Elisa semble aller parfaitement bien, du moins, c’est l’impression que j’en ai, mais comme je ne suis pas du tout capable de déchiffrer l’état d’esprit des gens rien qu’en les regardant, je peux très bien me tromper sur toute la ligne. « Evidemment ! Je n’en ai pas l’air, mais je suis un boute-en-train ! » plaisantais-je. « Non, pour être sérieuse. On a de la bonne bouffe, du vin et des tas de films qui nous attendent, donc on ne peut que passer un bon moment ! » que je dis alors, avec un grand sourire. J’avais toujours le sourire et il était franchement rare que je tire la tronche. Cela dit, j’étais comme tout le monde, donc forcément, ça m’arrivait de temps à autre. Mais, de façon générale, c’était quand même, très rare. « Non, j’ai pris une semaine de congés, j’en avais bien besoin ! » continuais-je, comme elle me demandait si je travaillais demain. Je n’avais pas pris de vacances depuis des lustres, alors, c’était une semaine de repos bien mérité qui m’attendait. Surtout que j’avais récemment été malade comme un chien. « Et toi alors ? Les cours ? Ça se passe bien ? » lui demandais-je, en sortant quelques bouteilles du réfrigérateur.

En effet, je ne vais pas très bien, mon sourire n’est que façade, mais je n’ai aucune envie de parler de mes problèmes. Déjà parce que je ne veux pas gâcher notre soirée entre filles et ensuite, parce que je déteste parler de moi. Elisa le sait très bien, je ne suis pas très bavarde, me confier, ce n’est pas mon truc. Généralement, lorsque je le fais, ce n’est pas naturel, c’est parce que je n’ai pas le choix, que je me retrouve avec le cul entre deux chaises, que je suis coincée ou que j’ai peur. Voir, même un mélange de tout cela à la fois. C’est que j’ai toujours été un peu bizarre comme fille ! Je préfère ne pas répondre lorsqu’elle m’indique qu’elle ne me croit pas lorsque je dis être un boute-en-train. A la place, je préfère évoquer le vin, la bonne nourriture et les nombreux films que je possède et qui nous permettrons de passer une bonne soirée. Je me dis qu’avec un peu de chance, elle oubliera sa question. Ça semble marché, donc on peut en effet dire que la chance est avec moi. Elle m’avoue avoir hâte, ce qui me fait sourire encore plus. « J’te propose de t’installer, fais comme chez toi ! Si tu veux te changer, te mettre à l’aise, n’hésite pas ! » que je lui dis alors. De mon côté, je commence à sortir quelques plateaux pour disposer la nourriture et des couverts pour deux personnes, car je n’avais pas encore sortie tout ça avant qu’elle n’arrive. Je suis très organisée dans mon travail, mais à mon appartement, ce n’est plus vraiment le cas, malheureusement. Oh, ce n’est pas mal rangé, au contraire, car je suis plutôt une maniaque de la propreté, disons plutôt que je fais plusieurs choses en même temps. Ma meilleure amie me questionne à propos de mon travail et je lui explique avoir prit une semaine de congés. Elle me propose alors de faire autre chose pendant mes vacances, car elle n’a pas encore repris les cours. « Ma fois oui, ça peut être une bonne idée ! Je ne pensais pas dire ça un jour, mais j’ai besoin de faire les magasins. La friperie ou je vais d’habitude à fermer et j’ai bousillé mon dernier jean en renversant de l’eau de javel ! » que je réponds alors, sans me défaire de mon sourire. J’en viens ensuite à lui parler de ses études, et elle m’explique hésiter à en changer. « Et tu aimerais faire quoi à la place ? » que je demande. A mon avis, elle devrait écouter son cœur. Moi, mes parents voulaient que je reprenne le restaurant, mais mon truc, c’est la publicité, alors, je me suis lancée là-dedans !

Je n’aimais pas parler de moi et je ne le faisais jamais, sauf quand j’y étais obligé. Elisa le savait, depuis le temps, mais comme je le savais curieuse, je préférais aussitôt changer de sujets de conversation. Je n’avais pas envie de parler de l’attitude suspecte de mon patron. D’autant que, plus je réfléchissais et plus je me disais que cette soudaine envie de me donner le poste que je convoitais depuis des lustres ; même si rien n’était encore fraichement décidé ; était une entourloupe. Il y avait un os, mais pour le moment, je ne voyais pas où. En tout cas, oui, j’étais méfiante, qui ne le serait pas à ma place ? Je me posais mille et une questions, mille et une questions dont je n’avais pas la réponse et dont je n’étais même pas certaine d’obtenir un jour une réponse. Oui, je préférais changer de sujet de conversation plutôt que de m’aventurer sur ce genre terrain glissant. Je ne voulais pas gâcher la soirée avec mes problèmes. Puis même, vu tout ce que j’avais en tête, je ne me sentais pas non plus de taille à venir en aide à Elisa, si elle en avait besoin. Elle le sait, je ne suis vraiment pas la mieux placé pour donner des conseils. Je suis plutôt à côté de mes pompes dans ce genre de cas. Vraiment. Elisa doit sans doute avoir saisie que je ne voulais pas parler de tout ça, il faut dire que, la subtilité, ce n’est pas mon fort et faire dériver la conservation vers les dvd que je possède, ne pouvait que la mettre sur la voix. Je lui indique donc qu’elle peut se mettre à l’aise et elle m’indique vouloir enlever ses chaussures. Sa remarque, les concernant, me fait pouffer. « Oh, crois-moi, j’ai l’habitude avec ma colocataire ! » que je réponds. Ses pieds à elle, c’était une infection. En plus, elle avait l’art et la manière de laisser trainer ses chaussettes dégueulasses dans le salon. Elle ne connaissait pas le chemin jusqu’au panier de linges sales. Et comme j’étais plutôt maniaque sur ce point, je lui faisais sans cesse la guerre. Elisa me proposa ensuite une séance de shoping, et, ayant besoin de vêtements, j’acceptais, même si, ça n’était vraiment pas mon truc du tout. « Oui, mais, par contre, je te le dis tout de suite, je suis casse pied et râleuse dans ce genre d’endroit, parce que je trouve rarement quelque chose pour moi ! » avouais-je, en me mordant la joue. C’est pour cette raison que la friperie, c’était bien. Là-bas, j’étais certaine de trouver ce que je voulais. Alors que, dans les autres magasins, ça n’était pas gagner. Comme Elisa me parlait de ses études, dont elle n’était pas sûr de vouloir continuer, je me montrais curieuse et lui demandais ce qu’elle voulait faire. Ce n’était pas méchant comme question, mais, naturellement, elle n’était pas obligée de me répondre. « Si des études de littérature te conviennent mieux, pourquoi tu n’essayerais pas ? » lui demandais-je. « Oh, mais changer de voix, ça ne veut pas dire abandonner ! » ajoutais-je, bien vite.