Alvin&Jordan ▬ I could think of worse places to waste some time

Je n’avais pas d’attente concernant la réaction d’Alvin et surtout, je n’exigeais pas qu’il soit heureux pour moi ou quelque chose dans le genre. Mais cette façon apparemment sincère qu’il eut de me féliciter du fait que je serais bientôt père me fit particulièrement plaisir, si bien que j’en souris, lui adressant un petit:  « Merci. », touché par son enthousiasme soudain. Refusant de m’éterniser pour autant, je poursuivis, en revenant à mon but premier, soit de le rassurer concernant mon absence et le fait qu’il ne serait pas dans le flou pendant que je serais à la maison à m’occuper de ma femme et de notre enfant. Humblement, j’haussai les épaules à son remerciement, ne pensant pas que je le méritais. Évidemment, ç’avait été du travail de tout prévoir d’avance et m’assurer de n’avoir rien oublié, mais je le faisais pour le bien de tout le monde, que ce soit mon remplaçant, mes élèves, mes collègues, dont Alvin faisait partie, même si ce n’était pas quotidiennement et dans le même établissement constamment. Je repris mon sérieux quand il me dit avoir une question, lorsque bien rapidement, je réalisai que le sérieux n’était pas nécessaire. Riant doucement, comprenant qu’il était taquin sur le coup, je crus quand même bon de lui dire:  « Je lui fais confiance. » En fait, il s’agissait du même remplaçant qui avait pris ma place suite à mon accident et les choses s’étaient relativement bien déroulées, d’où le fait que j’avais demandé à ce que ce soit lui, si possible, qui reprenne les choses pour les quelques semaines où je ne serais pas là. De plus, la majorité des élèves le connaissaient déjà, ce qui était mieux pour eux aussi, plutôt que d’avoir à faire à un étranger. Bref, la meilleure décision pour tout le monde était que je prenne le tout entre mes mains autant que je le pouvais. Je ne le regrettais clairement pas, surtout quand je vis qu’Alvin ne semblait pas tout à fait confiant, comme s’il constatait le boulot que cette transition allait impliquer. Au moins, là, je n’étais pas dans le flou, et je pouvais très bien le rassurer en lui disant:  « Je ne crois pas que ça changera grand-chose pour le dossier. Je serai parti trois semaines tout au plus. » Je ne m’en tins pas qu’à cela, surtout considérant le fait que j’avais pas mal plus d’informations à lui fournir. Rapidement, j’ajoutai:  « Mon remplaçant a déjà travaillé avec mes élèves l’année dernière et j’ai tout planifié. Il ne devrait pas y avoir trop de changements. C’est mieux ainsi, je crois, pour les élèves. » Qui n’aimaient pas les changements non plus en fait. Mais ça, je ne pensais pas devoir le mentionner à Alvin, qui le savait probablement aussi bien que moi, puisqu’il travaillait avec ces enfants aussi à l’occasion. C’était à croire que finalement, il était idiot de lui demander s’il avait des questions, mais quand même, je tenais à lui dire, parce que:  « Mais je ne voulais pas que tu sois pris de court ou quelque chose comme ça. », terminant mon propos - limite monologue à ce point - avec un petit sourire, prêt à lui laisser la parole, attendant sa réaction.

Il était évident que pour la normale des gens, je semblais faire d’énormes plans alors qu’en fait, je ne partais pas si longtemps que ça. Mais c’était ce que mon métier exigeait. Peut-être que si j’avais une classe plus régulière, des élèves qui avaient une capacité d’adaptation plus normale, je n’aurais pas à en faire autant, mais un des plus gros défis de mes élèves, c’était l’adaptation, le changement de routine. Et là, c’était pile ce que je leur imposais. Refusant que qui que ce soit en soit profondément affecté, évidemment que je planifiais peut-être plus que je le devais, et ce n’était pas un manque de confiance, c’était par souci d’offrir le meilleur à mes élèves, ce que je voulais toujours faire, ce pour quoi je pratiquais ce métier dans un premier temps. Mais après, je devais ajuster avec la normale des gens, laissant parfois des situations particulières, comme en ce moment. Un rire nerveux suivit donc le commentaire d’Alvin, auquel j’ajoutai un haussement d’épaules, montrant que j’étais ainsi, que je n’avais pas vraiment le choix, et je supposais qu’il allait comprendre, considérant le fait qu’il connaissait ce type d’enfant aussi ainsi que leurs caractéristiques. Et finalement, à son propos suivant, que je pris pour un compliment, je décidai quand même de dire quelque chose, affirmant:  « Je n’ai pas envie de revenir et apprendre que tout s’est mal passé… Je prends mes précautions… » Et ce que je ne disais pas non plus, c’était que je me sentais encore coupable, même après de nombreux mois, du fait que j’avais laissé tomber ces élèves lorsque j’avais eu mon accident, bien que ç’avait été hors de contrôle. Passant outre, je souris doucement à la promesse d’Alvin, puis je dis:  « Je n’en doute pas et je te fais totalement confiance. » En effet, je trouvais important de lui dire, encore plus maintenant que je savais qu’il avait toutes ces insécurités. Je ne lui disais pas pour lui mentir, je le pensais, vraiment. Je ne crus pas nécessaire de réitérer qu’au besoin, j’étais joignable, considérant le fait que je l’avais déjà dit, et que ça aussi, je le pensais, et je n’hésiterais pas à l’aider aussi bien que je le pouvais s’il le fallait.