Jingle all the way || Alvin

Voila. C'est le bon jour. Après votre rendez-vous, tu as montré tes nouveaux documents à la jeune fille qui vit juste à côté de chez toi. Elle est gentille aussi, très douce avec de beaux cheveux parsemés de petites perles. T'as jamais demandé pourquoi elle était là, elle, parce que dans ton fonctionnement, ça n'a pas d'importance. Pour que ça soit plus facile pour toi, elle t'as collé une petite image sur le bon jour et elle t'a dit qu'elle viendrait te dire quand ça sera le temps de regarder la pendule murale. Au cas où tu t'es trompé. Mais tu comptes avec la nuit qui gagne le monde et le soleil qui reprend son statut de roi. En fait, ce système est assez simple.

T'es prêt. T'as mis le chapeau que Leyla t'a donné, elle a dit que c'était le meilleur jour pour le porter. C'est un bonnet rouge et blanc avec une petite boule blanche au bout, comme une boule de neige qu'on pourrait faire et lancer pour s'amuser. D'ailleurs, depuis dix minutes, t'es assis sur le fauteuil de ton petit salon, les jambes repliées, et tu donnes des coups dans le petit pompon pour le voir aller et venir autour de ta tête. Tu n'oublies pas de regarder l'heure aussi, enfin, la seule heure que tu connaisses pour le moment. Et c'est bon ! Les aiguilles sont arrivées au bon endroit alors tu te lèves et tes pieds nus cognes sur le parquet du sol, dans un bruit que tu apprécies beaucoup. Tu te mets devant la porte, bien droit et tu attends. Bon. Tu attends quelques minutes mais ce n'est pas grave. T'es tenté par la clenche de la porte que tu ne quittes pas des yeux, mais tu restes sage et tu attends que l'on toque pour te jeter sur la poignée et ouvrir. C'est bien Alvin derrière ! Grand sourire pour toi.  « Joyeux Noël ! » Tu pouffes un peu. C'est aussi Leyla qui t'a dit de lui dire ça, au lieu de bonjour, que c'était le jour idéal pour ça. Tu te demandes même si il y a des bonjours spéciaux pour tous les jours et tu te dis que ça doit être bien compliqué de savoir lequel correspond à quel jour. Leyla a rit quand tu lui as fait part de cette grande inquiétude. Tu aimes bien son rire, il est fort, il fait mal aux oreilles même parfois.

Tu as bien dit les mots. En même temps, pour ne pas les oublier à cause de trop de pensées, tu les as noté sur un petit carnet quand tu es revenu dans ton petit studio. Tout semblait tellement petit ici. Les maisons des personnes, les couloirs... Même le jardin intérieur de la résidence. Ils t'ont conseillé de ne pas sortir seul pour le moment. D'attendre une après midi avec ton éducateur. Toi, tu te dis qu'ils savent mieux leur monde alors tu es sage et tu obéis. Tu ris encore quand il te dit que les chocolats se mange et tu secoues un peu ta tête de gauche à droite, l'air un peu surpris qu'on t'indique ce genre de chose. « Oui, je sais ça que ça se mange, ça se porte pas en bijoux ! » Il peut rentrer maintenant et toi tu essais de sentir la douce odeur de cacao à travers l'emballage plastique. Ça, tu connais bien déjà et tu as un peu de mal avec le fait que ça inhibe toute odeur délicieuse. Tu poses la boite sur un petit rangement à côté de la porte et tu vas te remettre dans ton fauteuil bien confortable, ramenant tes jambes comme quand il n'était pas encore l'heure de votre rendez-vous. « C'est Leyla, ma voisine ici qui me l'a dit. Elle me dit beaucoup de trucs mais elle ne me les explique pas. Elle me dit tu verras Collin. » Tu l'imites sur ces trois derniers mots que tu as entendu de sa bouche plusieurs fois déjà.

Tu te relèves aussi, rapidement, pour aller tout aussi promptement sur la petite table qui te servira à manger, quand tu feras tes repas toi-même. Pour le moment, tu les prends avec les autres. Enfin, c'est compliqué le repas avec toi. Tu prends un papier dessus et tu lui tends, pour qu'il le voit. « C'est écrit que c'est un repas de Noël ce soir et après il est marqué ce qu'il y aura. C'est marrant comme vous aimez bien tout écrire sur du papier ici. A la Terre Sacrée, le dire suffisait. Là, ça fait beaucoup de fois à écrire et beaucoup de papier à faire. Le papier vient des arbres, c'est pour ça qu'il veut mieux parler. La voix vient de nous, il vaut mieux nous user un peu plutôt qu'un autre être vivant qui n'a rien demandé... » Ça t'attriste un peu, mais ça, tu le savais. On vous apprend les faiblesses de ce monde, quand on vit dans celui qui était le tien. La consommation, le non-respect des autres... Tout ce qui semble bien sombre. Et tu baisses la tête, c'est pas le plus important, le papier. T'as le cœur un peu lourd et la voix bien plus basse d'un coup. « Je veux pas y aller Alvin. Ils mangent des animaux du début à la fin. Je veux pas les voir morts dans mon assiette, même si je ne les mange pas. » C'est dur pour toi. Vraiment très dur. On t'a dit déjà de laisser si tu n'en veux pas, mais ça devient de plus compliqué. Alors tu n'as rien mangé la veille, et aujourd'hui non plus. Leyla t'a ramené quelques fruits à croquer.

Ça te fait de la peine. Vraiment. Tu penses à tous ces animaux qui n'ont rien demandé et qui auraient pu simplement mourir de vieillesse. Tu sais bien que la nature n'est pas tendre non plus, tu l'as vécu avec les animaux de la ferme à la Terre Sacrée... Mais... Là, c'était différent. Parce qu'une créature de la nature se donnait le droit de décider pour un trop gros nombre. Tu comprenais le besoin carnivore de certains animaux mais toi, tu as vécu toute ta vie sans en manger. Du coup, tu n'arrives pas à te dire que les hommes ont des excuses. Tu ne relèves pas la tête et tu hausses les épaules. « Je ne crois pas non. Ce n'est pas une fête que de se réjouir de la mort d'autres êtres vivants. Mais j'aimerai bien pouvoir manger autre chose que des pommes et des bananes. » Au moins, ton estomac n'est pas vide. Mais tu es un gourmand, vraiment.

D'ailleurs, tu songes à quelque chose, d'un coup. Alors tu te relèves et tu te presses pour aller chercher les chocolats qu'il t'a offert, puis tu reviens de nouveau à ta place initiale, les pieds bien à terre cette fois. T'es penché en avant, bien concentré sur les ingrédients écris en tout petit derrière. Ça aussi, c'est Leyla qui te l'a montré. « C'est écrit de la poudre de lait... C'est comme du lait ? » Tu relèves le regard vers lui, l'air un peu perplexe. « Quand vous parlez de lait ici, c'est le lait de la vache non ? J'ai pas le droit d'en prendre non plus. On nous l'a dit à la Terre Sacrée. » On vous explique bien la surexploitation, le mauvais traitement des vaches laitières. Depuis tout petit tu le sais. Du coup, tu tends la boite vers Alvin. « Je ne pourrai pas les manger je crois. Ceux que je mangeais avaient pas de lait dedans. » C'est un assortiment, alors il y en a sans lait, mais tu t'es focalisé sur les ingrédients seulement.

Il t'explique ce qu'était Noël, pour eux. Tu écoutes mais très vite, tu songes à ce gros monsieur en rouge et blanc avec une longue barbe. Il rapportait des cadeaux aux enfants de sa famille ? Peut-être à ceux de la ville mais alors, il devait le faire sur beaucoup de leurs jours parce que tu avais pu remarquer, lors de tes déplacements, qu'il y avait bien plus de personnes ici que dans ta communauté.

Après, tu lui rends la boite qu'il reprend sans rien dire. Ce n'était pas un problème pour toi de rendre un présent. Si ça n'allait pas, tu n'allais pas le gâcher alors que c'était mal. Il revient avec un petit bol de ceux les plus foncés. Tu le regardes en prenant le bol, un peu perplexe. T'es pas certain qu'il dise vrai mais t'as envie de le croire alors tu en attrapes un et tu le manges. Tes lèvres s'élargissent dans un sourire gourmand quand tu reconnais le gout fort du cacao. C'est bon, vraiment bon. « Faire les courses ?... » Ce n'est pas un terme que tu connais. Bien que tu comprennes rapidement avec la suite qu'il s'agit alors d'aller prendre de quoi faire tes repas, comme il le précise. Toi, tu plisses un peu les yeux en t'imaginant courir dans un potager pour prendre ce dont tu as besoin, ou dans tes réserves. C'est idiot, autant le faire tranquillement. Enfin, tu verras bien.

Tu peux te lever quand il te parle des appareils, tu regardes un peu autour de toi, tapotant trois de tes doigts contre tes lèvres en observant ta petite pièce. Puis tu te diriges rapidement vers la petite kitchenette, toujours pieds nus contre le parquet. « Ça c'est un réfrigérateur. On en a aussi à la Terre Sacrée. » T'es fier de toi. A côté, un petit micro onde. Mais tu n'as pas essayé, t'as juste mis des serviettes dedans en pensant que ça faisait un beau tiroirs avec une vitre transparente pour vite attraper de quoi te nettoyer la bouche.

Tu prends la fiche et tu regardes, même si tu sais déjà utiliser u n réfrigérateur. Il pensait que vous viviez comme les colons ou quoi ? tu sais aussi pour le congélateur mais tu le laisses t'expliquer un peu. Tu relèves les yeux quand il dit que tu es mignon.  « ...Merci ?... » Les joues un peu rougies par le compliment que tu n'as pas vu venir et d'ailleurs, tu passes tes doigts dans tes cheveux pour les mettre mieux, tu ne les as pas coiffés ce matin. Tu ne comprends pas tellement pourquoi il te le dit d'un coup mais tu prends la gentillesse. Puis, tu aimes qu'on te dise ce genre de chose, tout ce qui est positif.

Il te parle du micro onde et pour le coup, tu ne connais pas. Le four suffisait chez vous. Du coup, t'as un peu de mal à comprendre l'intérêt de celui-là, aussi de lui donner un nom différent pour des appareils qui servent aux mêmes fonctions. « Chez nous, on appelle ça un four. Mais les nôtres sont plus grands aussi, puis ils sont en dessous de la gazinière. » Complètement autonome au niveau de l'énergie, les gazinières étaient chargées par des champs de betteraves, ainsi que le fumier des bêtes. Tout un procédé bien rodé pour permettre à chacun de se chauffer ses plats et de cuisinier. Jamais dans l'excès, évidemment. Du coup, la plaque électrique ne te parle pas beaucoup. C'est plat et froid quand tu mets ta main dessus. Comme quand tu as essayé lors de ton arrivée ici. « Je mets où l'allumette pour faire le feu du coup ? » Toi pour le moment, t'es concentré sur cette plaque que tu pensais décorative. Tu poses à plat ta seconde main et les bouges de part et d'autre de la plaque froide pour tenter de trouver. Sans trop le vouloir ou l'avoir fait exprès, tu l'allumes mais ne mets pas en route l'un des ronds de chauffage. Mais ça t'intrigue alors tu relèves les mains et tu appuies sur ce qui semble être une graduation. Un des rond s'allume de rouge et intrigué, tu fous ta main dessus. Mauvaise idée Collin, tu la retires bien vite en la secouant, un cri de douleur accompagnant le geste.