Levi&Yso ↝ you're a rockstar

J’appréciais le fait qu’Ysobel se montrait compréhensive du fait que ce groupe duquel j’avais fait partie et qui avait eu un succès éphémère, mais je ne me vis pas vraiment commenter pour lui préciser que c’était un sujet de conversation que j’avais fui si longtemps que maintenant je n’y parvenais pas plus qu’autre chose. C’était triste, mais avec la réalité qui accompagnait cette histoire, c’était mieux ainsi, encore et toujours. Évidemment, ça n’avait rien à voir avec précédemment, où le simple fait de penser à toute cette histoire me donnait envie de me refermer sur moi-même, faisait en sorte que je tremblais, désespéré à trouver ma prochaine dose en espérant que celle-ci soit suffisante pour tout oublier. Je me sentais un peu plus en paix avec moi-même, mais ce n’était pas parfait. Le serait-ce un jour ? Probablement jamais. Tant et aussi longtemps que je pouvais composer avec ce passé sans perdre pied à la moindre difficulté, je n’en demandais pas plus. Refusant dans le cas présent de mettre du stress sur ma personne alors que peut-être, je pouvais m’en passer, je décidai de détourner un peu la discussion, demandant une question simple et vague à mon interlocutrice, histoire d’en savoir plus à son sujet sans me montrer un peu trop inquisiteur. À ma question banale, j’eus une réponse banale, qui… porta un peu à confusion. Sachant que c’était une réaction individuelle, liée à mon manque de connaissance dans ce domaine, j’essayai de me rattraper, mais le  « Ah… » qui sortit de ma bouche vint trahir mon ignorance complète. Secouant la tête, je m’essayai à dire:  « Excusez-moi je… » Je m’arrêtai quand je me rendis compte que je n’avais pas tant songé à ce que je pourrais dire par la suite, pris un temps pour me rattraper, et finalement ajouter, d’un ton un peu plus posé:  « Ce… domaine, est un peu flou pour moi. » Je tentai tant bien que mal de faire un petit sourire pour montrer que j’étais vraiment désolé de ne pas en savoir davantage, sans toutefois la forcer de me donner plus de détails si elle ne le souhaitait pas, attendant de voir comment j’allais considérer le tout en buvant une nouvelle gorgée de ma boisson sucrée.

Ma confusion n’avait pas quelque chose de si idiot, au final. Enfin, c’était ce qu’Ysobel vint à me dire quand je lui avouai mon ignorance. Était-ce seulement pour me faire sentir mieux ? Je ne savais pas, mais qu’importe l’issue, je retenais une chose en particulier, à savoir le fait qu’elle paraissait compréhensive et que je l’appréciais. Des personnes moins bien intentionnées pourraient très bien faire preuve de jugement envers ma personne, se moquer, mais pas elle, ce qui me rassura davantage. Avec un petit sourire en coin pour venir prouver ce soulagement, je l’écoutai m’expliquer, en gros, ce qu’elle faisait. À ses dires, je ne pouvais pas prétendre avoir eu une illumination, comme quoi c’était tout à fait logique et que je comprenais tout désormais, mais disons que c’était un peu plus clair. Jamais je ne penserais que c’était un métier tout banal, ça ne m’était même jamais venu à l’esprit. Peut-être était-ce mon mutisme du moment qui fit penser à Ysobel autrement, mais pour sûr, je viens à réagir à son commentaire. Comment ? D’un rire nerveux. Clairement pas la façon la plus brillante de le faire, mais je n’avais pas su faire mieux pour le coup. Bien sûr que je comptais me rattraper, et je le fis plutôt rapidement, à savoir dès que je me fus calmé. D’un ton posé, je répondis:  « Ce n’était pas ce que je supposais. Je me doute bien que c’est plus complexe que ça. » Au point que je ne pensais pas avoir tout compris non plus, mais je ne cherchai pas à demander plus de détails sur la question. Après tout, il y avait probablement une raison pour laquelle elle s’en tenait à ces explications, non ? Peut-être que son métier était dangereux, peut-être qu’elle ne pouvait pas trop en parler non plus ? Pas que je ne pensais pas qu’elle ne m’en avait pas dit assez après, ce n’était que des suppositions que je gardai pour moi. Sachant toutefois très bien que l’idéal serait que je poursuivre la discussion au-delà de ses dires, je choisis de demander:  « Et ça fait longtemps que vous faites ça ? » J’étais conscient que peut-être l’occasion aurait été bien choisie pour changer le sujet, mais encore une fois, peu doué pour faire la discussion, je m’en tenais à quelque chose de plus confortable pour moi. Et puis, ce n’était pas comme si j’allais soutirer une information très secrète. C’était même une information qu’elle connaissait probablement déjà à mon sujet, si elle connaissait la progression et la création du groupe un minimum, même si j’avais fait un bien long arrêt et un très gros changement depuis le temps.

Sept ans, c’était un temps considérable quand même. Dans le monde professionnel, je supposais que c’était un temps pour considérer une personne stable dans une entreprise, un bureau, un truc comme ça. Dans la vie, c’était long, sept ans, il y avait bien des choses qui pouvaient changer. Et pour moi, sept ans, c’était une partie d’un trou noir que je n’avais pas vu passer tellement les jours se ressemblaient. Ce qui m’avait fait voir que les années défilaient pendant tout ce temps, c’était ma fille, qui grandissait, qui se moquait d’où j’en étais dans ma progression, ou dans ma chute plutôt. Je ne lui en voulais pas, au contraire, je ne voulais pas qu’elle le sache et qu’elle le voie, parce que son innocence, le fait qu’elle ne me jugeait pas, représentait tout l’or du monde à mes yeux. Maintenant que les choses allaient mieux, je réalisais que pendant presque dix ans, je n’avais rien fait de ma vie. C’était encore perturbant, mais j’apprenais à vivre avec, sauf quand je me rendais compte que j’avais trente-deux ans et aucune idée de ce que j’allais faire de ma vie. Je savais que je n’avais que moi à blâmer et malgré ça, c’était parfois complexe de répondre à ce genre de question. Enfin, si c’était bel et bien que qu’Ysobel voulait savoir, considérant que la question me paraissait un peu abstraite. Mais ne me voyant pas supposer que c’était un bonheur au point de vue personnel, amoureux - sur lequel je n’avais pas grand-chose à dire - je répondis:  « Pas encore. Enfin… Pas vraiment. » Au final peut-être aurais-je dû mieux réfléchir ma réponse, puisque celle-ci étant trop abstraite, je me sentis obligé de me justifier, ajoutant:  « Je continue de chanter parfois en attendant, et j’essaie de terminer le lycée. Après… Je ne sais pas. » Il était certain que vu ma position, la logique serait peut-être de reprendre la musique à temps plein, mais encore là, ce n’était pas une option pour moi, et comme pour rendre ça clair, j’haussai les épaules, ajoutant:  « J’aime bien la vie tranquille en fait. » Rentrer le soir pour voir ma fille, ne pas avoir un emploi du temps éclectique. Je n’étais peut-être pas riche et célèbre, mais je n’en avais pas besoin.  « Est-ce… trop demandé ? » Je ne savais pas pourquoi j’avais posé la question ainsi, et le fait de l’avoir fait sans trop réfléchir me rendit un brin nerveux, d’où le fait que je n’allai pas plus loin, essayant de reprendre contenance, en attendant de voir la suite des choses.

Je savais depuis un moment que retourner au lycée à mon âge n’était pas nécessairement la chose la plus courante au monde, mais en toute franchise, je ne m’attendais pas à une réaction aussi vive de la part de la jeune femme. En fait, ce fut à un tel point que je m’en montrai quelque peu perturbé, ne répondant pas dans un premier temps alors qu’il était plutôt simple de juste lui confirmer. Je le fis au final, mais après un petit moment, puis en hochant simplement la tête, comme si j’étais gêné - et en fait, je l’étais, un peu. Retourner aux études n’était pas vraiment une honte, au contraire, c’était une énorme étape que j’étais fier de franchir dans ma vie, mais le fait que ce ne soit pas typique, voilà ce qui était un peu… intimidant pour le coup. Mais heureusement, Ysobel ne parut pas me juger, trouvant au contraire que c’était une bonne chose. Surpris dans un premier temps, puisque je ne m’y en attendais pas, je souris quand je vis à quel point elle était compréhensive. Je me surpris même à lui répondre:  « J’aurais dû continuer à distance à l’époque mais bon… » Entre le groupe, le fait que je ne pensais plus que c’était important, parce qu’on m’avait promis que je serais riche, que je serais célèbre, pour un long temps, pour que je puisse vivre confortablement jusqu’à mes vieux jours. J’étais naïf, heureusement, je l’étais un peu moins, et mes priorités avaient clairement changé. La popularité, ce n’était plus pour moi, je l’assumais, et même si je ne changerais pas mon avis parce qu’on me disait le contraire, il me fit du bien de voir que je ne disais pas n’importe quoi et que mes idées ne faisaient pas de sens. Ayant le sourire vraiment facile pendant cette discussion, je me permis même d’ajouter un petit:  « C’est vrai… » Et ça, je l’avais oublié un peu trop longtemps, ou plutôt, je ne savais plus qui j’étais pendant tout ce temps. Je commençais petit à petit à le découvrir, le redécouvrir. Il avait fallu du temps, même si peut-être, pour certains, c’était un peu… drastique, à commencer par mon interlocutrice. Quand je le réalisai, j’eus un brin de rire nerveux, puis je dis:  « Ça doit vous faire un peu étrange quand même… » Je n’allai pas jusqu’à poser une question par rapport à ça, mais je laissai quand même mon propos en suspens, le temps de voir si elle voudrait renchérir sur la question, ou si peut-être le mieux serait de changer de sujet, ce à quoi je ne serais pas totalement fermé non plus.