Le chant des dauphins (Micah)

Il y a déjà quelques mois, je ne me souviens plus quand exactement, j’avais fait la connaissance d’un garçon. En soit, ça n’a rien d’exceptionnel, ce genre de choses arrivent tous les jours, mais ce fameux soir, j’étais totalement à côté de mes pompes. J’avais essayé de le dragué, chose que je faisais régulièrement ; et puis je n’avais pas encore renouer avec Yohann, c’était tout juste si on se croisait lui et moi. Bref, j’avais essayé de draguer ce garçon, mais il n’avait pas eu l’air de comprendre ou je voulais en venir. C’était comme si je venais réellement de Mars et lui de Vénus. A non, mince, c’est l’inverse. Enfin, je crois. Je ne sais plus. Je sais seulement que la soirée aurait pu tourner cours parce que je l’avais mis mal à l’aise et moi-même, j’étais gênée d’avoir totalement raté mon coup. Ou de ne pas avoir compris que ce n’était pas dans ses habitudes. Quoiqu’il en soit, il m’avait dit qu’il travaillait au zoo, en tant que soigneurs pour dauphins ou quelque chose comme ça. Je ne suis pas très futée, alors il se peut que je ne m’en souvienne pas. Toujours est-il que j’avais dit que j’irais le voir là-bas, et je ne l’ai jamais fait. Les mois ont passés et j’ai tout simplement oublier ce garçon dans un coin de mon esprit. Et voilà qu’il y a quelques jours, j’ai été contacté par ce zoo. J’avais participé à un concours au printemps dernier ; ce dont je ne me souvenais plus du tout. Concours qui me permettrait, si je venais à être tirer au sort, de gagner deux billets d’entrée pour le zoo. Et il se trouve que j’ai gagné. Ma cousine étant venue passer le week-end à la maison, je lui ai proposé d’y aller avec moi. Elle a accepté, mais, à peine arrivé au parc, elle est tombée sur des amis à elle et s’est empresser d’aller le rejoindre, me plantant là. J’avais finis par oublié que nous n’évoluions pas dans le même groupe d’amis, elle et moi. Je l’ai donc laisser avec ses amis et mes pas m’ont guidés jusqu’à l’espace réservé aux animaux marins et plus particulièrement vers les dauphins. Micah, car c’est son prénom, est justement auprès d’eux, et je l’observe de loin, sans savoir si je dois aller le saluer ou pas. Se souvient-il au moins de moi ? Rien n’est sûr. Après tout, notre rencontre remontre à y a plusieurs mois en arrière, j’étais saoule et notre conversation n’aura duré que quelques minutes, si ma mémoire est bonne.

 « Sammy… tu as fait ça des centaines de fois, pourquoi tu ne veux pas aujourd’hui… ? » Une personne aveugle passerait non loin ici et maintenant, il serait certainement persuadé que j’étais un parent qui parlait à son enfant. Et au fond, c’était un peu le cas, sachant que j’étais proche des dauphins dont je m’occupais, Sammy en faisant partie, mais ce n’était pas ça. Plus encore, je n’avais pas tant pour habitude de leur parler ainsi, mais là, j’estimais que c’était nécessaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que le principal concerné par mes propos refusait de collaborer. Il y avait toujours des récompenses à la clé, comme toujours, mais là, rien du tout. Il ne semblait pas malade, il ne semblait pas de mauvaise humeur pourtant mais… Non. Pour être franc, ça m’inquiétait un peu, pas tant parce que j’allais avoir l’air un peu idiot à ne pas savoir que faire de mon dauphin pendant une démonstration, ça, je pouvais toujours improviser. J’étais un peu inquiet parce que je ne parvenais pas à savoir ce qui se passait avec mon protégé. Était-ce normal ? J’estimais que oui, et j’étais persuadé que n’importe qui faisant le même métier que moi montrerait une inquiétude similaire dans une situation comme celle-ci. Prêt à sauter dans le bassin pour voir ce qui n’allait pas, je ne pus toutefois pas nécessairement le faire, puisque les gens commençaient à arriver. Enfin, il n’y avait pas grand-monde, je pourrais toujours le faire, mais par mesure de précaution, je me retins, sachant que je pourrais être appelé à intervenir à l’extérieur. Plus encore, ç’a arriva plus rapidement que je ne le pensais. Enfin, je ne me fis pas aborder, mais je vis une personne, une jeune femme, ralentir sur son chemin. Poli, je lui lançai un petit:  « Bonjour… » qui n’était pas tant convaincu. M’approchant encore, je réagis un peu plus, disant:  « On se connaît, n’est-ce pas ? » En fait, j’étais persuadé que je la connaissais, mais le souci était qu’avec l’inquiétude concernant Sammy, je ne me rappelais pas de son prénom. Allait-elle me guider, ou étais-je en train de complètement me tromper ? Ça restait à voir, à voir ce qu’elle ferait, ce qu’elle me dirait.

Si on ne se connaissait pas tant que ça, comment se faisait-il que son visage me disait quelque chose ? Fronçant les sourcils, je ne dis rien dans un premier temps, supposant, espérant qu’elle ajoute quelque chose. Et heureusement pour moi, elle le fit, me rappelant cette soirée un peu étrange où je m’étais osé à aller en boîte de nuit. Enfin, ce n’était pas de mon propre gré, c’était pour faire plaisir à un ami dont c’était l’anniversaire, et je me demandais encore aujourd’hui si je le regrettais ou pas. Et puis, il y avait eu cette rencontre avec cette jeune femme, Elena, qui avait été plus qu’inconfortable. Mais finalement, les choses ne s’étaient pas si mal déroulées lorsque nous avions commencé à discuter. Me rappelant de tout ça, surtout de la fin qui avait un caractère un peu plus positif que le reste, j’eus un petit sourire quand je m’exclamai:  « Oui, je me souviens ! » Et elle, se souvenait-elle que de mon nom ou bien de mon visage ? Je ne savais pas, et je n’avais aucune idée si ce serait approprié de lui demander ou pas. Et au bout du compte, je n’en eus pas le temps, raison étant qu’elle enchaîna rapidement avec une question que je ne captai pas au début, mais quand je me rendis compte qu’elle était surtout en train de regarder Sammy, mon dauphin rebelle du moment, ce fut soudainement un peu plus clair. Secouant la tête, je répondis:  « Pas vraiment. C’est juste que ce matin il fait à sa tête… » Et pour tout dire je ne comprenais pas pourquoi, encore et toujours. C’était bien embêtant, j’espérais vraiment que ce ne soit rien de grave. Après une pause, je soupirai doucement et j’ajoutai:  « Mais il est très sociable, donc si tu veux t’approcher, ne t’en fais pas. » En effet, il ne semblait pas d’humeur à être agressif ou un truc du genre. De toute façon, jamais je ne l’avais vu dans un état hostile envers les gens. Ça m’étonnerait - et me ferait vraiment peur - s’il s’y mettait à cet instant précis.

Cette soirée avait été un fiasco sur bien des points. J’étais venue faire la fête et surtout pour revenir accompagner, mais, j’étais revenue les mains vides ! Je l’avoue, sur le moment, ça m’avait mise en colère et aujourd’hui, avec du recul, je me rendais bien compte que cette colère que j’avais ressentie ; et dont je n’avais rien montrer ; était ridicule. Parce que dans le fond, quelle espèce d’importance étais-ce ? Et aujourd’hui, je ne courais plus après les garçons, comme je pouvais le faire à cette époque. Et puis, dans le fond, j’avais peut-être gagner un ami ? Alors certes, depuis cette date, nous ne nous étions pas revue une seule fois. Mais, ma vie avait été plutôt charger. Entre le retour de Yohann, le départ de Jade, mon envie de reprendre mes études et de trouver un travail qui me plaise vraiment, ça faisait beaucoup. Et, je suppose que lui aussi devait sans doute avoir une vie bien chargée. Nous étions tous dans ce cas-là. Enfin, je crois. Donc, comme il s’interrogeait, je lui dis que l’on ne se connaissait pas tant que ça ; ce qui était vrai car on ne peut pas dire que l’on connaisse vraiment une personne que l’on n’a croisé qu’une seule fois, si ? Que nous avions fait connaissance au court d’une soirée en boîte de nuit. Il s’en souvenait. Il ne me rappela pas son prénom, mais je m’en souvenais. C’est d’ailleurs assez étrange que je me souvienne de ce genre de détail, moi qui à l’époque, ne voyait pas plus loin que le bout de mon nez. Je le questionnais ensuite à propos du dauphin, car j’avais cru comprendre qu’il y avait un problème. Il m’indiqua que non, juste que l’animal n’en faisait qu’à sa tête. « Je vois. Il est un peu comme moi question d’humeur ! » dis-je, sur le ton de la plaisanterie. Après tout, il m’arrivait assez souvent de me réveiller de mauvais poil. Apparemment, c’était aussi le cas de Sammy. « C’est vrai ? Je peux ? » dis-je, soudain, tout excitée. « Je n’ai jamais approché un dauphin de près ! » ajoutais-je. Mais puisqu’il me le proposait, je n’allais certainement pas rater cette occasion, aussi, je m’approchais du bassin sans tarder.

Je ne savais pas vraiment si je pouvais comparer l’humeur d’Elena à celle du dauphin que je connaissais presque par coeur, raison étant que de ce coté je ne connaissais pas tant la jeune femme quand on y pensait, d’où le fait que je jugeai préférable de ne pas passer de commentaire sur le sujet. Et puis, au vu du ton de voix qu’elle avait emprunté, je vins à supposer que c’était là une blague, et je préférai de loin le considérer ainsi. Pour toute réponse, je lui servis un petit sourire timide, changeant aussi quelque peu le sujet de conversation, proposant à le jeune femme de s’approcher davantage, comme bien des gens aimaient le faire. Et elle n’était pas une totale inconnue, du coup, cela me dérangeait encore moins, enfin, j’en avais l’impression. Après, encore fallait-il qu’Elena soit d’accord mais ça, ce ne fut pas difficile à déterminer; rapidement, elle parut plutôt enthousiaste à l’idée, me demandant de confirmer comme si ce que je disais n’était pas vrai. Sans hésiter, j’hochai la tête pour lui démontrer qu’il n’y avait pas de souci. Comme une de ces gamines que je voyais faire parfois, elle s’approcha, avec un enthousiasme qui avait quelque chose de mignon. Sans attendre, je fis signe à Sammy de s’approcher du bord et à mon soulagement, il s’exécuta, posant sa tête sur le rebord du bassin, calmement. C’est là que je mentionnai à Elena :  « Il aime beaucoup qu’on lui caresse le museau, si tu veux lui toucher. » Parce que s’approcher était une chose, le contact, ça en était une autre. Évidemment, il ne fallait pas qu’elle se sente inconfortable à l’idée d’être quelque peu trempée, à voir si elle était prête ou pas, je ne pouvais pas faire ce choix pour elle.

J'avais tenté de faire de l'humour, oubliant que je ne le connaissais pas vraiment et que donc, il n'y était pas forcément réceptif. Mais, depuis que je tentais de faire amende honorable en changeant de comportement avec les gens. en devenant plus amicale, moins désagréable. Plus gentille aussi, j'essayais de faire des blagues. Le plus souvent, ça tombait malheureusement à plat. Soit parce que les gens ne me connaissaient pas, soit parce que, au contraire, ils me connaissaient et ne savaient pas s'il fallait en rire ou en pleurer. Micah se classait dans la catégorie des gens qui ne me connaissaient pas. Pas vraiment en tout cas, et le résultat était le même. pouvait-il en rire ou pas? Et quand on ne sait pas, le mieux est de ne pas prendre de risque. J'avais fini par l'apprendre à mes dépends.

Il me proposa ensuite de m'approcher du dauphin, ce dont je ne me fis pas prier. Il y a un an encore, j'aurais sans doute refusé, malgré une envie irrésistible de le faire. Pourquoi ? Tout simplement pour ne pas me faire mouiller bien sûr ! Je ne voulais pas prendre le risque de bousiller mes chaussures et foutre en l'air mon brushing. Mais, en un an, j'avais bien changé et j'étais beaucoup moins superficielle. Aujourd'hui, je me fichais que mes chaussures soient mouillées. Quant à mes cheveux, ce n'était pas bien grave, une douche et on en parlerait plus ! Aussi, je me rapprochais du bassin et Sammy le dauphin fit de même. Il posa sa tête sur le rebord. Il n'avait pas l'air d'avoir si mauvais caractère, pensais-je. "Tu es magnifique !" dis-je, à l'animal. Et venant de moi, c’était bien plus qu'un compliment. Car sur ce pont, je ne desserrais pas facilement les dents. Le jeune homme m'indiqua ensuite que si je le voulais, je pouvais le toucher. Là encore, je ne me fis pas prier et tendis la tête vers Sammy. Enfin, vers son nez plutôt. C'était bizarre, mais désagréable.

Je ne passai pas de commentaire par rapport au propos de la jeune femme, non pas que je n’étais pas d’accord, en fait, c’était tout le contraire. En effet, j’étais quelque peu biaisé à ce sujet, dans le sens que moi aussi, je trouvais que les dauphins avaient quelque chose de magnifique. J’aimais les animaux en général, et j’étais persuadé que si j’avais été appelé à travailler ailleurs dans le zoo, je n’aurais pas su me plaindre, j’aurais su apprécier mon travail autant que je l’appréciais en ce moment, mais travailler avec ces dauphins avait quelque chose de spécial, surtout concernant le lien que j’entretenais avec eux. Ces dauphins n’étaient pas que des animaux avec qui je travaillais. Ils étaient mes amis, aussi idiot cela puisse paraitre aux yeux de certains. Histoire d’éviter d’autres jugements d’autrui comme trop souvent j’avais pu le vivre, je n’en parlais pas ouvertement, mais cela ne changeait pas l'affection que je leur portais. Du coup, voir Elena s’approcher, caresser Sammy et celui-ci, apprécier, j’étais un peu comme un papa fier. Je restais à l’écart, je les laissais faire, puisque je ne pensais pas qu’il y aurait de danger, sauf si Elena avait déjà bu à une heure qui était relativement matinale et elle tombait dans le bassin. Plus encore, je me permis même de dire à un moment:  « Il t’aime bien, je crois. » Sauf s’il faisait un caprice, Sammy était plutôt docile avec les gens, aimait l’attention, mais au vu de son état d’esprit du moment, il était particulièrement étonnant de le voir comme ça, d’où le fait que je me permis de tirer un propos comme ça. N’étant pas du type vendeur, je ne lâchais pas des dires comme ça si je ne le pensais pas. Après, Elena pourrait en faire ce qu’elle voulait, ça ne me gênait pas.

L'aspect de la peau du dauphin était étrange. Ce n'étais pas désagréable, mais c'était comme touché du caoutchouc. Enfin, c'était l'effet que ça me faisait. j'étais loin d'être une fille brillante, alors il se pouvait que je sois totalement à côté de la plaque. Je ne dis pas que j'étais stupide, mais n'importe qui dans ce parc était probablement bien intelligent que moi. Je ne m'en offusquais pas, puisque je le savais. Je n'avais jamais beaucoup aimer l'école, je préférais sortir et m'amuser plutôt que de m'instruire. J'avais tout de même eut mon bac, mais sans me casser la tête, en y allant à la "cool" et n faisant le strict minimum. Jusqu'à il y a peut de temps, je ne voulais pas travailler, car je n'en avais pas besoin. Mais, j'ai finis par me rendre compte que ce n'était pas en faisant continuellement preuve d'oisiveté que j'allais me montrer crédibles aux yeux des gens que j'aimais bien et plus encore, de Yohann. Alors j'avais commencer à réfléchir et l'idée de devenir esthéticienne ou conseillère en mode s'était imposée dans mon esprit. Yohann m'avait donner pas mal de conseils judicieux, que j'avais suivis à la lettre, résulta,t au moins de septembre prochain, j'entamerais mon contrat de professionnalisation. J'avais hâte. Je savais que ça me plairait, parce que c'était un milieu qui me passionnait. Et quand je vois Micah avec ses dauphins, je me dis que c'est ce qu'il y a de mieux. De travailler dans un milieu qui nous passionne,je veux dire. "Moi aussi, je l'aime bien !" dis-je, avec un grand sourire, en me tournant vers le jeune homme. "Il y en a d'autres dans le parc ?" demandais-je alors, car je ne voyais que lui, ce qui me surprenais un peu.

Souriant au commentaire d’Elena, je repris mon sérieux à la question qu’elle me posa ensuite. Non pas qu’elle me déplaisait, au contraire, elle était parfaitement légitime, et je me sentais très confortable d’y répondre, puisque c’était mon champ d’expertise, mais je voulais lui offrir une réponse complète, et ne pas me contenter de répondre par oui ou non. Rassemblant l’essentiel dans ma tête, je dis:  « Oui, il y en a cinq en tout temps. » Et oui, elle n'en voyait qu’un seul, ce qui ne venait pas vraiment prouver mon propos de façon très efficace. Pendant la pause que je marquai, je sifflai entre mes dents, faisant signe à un second dauphin de s'approcher, sans poser sa tête sur le rebord pour le moment. Une fois qu’il fut bien en vue, j’ajoutai:  « Lui c'est Finot. Ce sont les deux dauphins avec qui je travaille principalement avec les visiteurs. » Parce qu’ils étaient les plus sociables et obéissants… Quand ils le voulaient, bien évidemment. Passant outre ce détail, je poursuivis:  « Les autres sont dans un autre bassin. Les gens peuvent les voir mais ils ne peuvent pas les toucher. Généralement ce sont ceux que j'entraine lorsque j'ai du temps libre pour les spectacles. » Ainsi, lorsque j'avais besoin de plus que deux dauphins, ils étaient là.  « Après il y a toujours une certaine rotation pour leur laisser un temps de repos. » Parce que bien sur nous n’étions pas des monstres. Il n'était pas question de faire de la surexploitation et j’étais le premier à m’en assurer, tentant de rester toujours attentif à leurs besoins et les combler aussi bien que possible, puisque j'étais attaché à ces créatures, plus qu’à la majorité des êtres humains.