Jules&Levi ▬ I want to feel no shame

Si la conversation avait été un peu plus légère, moins sérieuse, pour sûr j’aurais servi un sourire particulièrement enjoué à l’adresse de Jules afin de lui faire savoir qu’effectivement, je ne regrettais pas du tout d’avoir pris la décision de laisser entrer Haley dans ma vie, même si cela n’avait pas toujours été des plus faciles. En effet, j’avais bien compris que Savannah n’était pas heureuse de la situation dans un premier temps, et que je n’avais pas été exemplaire dans les trois premières années de la vie de ma fille, raison étant que je n’étais pas là, bien que je le voulais. En fait, si ça n’avait été que de moi, pour sûr j’aurais quitté le groupe dès sa naissance, histoire d’être présent. Peut-être que si je l’avais fait, les choses se seraient passées autrement, peut-être que je ne serais pas ici, parce que je n’aurais pas eu de raison de me sentir aussi misérable quand elle n’était pas avec moi, peut-être que j’aurais eu moins de démons avec lesquels j’étais obligé de composer maintenant, qui m’habitaient encore et qui m’habiteraient toujours, même si j’avais espoir de trouver un moyen pour pouvoir vivre normalement une fois que je serais sorti de ce centre et que je sois capable d’être le meilleur père qui soit pour ma fille, en étant aussi présent et disponible que je pouvais l’être, que Savannah me laissait l’être, évidemment. Mais dans l’ensemble, vu le bonheur que ma princesse, mon rayon de soleil m’apportait au quotidien, je ne regrettais absolument rien, et de ce fait, je ne comprenais pas comment mon père, ou n’importe quel père ayant refusé de prendre la responsabilité de son enfant, pouvait se priver d’un tel bonheur. Mais étant mal placé pour juger, pour sûr, je ne me vis clairement pas commencer à m’emporter ou quelque chose du genre au moment où Jules m’expliqua le pourquoi du comment elle en était venue à me poser cette question. Plus encore, je me congratulai même de n’avoir rien dit et l’avoir écoutée jusqu’au bout, puisque ma prise de position n’aurait fait aucun sens dans le cas présent, compte tenu du fait que la situation n’était pas du tout la même. Cependant, cela fit en sorte que je ne sus pas vraiment que dire, laissant mon visage se déformer en une grimace un peu maladroite et pas très jolie et que je ne sus faire autrement que de dire:  « Je vois… », comme si je voulais faire usage de ces deux simples mots pour tenter de trouver ce que je pourrais ajouter. Parce que même si je n’étais pas des plus doués pour ce faire, je voulais quand même essayer d’aider Jules, la rassurer, je ne savais pas trop. De plus, ce n’était pas comme si c’était un sujet délicat comme ma cure ou quelque chose du genre. Si ça avait été le cas, pour sûr, je n’aurais pas réagi de cette façon, mais là, c’était un sujet avec lequel j’étais confortable. Tout ce qu’il me fallait, c’était faire un effort pour tenter de trouver quoi dire précisément. Puis, choisissant que le plus simple serait le mieux dans le cas présent, je choisis d’affirmer:  « Après j’ai vécu deux situations, pas exactement pareilles, mais un peu liées. Moi j’ai décidé d’assumer ma paternité, et mon père lui, jamais. Il est parti sitôt que ma mère a appris qu’elle était enceinte… » Réalisant que je ne savais pas trop où j’allais avec tout ça, je marquai une pause, puis j’ajoutai:  « Mais après… Si tu crois que Rose se doit de connaître son père, qu’il mérite de savoir qui elle est et tout, alors tu devrais le faire. Comme ça, tu n’auras rien à te reprocher, et s’il ne veut pas l’accepter dans sa vie, ce sera lui, le fautif dans l’histoire, à mon avis. » Un petit sourire apparut sur mes lèvres en guise de conclusion, bien que je ne sois pas des masses convaincu que ce soit la meilleure chose à dire, mais au moins, je ne m’étais pas permis de rester sans mot. Tout ce que j’espérais maintenant, c’était que j’aurais aidé la jeune femme du mieux que je pouvais dans le cas présent, bien que je sois indéniablement pas des plus doués.

Jules n’aurait jamais pensé qu’elle puisse en venir à se confier à Levi. Il faisait partie de ces personnes que l’on ne réussissait pas à sonder. Il pouvait bien être en train de vous juger et de vous mettre sur la liste des personnes indésirables, on ne le voyait pas forcément. Jules savait qu’elle était de celles où tout se voit sur leur visage. Elle n’était pas une très bonne menteuse à cause de cela. Pourtant, cela ne l’avait pas empêchée de mentir à sa fille depuis toutes ces années et encore plus depuis quelques semaines. Elle avait toujours gardé le secret sur son père mais à l’époque, elle ne savait pas où il était, elle ne savait pas ce qu’il faisait. Ce n’était pas vraiment un mensonge destructeur mais plutôt un mensonge par omission. Maintenant, les choses étaient bien différentes puisque Jules savait très bien où elle pouvait trouver Spencer. Il était dans cet hôpital à quelques rues de son propre travail et il lui suffisait de quelques mots pour que sa fille et son père se rencontrent enfin. Non… elle ne les avait pas prononcés ces mots et elle ne savait pas si elle y arriverait un jour. Elle était dans la plus totale solitude et incompréhension en ce moment alors en voyant Levi, en se rappelant qu’il n’était pas étranger à ce genre de situations, elle avait fini par se dire qu’elle pouvait lui parler. En plus, il semblait de bon poil aujourd’hui donc autant en profiter. En fait, il était même de relativement bons conseils ou en tout cas, elle ne décelait pas de jugement dans ses paroles et c’était ce dont elle avait besoin. Il semblait réellement la pour l’aider du mieux qu’il le pouvait et elle appréciait cela. Elle ne savait pas encore si cela l’aiderait beaucoup à prendre sa décision mais au moins elle aurait eu l’impression de prendre le taureau par les cornes. « Je suis désolée pour ton père. .. toi tu as pris la bonne décision parce que tu as l’air vraiment heureux de l’avoir maintenant. » Elle lui sourit timidemen, regardant rapidement les filles qui étaient lancées dans une très longues conversations elles aussi. Probablement qu’avec le temps elles leur donneraient du fil à retordre mais pour l’instant on en était loin. « C’est pas sa réaction à lui qui m’inquiète… » lui dit elle avec une pointe de nostalgie dans la voix. Elle reporta son regard sur Levi avant de reprendre. « Enfin un peu mais que parce que ça peut toucher Rose. Je pense à ce qu’elle va penser de lui ou ressentir si jamais il ne veut pas d’elle dans sa vie. On ne peut pas regretter ce que l’on n’a jamais connu… c’est ce que je me suis toujours dit pour me donner bonne conscience. » Que sa fille souffre était la dernière chose qu’elle voulait et cela lui faisait de plus en plus peur. « Mais après j’ai aussi peur qu’elle m’en veuilles… ne pas lui avoir parlé de son père toutes ces années et la ne pas le lui présenter alors que je l’ai enfin retrouver. .. j’ai un peu l’impression de foirer en ce moment. » Autant pour l’un que pour l’autre en réalité parce qu’elle savait bien qu’ils avaient le droit de connaître l’existence de l’un et de l’autre mais elle n’arrivait pas à s’y résoudre. Elle se passa la main dans les cheveux avant de souffler un peu. « Je suis desolee, tu dois avoir mieux à faire que de m’écouter mais en tout cas je t’en remercie. » Elle lui sourit sincèrement pour le remercier du temps qu’il lui avait accordé alors qu’il aurait peut être préféré le passer avec sa fille.

Au commentaire de Jules concernant mon père, je ne fis que hocher la tête et hausser les épaules, comme pour lui montrer que personnellement, cela ne m’affectait pas. Puis, je souris doucement pour lui montrer qu’effectivement, j’étais plus qu’heureux d’avoir Haley dans ma vie, ne me permettant pas de m’étaler sur le fait que la vérité était qu’elle était probablement mon seul bonheur en ce moment. Ce serait trop personnel et en mon sens, inapproprié. Parce que somme toutes, la conversation tournait autour de Jules, pas de moi, et je ne voulais pas changer cela. Non seulement, ce serait malpoli mais de plus, je n’étais pas du genre à aimer parler de moi de toute façon, donc bon. De ce fait, je gardai le silence, laissant alors l’occasion à Jules de poursuivre dans ses confidences, m’avouer ce dont elle avait vraiment peur, réalisant que ce n’était pas vraiment la réaction du père de Rose qu’elle craignait, mais plutôt de sa fille, ce qui était, sommes toutes, logique. Pendant un instant, je me rendis un peu ridicule de lui avoir répondu essentiellement de mon point de vue, mais rapidement, je me rassurai en me disant que non seulement, c’était mon opinion qu’elle m’avait demandé dans un premier temps et que de plus, j’aurais pu difficilement lui donner une autre réponse, considérant le fait que je ne savais pas comment Haley l’avait pris à proprement parler. Évidemment, je me doutais bien que ça n’avait pas dû être très difficile, considérant que nous nous entendions très bien tous les deux. Et puis, elle avait trois ans la première fois que je l’avais vue, pas assez vieille pour réaliser ce qui se passait. Rose, elle, avait l’âge de ma fille, plus consciente de ce qui l’entourait, davantage susceptible de réagir, je n’avais aucun doute là-dessus. Pour sûr, elle aurait une réaction bien différente, et par conséquent, Jules avait, en mon sens, raison de penser que ce ne serait pas aussi simple. Mais après, pouvais-je vraiment lui donner raison à haute voix ? Est-ce que ça aurait vraiment lieu d’être ? Trop peu certain pour le coup, je me contentai de la laisser poursuivre jusqu’à ce qu’elle dise qu’elle craignait que sa feuille lui en veuille de ne pas lui avoir dit, de lui avoir menti. Pour ça, je me crus peut-être un peu mieux placé pour passer un commentaire, même si je ne m’étalai pas; je me contentai de simplement hausser les épaules, puis dire:  « Peut-être qu’elle comprendra que c’était pour son bien, enfin, je sais pas… » Rapidement, je regrettai un peu mon choix de mots, réalisant que celui-ci n’avait clairement pas été des plus brillants, même si j’avais basé le tout sur quelque chose de concret que Jules savait; le fait que je n’avais pas dit à Haley ce qui m’avait poussé à venir ici à proprement parler pour le moment. C’était juste la tournure de phrase qui avait été un peu boiteuse, à mon avis. Enfin, je ne pouvais pas complètement ravaler mes propos non plus, mais je jugeai toutefois préférable de ne pas ajouter quoi que ce soit par la suite. Cela lui donna l’occasion d’en venir à s’excuser, puis me remercier de l’avoir écoutée. À ces propos, je crus bon de reprendre la parole, et affirmer:  « Tu n’as pas à t’excuser, si j’ai pu aider un peu, c’est tant mieux… » Je n’en vins pas à dire que cela me faisait plaisir, parce que pour tout dire, je n’avais pas suffisamment l’habitude de laisser les gens se confier à moi et les conseiller pour dire que cela me faisait plaisir. Mais au fond, je devais admettre que je ressentais un certain contentement, comme si je pouvais être utile à quelqu’un, trouver un sens à ma présence, et un sens à ma vie, ne serait-ce qu’un tout petit.

L’aide et les conseils de Levi étaient une véritable surprise. Jules ne s’était pas attendue à avoir du soutien venant de sa part mais elle en était très heureuse. Elle avait toujours eu l’impression qu’il ne l’appréciait pas vraiment. Il faut dire qu’ils avaient des caractères complètement opposés sur le papier donc ce n’était pas toujours évident de s’entendre. Pourtant, aujourd’hui semblait leur prouver qu’ils pouvaient réussir à développer une relation des plus sympathiques ou en tout cas efficaces. Jules espérait sincèrement qu’elle pourrait lui rendre la pareille autrement qu’en gardant Haley de temps en temps. Peut être qu’ils finiraient par se revoir lorsqu’il sortirait enfin du centre. Elle ne savait pas encore si elle en avait réellement envie mais en tout cas, elle savait que ce serait beaucoup plus agréable que leurs rencontres passées.

Par ses paroles, Levi lui permettait de se détendre légèrement et de prendre confiance en elle pour ce qui allait probablement advenir dans le futur sur le père de Rose. Lorsqu’il lui dit qu’elle comprendrait peut être elle tourna son regard vers leurs filles qui semblaient lancées dans une conversation des plus passionnantes et un sourire un peu triste naquit sur son visage. « J’espère que tu as raison… » Il n’y avait plus que cela à faire de toutes façons, espérer. Après tout, elle n’allait pas tout plaquer et les faire déménager simplement parce qu’elle avait peur de ce qu’elle pourrait découvrir sur son père. Spencer n’était pas un monstre, en tout cas, il ne l’était pas à l’époque donc elle serait sûrement ravie de le connaître mais elle avait peur de leur réaction à tous les deux par rapport à elle-même. en fait, elle avait simplement peur de les perdre tous les deux à cause de cette histoire qu’elle ne savait pas du tout comment gérer. Ce n’était pas non plus comme si elle avait fait exprès de tomber enceinte sans connaître un seul détails sur la manière de contacter le père. Elle secoua sa tête et se tourna de nouveau vers Levi pour se reprendre alors qu’il était en train de lui dire qu’elle n’avait pas à s’excuser de s’être légèrement épanchée sur sa vie privée. Elle lui sourit en guise de remerciement et elle finit par regarder l’heure se rendant compte que cela faisait déjà un bon moment qu’ils étaient là ? « On va y aller je pense, je vais pas te déranger plus longtemps. » Elle appela Haley pour qu’elle puisse dire une dernière fois au revoir à son père et pendant qu’elles assistaient à cette scène, elle caressa les cheveux de sa fille avant d’embrasser le haut de son crâne. L’important resterait toujours l’amour qu’ils portaient à leurs enfants donc cela ne devrait pas les inquiéter outre mesure de savoir comment ils allaient gérer les problèmes de leur vie, autant que ce soit pour une information qu’elle avait toujours omis de lui donner ou une cure en centre qui aurait pu gêner au premier abord. Ils restaient de bons parents et c’était ce qui devait rester dans l’esprit de chacun mais surtout de leur progéniture.