Le hasard frappe toujours au moment où on l'attend le moins [Feat. Trent Donnelly]

Cela faisait cinq ans que l'italien était installé en ville, il n'avait pas réellement d'amis, simplement des connaissances, notamment à l'hôpital où il passait beaucoup plus de temps que dans sa propre maison. Elias n'était pas vraiment dans son assiette ces derniers temps, surtout au vu du diagnostic des médecins qui était sans appel. Il était condamné. Il ignorait combien de temps il lui restait à vivre, mais sa vie devenait essentielle pour chacune des heures qui passaient, il essayait d'en profiter au maximum tant qu'il le pouvait.

Aujourd'hui, un nouveau rendez-vous à l'hôpital avait été fixé afin de voir l'évolution de sa malformation cardiaque. C'est donc pas vraiment de gaieté de coeur que le jeune homme se rendit à celui-ci. Après tout, pourquoi suivre l'évolution de tout ça alors qu'il n'y avait qu'une seule issue possible ?

Il prit donc sa voiture pour se rendre dans l'établissement médical avant de se garer sur le parking puis entrer dans le hall du bâtiment. Il connaissait quasiment par coeur désormais le chemin pour rejoindre le service de cardiologie. Sur le chemin, Elias ne faisait pas vraiment attention, il était perdu dans ses pensées sans prêter attention au reste, il n'était pas en forme aussi bien physiquement que mentalement, il était extrêmement fatigué et ça se ressentait.

C'est donc arrivé dans le service qu'il s'annonça puis prit place sur un des sièges dans la salle d'attente avant que son tour arrive.

Etonnant, comme la vie continue. Trent avait posé ses valises à Washington D.C. en début d'année. Une situation qu'il voulait temporaire. Ça ne lui avait pas traversé l'esprit un seul instant qu'il puisse encore s'y trouver huit mois plus tard. D'autant plus qu'il avait trouvé ce qu'il était venu y chercher. Sa femme, son fils. Mais ces derniers avaient construit une vie ici pendant son absence, et Trent se sentait presque comme une imposture dans ce nouveau monde qu'ils avaient créés à deux. Mais ça ne pouvait pas durer éternellement. Il fallait revenir à la réalité au bout d'un moment, et Trent était prêt à attendre. Du temps, il en avait à revendre. Il avait le mérite d'être installé confortablement en ville et s'était même surpris à avoir développé sa propre routine. Il avait des voisins, des connaissances, des semblants d'amis. Il était inévitable qu'il doive reprendre le boulot à un moment ou à un autre. Ses ressources n'étaient pas inépuisable, et il était incapable de dire combien de temps allait se passer avant qu'il puisse rentrer chez lui en Californie, ou même s'installer dans une toute autre ville avec sa famille. Un nouveau départ. Alors Trent s'était présenté à l'hôpital et, dans ce qui s'apparentait à de la chance, un poste de chirurgien s'était ouvert. Trent pouvait admettre qu'exercer sa pratique lui avait manqué. Un semblant de normalité dans cette vie de fou. Une nouvelle journée avait commencée, mais Trent n'en avait pas vu le début. Il avait veillé toute la nuit, suite à un grave accident de voiture sur l'autoroute qui s'était produit au beau milieu de la nuit. Tout le monde avait été réquisitionné pour prendre en charge le flot de blessé, et dans l'effervescence de la chose, Trent avait à peine remarqué que le soleil s'était levé. Le rush était enfin fini, la pression retombée et le chirurgien s'était approprié la première salle de repos disponible. Il était endormi avant même que sa tête ne touche l'accoudoir du canapé. Les allers et venus du personnel eu raison de son sommeil quelques heures plus tard, et après un repas rapide à la cafétéria, Trent pris la direction de l'accueil de son service pour récupérer quelques dossiers. Quelques patients traînaient dans la salle d'attente, rien d'inhabituel, mais l'un d'eux attira son regard. Il dû s'y reprendre à plusieurs fois. Une fouille calculée et profonde dans les entrailles de sa mémoire. Quand il trouva enfin le nom, ça lui paraissait comme une évidence. « Elias? ». Le soleil d'Italie, l'odeur des arbres fruitiers. Cela faisait plusieurs années, Trent aurait été incapable de dire combien. Ça lui paraissait presque avoir été dans une autre vie étant donné toutes les choses qui s'étaient passées depuis. Qu'il croire un vieil ami d'Italie dans un hôpital au cœur de Washington n'était certainement pas la chose la plus folle qui lui été arrivée.

Elias n'avait pas vraiment d'amis ici, et pourtant, cela faisait déjà quelques temps qu'il s'était installé à Washington. Est-ce qu'un jour il s'imaginait quitter son pays natal pour aller vivre le rêve américain ? Sans doute pas non, mais la vie n'était pas toujours comme on pouvait l'espérer. Il y avait des imprévus qui venaient bouleverser la routine qui s'installait un peu plus de jour en jour.

C'est ce qui s'était passé pour l'italien, après avoir perdu la femme qu'il aimait ainsi que son meilleur ami, il s'était retrouvé ici en essayant de se reconstruire, de reprendre le train train quotidien qu'un créateur de jeux vidéos peut avoir. Et finalement, son état s'était dégradé au fil du temps.

Voilà pourquoi aujourd'hui il se retrouvait une nouvelle fois à l'hôpital, au service cardiologie. La situation dans laquelle il était ne lui permettait pas de profiter de la vie comme il l'aurait voulu. Il vivait au jour au jour, tout en craignant que sa vie ne s'arrête à chaque heure qui passe. Vivre dans une telle crainte n'est pas vraiment humain.

Attendant parmi les autres personnes dans la salle d'attente, l'italien fut sortit de ses pensées moroses par une voix qui semblait reconnaître. En relevant la tête, son regard se posa sur un homme, celui qui l'avait appelé. Trent. L'homme qu'il avait connu en Italie avec qui il avait partagé une amitié avant que chacun ne doive reprendre leur chemin et les deux hommes s'étaient alors perdu de vue.

" - Trent ? Si je pensais te voir ici, quelle surprise. Comment vas-tu ?"

C'était vraiment une surprise, il ne s'attendait pas à retrouver son ami ici, et encore moins dans ce genre de situation. Ils avaient certainement beaucoup de choses à se dire, à supposer qu'ils avaient encore quelque chose à partager ensemble, depuis le temps qu'ils ne s'étaient pas vu.

Cela frôlait presque l'improbable. Comme un voisin que l'on croise à l'autre bout du monde, une anecdote cocasse et surprenante qui nous fait inévitablement dire que ce monde est petit. Trent avait toujours vu Elias au même endroit. Lors de ses vacances en Italie, lorsqu'il rentrait au bercail pour l'été. Puis le temps était passé et ils s'étaient perdus de vie. Il l'avait presque oublié. Et voilà qu'il était là à présent. Un fragment de son passé, d'une époque bien plus douce et désinvolte, resurgit subitement au milieu de la salle stérile d'un hôpital. Trent n'aurait pu le prédire. Le chirurgien s'autorisa une seconde pour l'observer. Il n'avait pas bien changé. La preuve, il l'avait reconnu d'un coup d'œil. Juste les traces laissées par le temps qui passe, les mêmes que Trent devait arborer au coin de ses yeux. Trent reposa le dossier entre ses mains sur le comptoir de l'accueil et se rapprocha de son ami. Elias n'avait pas très bonne mine, mais peut-être s'agissait-il seulement de la leur peu flatteuse des néons de l'hôpital. « C'est une sacré surprise, en effet! » s'exclama-t-il lui aussi, amusé par la situation. «  Ça va et toi? » répondit-il. Il n'allait certainement pas entrer dans les détails problématiques de sa vie avec un gars qu'il n'avait pas vu depuis des années. Qu'est ce qui t'amène ici? » demanda-t-il en désignant la pièce d'un signe vague de la main. En toute honnêteté, Trent ne se souvenait pas de beaucoup de détails sur Elias. Ils n'avaient jamais eu une amitié très intime. Ils n'échangeaient pas de secrets, pas de conversations très profondes. Ils étaient juste là pour passer du bon temps, profiter du soleil et des activités. Elias pouvait être à l'hôpital pour un bon nombre de raison. Quelque chose de grave, quelque chose de bénin. Peut-être cela le concernait-il ou peut-être encore attendait-il quelqu'un. Un membre de sa famille, un ami, un enfant. Le spectrum des possibilités était trop important pour que Trent puisse commençait à faire des déductions. L'un dans l'autre, s'il pouvait aider Elias avec le peu d'influence qu'il avait en ces lieux, il se ferait un plaisir de le faire.