Charlie + Lost on the first day

Comme je m’y en attendais, la directrice de l’école vint me confirmer qu’elle avait plein de choses à faire, et pourtant, elle était là, encore et toujours, à me guider jusqu’à ma salle de classe, alors que peut-être, à ce point, elle n’aurait pas eu besoin de le faire. De ce que j’avais pu remarquer sur notre trajet - parce que je tentais d’y porter attention un minimum quand même, histoire de ne pas refaire les mêmes erreurs - les murs, la décoration en général avaient changé, laissant place à quelque chose de plus sobre… Je n’y connaissais absolument rien en décoration d’écoles, sachant que moi-même, je n’avais pas eu un parcours bien normal, mais ça me paraissait un peu plus adulte, approprié pour le niveau d’enseignement, j’imaginais. Clairement, je n’étais pas là pour m’attarder à ce genre de détails, préférant, et jugeant surtout plus poli, de continuer à faire la conversation, venant à ajouter:  « La rentrée scolaire ne doit pas être de tout repos pour vous… » J’avais tenu ce propos avec un sourire un peu nerveux, signifiant que je voulais compatir, lui souhaiter bon courage, mais que je ne savais tellement pas ce que son rôle était en cette journée que je ne pouvais pas en dire davantage. Peut-être qu’elle, elle saurait le faire ? Je ne voulais pas l’obliger non plus, prendre davantage de son temps, même si de mon côté, je semblais en avoir encore un peu, les salles de classe étant encore vides d’un côté puis de l’autre, de ce que j’avais pu remarquer rapidement.

Le lycée avait été rénové il. y a peu de temps. Certains bâtiments étaient vieux et tombaient en ruine, et certains puaient l'humidité. Alors ces travaux n'avaient pas été de trop ! Ils avaient duré longtemps et les cours avaient du être déplaces dans des bâtiments pré-fabriqués mais l'essentiel était que maintenant tout était de retour à la normal. Les adolescents pouvaient apprendre dans des bonnes conditions, et sainement Et les adultes aussi d'ailleurs maintenant qu'une section avait été ouverte. Charlie marchait toujours aux côtés de Levi, le guidant dans le dédale des couloirs. Il s'était inquiété sur toutes les choses qu'elle devait avoir à faire. Charlie lui avait confirmé, effectivement elle en avait des papiers à remplir, d'autres à signer, des personnes à recevoir en entretien et encore un million de choses à faire. Mais elle aimait cela. Et accompagner un adulte perdu faisait aussi parti de ses tâches. "C'est ma première ici. C'est énormément de stress, et de boulot, il faut que tout soit réglé en temps et en heure mais c'est tellement intéressant aussi." Et épanouissant. "Et vous ? Vous travaillez toujours ? Ou vous avez tout arrêté pour reprendre vos études ?" Sûrement que c'était écrit dans son dossier mais elle n'avait pas tous les dossiers en tête.

En plus du fait que la rentrée ne devait pas être un moment reposant, il s’agissait en plus de la première fois qu’elle le faisait. Seulement en tant que directrice, ou en général ? Ou était-ce sa première dans cet établissement ? Dans ma tête, c’était flou, puisque je ne m’y connaissais pas vraiment, mais je n’osai pas demander trop de détails non plus. Je voulais surtout faire la conversation, pas lui faire passer un interrogatoire dont elle n’avait certainement pas besoin. Par conséquent, je me contentai d’accuser réception de l’information qu’elle m’avait transmise d’un signe de tête, ne demandant pas quoi que ce soit, ne passant pas de commentaire par la suite puisque de toute façon, je n’en aurais pas eu le temps. En effet, ce fut elle qui reprit la parole, me posant une question à mon sujet, pas trop gênante pour le moment. Bon, peut-être elle aurait pu me donner l’impression d’être jugé pendant un instant, mais au vu de comment elle l’avait dit, pas vraiment, et je devais avoir que ç’avait quelque chose de réconfortant. Plus encore, cela me permit de répondre, plus aisément que je ne l’aurais cru:  « Je travaille le soir seulement. » Ce qui me permettait inévitablement de venir ici pendant la journée. C’était principalement ce qui m’avait finalement poussé à reprendre les études, mais ce n’était pas la raison principale. Et alors que peut-être elle ne voulait pas que je partage ma vie, je me retrouvai à dire quand même, un léger sourire au coin des lèvres:  « Ma fille commence le lycée aussi aujourd’hui. » Et cette idée de partager ça avec elle, de pouvoir lui apporter mon soutien, c’était ce qui avait été, en mon sens, le plus motivant. Et aussi, c’était ce qui venait justifier une autre chose, soit:  « C’est pour ça que j’étais dans la mauvaise section… Je suis rentrée avec elle dans l’école. » Je terminai mon propos d’un rire nerveux, déterminé à ne pas aller plus loin dans mes propos, histoire de ne pas devenir trop lourd, et lui laisser le temps de réagir, dire quoi que ce soit si elle le souhaitait.

Charlie était le genre de femme passionnée par son travail. Davantage encore depuis son divorce. Elle mangeait travail, elle dormait travail, il n'y avait plus que cela dans sa vie. Et puis, la direction d'un établissement demande tout de même un gros investissement personnel et professionnel et elle n'avait jamais hésité une seconde avant de prendre le poste. Elle le savait donc en s'engageant qu'elle risquait de passer de nombreuses heures dans cet établissement. A remplir des papiers, recevoir des parents, des élèves, des professeurs en demande de mutation ou en burn-out, et à faire tout le reste de son travail à côté. Mais elle ne s'en plaignait pas, jamais. Parce que c'était sa passion. Alors qu'elle était aux côtés de Levi, cet élève perdu dans les couloirs, elle lui posa une question. Elle espérait qu'elle ne soit pas trop personnel, mais vu qu'il lui répondit, elle put en déduire que non. "Et vous faites quoi ? Enfin, si ce n'est pas trop indiscret. Cela risque d'être fatiguant d'enchainer les deux." Déjà un travail c'était bien fatiguant, alors travailler en plus des cours de la journée, des devoirs et de la fatigue qui s'accumulait, elle ne pouvait qu'imaginer l'état à la fin de la journée. Levi lui indiqua que sa fille commençait le lycée aujourd'hui également. Il lui avait déjà dit au début de la conversation, mais elle ne voulait pas le froisser en lui rappelant."On arrive bientôt".

Je ne fus pas tant surpris que mon interlocutrice vienne à me demander ce que je faisais comme métier. La conversation tournait autour de cela, et je ne m’étais pas montré réticent à lui en parler. Plus encore, c’était une question banale, et heureusement pour moi, ce n’était plus une question gênante désormais. Peut-être qu’il y a trois ans, jamais je ne me serais permis de répondre, pas précisément en tout cas, mais là, il ne fut pas trop difficile de dire:  « Je chante dans le bar d’un hôtel pendant l’apéro, ça ne prend que deux ou trois heures. » En plus de dire ce que je faisais, j’avais pris le temps de mentionner que je ne travaillais pas pendant des heures, essayant de la rassurer comme quoi je ne pensais pas que ce serait trop complexe de combiner les deux. Après, peut-être je me trompais, peut-être que j’allais me rendre compte que c’était trop fatiguant, mais je n’avais pas l’intention d’abandonner bien rapidement. Je voulais faire les efforts pour continuer à remettre ma vie en place et être une personne dont Haley pourrait être vraiment fière, et non pas seulement parce que j’étais son père. Gardant tout cela pour moi, supposant que j’avais suffisamment parlé de ma fille pendant la discussion - peut-être même un peu trop, il fallait blâmer le stress - je n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit d’autre que la jeune femme m’indiqua que nous étions sur le point d’arriver. Était-ce la fin de notre conversation ? Fort probablement, mais je ne pouvais pas la blâmer. Acquiesçant, je crus quand même bon de lui dire:  « Je vous remercie encore une fois pour votre aide. Je ne crois pas que j’y serais arrivé autrement. » Et pendant longtemps je serais resté l’individu qui traîne dans la section du lycée qui ne lui est pas destinée… Ça craint non ? Enfin, cet incident était passé, et le serait complètement lorsque nous serions à la salle de classe, à condition que je ne me perde pas une nouvelle fois, évidemment. Mais devant le numéro de salle en question, je ne pouvais pas aller bien loin. La dernière chose que je fis, ce fut de saluer une nouvelle fois la directrice de l’école, ne manquant pas de la remercier une dernière fois, avant de finalement entrer dans la classe, juste à temps pour mon tout premier cours de mon grand retour au lycée.