Frères et sœurs sont aussi proches que mains et pieds. {ft. Noah}

Summer était une leçon d’humilité et d'humanité sur deux pattes; alors que je voulais vivre de mon art, ce qui était loin d’être simple et je le savais depuis une éternité, elle, tout ce qu’elle voulait, c'était avoir une vie normale. Dans ces moments là, je me sentais toujours mal, et ce n’était pas sa faute, c’était la mienne. Et aussi, j’en voulais au monde, à ceux qui demandaient la lune comme si tout leur était du alors que ce n’était pas le cas. Ce n’était pas pour ça que je craignais qu'elle ne trouve pas un bon boulot, c’était parce que je savais que c'était difficile. J'avais bien tenter de trouver un autre travail que celui que j'avais à l'université, mais trop souvent, on m'avait reproché de ne pas être assez sérieux, de ne pas avoir d’expérience. La première excuse, je prenais sur moi, je le savais que j'étais comme ça. La seconde, je trouvais que c’était plutôt paradoxal, considérant que je ne pouvais pas prendre d’expérience si on ne me laissait pas une chance... J’étais dans le même cercle vicieux en ce moment. Bref, le point était surtout qu'en attendant, je pouvais prendre sur moi, reprendre le boulot que je n’aimais pas alors que je croyais être prêt à faire le saut, prendre le risque, espérer que le fait de ne pas avoir de revenus me pousserait à chercher plus amplement à vendre mes services et mes dessins. Mais si je faisais ça, je n’aurais pas les moyens de payer un loyer et ainsi, je ne rendrais pas ma petite soeur heureuse... Cette dernière avait bien vu que je m'y résignais, que cela ne me faisait pas plaisir, mais il était difficile de lui mentir sur ce sujet. Mais pensant que mes raisons étaient bonnes, je n'eus pas trop de mal à savoir pourquoi je le faisais. Le plus difficile était de trouver les bons mots pour le lui expliquer. Voilà pourquoi je pris quelques secondes, avant de dire:  « Parce que j'ai envie de faire ma part pour toi parce que je t’aime. » C'était cette dernière partie la plus importante à mon avis; que je l’aimais. C’était clair, je ne ferais pas ça pour tout le monde. Bon, je n'écartais pas l’affirmation selon laquelle c'était une situation gagnante, puisqu’elle sortirait de la maison, certes, mais moi aussi. C'était la meilleure chose à faire, j'en étais convaincu, ou plutôt, j’espérais que ç’allait me convaincre que ce l'était.

Je réalisais que j’avais été un peu dramatique dans ma façon d’annoncer à ma petite soeur que j’allais reprendre cet emploi que je n’aimais pas pour lui venir en aide, nous venir en aide. Enfin, j’avais l’impression que c’était ça qui la poussait à me dire que je m’éloignais de ce qui m’importait, alors que ce n’était pas le cas, et je m'en sentais un peu coupable. Baissant la tête, j’inspirai pour réfléchir à mes propos, pour dire:  « Tu ne m’éloignes de rien, au contraire ! C'est grâce à toi que je vais avoir un peu d’autonomie. » Je l’avais dit avec un sourire, mais c’était quand même vrai. Seul, je ne savais pas si j'aurais fait l’effort de si tôt de quitter le domicile familial. Un jour je me serais décidé, j'en doutais pas, mais pas demain, pas dans les prochaines semaines, dans un avenir rapproché et ça devenait vraiment concret. Dans l’immédiat, cela ne sembla pas assez pour rassurer Summer, qui vint me poser une question particulièrement délicate. Enfin, elle ne l'était pas aux premiers abords, mais pour moi, elle l’était, parce que j’avais le sentiment que chaque fois que j'en parlais, j’allais me faire juger. Mais Summer, c'était différent, c’était ma petite soeur, je lui faisais confiance. Mais est-ce que j'avais envie de rejouer ce qui me semblait être une vieille cassette qui ne faisait plus de sens ? Pas vraiment, mais je sentais que j'avais plus ou moins le choix. Passant une main dans mon visage, je dis:  « En ce moment j’aimerais… Pouvoir vivre de mes dessins, mais je m'attendais à ce que ce ne soit pas simple… » Parce que non ce ne l'était pas, et si ça devait attendre encore six mois, un an, tant pis. Ce n'était pas la fin du monde après tout, avoir une vie normale était important aussi, et avec Summer, je savais que ça promettait d'être agréable, et je serais heureux, puisque libre, et ayant l'impression de faire quelque chose qui n'était pas égoïste en même temps.

Summer ne faisait rien de mal et elle n'avait pas à se sentir inconfortable que je veuille faire des efforts. Ces efforts, j’aurais pu et surtout, j’aurais du les faire bien avant aujourd’hui. Summer n’avait pas donc à se sentir coupable, en fait, je devrais être reconnaissant qu'elle me donnait la petite poussée dont j'avais besoin pour quitter la maison avec elle, trouver les moyens de le faire, même si cela impliquait de laisser de coté mes rêves pour plus longtemps, à croire que jamais ceux-ci ne pourraient se réaliser. C'était à un point qu’en parler me semblait absurde, ridicule de penser que je pourrais gagner ma vie avec ce que je dessinais, persuadé que c'était ce que je faisais de mieux. Je ne faisais pas souvent part de comment je me sentais par rapport à ça, ne voulant pas être lourd. Du coup, le confier à Summer, c'était inhabituel pour moi. Inhabituel et redondant à me dire, aussi paradoxal ce soit en fait. Mais contrairement aux rares personnes à qui j’avais osé en parler, Summer ne me fit pas le discours que ça viendra, sans ajouter quoi que ce soit, comme pour se débarrasser de la discussion. Au contraire, elle me proposa de me soutenir, de m'aider. Comment ? Je ne saurais le dire, je n’avais jamais pensé que quelqu’un pourrait me filer un coup de main pour tout dire, et j’en étais surpris, mais agréablement surpris. Une fois le petit choc passé, j’eus un petit sourire, et je lui dis:  « Tu es la meilleure, tu le sais ça ? », me permettant ensuite de déposer un baiser sur sa joue. Ensuite, j'ajoutai:  « Pour le moment je vais reprendre ce boulot et on verra, d’accord ? » Parce que l'argent pour le loyer, j'en avais besoin, nous en avions besoin ici et maintenant. Et puis, ce n'était pas comme si nous n’allions pas avoir le temps d'en discuter; nous allions habiter ensemble, ce n’était pas rien, n'est-ce pas ?