Haley & Levi ▬ I'm in love with an uptown girl

Au moment où Haley prit le relais dans la chanson, ce fut avec un grand soulagement que j’accueillis cette réaction, supposant que si jamais elle ne m’avait pas crue ou un truc du genre, ce n’était pas ainsi qu’elle aurait réagi. Je me retrouvai alors à sourire dans un premier temps, maladroitement, et tant bien que mal, je tentai de poursuivre avec elle, mais au final, je n’y parvins pas. Mine de rien, ce que j’étais en train de vivre, c’était un moment charnière dans mon parcours vers ma guérison complète. En effet, cela faisait depuis la séparation du groupe que je n’avais pas chanté ouvertement. Parfois, je m’étais retrouvé à fredonner quand j’étais seul, seul et surtout particulièrement défoncé, mais jamais je n’avais vraiment chanté devant Haley, même si ce n’était pas l’envie qui m’avait manqué, à plusieurs reprises, de lui chanter une berceuse, de chanter avec elle pour le plaisir quand elle regardait un film. Mais chaque fois, je m’étais retrouvé bloqué dans mes vieux souvenirs qui me faisaient trop de mal pour me permettre de pleinement profiter d’une chose que je faisais avec une grande aisance précédemment. Ce fut donc plutôt ému que je m’obligeai à la regarder lorsqu’elle posa ses mains sur mes joues, faisant mon possible pour ne pas céder aux larmes quand elle en vint à complimenter ma façon de chanter. Combien de fois avais-je voulu qu’elle me dise une telle chose ? Non pas juste parce que je pensais le mériter, simplement parce que je l’avais entendu de bien des gens, mais venant d’elle, ç’avait une valeur très différente, une valeur qui faisait en sorte que j’avais envie, si elle le souhaitait, de me promettre, de lui promettre que j’allais recommencer, même si ce n’était que pour elle. Jamais je ne remontrais sur scène, mais si je pouvais retrouver un certain plaisir, je n’allais clairement pas m’en plaindre. Tentant de me conforter avec cette idée, me conforter avec les propos de ma fille, je tentai de rire doucement à son commentaire, au fait que j’avais regardé mes pieds. Ça, je le savais très bien que ça n’avait rien de crédible, mais je n’avais pas su comment réagir. Je ne savais toujours pas comment le faire, mais je ne voulais pas y songer pendant un instant. Le mieux que je pus faire à ce moment, ce fut de me laisser conforter par ma petite princesse, l’écouter me parler de ce que sa mère avait pu lui dire me concernant, concernant l’époque où nous nous étions rencontrés, puisque je savais désormais qu’elle lui avait tout raconté. Je me permis de sourire quand elle en vint à passer un commentaire sur mon apparence de l’époque - même si j’étais tout sauf convaincu que ce soit séduisant - puis rire légèrement quand elle mentionna que j’avais un peu plus de poils qu’à l’époque.  « C’est vrai. » Voici tout ce que je lui répondis avec un petit sourire. Je ne me permis pas de lui dire qu’en toute franchise, je me préférais ainsi, me disant que ce serait un commentaire ne menant pas à grand-chose, considérant le fait que de toute façon, je ne faisais plus tant attention à mon apparence. Précédemment même, j’évitais de me regarder dans le miroir, voir mon regard creux, mon teint pâle. Je me doutais bien que j’avais repris un peu de couleur et de consistance depuis ma cure, et c’était tant mieux, mais je n’étais pas tant soucieux pour autant. De plus, m’en tenir à un si simple propos me permit de garder mon sourire un petit moment, jusqu’à ce qu’Haley en vienne à me poser une nouvelle question, me faisant perdre quelque peu ce sourire. Est-ce que Derrick lui en avait déjà parlé ? Ou Savannah ? Ne sachant pas trop quoi dire, mais n’osant pas vraiment laisser tomber une autre grosse vérité, je me contentai de hocher la tête, et dire:  « Si on veut. », prenant la décision de laisser à sa mère ou à celui qu’elle appelait son oncle le choix de lui révéler ou pas. Et puis, je n’aurais pas eu l’occasion de tout lui dire, puisque rapidement, elle enchaîna avec une nouvelle question, encore plus sérieuse, délicate, et me concernant, donc à laquelle je ne pouvais pas m’échapper. Enfin, peut-être que oui, je pourrais m’en sauver, mais je n’en avais pas envie, je n’avais pas envie de lui cacher quoi que ce soit. Évidemment je n’irais pas au point de lui dire tout ce qui s’était passé, mais je crus quand même que je pouvais lui dire:  « Je ne te l’ai pas dit parce que cette période de ma vie n’a pas toujours été rose. » Connaissant ma petite princesse, sachant qu’elle était curieuse, je décidai de m’arrêter là, sans toutefois la laisser en reste. En effet, je ne tardai pas à l’embrasser sur le front, me rapprochant un peu plus d’elle, puis je lui dis:  « Un jour, je t’expliquerai tout. Je dois juste mettre encore un peu d’ordre dans ma tête… » Je savais que le plus gros du travail avait été fait en cure de désintoxication, mais dans la vraie vie, devant la seule personne que je ne voulais pas décevoir, c’était fort différent à mon avis, et il me fallait encore un peu de temps pour composer avec cela. J’espérais juste qu’elle soit capable de me l’accorder, même si sûrement que pour elle, ce n’était pas simple. Mais heureusement, pour le moment, elle ne sembla pas trop embêtée, puisqu’elle en vint à me faire une demande qui me surprit dans un premier temps, mais quand elle la justifia, finit par m’amuser. Je dus admettre que pour moi, envers ma fille, c’était une demande spéciale, mais après, ce n’était pas la fin du monde non plus. Alors, dans un haussement d’épaules, je lui répondis:  « Écoute, si ça peut te faire plaisir… » Après, il me faudrait peut-être un crayon pour le faire, mais au pire, ça pouvait attendre. Nous avions encore du temps devant nous, n’est-ce pas ?

Aussi paradoxal cela puisse-t-il être, je n’avais jamais voulu rester complètement silencieux concernant mon passé avec le groupe, encore moins avec les gens que j’appréciais et qui, à mon avis, avaient droit de savoir ce qui m’affligeait tant. Ce qui m’avait fait si peur par rapport au fait de m’ouvrir, c’était une grande et unique chose; la réaction de ma fille. Que ce soit au centre de désintoxication avec les psychologues, avec Savannah ou avec Haley, ma crainte restait toujours la même; je redoutais qu’Haley en vienne à me détester, à ne plus me voir comme j’étais précédemment, alors que je savais que je n’étais clairement pas le père de l’année à la base. Pire encore, je craignais que si jamais elle venait à savoir la vérité, elle en viendrait à ne plus vouloir de moi dans sa vie, et moi, je ne voyais pas ma vie sans elle, de près ou de loin. La perdre, c’était probablement là ma plus grande peur, ma phobie si je pouvais le dire ainsi. Et pourtant, ce n’était pas parce que je pensais que ma fille était une mauvaise personne et ne saurait comprendre ce que j’avais vécu, comme elle me le prouva de nouveau en se montrant compréhensive, en ne voulant rien d’autre que mon bien-être, même si cela signifiait qu’elle ne saurait pas la vérité dans l’immédiat, et surtout, elle ne voulait pas que je retourne au centre. À cette révélation, j’eus un pincement au coeur, et je m’obligeai à déglutir pour ne pas avoir un hoquet ou quelque chose du genre. Ce n’était rien de mal, c’était juste l’émotion, l’émotion qui me montrait à quel point ma fille était adorable, à quel point je l’aimais. Et même si je ne me voyais pas tout lui avouer, sa réaction me donna quand même la force de lui dire, après l’avoir embrassée tendrement sur le front:  « Je n’y retournerai pas, je te le promets. » Après, j’aurais peut-être pu lui expliquer que si je ne voulais rien dire malgré tout, c’était parce que ce qui s’était passé dans ce centre m’avait secoué, mais encore là, ça reviendrait à tout lui expliquer, ou du moins, laisser les choses en suspens, et ce n’était pas ce que je voulais. Je ne savais pas encore comment je pourrais tout lui dire, mais je voulais le faire plus tard, en ces circonstances qui me conviendraient, même si je ne saurais déterminer ce qu’elles seraient à cet instant précis. Par contre, cela ne voulait pas dire que je ne pouvais pas lui faire plaisir malgré tout. Au contraire, je me serais senti particulièrement coupable de gâcher complètement ce moment. C’est pourquoi, même quand elle se ravisa de me faire signer sa pochette pour en faire quelque chose de plus tard, et que je me rendis compte qu’elle ne la rangeait pas tout de suite, je me décidai à prendre mon courage à deux mains, prendre la dite pochette, et lui dire:  « J’irai chercher un feutre tout à l’heure. Tu me le rappelleras si j’oublie. » Cela ne voulait pas dire que ça ne me ferait pas étrange, non seulement dans le contexte, mais aussi parce qu’à la base, je n’avais pas signé quoi que ce soit, sauf des papiers formels, depuis près de dix ans maintenant, mais pour elle, j’étais prêt à le faire, comme pour elle, j’étais prêt à faire pas mal de choses, y compris chanter pour elle, alors que jamais personne ne m’avait convaincu de le faire toutes ces années. Décidément, il n’y avait qu’elle qui avait ce pouvoir sur ma personne, il n’y avait qu’elle qui savait me rendre à la fois faible, mais à la fois plus fort, peut-être même sans le vouloir. Enfin, je ne disais pas que ce serait suffisant pour me faire passer outre toutes les barrières psychologiques que je m’étais imposé avec le temps, mais là, tout de suite, ce fut assez pour que je ne sois pas mort de trouille à l’idée de lui chanter une autre chanson. Au contraire, ce fut avec amusement que j’accueillis la proposition - pour mon plus grand plaisir d’ailleurs - et que dans un hochement de tête positif, je lui dise:  « D’accord. » Puis, après une petite pause, une pause pendant laquelle j’avais considéré la fameuse pochette pendant une seconde, je finis par lui demander:  « Laquelle ? » Je me doutais bien qu’une chanson à son choix lui ferait plaisir, je l’espérais en tout cas, et même si j’avais tenté de pas mal tout oublier concernant le groupe, il n’en demeurait pas moins, et je m’en étais rendu compte il y a quelques minutes, que ces chansons, je les connaissais toujours. C’était comme si elles étaient encore ancrées dans ma tête, et décidément, jamais elles ne sauraient en sortir. Pendant un bon moment, j’avais cru que c’était un mal, et j’avais tout fait pour les oublier, mais maintenant, je me disais que ce n’était pas si affreux que cela, pas quand il était question de faire plaisir à ma princesse en tout cas.

Afin de montrer à ma fille que j’avais bien accusé réception de ses propos, je hochai la tête au moment où elle me dit que je n’avais qu’à penser à elle si jamais je vivais un moment plus difficile. Je décidai de ne rien ajouter, puisqu’au vu de l’émotion qui était en train de me prendre à ce moment précis, je savais que je ne saurais pas dire quoi que ce soit de compréhensible. Je n’en étais pas au point de céder aux larmes, mais ce serait suffisant pour que j’aie la gorgée nouée, je le savais. Et puis, qu’aurais-je pu lui dire ? Que c’était ce que je faisais déjà ? Que c’était ce que j’avais toujours fait, même si parfois, ce n’était plus assez fort pour me faire tenir le coup ? Savait-elle qu’elle était la seule raison pour laquelle je voulais tenter de remonter la pente seul, et que son absence me faisait toujours rechuter ? Que lors des moments plus difficiles au centre, je pensais à elle, et je me disais que je faisais cela pour elle ? Peut-être qu’au fond, elle le savait, parce qu’elle l’avait deviné, mais je ne me sentais pas d’attaque à le lui dire. À la place, je préférais profiter de cette seconde chance qui m’était donnée, de faire en sorte de la rendre heureuse, comme elle, elle me rendait heureux au quotidien. Et ça, je le ferais toujours sans poser de questions, même si cela devait me mettre dans une position inconfortable, comme en ce moment. Tout d’abord, même si je n’étais pas encore certain que j’avais envie de faire une telle chose, sachant que ça me ferait drôle, j’avais accepté de signer sa pochette, simplement pour la voir sourire, la voir heureuse. Et là, je venais, en quelques sortes, d’accepter de chanter de nouveau pour elle. Je savais que je l’avais fait précédemment, et de ce fait, ça me gênait moins. Et puis, je ne pouvais pas le nier, au moment où j’avais décidé de lui donner la preuve qu’elle voulait plus tôt, j’avais cru sentir une étincelle me rappelant le plaisir que j’avais de chanter lorsque j’étais petit. Je m’étais senti m’approcher de ce rêve que j’avais souvent caressé, soit celui de chanter pour elle, avec elle, sans obligation. Bien sûr, je n’en étais pas à ma première fois, si on comptait les fois où je lui avais fredonné des berceuses pour l’endormir, lorsqu’elle était petite, mais selon moi, elle ne s’en souvenait pas, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Limite, j’avais pensé pendant un moment que c’était mieux ainsi, mais là, je n’avais plus envie de penser de la sorte. J’avais envie de le partager avec elle, qu’importe si cela me rappelait de mauvais souvenirs. Décidé à le faire, je lui avais donc demandé quelle chanson elle voulait entendre, pour finalement être pris de court par le fait qu’elle préférait que je choisisse et que pire encore, elle me l’imposait. Et têtue comme elle pouvait l’être, je savais qu’elle n’allait pas lâcher le morceau. Inspirant profondément, je décidai de trouver une potentielle inspiration sur la pochette non loin, et c’est là que j’aperçus le titre d’une chanson que j’avais toujours aimée chanter, et ça, ce n’était pas pour dire que c’était ma préférée. Me disant qu’il n’y avait pas mieux en ces circonstances, je fermai les yeux un petit instant, le temps de me concentrer, et finalement, quand je me sentis prêt, je les rouvris, puis je commençai à chanter cette chanson, pas aussi convaincu que je ne l’avais été par le passé, mais quand même d’une voix plus convaincante que précédemment, déterminé à la chanter pour ma fille, pour lui faire plaisir, et pour la faire sourire de nouveau, espérant avoir bien choisi, et que ce serait suffisant pour la ravir.

Alors que je chantais cette chanson que j’avais toujours aimée pour sa profondeur et son caractère moins superficiel que la majorité de celles écrites pour le groupe, je me sentis aux prises avec certaines émotions que je craignais ne pas pouvoir contrôler. Par contre, je fus porté par une force que je ne crus pas capable de m’expliquer dans un premier temps, mais qui, au bout de quelques secondes, fut on ne peut plus claire; c’était Haley, sa présence, le fait qu’elle m’accompagnait dans cette chanson, qui me donnait ce courage, comme bien souvent elle m’avait donné du courage pour faire bien des choses depuis qu’elle était au monde. Parfois, ce n’était pas de bonnes choses, dans le sens où celles-ci m’avaient fait un mal fou, mais ç’avait toujours été pour elle, pour son bonheur et pour son bien-être. Maintenant, c’était comme si elle me rendait la pareille, qu’elle faisait en sorte que je me rendais compte que peut-être je n’avais pas souffert pour rien. Je le savais depuis un moment maintenant, mais jamais ça n’avait été aussi clair à mes yeux qu’en ce moment. Ému, je crus pendant un instant que je ne parviendrais pas à continuer au moment où Haley cessa de chanter, mais quand elle prit ma main, je décidai de faire un effort, puis j’allai jusqu’au bout de la chanson, ce qui me valut un compliment de la part de ma fille qui, je ne pouvais le nier, m’étonna quelque peu. N’ayant pas eu l’occasion de chanter depuis dix ans maintenant, jamais je n’aurais cru que ma voix aurait pu s’améliorer. Rester à peu près la même ou s’altérer, très probable, mais le contraire, pas vraiment. Après, il fallait dire que c’était peut-être difficile à comparer, puisque j’étais loin d’avoir le même âge et à l’époque j’étais encore au moment de la puberté, mais quand même. Malgré tout, je pris quand même le commentaire aussi positivement que possible, souriant doucement en guise de réponse, toutefois incapable d’ajouter quoi que ce soit. Maintenant que j’avais terminé, j’avais l’impression que ma gorgée était nouée et que si jamais je disais quoi que ce soit, j’allais craquer d’une façon ou d’une autre. Et même si je savais que bien souvent, je ne pouvais résister, encore plus désormais, je ne voulais pas faire une scène devant ma fille non plus. Et comme si elle l’avait deviné, elle en vint à me poser une question qui, soudainement, m’arracha un sourire davantage amusé, faisant retomber la pression pour le coup. Un peu plus soulagé, je pus même prendre un bref temps pour réfléchir à ce que je pourrais lui dire, et en voyant à quel point cela lui ferait plaisir, je finis par hausser les épaules et lui répondre:  « Oui, si tu veux. » avec un petit sourire. Après, il était évident que je ne voulais pas que ça devienne un truc énorme duquel je ne pouvais pas me sortir, mais j’avais suffisamment confiance en Haley pour qu’elle le dise qu’à ses amies, et que ça ne fasse pas la nouvelle à son école ou même à l’extérieur des murs de celle-ci. Et comme pour lui prouver cette confiance que je lui accordais, je cédai à la tentation de m’approcher doucement d’elle pour l’embrasser tendrement sur le front, avant de lui dire, avec la plus grande sincérité du monde:  « Je t’aime, ma puce… » Puis, sur ces mots, je la serrai un peu plus contre moi pendant un bref instant, avant de la laisser manger son goûter tandis que de mon côté, j’allais chercher un feutre pour lui signer sa pochette, comme je lui avais promis, déterminé à ne plus laisser mon passé gâcher cette journée.