Savannah&Levi ▬ Beauty and the Beast

Le grand jour était finalement arrivé. Pas le jour de mon mariage ou quelque chose du genre, ça c’était bien loin d’arriver, mais le jour où je franchissais une nouvelle étape dans ma vie, cette étape où j’allais réintégrer progressivement la société et tenter d’avoir une vie normale, sans toucher à quelconque drogue. Est-ce que j’allais y parvenir ? Je ne pouvais pas le déterminer, mais une chose était certaine, c’était que j’étais déterminé à ce que cela n’arrive pas. Voilà maintenant six mois que je travaillais pour être sobre, être une meilleure personne, être surtout un meilleur père pour ma fille, malgré les hauts et les bas entraînés par cette cure, je n’avais pas envie de tout gâcher en quelques jours, voire quelques semaines ou quelques mois. Est-ce que ce serait facile ? J’étais persuadé que non, mais heureusement, je n’étais pas laissé à moi-même non plus. D’abord, je n’allais pas retourner à mon ancien appartement, déjà repris depuis longtemps par le propriétaire qui avait très certainement entassé mes choses dans une unité de rangement quelque part, à mon nom, alors que je n’étais pas en mesure de payer. C’était un peu décevant, certes, mais je ne m’en faisais pas trop, parce qu’en mon sens, avoir un nouvel endroit où vivre, de nouvelles affaires, ce serait vraiment significatif d’un renouveau, une ardoise vierge que je me devais de dessiner en faisant la paix avec ce qui s’est passé précédemment. Ensuite, il était évident que le centre ne me laisserait pas à moi-même; j’avais déjà quelques rendez-vous de prévus pour voir comment j’allais, comment je me débrouillais et ce dont j’avais besoin, et ces rendez-vous, j’étais persuadé qu’ils ne seraient pas de refus. Et finalement, je sentais, pour la première fois depuis dix ans, que je n’étais pas seul. Premièrement, j’allais habiter sous le même toit que ma meilleure amie, et ensuite, il y avait Savannah, qui avait accepté de venir me chercher pour ma sortie aujourd’hui. Quel rôle allait-elle jouer pour la suite des choses ? Je n’en savais rien, mais elle en avait tant fait pour moi pendant ces six mois que je savais que je ne pouvais pas me permettre de laisser les choses comme avant, soit m’en tenir à quelques discussions bien basiques, concernant que la garde d’Haley. Après, j’étais trop peu certain de comment elle, elle se sentirait, mais je m’étais promis de lui faire savoir à quel point j’étais reconnaissant, dès que je trouverais le moyen de le faire adéquatement. Confiant que j’avais des éléments pour me venir en aide, ce fut quand même quelque peu nerveux que le matin, je me levai et je commençai à ranger mes affaires dans la valise que j’avais traînée derrière moi lorsque j’étais arrivé ici, avec tellement peu de choses que même si j’avais entassé des dessins, des bibelots et d’autres vêtements pendant mon séjour, celle-ci ferma quand même sans trop de difficulté. Puis, une fois que je me fus assuré que je n’oubliais rien, je ne descendis pas au rez-de-chaussée tout de suite. Jamais je ne me serais permis de faire une chose pareille sans passer par la chambre de celui qui était devenu un de mes plus proches amis ces dernières semaines, soit Andy. Lui souhaitant un bon courage, et lui demandant de tenir bon, même si ce n’était pas facile, je lui promis que lors de mes consultations, j’allais lui payer une petite visite au passage, et je lui fis savoir qu’à tout moment, il pouvait m’envoyer des messages s’il en ressentait le besoin. Clairement, ce n’était pas mon genre de faire une chose pareille, mais entre lui et moi s’était développé une complicité que je n’avais pas connue avec qui que ce soit depuis très longtemps, et étrangement, je n’avais pas envie de la perdre. Puis, une fois que ce fut fait, je me rendis à l’accueil, signant les derniers papiers d’autorisation de sortie, prit les documents qu’on me remit et que je me devais de conserver précieusement, puis ma valise dans une main, les papiers dans l’autre, je me tournai vers la porte d’entrée, attendant de voir Savannah arriver avec une certaine anxiété.

J’avais reçu un sms plus tôt dans la semaine qui confirmait la sortie de Levi et c’était aujourd’hui. J’étais stressée car je ne l’avais pas revu depuis l’anniversaire de Haley et à vrai dire, on n’avait pas reparlé de grand-chose alors ce je n’étais pas vraiment très à l’aise à l’idée de me retrouver seule avec lui. Je lui avais proposé de venir le chercher et de faire quelque chose avec lui après tout, il fallait aussi qu’il profite de cette journée qui était comme une libération pour lui après avoir passé six mois dans un centre. J’avalais ma salive et me regardais dans le miroir avant de ramener mes cheveux en queue de cheval et de les relâcher ensuite. Soupirant, je laissais mes cheveux retomber en cascade sur mes épaules et allais dans ma chambre pour enfiler mon jean et ma chemise ample pour y mettre une ceinture. Ouais voilà, c’était bien comme ça. J’enfilais mes baskets puis me maquillais et me parfumais avant de quitter l’appartement en ayant pris soin que Derrick s’occupe de Haley aujourd’hui. Je n’avais pas eu de conversation avec lui concernant Levi mais il allait falloir, surtout que je le trouvais bizarre ces derniers temps. Enfin bref, je devais à tout prix trouver du temps pour mon meilleur ami et passer du temps avec lui. Mais là, ma préoccupation première était le fait que j’allais chercher Levi et que je devais passer du temps avec lui. J’étais stressée car je m’étais rendue compte que cet homme avait toujours son empreinte sur moi et ça me faisait aussi flipper. Je pris le volant et me rendis en direction de la clinique mais je fis un détour tout d’abord pour réfléchir à ce que j’allais dire, mais aussi ce que j’allais faire. J’avais envie de tellement de chose quand je voyais son regard que je ne savais pas par où commencer. C’était Levi, j’étais Savannah et nous étions parents de Haley mais plus que ça aussi, je pouvais le sentir mais j’avais aussi peur d’être bien la seule à ressentir ce genre de chose. Me mordant la lèvre, je file finalement vers la bonne direction en arrêtant de me poser des questions et on verra au moment donné ce que je ferais, ce que je dirais et ce qu’il se passera. Pour l’instant, je devais me grouiller car j’allais finir par être en retard à la sortie de Levi. J’arrive enfin devant le bâtiment et me gare avant de tapoter le volant du bout des doigts en regardant devant moi. Je soupire et me décide enfin à sortir de la voiture, ne pas le faire attendre. Je serre les poings et alors que j’allais atteindre les escaliers je vois les portes s’ouvrir pour voir Levi avec sa valise sortir. Le voir ainsi me fait chaud au cœur, savoir qu’il ne va pas rentrer ce soir pour reprendre une routine dans ce centre me fait plaisir et me rend heureuse pour lui. Cependant, je suis tout aussi stressée à la suite des événements qui vont se passer ou ne pas se passer, de ce qui s’est passé. Je m’avançais vers lui et allais le prendre dans mes bras et rigolais avant de me reculer pour le regarder. « Je suis si heureuse de te voir… » Je posais ma main sur son bras et attrapais sa valise qui était bien légère puis me mis à ses côtés. « On y va ? » Je descendais les marches en soufflant longuement. Le plus dur était fait, même si l’envie de plus que de le prendre dans mes bras était présente. Je foutus sa valise dans le coffre et l’attendais en souriant et lui posant une question cruciale. « Alors qu’elle est la première chose que tu veux faire de cette sortie ? » On avait tous des envies alors il fallait que je lui demande et c’était sa journée, il devait pouvoir faire ce qu’il souhaitait et j’étais prête à exaucer le moindre de ses désirs même si ça ne me plaisait pas. Je montais enfin en voiture, enfilant mes lunettes de soleil, prête à rouler n’importe où du moment que ça lui plaise et lui redonne ce sourire. Sourire que je ne cessais de voir et revoir quand je fermais les yeux, ils m’envoutaient c’était clair et à chaque fois que maintenant, j’osais les regarder, j’avais de plus en plus l’impression de m’y perdre et de me noyer dedans. Je tournais la tête vers lui quand il monta dans la voiture et souris avant de mettre le contact et d’aller en direction de sa volonté.

Bien que j’avais jugé préférable de sortir du centre sitôt que je vis la voiture arriver, histoire d’éviter à Savannah des pas supplémentaires, celle-ci avait décidé malgré tout de s’extirper de son véhicule pour venir à ma rencontre. Au début, je ne sus pas trop comment réagir, sauf en lui adressant un sourire tout à fait normal dans le cas présent, mais au final, je ne le regrettai pas, puisque la jeune femme en vint à m’offrir une étreinte des plus chaleureuse, qui me fit du bien, qui me fit soudainement réaliser que cette étreinte, je la lui rendais à l’extérieur, sans aucune attache à ce centre. Ce n’était pas un simple bonjour, ni un aurevoir avant que j’y retourne, c’était là une étreinte de pure joie. Enfin, ça, peut-être que je le comprendrais plus tard, quand j’allais vraiment comprendre ce qui était en train de m’arriver, mais pour le moment, je me contentai de lui répondre, sans hésiter:  « Moi aussi. », parce qu’en toute sincérité, j’étais content de la voir, et encore plus en ces circonstances. Puis, compte tenu que le moment était propice à cela à mon avis, j’ajoutai un petit:  « Merci beaucoup, d’être venue me chercher. » Cette phrase, aussi brève celle-ci fut-elle, eut pour effet de me distraire quelque peu du fait que je tenais ma valise dans ma main, laissant alors à Savannah le loisir de prendre ma valise, ce qui me valut de lui dire par la suite:  « Je suis encore capable de transporter mes affaires, tu sais ? » Évidemment, je ne lui avais pas dit sur un ton de reproche. Bien au contraire, je m’étais même surpris à en sourire et le faire sur un ton amusé qui frôlait la taquinerie. Cela ne me ressemblait pas vraiment, mais là, je ne savais pourquoi, j’avais envie de me laisser transporter par l’allégresse, ne serait-ce que pendant un bref moment. Décidément, même si c’était encore troublant, tout cela, je me sentais beaucoup mieux, je me sentais réellement libéré, le coeur plus léger. Est-ce que cela allait durer ? Ça, je ne le savais pas, je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait, à vrai dire. Je savais que j’avais un peu d’argent pour bien démarrer, me laisser un répit avant de devoir trouver un emploi, je savais que j’avais une demeure avec une chambre qui m’attendait, ce qui n’était clairement pas de refus, parce que même si je n’avais pas vu mon appartement saisi peu de temps après mon entrée au centre, j’étais persuadée que je n’aurais pas voulu y retourner non plus. Après, pour le reste, je supposais que j’allais voir, mais pas ici, pas maintenant. Là, je me contentai de m’installer dans la voiture avec Savannah, sans savoir où nous irions. Avait-elle prévu quelque chose ? Avant même que je ne lui demande, ce fut elle qui reprit la parole de nouveau, me faisant comprendre que c’était moi qui allais choisir ce que nous allions faire, en guise de première activité suite à ma sortie. Face aux nombreuses possibilités qui s’ouvraient soudainement à moi, j’écarquillai les yeux, n’ayant pas pensé à ça précédemment. Enfin, je ne saurais nier que j’avais songé à tout ce que je pourrais faire une fois que je serais sorti, les activités auxquelles je pourrais m’adonner et pleinement en profiter désormais, mais là, tout de suite ? Non, je n’avais pas prévu cela. Malgré tout, je fis un effort pour y réfléchir, essayant quand même de ne pas prendre trop de temps non plus, parce que je me doutais bien que Savannah ne voudrait pas rester plantée là une éternité et moi non plus, je n’avais pas vraiment envie de rester devant cet établissement que j’avais vu trop souvent ces six derniers mois. Au final, je fronçai les sourcils, et en grimaçant, je tournai la tête vers elle, en venant à lui demander, pas trop convaincu de mon propos:  « C’est stupide si je te dis que j’ai faim ? » Et étrangement, quand je disais avoir faim, ce n’était pas juste parce que l’heure du repas approchait, en fait, c’était plus que ça. J’avais faim parce que pendant tout ce temps, je n’avais pas nécessairement mangé les repas les plus copieux qui soit. Et puis, maintenant que j’y songeais, bien souvent, auparavant, je ne mangeais pas toujours autant que je le pourrais, sans parler du fait que lorsque j’avais consommé, ce que je pouvais goûter, c’était fortement diminué. Donc oui, j’avais faim, et j’avais envie de redécouvrir ce que c’était, manger correctement, même si en fait, je ne me rappelais même plus de quand j’avais pu vivre ça dans ma vie. Et désormais convaincu de mon choix, je tentai de convaincre Savannah davantage en lui disant:  « C’est moi qui invite. » Et plus que pour lui montrer que j’en avais vraiment envie, je jugeais que c’était la moindre des choses dans le cas présent, même si au fond, pour moi, ce n’était qu’une toute petite chose, dans l’immensité de choses que je pourrais faire et qui ne seraient jamais suffisantes pour la remercier de tout ce qu’elle avait fait pour moi ces derniers mois.

Comment agir ? Je m’étais posée la question toute la matinée. Normalement ? Comme s’il ne s’était rien passé la dernière fois ? Ou au contraire, faire en sorte que ça se refasse et qu’on s’en souvienne et même qu’on en vienne à en parler ? Je ne savais pas et pour le moment, je prenais Levi dans mes bras pour lui dire à quel point je suis heureuse de le voir de sortit maintenant. « Tu m’as manqué. » C’était quelques mots, c’était simple mais au moins, c’était sincère. Je le regardais avant de sourire et d’attraper sa valise. Je me doutais bien qu’il était capable de le faire tout seul mais je voulais m’occuper pour ne pas tourner en rond et faire l’impensable une fois de plus. Posant la valise dans le coffre, je le ferme en le regardant. « C’est la moindre des choses quand même. » Tout se passait bien pour l’instant et j’étais confiante pour la suite, je retrouvais le beau brun et j’allais passer une excellente journée. Le voir sourire me donnait des frissons et me faisais me sentir encore mieux. J’étais comme un ange en train de flotter dans le ciel tellement j’étais heureuse en cet instant. Je montais en voiture et jetais un regard à Levi qui montait à son tour, j’étais toujours tout sourire et je mis le contact pour partir en direction de la destination de son choix. C’était son jour et j’allais être son chauffeur, de plus, ça me permettait s’il le souhaitait bien sûr, de passer du temps avec lui et de rattraper les moments perdus qu’on aurait pu passer ensemble bien avant tout ça. Alors je le questionnais sur ce qu’il voulait faire, ses préférences et puis le premier truc qui lui vient à l’esprit en cet instant. Pour ma part, je ne me pose pas la question, ça serait d’aller dévorer ma pâtisserie préférée. Je m’engage sur la route principale quand j’entends sa réponse. Je rigole avant de jeter un coup d’œil au brun se trouvant à mes côtés. « Tu vas rire, mais je pensais exactement à la même chose si je sortais aussi dehors depuis bien longtemps. On est sur la même longueur d’onde. » Je comprenais son choix, ne pas manger comme on l’entendait depuis si longtemps était sans doute horrible. Puis là, avoir le choix et choisir ce qu’on voulait, quoi de mieux. Je continuais ma route jusqu’à arriver à un restaurant assez simple. Cela nous correspondait très bien puis c’était pour satisfaire les papilles de monsieur, donc autant faire les choses correctement. Ici, j’étais certaine qu’il pourrait trouver une longue carte et donc satisfaire son estomac. Je m’arrêtais sur le parking, prête à détacher ma ceinture quand j’entendis sa dernière phrase. Relevant la tête, je souris avant de pencher la tête sur le côté. « D’accord. » Ca ne servait à rien de lutter, je savais que ça lui faisait plaisir qu’il faisait ça pour me remercier, de plus, je trouvais ça tellement touchant. Je finis par me détacher et sortis de la voiture pour l’attendre, me posant près de lui. « Une idée de ce que tu veux manger ? » J’étais quelqu’un de très sucrée, le salé passait après, cependant, je ne savais pas son choix à lui et j’étais curieuse de savoir ce qu’il en était. Après tout, j’étais prête à n’importe quoi pour apprendre à le connaître d’avantage et à le découvrir encore plus. J’avançais vers le restaurant avant de m’arrêter et de le regarder avec des yeux brillants. « Tu m’en veux pas, mais je suis contente qu’on ne soit que tous les deux, sans Haley » J’avais l’impression de pouvoir vivre comme une adolescente. Cette adolescence qui m’avait été volée. Je soupire avant de grimacer et de reprendre pour me justifier. « Disons que, je pense que ça va nous faire du bien de passer du temps seulement rien que nous. » Je pouvais sentir mes joues chauffer si bien que je me détournais en rigolant légèrement. Je me sentais idiote mais à la fois c’était naturel de dire ce genre de chose. Pour passer ce malaise, je m’avançais vers l’entrée du restaurant pour ouvrir la porte et la tenir vers le beau brun, en lui faisant presque une révérence. « Si monsieur veut bien… » Je levais le regard vers lui en souriant, gardant la porte ouverte pour qu’il puisse y entrer ainsi que moi derrière lui.

Bien que je fus surpris d’entendre Savannah m’avouer que je lui avais manqué, ce fut presqu’un réflexe pour moi de lui répondre:  « Tu m’as manquée aussi. », ajoutant même à ce propos un petit sourire comme pour lui prouver la sincérité de mes propos. Parce que même si je n’y avais pas vraiment songé, la tête remplie de trop de choses ces derniers temps, il n’en demeurait pas moins que Savannah avait toujours eu une place spéciale dans ma tête, dans mon coeur. Elle était celle qui avait fait tant pour moi que je savais que toujours, je lui serais redevable. Ça, je le savais depuis très longtemps maintenant, mais là, c’était plus. Si je lui avais demandée de venir me chercher aujourd’hui, ce n’était pas que parce qu’elle me l’avait demandé, parce qu’elle voulait être là, parce que je ne savais pas qui appeler d’autre. C’était parce que je voulais qu’elle soit la première personne que je puisse voir une fois que je serais sorti, une fois que j’aurais ma liberté. Je savais que je ne pourrais le regretter, et même si cela ne faisait que quelques minutes que j’étais en sa compagnie, je ne le regrettais déjà pas. Premièrement, ma demande d’aller manger un morceau ne sembla pas trop lui déplaire. Bien au contraire, elle en vint à me dire que c’était ce qu’elle aurait également fait, m’arrachant un sourire amusé et soulagé. Amusé parce que la coïncidence était quand même comique, soulagé parce que cela me montrait que je n’avais pas là une demande trop étrange. Après tout, personne ne nous avait parlé de ce que nous devions faire en sortant. Ça, il avait fallu que je l’organise moi-même, et que dans le cas présent, j’improvise. Que j’improvise un repas en compagnie de Savannah. Heureusement pour moi, et c’était là une seconde raison pour laquelle j’étais ravi d’être avec elle, je m’en sortis plutôt bien, saisissant cette occasion pour lui faire savoir ma reconnaissance en payant le repas, ce à quoi elle ne s’opposa pas. Je savais bien que c’était là qu’une banalité, comparativement à tout ce qu’elle avait pu faire pour moi, mais c’était quand même, en mon sens, un début. Confiant qu’à partir à de ce moment, cela ne pourrait qu’aller bien, je ne me fis pas prier pour sortir de la voiture une fois que nous fûmes arrivés à un restaurant que je n’avais pas choisi. Cela ne me dérangea pas toutefois, parce que non seulement, je faisais confiance à Savannah et de plus, j’avais le sentiment d’avoir tant perdu contact avec la ville et ce qu’elle contenait qu’au final, c’était mieux ainsi. En revanche, je ne savais pas ce que le restaurant proposait non plus, d’où le fait que je dus me contenter de fournir une réponse vague à Savannah suite à sa question, soit:  « Je t’avoue que je n’en ai aucune… Je verrai sur le menu, je suppose. » En effet, je ne voulais pas vraiment m’en faire pour cela, sachant très bien que j’allais certainement trouver de quoi me sustenter, persuadé que tout ce qui pouvait être sur le menu serait meilleur que la cantine du centre. Ne me laissant pas ébranler pour autant, je l’accompagnai jusqu’à l’entrée du restaurant, parfaitement apte à écouter ses propos, soudainement plus sérieux, voire même un peu troublant, dans le sens où avant il y a quelques mois, jamais nous n’avions passé du temps ensemble. Jamais nous n’aurions parlé d’autre chose que d’Haley, des moments où je pourrais la voir, comment elle allait. De quoi pourrions-nous parler une fois au restaurant ? Ça, je ne savais pas trop, je n’y avais pas pensé, mais me rendant compte que je n’étais pas déçu de voir que Savannah voulait bien me considérer autrement que le père de sa fille, et prêt à faire de même, j’en vins à hocher la tête en signe d’approbation, et lui dire:  « Oui, je suis d’accord… » Comme pour m’en convaincre, je souris doucement, terminant ainsi notre trajet vers le restaurant. Mais avant que je ne puisse faire preuve de galanterie, Savannah prit le relais, ouvrant la porte de façon si théâtrale qu’elle m’arracha un rire, de même qu’un  « Oh merci ! », avant de passer celle-ci, l’attendant toutefois de l’autre côté. Au vu de l’heure, il n’y avait pas trop de monde alors rapidement, une serveuse nous conduisit à une table disponible. Pendant ce bref chemin, je considérai vite fait le restaurant, puis une fois que nous fûmes assis, j’avouai:  « Je ne suis jamais venu ici… » Bien rapidement, on me mit un menu entre les mains, mais ne me voyant pas trop le lire, comme ça, en silence, désireux de tenter d’entretenir la conversation, je levai la tête vers Savannah, et je lui demandai:  « Que me conseilles-tu ? » Je lui demandai comme ça, par simple curiosité, me surprenant à être sincèrement désireux de voir ce qu’elle allait me répondre, espérant qu’ainsi, peut-être j’allais en connaître un peu plus sur ses goûts. C’était banal, mais tristement, je ne le savais pas vraiment, et maintenant, j’avais envie, vraiment, d’en savoir plus sur elle.

Je prenais ses paroles au sérieux et j’esquissais un sourire. Entendre ce genre de choses me mettait du baume au cœur et je n’étais pas contre en entendre plus. En fait, je me sentais vraiment bien et j’étais heureuse de passer du temps avec lui. Je me rendais compte que sa présence comptait énormément pour moi depuis un certain temps, que je voulais renouer, apprendre à le connaître, rattraper les douze dernières années qu’on avait perdu ensemble. Pour quoi ? Essayer de se retrouver ? Essayer de former un vrai couple de parents et pas seulement deux parents monoparentaux. Bref, je voulais vraiment que ça fonctionne et j’étais prête à tout. Surtout que je n’oubliais pas non plus ce qui s’était passé la dernière fois et quand je jetais un regard à Levi, je sentis le rouge me monter aux joues. Est-ce qu’il y pensait aussi ? Secouant légèrement la tête, je me concentrais sur la route. Puis ce coup du baiser, c’était de l’impulsion même si j’avais apprécié de sentir ses lèvres sur les miennes. Je soupirais doucement en essayant d’enlever ces pensées de ma tête pour penser à l’instant présent. Hochant la tête concernant le choix de son plat, je le regardais du coin de l’œil avant de lui répondre. « Oui, c’est tout aussi simple ! » J’étais pareille, il me fallait la carte pour choisir même si quand je connaissais un restaurant, je prenais généralement la même chose une fois que j’avais trouvé ce qui me plaisait. Je n’étais pas trop quelqu’un qui change de plat pour trouver de nouveaux goûts, non bien au contraire. Je préférais me satisfaire sur quelque chose dont j’étais sûre de manger et ne pas me forcer, chose dont j’avais horreur. Je lui confiais ensuite, légèrement honteuse de mon aveu, que je préférais que Haley ne soit pas là. Je voulais que ce soit notre moment à nous, nos retrouvailles ! Que personne d’autre ne soit là à part nous deux et je savais que Levi comptait énormément sur sa fille et aimait passer du temps avec elle, mais là, c’était moi qui en avait besoin alors j’étais prête à tout pour l’obtenir ce temps. Je souriais quand il acquiesça aussi mon envie de nous retrouver rien que nous deux puis me garais sur le parking en soupirant. J’avais comme un nœud dans l’estomac de rester en tête à tête et pourtant, j’en rêvais car je voulais vraiment savoir qui était Levi, sincèrement. Je sortis de la voiture et le devançais pour pouvoir lui ouvrir la porte théâtralement, je voulais faire les choses en grand mais surtout pour me détendre et agir normalement car j’étais heureuse en ce moment même. M’inclinant, je riais et le rejoignis avant de retrouver un peu de sérieux le temps que le serveur nous trouve une place dans le restaurant. Mon regard était partout, j’aimais bien découvrir les nouveaux lieux et m’en faire une idée après, savoir si j’allais y revenir ou non. Riant une fois assise, je posais mes mains sur la table et avouais également. « Je t’avoue que moi aussi. » C’était donc sur un terrain neutre qu’on était et ce n’était pas plus mal. Et ça allait me permettre de découvrir de nouveaux plats même si en ce moment, j’avais surtout envie de sucré que de salé. Je regardais la carte et relevais la tête en croisant le regard de Levi avant d’ouvrir la bouche et de la refermer. « Je ne sais pas… » Je riais légèrement et replongeais ma tête dans la carte pour la fermer et hausser les épaules et attraper celle de Levi et de les poser sur le côté. « Prenons la suggestion du chef. » Je souriais puis commandais deux plats du jour puis regardais le serveur partir pour me concentrer sur Levi. « Tu as quelque part où dormir ? » Je m’en souciais seulement maintenant, mais c’était important que je sache aussi s’il avait un toit pour dormir. Je ne voulais pas qu’il aille dans un endroit qui ne lui correspondait. Oui j’avais peur qu’il rechute qu’il retrouve ses mauvaises habitudes. Il ne s’était pas battu jusqu’ici pour y retourner, je m’en faisais la promesse. « Au fait, quel est ton plat préféré ? » Lui demandais-je en souriant sincèrement. C’était une question comme une autre mais que j’affectais particulièrement car je ne connaissais pas ses goûts, ni son plat préféré comme son dessert préféré. C’était des choses que j’ignorais et que maintenant je voulais connaître. Pour moi, seulement pour moi.

Je dus admettre que je fus quelque peu surpris que Savannah m’avoue qu’elle n’était jamais venue dans ce restaurant précédemment. Au vu de la façon assurée dont elle avait conduit jusqu’ici, le fait qu’elle n’avait jamais semblé remettre ce choix en question un seul instant pendant le trajet, j’étais persuadé que c’était le cas, qu’elle m’emmenait dans un endroit qui lui plaisait, histoire que je puisse le découvrir, moi aussi, ou au moins pour qu’elle ait la certitude que ce qu’elle, elle allait manger, lui conviendrait. Cependant, je décidai de ne pas en faire tout un cas, me disant que ce n’était clairement pas de quoi faire un drame. Et puis, qui sait, peut-être allions-nous passer un moment encore plus spécial, à découvrir cet endroit ensemble, à peut-être se découvrir un peu plus, elle et moi. Enfin, je ne pensais pas que soudainement, l’espace d’un repas, nous allions devenir les meilleurs amis du monde, mais en mon sens, c’était un bon début, et surtout, la meilleure façon qui soit pour moi de commencer ce qui était comparable à une nouvelle vie, un départ en neuf, tout frais. Et ça, je pensais pouvoir le faire ne serait-ce qu’un peu en lui demandant ce qu’elle allait prendre, histoire de connaître un peu ses goûts culinaires, mais une nouvelle fois, elle me prit de court non seulement en ne me proposant rien de concret, mais aussi, en choisissant mon plat pour moi, alors que me concernant, je n’avais même pas pris le temps de regarder le menu. Étais-je vexé de cela ? En vérité, pas du tout. Je supposai que cela faisait partie de la force de caractère si présente chez Savannah et que j’avais toujours trouvé admirable. En guise de réponse à cette initiative donc, sitôt qu’elle eut commandé nos repas, je lui souris doucement, ne m’attardant pas sur la question plus longtemps. De toute façon, je n’aurais pas eu le temps de le faire bien longtemps, puisque rapidement, Savannah reprit la parole, en venant à s’inquiéter du fait que j’avais un endroit où aller dormir. Pour une fois dans ma vie, j’étais limite fier d’avoir prévu le coup de ce côté, alors ce fut sans trop hésiter que je lui répondis par la positive, d’abord en hochant la tête, puis en lui répondant:  « Oui, j’ai une amie qui a accepté de m’héberger. » Étant un homme de peu de mots, le plus normal pour moi aurait probablement été de m’en tenir à cela, puisque je venais de fournir à Savannah la réponse qu’elle souhaitait, mais étrangement, comme si j’avais quelque chose, ma détermination, à lui prouver, j’ajoutai:  « Cela me laissera le temps de trouver un boulot un peu plus convenable, que je vais tenter de garder cette fois-ci, et après, me trouver un appartement, assez grand pour y mettre une chambre pour Haley. » Cependant, je me rendis compte que trop tard que peut-être je m’étais étalé un peu trop sur la question, que nous n’avions pas parlé de quoi que ce soit concernant mon droit de visite sur notre fille, et que ce n’était peut-être pas aujourd’hui le meilleur moment pour régler le tout, sachant que Savannah venait de me dire qu’elle était contente que nous soyons que nous deux. Timidement, je me rattrapai, puis je clôturai le sujet en marmonnant un petit:  « Enfin, si tu veux, évidemment… » Je m’étais rendu compte que j’avais laissé mon propos pas mal en suspens, mais ce ne fut pas pour autant que je repris sur la question, pas de moi-même ne tout cas. À la place, je préférai me concentrer sur ce que Savannah me demanda par la suite, me surprenant à laisser échapper un petit rire amusé à la question. Non pas que celle-ci était idiote ou quoi que ce soit du genre, mais parce que c’était bien la première fois que quelqu’un s’intéressait à cette partie de moi-même depuis longtemps. En vérité, si je me souvenais bien, Haley me l’avait demandé, mais après cela, ne me rappelais plus de qui m’avait posé la question avant cela. Enfin, ma mère ne me la posait pas, parce qu’elle savait ce que j’aimais, mais outre cela… Jamais cela n’avait intéressé personne. Pourquoi cela intéressait Savannah tout à coup ? Je ne saurais pas le dire, mais décidé à ne pas gâcher l’ambiance pour cette raison, je fis un effort pour réfléchir à ce que pourrait être ma réponse à la question, puis lorsque je crus avoir trouvé, je dis:  « Je ne dirai jamais non à un burger… » Me rappelant soudainement les souvenirs que cette réponse pouvait engendrer, j’eus un sourire amusé, et j’ajoutai, me perdant encore dans mes propos:  « Quand j’étais gamin et que ma mère préparait le nécessaire pour faire des burgers, c’était parce qu’on avait de quoi célébrer. Parce que j’avais eu une bonne note à l’école, parce qu’elle avait eu un plus gros pourboire que d’habitude au restaurant où elle travaillait… » Mais histoire de ne pas plonger dans la nostalgie, je m’arrêtai là, terminant mon propos par un simple:  « Enfin… Ça me rendait heureux, et je suppose que je me suis attaché à ce souvenir… » Puis, dans un sourire un peu plus maladroit, me rappelant que je voulais en quelques sortes lui poser une question similaire, mais plus subtilement, je décidai d’y aller aussi directement qu’elle et donc lui demander:  « Et toi alors ? », quelque peu surpris de faire preuve d’audace limite, mais ne flanchant pas pour autant, attendant alors sa réponse aussi sérieusement que possible.