Il est temps de se jeter à l'eau [ Micah ♥ ]

Bien que Kayla était celle qui m’avait invité au restaurant, à ce qu’on passe la soirée ensemble, il n’en demeurait pas moins que par principe, par galanterie, j’aurais bien voulu prendre l’addition et payer. En revanche, je n’eus pas l’occasion de le faire, et même si je m’étais proposé, je n’étais plus tant certain qu’elle aurait accepté, au vu de comment elle vint à s’imposer pour le faire. Légèrement gêné, surtout impuissant, je ne sus pas trop comment réagir, n’osant même pas lui proposer de payer ma part. Mon mutisme eut raison de mes intentions, parce qu’avant que je puisse faire quoi que ce soit d’autre, la demoiselle avait tout réglé, me laissant dans une position quelque peu inconfortable qu’à son retour, elle parut deviner, au vu de comment elle chercha à me rassurer, comme si elle espérait que je ne lui fasse pas la tête ou quelque chose du genre. Jamais je ne pourrais faire un truc pareil. Je pouvais être rancunier parfois, mais pour quelque chose d’aussi puéril, c’était hors de question, sachant que la première personne avec qui je ne serais pas à l’aise, c’était moi-même. Du coup, je me contentai d’acquiesçai, silencieusement de me convaincre que j’aurais un autre moment pour rattraper le coup, espérant par la même occasion que nous aurions d’autres moments pour passer du temps en compagnie l’un de l’autre. Passant outre aussi bien que possible donc, j’hochai la tête positivement pour lui signifier que j’étais prêt. Attrapant ma veste, je la renfilai pour l’accompagner à la sortie du restaurant, marchant un peu à l’extérieur, appréciant autant qu’elle le temps qu’il faisait, l’idée qu’elle vint à projeter. Peut-être pendant l’été, ce serait possible ? Ne voulant pas me projeter trop loin non plus, je gardai cette idée pour moi. Et puis, bien rapidement, la demoiselle passa à autre chose, m’invitant à me bander les yeux pour la suite de la soirée. Évidemment, j’en fus intrigué, mais histoire de ne pas gâcher son enthousiasme que ses yeux brillants transperçaient, je n’en fis rien, me laissant faire, me laissant guider. Nous nous arrêtâmes une fois que nous fûmes dans un endroit plutôt humide, qui dégageait cette odeur de chlore que je connaissais que trop bien. Une piscine ? Ce fut la seule option que j’eus le temps de trouver dans ma tête avant que Kayla me demande de retirer le bandeau, découvrant que j’avais vu juste, mais découvrant aussi la jeune femme avec des vêtements tout autre, avec très peu de vêtements en fait. Ne l’ayant jamais vue aussi peu vêtue, j’écarquillai les yeux, mon regard se faisant peu approprié, puisqu’incapable de la regarder dans les yeux, ou au minimum à la hauteur de son visage. j’étais bouche-bée, tout simplement. Déglutissant, je tentai quand même de prendre la parole, venant à balbutier:  « Tu… Tu… Tu es… » Je m’arrêtai quand je me rendis compte que les mots étaient en train de m’échapper, non pas que je n’en avais pas, mais parce qu’en mon sens, aucun ne savait lui rendre justice. Maladroit, peu en contenance de ma personne, je continuai à la dévorer du regard bien malgré moi, bien que dans celui-ci s’installait une certaine confusion, puisque même si le lieu, sa tenue parlaient pour eux-mêmes, il n’en demeurait pas moins que je ne savais pas tant pourquoi elle m’avait emmené ici, et du coup, des explications seraient bienvenues, même si je ne savais comment les lui demander.

J’avais du mal à y croire. J’avais du mal à croire tout ce que Kayla avait préparé pour moi, pour nous deux. J’avais du mal à croire qu’elle avait pu être si attentionnée à mon égard, faisant exprès de choisir une activité susceptible de me plaire, alors qu’elle aurait très bien pu faire simple, me trainer dans un bar, ou une boîte de nuit, même si ce n’était pas du tout mon genre. Je n’étais pas choqué du fait qu’elle aie pris la peine de faire cela, j’étais loin de la voir comme une personne égoïste ou quelque chose dans le genre. Ce qui me laissait à court de mots, c’était qu’elle l’avait fait pour moi, moi et personne d’autre. J’avais des amis, amis qui se voulaient proches de ma personne, et même si on entretenait une bonne relation, peu d’entre eux avait fait des pieds et des mains pour ma personne, qu’importe l’occasion. Je ne leur en voulais pas, je n’estimais pas que c’était chose normale. Dans le cas présent, ça rendait juste tout cela encore plus exceptionnel à mes yeux, et pour tout dire, j’en étais profondément touché. Et je ne savais pas comment l’exprimer, ni même l’interpréter. Cherchant encore, mais sachant que je ne pouvais rester sans rien dire, je lui lâchai un petit:  « Évidemment… C’est… Génial… » J’en oubliai même mes formules de politesse, ce qui vint me gifler en pleine figure quelques secondes après. Secouant la tête, je vins à ajouter, plus nerveusement que je ne l’aurais voulu dans un premier temps:  « Merci, beaucoup… » Était-ce vraiment ça que je devais lui dire ? Ou bien devrais-je le voir différemment ? Faisait-elle cela pour tous ses amis ? Qui étais-je vraiment pour elle ? Encore une fois, ce fut maintes questions qui demeurèrent sans réponse, puisqu’avant que je puisse vraiment faire quoi que ce soit, Kayla prit les devants, me rendit le maillot, puis sauta dans la piscine, avec grâce, me laissant là, à la regarder. Mais comprenant que je devais vraiment me bouger à sa question, je me fis extrême violence pour me ressaisir, et finalement lui répondre:  « Oh non… Attends, j’arrive. » Tournant la tête dans tous les sens, je cherchai un endroit où je pourrais me changer. C’était idiot, surtout que je gardais toujours mon caleçon quand j’enfilais un maillot de bain, par habitude, mais je n’y pouvais rien, j’étais pudique, innocent. Finalement, je trouvai un coin un peu plus isolé, là où je me rendis. Prestement, je retirai mon t-shirt, mon jean, mes chaussures, et j’enfilai le maillot qui, étonnamment, était à ma taille. Est-ce qu’il m’allait bien, ça, je ne le savais pas, mais pour moi, ce n’était pas tant ce qui comptait. Changé, je n’attendis pas plus longtemps pour m’avancer vers la piscine, dans laquelle je sautai avec moins d’élégance que mon amie, sans toutefois faire trop d’éclaboussures, refusant de l’embêter avec ça. Ensuite, avec aisance, je nageai pour aller la rejoindre, et comme si là, ce temps isolé m’avait donné un peu de courage, m’avait permis de faire un peu de ménage dans ma tête, je pus finalement lui avouer:  « Il n’y a jamais qui que ce soit qui en a fait autant pour moi… » Je n’osai pas aller plus loin dans mes dires, à court de mots pour l’expliquer, reprenant que pour lui dire:  « Ça fait… Vraiment plaisir… » Ou bien était-ce plus que ça ? Me mordillai la lèvre inférieure, décidément peu doué pour maîtriser ce genre de situation, je fis ce que je faisais probablement de mieux, soit me taire, attendre, reposant sur l’assurance de Kayla pour la suite des choses.

Je me doutais bien que cette sortie, toute cette organisation, ce n’était pas une soirée banale entre amis. J’avais beau être naïf, mais j’avais mes doutes, mes doutes comme quoi il y avait quelque chose de spécial, à moins que je ne sois en train de découvrir une facette différente de Kayla, qui pourrait me faire croire qu’elle se comportait ainsi avec tout le monde de son entourage qu’elle appréciait un minimum. C’était gros, mais la générosité de certaines gens était sans limite, alors ce n’était pas complètement illogique non plus. Mais bien rapidement, cette seconde hypothèse fut écartée, en raison des propos que la jeune femme vint à me dire, me faisant clairement comprendre que c’était quelque chose de spécial. Et pour tout dire, ça me touchait encore plus, parce que tout était parfait. Mais d’un autre côté, c’était intimidant, je ne pouvais pas le nier. C’était intimidant parce que jamais je ne lui avais préparé tout ça, jamais je n’aurais pensé à le faire. Non pas que je ne l’appréciais pas, mais parce que je n’aurais pas su le faire, n’étant pas aussi douée qu’elle. Et aussi, j’avais peur que ce soit étrange, et pourtant, il n’y avait rien d’étrange dans cette situation. Rien de quoi me mettre mal à l’aise, en tout cas. Tout ce que j’avais envie de faire, ce n’était pas prendre la fuite, mais plutôt de sourire, de continuer à la regarder. J’aurais pu rester ainsi pendant quelques minutes encore, mais peu de temps après, je fis pris de court; le visage de Kayla se rapprocha du mien, si bien que ma vision d’embrouilla, pour finalement ne plus exister, puisque nos visages étaient à une distance similaire à néant, et nos lèvres entrèrent en contact. J’étais naïf, je ne m’y en attendais pas, donc je demeurai surpris dans un premier temps. Lentement, mais sûrement toutefois, je repris le contrôle de mes émotions, et je commençai à apprécier le baiser. Je tentai aussi d’y répondre, mais ça, ce fut un peu plus difficile, raison étant que pour ça, j’étais maladroit. J’avais embrassé des filles auparavant, mais avec une volonté aussi forte qu’en ce moment, qui était en train de se former en ma personne, jamais. C’était à un point que lorsque le baiser prit fin, j’avais l’impression que ç’avait été trop court, que j’avais fait quelque chose de mal. Et à voir Kayla se reculer, baisser le regard, se mordiller la lèvre, je le craignis de façon encore plus vraie, à un tel point que je fus pris au dépourvu. Que devais-je dire ? Que devais-je faire ? Pendant quelques secondes, je me le demandai, demeurant immobile, surpris. Et au final, je me rendis compte que si je ne savais que faire, c’était parce que je n’avais qu’une seule envie; recommencer. Prenant mon courage à deux mains, j’inspirai profondément, puis avec un petit  « Hey… », je tentai d’attirer l’attention de la jeune femme. Peu convaincu que ç’allait marcher, j’approchai ma main de son visage, posai mon index sous son menton, de sorte à ce qu’elle le relève un peu. Je la considérai une nouvelle fois, les lèvres pincées, avant de relâcher la pression, et finalement l’embrasser de mon plein chef, comme j’en avais envie, comme si je voulais lui prouver quelque chose. Ça me ressemblait peu, je me sentais même idiot de ne pas être parvenu à mettre des mots sur ce que je ressentais, mais c’était certainement mieux - et beaucoup plus agréable - que de ne rien faire du tout, n’est-ce pas ?

Qu’est-ce que ce baiser pouvait-il signifier ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi je ressentais quelque chose d’étrange ? Je ne savais pas. Pour tout avouer, j’étais quelque peu perdu. Non pas parce que c’était la première fois que j’embrassais une fille, mais cette fois-ci, c’était différent. Ça n’avait rien à voir, en mon sens en tout cas, avec un baiser de petite amourette du lycée, pendant la danse de fin d’année, qui, au final, ne menait pas à grand-chose. En gros, tout ce que j’avais vraiment vécu jusqu’à maintenant. Là, nous étions deux adultes, nous n’étions pas deux élèves qui s’étaient mis d’accord pour aller à la danse ensemble. En quoi était-ce différent ? C’était sur ça que je ne pouvais pas vraiment mettre le doigt, sauf pour le fait que là, j’avais eu l’audace de l’embrasser, ce que je ne me serais jamais permis en d’autres circonstances. Mais mettre des mots sur cette envie ? Ce n’était juste pas possible. Du coup, ce fut un soulagement d’entendre Kayla le faire, sous forme de confession, mais confession si bien développée que tout ce que je sus faire, c’était l’écouter. C’était prendre en considération ses propos, c’était me rassurer avec ceux-ci, me rassurer comme quoi je n’étais pas à côté de la plaque, me rassurer comme quoi, ce que je ressentais, ce n’était pas du faux, et ça ne voulait pas rien dire. En fait, c’était similaire à ce qu’elle était en train de m’expliquer; j’aimais bien passer du temps en sa compagnie, et quand je ne la voyais pas, elle me manquait. Plus encore, elle était une des premières qui ne me jugeait pas au vu de ma situation familiale, de mon métier. Bref, qui me faisait sentir le bienvenu quelque part. Maintenant dans la vie adulte, c’était certainement mieux qu’au lycée, mais ce manque se faisait sentir parfois, et il était toujours bien de le combler. Mais en manque d’expérience comme je l’étais, jamais je ne serais allé jusque dire que j’étais amoureux. Du coup, ce dernier propos de la part de la jeune femme me laissa quelque peu surpris. Était-ce ce que ça, être amoureux ? Je m’imaginais la chose probablement pas mal plus complexe que ça, en réalité. Avais-je regardé trop de vieux films avec ma grand-mère ? Ça aussi, c’était une possibilité. Mais si c’était bel et bien ça, qu’il y avait moyen de vivre sans se casser la tête comme nous le faisions, Kayla et moi - bien que de mon côté, j’avais encore quelques retenues, mais ça, c’était dans ma nature - alors je ne saurais m’en plaindre. Tiré de ma rêverie par les éclaboussures qu’elle vint à m’envoyer, alors qu’elle s’était éloignée, je secouai la tête, et je dis:  « C’est… Je… » Voyant que ça ne faisait pas de sens, je pris une pause, inspirai profondément, et j’ajoutai:  « Moi aussi. » Ces deux mots, c’était une piètre réponse, je le savais, mais je les avait tenus d’un ton bien convaincu. Serait-ce suffisant pour que Kayla comprenne que j’étais sincère, mais que la poésie me manquait ? Nerveux de ne pas être à la hauteur, de ne plus mériter son attention, je pinçai les lèvres, le coeur battant fort, si fort que j’avais l’impression qu’il allait sortir de ma poitrine. Comme si je craignais que tout mouvement vienne tout gâcher, j’attendis, immobile, sans la quitter du regard, ne me rappelant pas la dernière fois que je m’étais senti aussi stressé qu’en ce moment.

Je ne pensais pas mentir quand je disais à Kayla que je tenais à elle. Cependant, je préférais garder une expression plutôt vague sur le sujet parce que pour tout dire, je ne saurais pas encore mettre le nom sur ce que je ressentais, précisément. Mais si cela était suffisant pour elle, alors je ne saurais pas vraiment m’en plaindre pour l’instant, même si ce ne fut visiblement pas suffisant pour que je me détende. En effet, ce fut plutôt nerveusement que je vins à rire à son aveu, ne m’esclaffant pas pour autant. Ce rire voulait dire, si c’était possible de l’interpréter ainsi, que je pouvais la comprendre, que j’aurais certainement ressenti la même chose si je m’étais donné tant de mal. Il voulait aussi dire que j’étais heureux que justement, elle aie fait tout ça pour moi, que j’en étais touché, même si aussi, sachant maintenant qu’elle s’était sentie tout sauf sereine, je me sentais un peu mal. Mais ne souhaitant pas provoquer de malaise, je n’en dis rien, espérant qu’après avoir répondu:  « Avec plaisir. » à sa supposition, j’allais trouver un moyen pour lui faire savoir qu’elle n’avait plus à se casser la tête désormais, et que pour moi, tant et aussi longtemps que j’étais avec elle, le reste me convenait parfaitement. Mais avant que je ne puisse le faire, Kayla sauta à l’eau, venant m’arroser au passage. Les fausses excuses qui s’ensuivirent m’arrachèrent plutôt un air amusé, parce que je ne lui en voulais pas, et parce que pour tout dire, je la trouvais belle, ainsi. J’avais beau ne pas tout connaître d’elle, mais je savais que la voir heureuse ainsi, avec un air juvénile au visage, faisait en sorte que je la trouvais encore plus jolie, si c’était possible. Et j’aurais pu rester un bon moment à la regarder comme ça, un sourire un peu idiot aux lèvres, perdu dans ma contemplation de sa personne, mais rapidement, trop rapidement, elle me demanda de me magner, de venir la retrouver. Le coeur léger, je me sentis soudainement désireux de jouer les gamins à mon tour, même si ce ne fut pas vraiment aussi concluant et évident qu’elle. Je ne sautai pas dans la piscine pour l’arroser, me concernant. À la place, je décidai plutôt de plonger sous l’eau, nager, et finalement, prendre le risque de remonter, tout près d’elle, de sorte à ce que nos visages soient à quelques centimètres l’un de l’autre. Bon d’accord, ce n’était pas aussi gamin que je ne l’aurais voulu, mais il n’en demeura pas moins qu’il me fit plaisir de lui chuchoter doucement:  « Hey… », et encore plus de prendre un autre risque, soit celui de venir l’embrasser une nouvelle fois.