Kayla & Tommy + Welcome to your new life

Mon sourire se fit un peu plus rassuré, un peu plus convaincant, au moment où Kayla vint à m’expliquer qu’elle ne m’en voulait pas de ne pas lui avoir dit quoi que ce soit. Encore mieux, je fus ravi qu’elle soit contente pour moi, parce qu’au fond, j’avais besoin qu’on soit content pour moi. Je ne l’exigeais pas, mais disons que dans mon entourage, ma relation n’avait pas nécessairement été bien accueillie. Pour commencer, ma mère l’avait désapprouvée dès le départ, même si elle avait compris ces derniers temps que je ne changerais pas d’idée. Ça ne voulait pas dire qu’elle était d’accord pour autant, mais si elle pouvait ne pas m’embêter avec tout ça, renier son petit-enfant à naître ou un truc du genre, ce serait suffisant. Et puis, je savais très bien que dans le monde dans lequel je vivais, une telle relation n’était pas bien vue. Mais la vérité était que je m’en moquais, parce que j’aimais Joyce comme jamais je n’avais aimé quelqu’un auparavant. Je passais donc outre les remarques de désapprobation, mais avoir un appui positif, c’était quand même réconfortant. Pleinement rassuré donc, ce fut plus ouvertement que je me permis d’en parler avec mon amie, riant même à ses taquineries, avant de reprendre mon sérieux et lui dire:  « Non, pas encore. Mais dans le pire des cas je vais l’appeler comme je l’appelle depuis qu’il est là… » Moi aussi, je pouvais bien me permettre de plaisanter, même que ça faisait du bien de le faire. Laissant durer le suspense un bref moment, j’ajoutai:  « Têtard, c’est joli non ? » Évidemment que jamais je ne saurais appeler mon fils ou ma fille par un tel prénom, quoiqu’en guise de surnom, je l’avais vraiment adopté, pour le moment en tout cas. Est-ce que ça allait changer une fois qu’il ou elle serait né ? C’était encore à voir, ce n’était pas aujourd’hui que j’allais le déterminer. Mais content malgré tout d’avoir pu en parler sans me sentir jugé, ce fut avec un air plus léger au visage que je revins à cette discussion plus professionnelle, parlant du contrat à Kayla, pendant un instant, reprenant un air plus amusé quand elle vint à commenter le café que je lui avais servi. La grimace que j’esquissai quand elle vint à me demander indirectement si elle pourrait avoir un café du même genre dans son département fut nécessaire, à mon avis, pour lui prouver la négative. Ce n’était pas que j’étais radin, mais on ne m’en avait jamais fait la demande, à croire que les gens qui y travaillaient ne le souhaitaient pas. Après, rien n’empêchait mon amie de passer me voir à mon bureau quand j’étais là pour s’en quémander un, prendre un temps pour discuter. En fait, rien ne me ferait plus plaisir. Mais ça, je ne le lui mentionnai pas pour le moment, retrouvant mon sérieux pour écouter ses questions, me doutant bien que là, tout de suite, elle était en mode « trêve de plaisanteries », cherchant plutôt à tout savoir, histoire de tout bien faire. C’était honorable de sa part, je ne pouvais le nier. Maintenant, c’était juste à moi de tenter de tout lui expliquer convenablement, même si parfois, je sentais que je ne saurais lui répondre précisément, comme je ne sus totalement le faire à sa première question. J’eus une réponse à lui formuler, soit:  « En toute franchise, j’aimerais bien que tu m’appelles Tommy et que tu me tutoies, mais si tu ne veux pas qu’on te regarde étrangement, vas-y pour le contraire. » Donc Monsieur et le vouvoiement, voilà ce que je voulais dire. Je ne pus m’empêcher de rouler les yeux à cette idée, n’ayant jamais vraiment apprécié qu’on me mette sur un piédestal, même si, selon certains, je n’avais pas le choix. Passant rapidement outre cette question, je compris que maintenant, l’essentiel était surtout de tenter de la rassurant, le stress semblant l’emporter de nouveau. Adoptant un air qui se voulait simple, naturel, je dis:  « Comme je t’ai dit, personne ne va te mordre, personne ne va te manger. Aie un peu confiance en tes capacités, d’accord ? » Sur ces mots, je souris, et supposant que rester sur place ne l’aiderait pas à se sentir mieux, je crus bon de commencer à marcher, lentement, vers l’extérieur de mon bureau, puis dans les couloirs. Alors que nous étions en train de traverser l’aile actuelle, je présentai:  « Alors ici, c’est l’administration. Mon bureau, ceux des assistants, et la salle de conférence du Conseil. » En somme, elle n’aurait pas trop à faire là, cet endroit étant limite exclusif, comme une salle du trône dans un château, ce que je trouvais, en mon sens, bien ridicule. Ne le soulevant pas, je continuai à marcher en sa compagnie vers les ascenseurs, précisant:  « Les ressources humaines sont un étage en-dessous de nous, et toi, tu seras trois étages plus bas. » N’ajoutant rien, je voulais lui faire comprendre que je lui laissais le choix; où voulait-elle aller en premier ? L’un ou l’autre ne me gênait pas personnellement, alors autant la laisser choisir sur ce qui saurait la rassurer davantage; découvrir son bureau ou signer son contrat pour rendre le tout officiel.

Avais-je vraiment un problème avec le fait que Kayla pourrait me dénoncer à mon enfant ? Pour tout dire, pas vraiment, d’où le fait que je vins hausser les épaules avec un sourire en coin pour le signifier à mon amie. La vérité était que je l’assumais parfaitement, et que lorsqu’il ou elle serait assez grand, peut-être que je lui trouverais un autre surnom idiot, comme je l’avais fait avec mon frère. Je savais bien que la relation ne serait pas la même, mais c’était la seule comparaison que je pouvais me permettre en ce moment, compte tenu du fait qu’il avait été la seule famille que j’avais vraiment connue. Mais si je pouvais avoir une complicité comme ça avec mon enfant, je n’allais pas m’en plaindre. Évidemment, l’idéal pour ce faire, c’était que ce soit un garçon, mais si c’était une fille, je me doutais que j’allais trouver une façon de m’entendre avec elle. Après tout, je ne m’y prenais pas si mal que ça. Il était évident que je n’avais pas un passé très glorieux quand on en faisait la rétrospective, mais j’avais quand même des amies, dont Kayla faisait partie. Elle non plus, ne méritait pas de souffrir en raison de son passé. Elle était une femme intelligente, remplie de qualités, et elle méritait de trouver le bonheur, elle aussi. Voilà pourquoi je ne me vis pas m’interposer à ses propos, voilà pourquoi je ne me vis pas lui demander de me vouvoyer, m’appeler monsieur ou se plier à toute forme de formalité que je trouvais totalement inutile. Je comprenais le principe, même si parfois, je ne l’acceptais pas complètement, mais avec elle, hors de question de l’appliquer. Qu’importe ce qui se passait, Kayla était et resterait toujours mon amie avant d’être mon employée. Ce principe allait toujours s’appliquer, surtout que j’étais persuadé que Kayla était suffisamment professionnelle pour le comprendre et le prendre en considération au quotidien. En fait, elle ne tarda pas à me le prouver, alors que je n’avais rien demandé. Impressionné, d’une bonne façon, je me retrouvai sans mot, sans savoir quoi lui répondre. Il fallait dire aussi que ce n’était pas tant une question simple, sachant que je voyais maintes choses passer sur mon bureau chaque jour, que mes rencontres diverses n’étaient jamais sur les mêmes sujets. Mais déterminé à lui fournir une réponse malgré tout, je décidai de cibler un dossier qui me tenait à coeur, puisque c’était un des premiers que je lançais de mon propre chef, en partant de ma propre idée. Je dis alors:  « En ce moment, je me concentre surtout sur un projet d’immeuble dans un quartier défavorisé de New York. » C’était une première pour l’entreprise, ce n’était pas un secret. Tous voulaient investir dans le luxe, et moi, j’avais envie d’offrir de l’abordable, de l’acceptable. Et ça, Joyce m’avait grandement changé de ce côté, et je l’assumais. Heureusement, le projet allait de l’avant, même s’il y avait toujours des obstacles, à commencer par:  « Et il y a énormément de détails légaux à gérer, et je t’avoue que je ne m’y retrouve pas toujours. » Ce fut avec une pointe d’amusement que je tins ces derniers propos, même si c’était là, la vérité. Mais elle était là maintenant, et c’était son boulot de s’en occuper, alors pour sûr, son embauche mènerait à des partenariats qui se voudraient plus qu’intéressants, productifs, j’en étais persuadé aussi, ou en tout cas, je l’espérais fortement.