Athena & Daryl + This is not a love song [-18]

Ils ont fait un truc en son honneur. Personne ne me l’avait dit. Je m’étais présenté là, pensant que si on me le demandait, c’était que je me devais d’être là, mais y être était le pire. Je ne devais pas être là, j’étais la dernière personne qui devait être là. Ne pouvant prendre la fuite, puisque j’avais été vu, j’avais été obligé de rester un minimum, un minimum qui avait joué dans ma tête, qui m’avait fait du mal. C’était à un point que je ne restai pas pour un verre. Je pris la route, direction le premier bar que j’avais vu. J’avais besoin d’être seul, seul entouré pour ne pas m’isoler et faire quelque chose de trop regrettable. Un verre, deux verres, trois verres plus tard, ça ne passait pas. Les conversations m’énervaient, la télévision dans le bar me faisait peur, peur de voir des informations passer à ce sujet, peur de me sentir mal, me sentir coupable de nouveau. J’essayai de trouver refuge dans ma voiture, ce ne fut pas mieux. Même pas avec mon téléphone allumé sur cette page que je connaissais que trop bien, la page où Athena faisait plaisir à ces individus. Ces individus que je ne connaissais pas, que je ne voyais pas, ces individus dont je faisais partie et pourtant, de qui j’étais jaloux à cet instant précis. Pourquoi ? Je ne savais pas. Mais l’idée de ne pas la toucher, de l’avoir contre moi, me parut insupportable. Et ne réfléchissant plus droit, je mis le contact et je roulai. Peut-être que là, j’aurais dû aller chez moi, mais je ne le fis pas. Sans nécessairement m’en rendre compte, j’avais roulé jusque chez Athena, garé mon véhicule et maintenant, je frappais à la porte avec des coups sourds, plus forts que d’habitude, attendant une réponse, le regard vide, la main tremblante, l’air perdu.

Dans un premier temps, elle ne répondit pas. Ce n’était pas possible, il y avait de cela cinq minutes, elle était en ligne. Où aurait-elle pu aller ? Refusant de faire demi-tour, je frappai encore et là, j’entendis une voix et quelques instants plus tard - pendant lesquels je maugréai que c’était long - elle arriva. Était-ce tant une surprise que je lui paie une visite ? Peut-être, mais je ne savais pas où aller, chez qui aller. C’était ironique, considérant que j’étais marié, que je pourrais rentrer voir ma femme, mais je n’en avais pas envie. Je ne voulais pas l’affronter, je ne me sentais pas prêt pour ça. Me résignant au fait que je ne pouvais pas me l’expliquer pour autant, je répondis:  « J’étais dans le coin. » Bon, j’aurais pu aussi dire que je voulais la voir, en vrai, pas juste sur l’écran de mon téléphone, mais non, elle ne pouvait pas savoir que j’étais en train d’avoir une faiblesse. Sans ajouter quoi que ce soit donc, j’entrai, me laissant tomber dans son canapé. Je me surpris à secouer la tête pour refuser quelque chose à boire. C’était ironique, tout ce que je faisais depuis le début de la soirée, c’était m’enivrer. Besoin d’autre chose ? Possible. Mais une chose était certaine, c’était que je n’avais pas besoin qu’elle me raconte des conneries. Et ça, je lui fis clairement savoir, lui disant:  « Raconte pas de la merde. Y’a même pas dix minutes t’étais à poil avec un jouet entre les jambes. » Et aussi facilement que ça, je venais de me griller. Me griller comme quoi je regardais ce qu’elle faisait. Serait-ce suffisant pour lui faire comprendre que c’était ce qui m’avait poussé à venir ici ? Possible. Après tout, ce n’était pas comme si je me cachais de ce que je pensais d’elle, de ce que je voulais d’elle bien souvent. Ce n’était pas ce que j’étais venu chercher nécessairement mais en fait, je ne savais même pas ce que j’étais venu chercher, j’étais juste complètement paumé.

Elle est celle qui me ment, qui prétend qu’elle va partir dormir comme ça, de façon toute innocente et c’est moi qui vient la juger ? Je savais que mon esprit était particulièrement embrouillé, mais ça ne faisait pas de sens. Bon d’accord, il était vrai que je n’avais pas été le plus sympathique qui soit, mais tout ce que je voulais, c’était lui faire comprendre qu’elle n’avait pas à me mentir parce que je savais très bien ce qu’elle faisait ? Est-ce que je la jugeais pour autant ? Certainement pas. Autrement, pourquoi je serais chez elle en ce moment ? Je ne lui avais pas envoyé des reproches à la fin… Mais malgré tout, je devais l’avouer, je n’étais pas tant surpris de me prendre de tels propos. Athena, elle avait ce caractère particulier, elle s’enflammait rapidement et normalement, j’aimais ça chez elle, mais là, je n’en avais pas besoin. Comment pouvais-je l’arrêter ? Je ne le savais pas. Déjà, elle ne me laissa pas le temps vraiment de répondre à sa question, me menaçant de me mettre à la porte si j’étais venu avec de mauvaises intentions, la juger étant la première qu’elle vint à me mentionner. Le plus triste, ce fut que j’y songeai, à me lever et juste m’en aller, ne me sentant pas le bienvenu, même si cela ferait en sorte que je n’aurais nulle part où aller, tout simplement. Peut-être que finalement j’aurais dû rester dans ma voiture, avec mon téléphone, attendre jusqu’à tard cette nuit pour rentrer chez moi en catimini et ainsi, faire en sorte que personne ne me pose de questions. Ç’aurait été plus simple, mais certainement plus douloureux. Douloureux d’être seul avec mes idées, douloureux parce que je ne m’étais pas enivré suffisamment pour oublier. J’avais besoin d’un réconfort, j’avais du mal à l’admettre, jamais je ne saurais l’admettre, pas par des mots. La regardant avec un air un peu plus triste que je ne le voulais, incapable de dire quoi que ce soit, je me relevai, difficilement, et je marchai les quelques pas nous séparant. À distance rapprochée, je passai mon bras autour de sa taille, histoire que cette distance soit réduite à néant, puis après un  « Toi. » qui fut plus perdu dans une voix rauque qu’autre chose, je laissai mes lèvres s’écraser sur les siennes, dans un baiser maladroit qui ne me ressemblait pas, mais qui montrait que je ne jouais pas, que je ne la jugeais pas. Autrement, serais-je en train de faire une chose pareille ? Non. À ce moment précis, j’aurais déjà pris la porte, sans faire demi-tour, parce que même si je regrettais parfois après, ce n’était pas mon genre de m’excuser ou ravaler mes paroles et mes gestes. J’avais bien trop de fierté pour ça, même si là, cette fierté, elle était juste disparue, me laissant faible, vulnérable, à la limite du ridicule.

J’attendais la gifle, j’attendais d’être repoussé et devoir prendre la porte, pas seulement parce qu’on me l’avait suggéré, mais bien parce qu’elle me l’obligerait. Mais je n’eus rien de tout ça. À la place, Athena me rendit le baiser, glissant ses mains sur mon visage, avec de petites caresses qui se voulaient plus agréables que je n’allais l’admettre. Normalement, entre nous, ce n’était pas tendre. Ou plutôt, tout ce qui était plus tendre, je n’y prêtais pas attention. Ça ne m’intéressait pas. Mais là, je me laissais fondre dans ce baiser, à son toucher, d’une façon qui ne me ressemblait vraiment pas. Je ne pensais pas que c’était bien évident, mais apparemment, je fus moins subtil que je ne l’aurais voulu, puisque sitôt que le baiser fut rompu, elle me demanda ce qui se passait. Comme si elle se souciait vraiment de mon bien-être… Ce n’était pas possible. Avais-je mal compris ? Au vu de comment la tête me tournait, j’aurais très bien pu ne pas entendre clairement ce qu’elle avait dit. Mais au vu de la façon qu’elle continua de caresser mon visage, le fait qu’elle vint réitérer par des mots différents, tout cela me fit comprendre que je n’avais pas mal entendu. Troublé, je me décalai encore un peu, pour la regarder, pour voir si elle était sérieuse. Elle voulait… Que je parle de ce qui m’embêtait ? Que je ne garde pas ça pour moi ? Était-ce vraiment ce que j’avais besoin, ce dont j’avais envie ? Pinçant les lèvres, je m’obligeai à y réfléchir. Et pendant ce temps de réflexion, Athena en profita pour poser ses mains dans mon dos, et là, ce fut plus fort que moi. Cédant à son toucher et à ses attentions, je fermai les yeux, puis je resserrai mon emprise autour d’elle, de mes deux bras, refusant de la laisser partir. Aveuglément, je cachai mon visage sur son épaule, puis je dis:  « Je ne veux pas en parler… » Non, je ne voulais pas, je ne voulais pas pour le moment. Peut-être plus tard, peut-être jamais, je ne saurais pas le dire. Mais là, tout de suite, je voulais juste rester comme ça, à la garder contre moi, à rester contre elle, tandis que je déposais des baisers paresseux sur sa peau à découvert, me permettant de dégager son épaule du peignoir qu’elle portait toujours pour continuer mon trajet, en attendant la suite des choses, ou le moment où elle me refuserait tout parce que justement, je ne voulais pas dire quoi que ce soit.

Elle ne me chassait pas. Elle ne me sommait pas de m’éloigner et de ne plus la toucher ou quoi que ce soit. Elle me proposait de rester, elle me gardait contre elle, elle laissait même ses lèvres s’aventurer sur les miennes encore une fois. Et c’est là que je m’en rendis compte que je n’avais pas tant à chercher plus longtemps; la seule chose dont j’avais besoin, c’était elle. Je n’allais jamais le dire comme ça, et je n’étais même pas certain que ce que je disais, c’était logique, mais en vérité, j’avais juste besoin de sa présence, de savoir que finalement, je n’allais pas être seul pour le reste de la soirée et que je n’aurais pas à me contenter de la voir au travers d’un écran, en ne sachant pas combien de personnes étaient susceptibles de regarder son petit spectacle. Enfin… À moins qu’elle me permettait de rester ici et qu’elle, elle allait vaquer à ses occupations ? Alors que j’étais en train de répondre à son baiser aussi doucement qu’elle, elle me l’avait offert, l’idée me vint en tête et soudainement, me fit peur. J’essayai de me faire violence et de ne pas paniquer, mais ce fut plus fort que moi; je fus mettre fin au baiser, m’obligeant pour une des rares fois depuis que j’étais arrivé ici à la regarder dans les yeux, pour lui montrer que j’étais sérieux avec ma demande. Pas de jeux, pas de sous-entendus - même si évidemment, s’il arrivait quoi que ce soit de ce côté, je n’allais pas me plaindre - je ne pensais à rien de tout ça quand je lui demandai:  « Tu vas rester avec moi… ? » Bien sûr, je me trouvais pathétique. Je me sentais comme un enfant qui demandait à sa mère de rester avec lui après avoir fait un mauvais rêve. Mais peut-être que j’avais besoin d’être cet enfant un moment, juste un petit moment…