Charlie & Jordan | Summer School

En été, je n’entendais pas parler de l’école, je m’occupais que de prendre des vacances, passer du temps avec ma femme quand elle était disponible, et voilà tout. Mais ça ne voulait pas dire que j’étais ce genre d’enseignant qui voulait à tout prix oublier ses élèves, tout oublier. J’étais plutôt celui à qui les élèves manquaient pendant cette longue période sans les voir. Après, me concernant, c’était différent, compte tenu que j’en avais peu, compte tenu que je les suivais tant et aussi longtemps que c’était possible pour eux de rester dans ma classe, ce qui pouvait parfois prendre deux, trois ans même. Du coup, ne pas en entendre parler me faisait pas mal plus drôle que pour l’enseignant un peu blasé qui n’a jamais appris le nom de tous ses étudiants pendant les dix mois où ceux-ci étaient assis devant lui. Je ne m’ennuyais pas au point de déprimer ou quelque chose du genre, mais c’était suffisant pour ne pas râler ou quoi que ce soit quand je reçus un appel de l’école. Bien sûr, je fus quelque peu intrigué, je ne compris pas ce qui était en train de se passer, jusqu’à ce que je décroche, et qu’on m’explique qu’un de mes élèves n’était pas à son meilleur, que quelque chose le perturbait, et qu’il ne voulait en parler à qui que ce soit. Et du coup, compte tenu que je passais mon temps avec lui et que je n’avais jamais eu de problème majeur pendant les heures de classe, les parents avaient demandé à ce que je tente de lui parler, sans vouloir m’imposer quoi que ce soit. Détestant, même dans un tel contexte, savoir qu’un de mes élèves n’allait pas bien, je n’avais pas su résister. Je n’avais pas su refuser. J’avais donc établi un rendez-vous à l’école, prenant soin de le faire une journée où Zara travaillait, avec la directrice, les parents et l’élève en question. Le jour étant maintenant venu, je m’étais préparé - de façon moins formelle que d’habitude, mais quand même un minimum convenable - et j’avais pris un taxi pour me rendre jusqu’à l’établissement. Passant par l’entrée principale, puisque c’était le chemin le plus court pour me rendre jusqu’au bureau de ma directrice générale, puisque c’était le plus simple avec ma canne dont je me servais souvent, surtout quand je ne savais pas quand je saurais m’asseoir, j’arrivai quelques instants plus tard devant Charlie, déjà présente, ce qui ne m’étonna pas. Puisqu’elle et moi avions convenu de nous rejoindre d’avance, un bon moment d’avance, pour discuter, peut-être voir le cas un peu plus en détails. Et puis, ça faisait un bon moment que je ne lui avais pas parlé, individuellement, dans un contexte autre que complètement scolaire. Bon, ce n’était pas ici que nous aurions une discussion complètement informelle, mais c’était mieux que deux minutes au détour d’un couloir. Frappant doucement à la porte, même si elle était ouverte, je m’annonçai avec un petit:  « Bonjour toi. », laissant un sourire se former sur mon visage en attendant sa réaction.

C'était les vacances d'été mais Charlie était encore au lycée. Quand on est directeur, les vacances, on n'en entend moins parler qu'avant. Elle avait encore de nombreux dossiers à boucler, des élèves et parents à recevoir pour de futurs inscriptions ou pour des soucis ayant eu lieu dans l'année. Sans compter qu'elle devait gérer les départs de certains de ses professeurs et regarder les nouveaux dossiers et curriculum vitae des professionnels qu'on lui avait envoyé. Elle n'avait pas vraiment le droit d'en refuser, mais elle avait au moins un droit de regard sur qui allait exercer dans son établissement. Aujourd'hui, Charlie était assisse à son bureau climatisé, et attendait l'arrivée de son collègue, mais surtout ami, Jordan. Il était professeur dans une classe pour enfants porteurs de handicaps, autistes plus précisément. Il les suivait depuis plusieurs années et il avait donc cet avantage de très bien les connaître. Ce qui était vraiment quelque chose de bien quand on sait à quel point cela peut perturber certains enfants de changer de classe, et à quel point c'est difficile pour d'autres de s'ouvrir à une personne. Au moins là, il les connaissait tous très bien, il savait leur point fort et faible, il savait qui devait travailler sur quoi. Charlie avait une totale confiance en cet homme qu'elle connaissait depuis des années. En effet, les deux jeunes gens avaient fait leur études ensembles à Washington. Depuis, ils étaient restés en contact jusqu'à ce qu'il soit embauché dans le lycée de Charlie. Elle adorait sincèrement cet homme, c'était un très bon ami sur qui elle pouvait compter. Leurs valeurs se retrouvaient généralement, et quand elle avait reçu un coup de fil pour convenir d'un rendez vous pour un de ses élèves qui n'allait pas bien, elle n'avait pas été étonné. Quand d'autres n'auraient pas bougé sous prétexte de vacances, lui avait été à l'origine de ce rendez vous. Elle savait qu'il était fiable. Lorsqu'elle entendit frapper, elle leva la tête puis sourit. Elle n'attendait que lui de toute façon, ils devaient se voir un peu avant pour convenir d'un ordre du jour ensembles avant de recevoir les parents et l'élève concerné. « Hello ! » Elle se leva pour lui faire une accolade et la bise. « Tu vas bien ? Tu veux un café ou quelque chose ? » Elle lui fit signe de prendre place sur une chaise.

Il me fit plaisir de voir que malgré tous les dossiers qui trainaient sur son bureau, réclamant son attention, Charlie fut en mesure de me recevoir dans un contexte moins formel, moins officiel, un peu comme moi, je l’avais saluée. Ça faisait du bien parce que parfois, je devais avouer que ce genre de conversation plus détendue me manquait un peu. Mais en professionnel que j’étais, que je voulais être en tout temps, je me gardais toujours une retenue, ce qui était bien normal. Mais là, nous étions seuls, dans un contexte où je ne me voyais pas la considérer comme ma supérieure, mais comme mon amie, ma collègue de travail, avec qui j’allais bosser de pair pour venir en aide à un de mes élèves. Bien sûr, dans le cas où elle aurait préféré quelque chose de plus officiel, je ne me serais pas comporté comme tel, mais puisque ça semblait être d’un commun accord, je ne m’en fis pas trop. Lui rendant sa bise par politesse, Je lui dis ensuite:  « Ça va. Je ne dirais pas non à un café, si tu en as. » Voyant son signe m’offrant de m’installer, je ne me fis pas prier pour le faire. En effet, je ne pouvais pas me permettre d’être un de ces personnes qui veut montrer qu’il est capable d’en prendre en restant debout aussi longtemps que possible. Dans les circonstances actuelles, alors que je n’avais pas à céder ma chaise à qui que ce soit, c’était idiot, sans parler du fait qu’au vu de ma condition, je ne pouvais pas me le permettre. C’était un peu moche, être aussi dépendant des chaises, fauteuils, tabourets, tout ce sur quoi je pouvais m’asseoir, mais c’était ma réalité, cette réalité qui, éventuellement, m’aiderait peut-être à aller un peu mieux. Lentement, je pris place dans une chaise donc, et chose faite, je demandai à mon amie:  « Et toi, comment ça va ? As-tu beaucoup de boulot ? » Je ne lui demandais pas comme une personne le ferait en temps normal pendant une année scolaire, mais surtout pour prendre de ses nouvelles, voir comment les choses allait. Je ne demandais, et je ne voulais rien de plus, pas pour le moment en tout cas.

Accorder du temps à ses professeurs, Charlie essayait de le faire dès qu'elle, ou qu'ils en avaient besoin. Et puis là, c'était Jordan et c'était encore complétement différent. A lui, elle pouvait se confier sans avoir peur des "on dit" qui pourraient trainer sur elle ensuite. Il la connaissait depuis des années, savait par quoi elle était passée, personnellement et professionnellement pour en arriver là, maintenant. Aujourd'hui, s'ils devaient se voir ce n'était non pas pour parler d'eux, mais bien d'un élève de Jordan qui le préoccupait. Charlie n'avait pas la chance de connaître tout ses élèves personnellement, ni même de retenir tous leurs prénoms tellement ils étaient nombreux. Mais elle accordait plus d'attention à ceux de sa classe à lui, moins nombreux et ayant plus de besoins. Alors, sans les connaître précisément, elle connaissait au moins leur prénom et savait donc de qui ils allaient parler aujourd'hui. Bref, après l'avoir salué, elle lui proposait un café. « Une machine à café, c'est indispensable ! » Elle en buvait des litres et des litres pour pouvoir tenir le coup, surtout lors de longues ou difficiles journées. Elle en fit donc couler un peu, puis servit deux tasses. Jordan s'était assis, comme lui avait proposé Charlie, et lui demandait de ses nouvelles. Elle lui sourit, c'était agréable. Surtout qu'elle savait qu'il s'en souciait vraiment. « C'est la fin de l'année.. Le plus dur a été fait ! Mais j'avoue que je sature un peu là, entre toutes les inscriptions et le reste. Mais bon, il faut bien le faire ! » Oui parce que personne ne ferait son travail à sa place, c'était sûr. Elle n'avait pas d'adjointe donc le sale boulot, tout, c'était pour elle.

Sérieux ou pas, je ris doucement au moment où Charlie me dit qu’à ses yeux, le café était indispensable. Je pouvais le comprendre, même si personnellement, ce n’était pas une nécessité. J’aimais bien prendre un café le matin, parfois deux, mais c’était tout généralement. Sauf que là, en compagnie de ma collègue, mais surtout de mon amie, je ne voyais pas le mal à le faire. Reprenant ensuite mon sérieux, sachant que je ne pouvais pas rire quand elle me disait qu’elle était débordée, parce que ce serait irrespectueux, parce que ça se voyait qu’elle ne plaisantait pas, et ça me rendait quelque peu triste pour elle. J’estimais qu’elle aussi, elle pouvait profiter du beau temps de l’été, du congé auquel nous avions droit aussi, mais à la place, elle était débordée… Avait-elle de l’aide au moins ? Si non, pourrait-elle en demander, embaucher quelqu’un pour lui filer un coup de main ? Évidemment, la question me vint à l’esprit, mais je n’osai pas la poser, pas pour le moment. À la place, je lui dis:  « Bonne chance, en tout cas… » Mon sourire se fit relativement timide, mais mes propos étaient sincères. J’espérais qu’elle serait capable de passer au travers, j’espérais que le souci qu’un de mes élèves avait ne viendrait pas trop la déborder non plus. Mais refusant d’aborder le sujet, pas pour le moment, pas directement en tout cas. Ce que je lui demandai plus tôt, ce fut:  « Aurais-tu le droit de t’accorder un peu de vacances quand même ? » Jamais je ne m’étais permis de poser la question, m’étant toujours dit que ce que Charlie faisait à l’extérieur de l’école la regardait, mais après, jamais nous ne nous étions croisés en de telles circonstances, pas ces derniers temps du moins. Autant lui demander, lui demander si elle avait droit à quelques jours de congé, si elle comptait en profiter, quelque chose dans le genre, surtout par curiosité tout simple, qui ne se voulait nullement déplacée. Enfin, je n’espérais pas que demander une telle chose soit déplacé.

Le travail de proviseur de lycée n'était pas évident. Mais Charlie adorait son boulot, heureusement pour elle. Clairement, elle n'avait pas été préparé à avoir autant de travail à fournir, surtout que le lycée dans lequel elle était directrice était loin d'être petit. Il y avait plus d'une trentaine de classes et il fallait réussir à tout gérer, élèves, professeurs, et parents récalcitrants. Heureusement, le mois de juillet était arrivé et les vacances se faisaient plus que sentir. D'ailleurs, il ne restait plus grand monde dans ce grand bâtiment, mais Charlie, elle, était toujours présente. Il lui restait de nombreux mails à traiter, sans parler des dossiers qui présentaient des anomalies ou papiers manquants pour l'année prochaine. Elle devait avoir tous les dossiers complets pour la rentrée alors elle se prenait la tête encore et encore. Mais la venue de Jordan allait lui changer complètement les idées et elle était ravie de le voir. C'est d'ailleurs pour cette raison, et parce que c'était son ami avant d'être un professeur de son établissement, qu'elle lui fit une accolade. Il prenait en plus sincèrement de ses nouvelles et cela fit du bien à Charlotte. C'est vrai que les personnes au dessus de nous au travail, on pense moins à prendre de leurs nouvelles. Pourtant, eux aussi mériteraient un peu d'attention parfois. Elle leur servit le café, histoire de rester éveillé pour préparer cet entretien qui les attendait avec les parents de cet enfant. Elle lui sourit sincèrement quand il lui souhaitait bonne chance. Elle en aurait besoin, enfin surtout du courage d'ailleurs. Il lui demandait ensuite si elle aurait le droit de s'accorder des vacances. « Oui, d'ici une petite semaine. Vivement ! Bon je pense que je ne vais pas faire grand chose, je n'ai rien prévu. » Depuis qu'elle avait divorcé, Charlie n'avait pas eu grand chose dans sa vie, mise à part ses fidèles amis. heureusement qu'ils étaient là pour l'aider à tenir le coup. « Et toi, tu vas bouger un peu ? Racontes moi tout !» Ce n'était pas des plus professionnels comme échange mais là, elle parlait à son ami, pas à son professeur.

Ne rien prévoir pour les vacances, je ne pensais pas que c’était la fin du monde. Et du coup, je ne pouvais pas juger Charlie d’agir ainsi, d’autant plus que je serais bien mal placé pour le faire, parce que moi non plus, je ne comptais pas partir en voyage bien loin. Me concernant, plusieurs raisons expliquaient cette décision; ma condition, le travail de Zara, notre situation actuelle, rien qui ne venait aider, mais quand même, prendre du temps pour soi, tranquille, dans sa demeure, dans ses affaires, je trouvais que ce n’était pas plus mal, d’autant plus que ce dont mon amie semblait avoir le plus besoin actuellement, c’était du repos, de penser à autre chose que l’école. J’espérais en tout cas que c’était ce qu’elle pourrait faire, et le petit sourire que je lui adressai fut la façon dont je lui fis savoir, sans rien dire. Du coup, je pus la laisser prendre la parole, me demandant ce qui en était concernant mes propres vacances. Sans gêne, je lui répondis:  « Je ne crois pas. Zara et moi sommes allés dans un chalet en campagne pour notre anniversaire de mariage, mais c’est tout. » Et ces quelques jours avaient été plus qu’agréables, nécessaires dans notre cas. Je ne m’étalai pas sur ça, poursuivant en disant plutôt:  « Je profite surtout de ces vacances pour poursuivre ma convalescence, et Zara profite de ses jours de congé pour se reposer… » Parce qu’en ce moment surtout, elle en avait bien besoin. Et le simple fait de songer au pourquoi elle avait besoin de ce repos, alors que normalement, elle avait une réserve d’énergie quasi inhumaine lorsqu’elle se donnait la peine, j’eus un sourire un peu idiot, sans réfléchir, me retrouvant un peu pris au dépourvu, avec ce besoin de me justifier. Non pas que je voulais le cacher, mais parce que j’en avais trop peu parlé depuis la fameuse annonce. D’abord parce que celle-ci avait été troublante, ensuite parce que bon, je ne savais pas tant comment le tourner. Mais là, je ne me cassai pas la tête, disant juste:  « Elle est enceinte… » Je me surpris à pincer les lèvres, comme timide de le lancer ainsi, me faisant violence pour ne pas en dire, en faire davantage en attendant la réaction de mon amie.

Charlie n’aurait pas été contre quelques jours loin de Washington pendant ses vacances. Mais elle avait du se rendre à l’évidence, elle n’avait plus personne pour partir avec elle, et n’avait également plus autant de moyen qu’avant. Son mariage l’avait bien affaiblie autant moralement que monétairement parlant. La presque quarantenaire devait se refaire une santé financière et du coup, elle ne lésinait pas sur le travail. En plus, au moins, cela occupait son cerveau et lui évitait de cogiter. Non pas qu’elle soit triste sans son ex. Loin de là, elle avait même très bien vécu son mariage, au point de faire une fête pour célébrer cet événement. Mais, rien n’était plus pareil maintenant. Elle avait donc répondu à son ami et collègue, tout en lui renvoyant la question. A son tour, Jordan prit la parole. Il l’informait qu’il n’était pas prévu qu’il parte non plus. « C’est super, ça a du vous faire du bien. » Mariage… Ce mot avait toujours une grande signification pour Charlie qui avait un peu du mal à l’entendre ces derniers temps. Il poursuivait en lui disant qu’il en profitait pour poursuivre sa convalescence, tandis que sa compagne, Zara, profitait quant à elle pour se reposer. Charlie leva un sourcil, pourquoi avait-t-elle tant besoin de repos ? Année épuisante ? Cela pouvait se comprendre. Mais était-ce que cela ou bien cachait-elle autre chose ? Mais rapidement, Charlie pouvait observer un sourire se dessiner sur le visage de son ami. Quelques secondes plus tard, il lui annonçait qu’elle était enceinte. Charlie eut un énorme sourire, ravie de cette jolie nouvelle pour eux ! «  C’est vrai ? C’est génial, félicitations !! C’est pour quand ? » Un bébé, c’était toujours une bonne nouvelle, après tout. Et puis, c’était super pour eux, un sacré événement, ce n’était pas rien ! « Vous connaissez déjà le sexe ? »

Refusant de me lancer dans un monologue racontant mes vacances, histoire de ne pas être trop envahissant, je ne fis qu’hocher la tête, confirmant ainsi à mon amie que oui, ces vacances en amoureux avaient fait le plus grand bien. Plus encore, dans le cas de Zara et moi, elles avaient été nécessaires. Et même si les choses n’étaient pas encore tout à fait parfaites pour le moment, il n’en demeurait pas moins que nous allions sur la bonne voie, et lentement, mais sûrement, accepter notre mariage où il en est en ce moment, accepter ma condition et surtout, accepter ce qui allait s’ensuivre était plus facile, moins terrifiant en tout cas. En fait, pendant un instant, ce ne le fut tellement pas que je me permis finalement de l’annoncer à ma supérieure, ne sachant pas à quoi m’attendre concernant sa réaction toutefois. Mais compréhensive comme je l’avais toujours connue - et je l’admirais de l’être constamment, malgré ce qui pouvait lui tomber dessus au quotidien dans l’exercice de ses fonctions - je ne fus pas surpris de la voir heureuse pour moi, et cela m’arracha un sourire plus que ravi. Elle était une des premières à le savoir, et j’étais content de constater qu’elle faisait partie de ceux qui étaient contents pour moi, pour nous deux. Toujours avec ce sourire un peu niais aux lèvres, je répondis:  « Pour l’hiver, février environ. » C’était malheureusement la seule information que j’avais pour le moment, vu le calcul établi en se basant sur le moment que Zara était tombée enceinte, approximativement. Et par conséquent, je ne pouvais pas tant répondre à la seconde question de mon amie. Secouant la tête, je lui répondis ensuite:  « Pas encore, c’est trop tôt pour ça. » Et qui sait, peut-être que Zara ne voudrait pas le savoir avant la naissance. En toute franchise, nous n’en avions jamais parlé. Peut-être qu’un jour, le sujet serait abordé, de façon harmonieuse, ou pas. Pour le moment, nous avions encore du temps, pour assumer chaque étape, et surtout, apprendre au travers de tout ça. Et là, maintenant, ce n’était pas le moment. Me reprenant, je ris un peu, et je dis, les mains levées:  « T’inquiète, je ne suis pas là pour t’annoncer un congé paternité dans les prochaines semaines ! Je serai là pour la rentrée et un bon moment ! » Évidemment je voudrais prendre un congé pour être avec ma famille, mais je n’allais pas abuser non plus. Reprenant mon sérieux, j’ajoutai:  « Ç’a été difficile de ne pas avoir été là l’année dernière… Tout ici me manquait, les élèves me manquait, et tu me manquais aussi. » J’avais quelques mois de retard sur ma révélation, mais ce n’était pas pour autant qu’elle n’était pas sincère. Et je le prouvai d’un petit sourire en coin, cessant mon explication là, histoire, encore et toujours, de ne pas me montrer trop envahissant.

C'était une super nouvelle que Jordan venait de lui annoncer. Un bébé, c'était toujours joyeux comme annonce ! En tout cas, lorsqu'il était désiré... Charlie n'en avait jamais eu, du haut de ses trente-huit ans. Et elle s'était faite à l'idée, peut-être qu'elle n'en aurait jamais et ce n'était pas un fin en soi, ni un drame. Tout le monde n'a pas besoin de fonder une famille, après tout. Même si elle pouvait pas se le cacher, elle l'aurait voulu ce bébé, avec son ex. Cet enfant qui aurait été le fruit de leur amour... Cela dit, en y repensant, elle avait épargné une vie compliquée à cet enfant. Que serait-il advenu de lui, élévé probablement par une mère célibataire, son ex étant retourné dans son pays d'origine, la France ? Il aurait eu une vie... difficile. Trimballée de nounou en nounou, sa mère se tuant à la tache pour lui offrir une vie confortable... Enfin, la question ne se posait pas puisqu'enfant, il n'y avait pas, et il n'y aurait probablement jamais. En attendant, elle se réjouissait sincèrement pour son ami, et employé. Elle en profita pour lui demander quelle était la date prévue d'accouchement. "Un bébé d'hiver alors. C'est chouette, vous devez avoir tellement hâte !" C'était pour l'instant encore loin. Même si, on le savait, tout allait passer vite. Voire, trop vite. "ça ne saurait tarder alors." C'est vrai que c'était une question que l'on posait tout le temps. Mais dans le fond, qu'est ce que ça pouvait bien faire, d'avoir une fille ou bien un garçon ? C'est son enfant, et on l'aime forcément, quelque soit son sexe. Charlie rit aux paroles de Jordan. "J'espère bien ! Mais dans tous les cas, tu auras le droit à ton congé paternité. Il faut en profiter..." Et quand il lui avoua que tout lui avait manqué l'année dernière, dont elle, Charlie ne put qu'être touchée. "Tu leur as manqué aussi. Et à moi aussi. Enormement. Notre relation est différente de celle que je peux avoir avec tes collègues, et c'est plaisant d'avoir quelqu'un à qui se confier." sans jugement, sans avoir peur que cela soit répété ailleurs. Elle avait confiance en lui, depuis des années maintenant.