Levi&Yso ↝ you're a rockstar

Un de mes collègues à l’hôtel m’avait parlé de ce bar dont il connaissait le propriétaire et qui cherchait quelqu’un pour faire un concert ce soir, la personne qui devait le faire ayant décidé de le laisser tomber à la dernière minute. Pourquoi ? Ça ne me regardait pas. Mais ça se voyait clairement que c’était dans une tentative désespérée qu’il me le demandait. Limite, il se sentait mal de le faire, me faisant comprendre que j’étais son dernier ressort. Et je ne pouvais pas lui en vouloir, supposant qu’il avait été assez compréhensif dans un premier temps, compréhensif du fait que je ne voulais pas pousser ce que certains prenaient à tort pour un retour dans la musique. Ce n’était pas ça du tout, c’était seulement en attendant, mais au final, j’en vins à la conclusion que ça ne ferait pas de mal. Je ne devais pas travailler ce soir dans un premier temps, mais compte tenu qu’Haley était déjà occupée pour la soirée, je ne vis pas pourquoi je devrais m’y opposer. J’acceptai donc, non sans une certaine nervosité. Jouer dans un bar, ce n’était pas pareil que dans un hôtel, j’avais l’impression. À vrai dire, je ne l’avais jamais vraiment fait, et même si on me disait d’être moi-même et rien de plus, j’avais peur que ce ne soit pas suffisant, pas convenable. N’ayant pas le temps de changer quoi que ce soit aux chansons que je jouais déjà, je décidai de faire avec ça. À l’heure convenue, je montai sur scène, considérant certaines personnes qui regardaient attentivement, d’autres, plus ou moins. Dans l’ensemble, le tout se déroula plutôt bien. J’eus droit à des applaudissements, ce qui me fit sentir bien, mais pas de quoi que je pense rester pendant un temps. Je ne buvais pas de toute façon, par conséquent, j’allais prendre mon cachet - parce qu’on m’avait promis de me payer, même si je l’aurais fait gratuitement sans problème - et rentrer à la maison avant qu’Haley soit de retour. Mais avant que je puisse faire quoi que ce soit, alors que je prenais une dernière gorgée du verre d’eau qu’on m’avait offert, une personne s’approcha, me tenant un simple mot, puis un sourire. Surpris dans un premier temps, je restai un peu hésitant sur ce que je devais dire, pour finalement dire:  « Oh c’est.. De rien. » Et c’était nul, c’était clair et ce, malgré le petit sourire en coin que je lui avais offert, je me disais que ce n’était pas suffisant. Du coup, j’ajoutai:  « Dois-je comprendre… Que ça vous a plu ? » Évidemment que je voulais m’assurer que les gens appréciaient ce que je faisais, et peut-être je pourrais me conforter un peu avec ça, même si je ne savais pas si j’en avais besoin, si je gardais en tête que ce serait pour une seule fois, une exception, comme c’était prévu que ce soit depuis le début.

Je demeurai un peu perplexe suite à son commentaire. Est-ce qu’elle plaisantait ou elle était sérieuse ? Avais-je été mauvais à ce point ? Je ne savais pas comment réagir, je ne m’étais jamais retrouvé dans une situation pareille précédemment. Évidemment j’avais droit à des commentaires, souvent positifs, mais ce n’était pas grand-chose, surtout poli, venant des gens qui écoutaient quand ils passaient au bar de l’hôtel. Bref, pas de quoi me perturber, contrairement à ce moment, où, au final, je ne dis rien, jusqu’à ce que la demoiselle reprenne la parole, pour d’abord rire, puis me confirmer par ses mots suivants que tout ça était une blague. Sitôt, je me sentis un peu plus détendu, et je me permis de lui sourire. Je souris toutefois que légèrement, le propos poussant à une certaine réflexion, réflexion qui poussait à la confusion, le pourquoi c’était surprenant. Était-ce parce que la personne qui devait jouer avait un style si différent que ça de le mien ? Non, ce n’était pas là. Je le compris quand elle poursuivit son discours, parlant de nostalgie, m’en faisant venir à la conclusion qu’elle connaissait le groupe, que j’avais été reconnu. Bon, je n’avais pas changé de nom, je n’avais pas complètement changé mon visage, ça pouvait arriver, mais il n’en demeurait pas moins que c’était un peu… surprenant. Un peu gêné, j’acquiesçai timidement, reprenant la parole lorsqu’elle me proposa un verre. Non pas que c’était un sujet confortable pour moi, mais plutôt parce que c’était un peu plus simple que de parler du passé. À cela, je répondis donc:  « Tant qu’il est sans alcool, pourquoi pas. » J’essayai de rester poli, malgré la révélation comme quoi je ne buvais pas d’alcool. Je l’assumais maintenant, ça faisait maintenant bientôt deux ans que je ne consommais pas quoi que ce soit, et je ne voulais pas gâcher mes efforts, gâcher la vie que je menais maintenant pour un verre que je pouvais très bien éviter. Dans un bar, c’était un peu ironique, mais c’était ma réalité. Et là, tout de suite, elle me rendit un peu nerveux. En fait, toute la situation me rendit un peu nerveux, si bien que je crus bon de m’excuser, et dire:  « Je suis désolé, ce n’est pas quelque chose qui m’arrive souvent. » Le « quelque chose », c’était le fait de voir une ancienne fan. En fait, la vérité était que ça ne m’était jamais arrivé dans des circonstances où je ne prenais pas vraiment la fuite. Je n’avais pas envie, mais je n’étais pas tout à faire à l’aise non plus, et j’espérais que ç’allait s’ajuster éventuellement, si la demoiselle me laissait l’occasion de le faire, évidemment.

Mon problème de dépendance n’avait pas tant été avec l’alcool. Évidemment j’en avais consommé, trop consommé par moments, alors que je n’avais même pas l’âge légal de le faire, mais jamais ça n’avait été ma bête noire, pas autant que la drogue en tout cas. Mais je ne relevai pas le détail, me doutant bien que ce n’était pas ça pourquoi elle m’avait approchée, et peu enclin à parler de ça à une personne que je ne connaissais pas. Sans rien dire, j’acquiesçai à l’idée de prendre quelque chose sans alcool. Puis toujours sans broncher, je descendis de la scène pour la suivre à une table libre. Je ne savais pas si là, pour le coup, c’était le silence qui était gênant ou autre chose, ou les circonstances qui avaient mené à cette éventuelle installation, mais je ne me sentais pas des plus confortables. Pourtant, je voulais faire un effort. Si j’avais voulu prendre la fuite, j’aurais refusé directement et je serais parti. Mais qu’est-ce que je pouvais lui dire ? Qu’attendait-elle de moi ? Je ne le savais pas, et ce flou faisait en sorte que je ne savais pas vraiment quoi faire. Heureusement, ce fut elle qui prit la parole dans un premier temps, me remerciant encore une fois. Qu’avais-je fait de spécial à ce point ? Je ne savais pas, d’où le fait que j’haussai les épaules, et humble - mais honnête, ne me forçant pas pour l’être - je répondis:  « Ce n’est pas grand-chose, je n’ai fait que mon boulot. » Mon boulot pour le moment en tout cas. C’était ainsi que je voyais la musique désormais. Ce n’était pas quelque chose de désagréable, mais ce n’était pas une perspective de carrière, plus maintenant. Gardant ce détail pour moi, je m’installai à table avec elle, n’ayant pas le temps de choisir ce que j’allais commander. Enfin, un cocktail de fruits, c’était un cocktail de fruits, je supposais que ça pourrait être bon, à condition que ce soit affectivement sans alcool. Puis, avant que je songe à quoi dire, elle reprit la parole, et soudainement, tout devint clair, enfin, je supposais que ça devenait plus clair; le mot « solo » m’avait mis la puce à l’oreille, supposant qu’elle savait que j’étais dans le groupe précédemment. Ce n’était pas l’idéal pour moi, mais en reprenant la musique, je l’avais cherché. Prenant sur moi, j’hochai la tête pour lui montrer que ça ne me gênait pas qu’elle me pose une question, tentant de cacher le fait que ça me rendait un brin nerveux, considérant le fait que je craignais une question trop délicate, trop personnelle, à laquelle je ne serais répondre. Mais ce n’était pas si terrible, en fait. Même que si je m’en tenais au minimum, c’était bien simple. Je répondis:  « Normalement je chante au bar d’un hôtel, mais il manquait quelqu’un pour ce soir et un ami m’a demandé de venir jouer ici. » Oui, c’était aussi facile que ça, mais quelque chose me disait que ce n’était pas que ça qui l’intéressait. Était-ce pourquoi j’avais repris la musique ? Trop peu certain, je décidai de ne pas ajouter quoi que ce soit, attendant de voir si ma réponse lui avait convenu, lui donnant la liberté de tourner la discussion comme elle le souhaitait, même si ça me mettait à risque. Mais au vu de comment j’étais dans l’abstraction, à ce point, tout pouvait arriver, et dans le pire des cas, j’allais imposer mes limites, même si je n’étais pas encore des plus adroits pour faire ça.

Parfois quand je venais à parler de musique, je me demandais pourquoi je m’étais montré si réticent par le passé à le faire. Puis, il y avait un petit quelque chose qui faisait en sorte que je changeais soudainement d’avis et que je comprenais pourquoi j’hésitais. Et tristement, je le ressentis encore aux propos de la jeune femme, lorsqu’elle me fit le petit discours comme quoi c’était bien de renouer avec le passé. Enfin, elle n’avait pas tout à fait tort, dans le sens où oui, j’avais toujours aimé la musique et chanter, mais revenir à cela n’était pas un choix par rapport à mon passé en tant que membre d’un groupe. Et comme si je craignais qu’elle se fasse de faux espoirs à ce sujet, je crus bon de préciser:  « Oui… Mais c’est surtout en attendant de faire autre chose… » Bien sûr, je ne l’avais pas dit avec autant d’assurance que j’aurais voulu dans un premier temps. Pire encore, c’était juste complètement maladroit comme propos. Mais au moins, c’était clair. Il était hors de question que je revienne à une certaine célébrité. Chanter comme ça, pour un petit public, c’était juste parfait. Pour une fois, j’avais un boulot où je me débrouillais bien, où je ne me sentais pas autant complexé que précédemment, et surtout, ça convenait parfaitement à mon emploi du temps actuel, me permettant d’aller au lycée, aller jouer à l’hôtel, puis rentrer à la maison à une heure relativement raisonnable pour m’occuper d’Haley, qui habitait à temps plein avec moi désormais. Mais ça, je ne le racontai pas, me disant que m’arrêter là était la meilleure option, considérant le fait que je ne voulais pas trop m’enfoncer non plus. Cela laissa à la jeune femme le temps de passer un commentaire supplémentaire qui m’arracha un petit sourire, que j’approuvai avec un:  « En effet. Mais ça reste une petite salle, et ce n’est pas plus mal je trouve. » Clairement, ça, ça changeait des grands amphithéâtres, mais ça, je ne voulais plus en faire. C’était du passé et surtout, c’était fait pour rester dans le passé. Voilà encore des détails que je gardai pour ma personne, laissant la discussion se poursuivre, réalisant que lorsque mon interlocutrice le mentionna que je ne connaissais pas son nom… Alors que j’avais accepté un verre de sa part… Étrange ? Peut-être, un peu, mais c’était surtout… Gênant pour le coup. Elle comme moi devions faire avec, donc j’haussai les épaules, déterminé à ne pas en faire tout un cas, lui répondant ensuite:  « Enchanté… Moi c’est Levi. Mais de ce que j’ai compris, vous connaissez déjà mon nom. » En effet, au vu de comment elle parlait de précédemment et tout, je me doutais bien que ce soit le cas. Et si ce n’était pas le cas, maintenant, elle le savait. Par contre, j’étais bien curieux de savoir à quel point elle en savait à mon sujet - quoique d’un autre côté ça me mettait mal à l’aise aussi. Mais finalement, je m’osai à lui demander:  « Vous… Vous connaissiez le groupe, donc… ? » Question vague, un peu mal posée, voilà tout ce que j’avais pu faire. Il ne fallait pas s’attendre à quelque chose d’extraordinaire de ma part, ce n’était pas nouveau. Au moins je l’avais posé, c’était déjà là un grand progrès. À voir après si j’allais le regretter ou pas, dépendant de la réponse d’Ysobel.

J’avais visé juste; elle connaissait, appréciait le groupe à l’époque. Bref, une des fans un peu hystériques qui étaient limite groupies. C’était un énorme cliché, mais c’était bien souvent ce que je me souvenais le plus de cette période. Et plus d’une décennie après, je me rendais compte que je ne savais pas comment me sentir par rapport à ça. Ce n’était pas la première fois qu’on me reparlait du groupe, de plusieurs façons. Et très souvent, quand je voyais mon interlocuteur - souvent interlocutrice en fait - avoir les yeux brillants, j’étais inconfortable. Ce n’était pas contre la personne à qui j’en parlais, mais c’était moi-même, mes souvenirs, ces souvenirs plus négatifs, envahissants, que je pouvais avoir. Par conséquent, j’avais toujours tendance à me sentir un peu pris au piège, mais là, en ce moment, ce n’était pas le cas, pas autant que je l’aurais songé dans un premier temps. Était-ce parce que la demoiselle était plutôt calme ? Ou bien parce qu’elle n’insistait pas sur le fait que je ne voulais pas continuer ma carrière de chanteur éternellement, ou la pousser plus loin ? Je ne savais pas, même si je devais admettre qu’en effet, c’était un peu plus rassurant, facile à vivre. Et puis, elle était relativement calme, et ça aussi, ça faisait du bien, assez pour que je ne commence pas à être nerveux dans cette discussion, hochant la tête pour confirmer qu’il était vrai que nous avions tous grandi depuis, me permettant même de rire un brin à son commentaire concernant notre allure de l’époque. Comment oublier ce que j’avais accepté de subir de ce côté ? C’était terrible, limite j’en avais honte, même si m’y attarder trop longtemps ne menait à rien, j’en étais parfaitement conscient. Dans un haussement d’épaules, je finis par répondre:  « C’était la mode à l’époque, apparemment. » Honnêtement jamais je n’aurais fait une chose pareille, mais à quinze ans, persuadé que je ne connaissais rien, je m’étais laissé guider, parce qu’on m’avait promis une belle histoire, la plus belle des expériences. Je m’étais laissé transporter, et c’était que maintenant, j’avais l’impression, que je reprenais vraiment le contrôle de ma vie. Réfléchissant à cela, je laissai maladroitement un silence s’installer, et le pire était que je ne m’en rendis pas compte dans un premier temps. Secouant la tête, me giflant mentalement, je finis par dire dans un rire nerveux:  « Je suis désolé, je vous avoue que je n’ai plus tant l’habitude de parler du groupe… » C’était à la fois faux et vrai. En parler comme ça, non, ça m’arrivait plus, en parler en mal, oui, un peu trop souvent à mon goût maintenant. Essayant de me calmer, je parvins finalement à esquisser un sourire timide, essayant de détourner un peu la conversation - même si je n’étais pas convaincu que ça marcherait - en demandant:  « Et vous… que faites-vous dans la vie ? » Question pourrie, sortant de nulle part, un peu indiscrète. Voilà tout ce que j’étais parvenu à faire en fait. Je n’en étais pas fier, c’était clair, mais il ne fallait pas trop m’en demander non plus. En tout cas, j’espérais juste qu’Ysobel ne m’en voudrait pas, il était clair que ç’aurait sitôt pour effet d’agrémenter mon malaise.