Levi&Trixie Le hasard fait il vraiment bien les choses?

Étudiant de jour, chanteur de bar le soir, père célibataire le reste du temps. Voilà à quoi se résumait ma vie désormais. Et cette nouvelle vie, occupée comme pas possible, qui m’apportait que ce que je pensais être des bénéfices après avoir vécu plus de dix ans dans une déchéance totale, elle me plaisait. Mais évidemment, elle avait son lot d’inconvénients, comme la fatigue qui pouvait s’accumuler après une longue journée de cours, qui s’accompagnait d’un concert au bar de l’hôtel où je travaillais régulièrement désormais. Aujourd’hui, c’était une journée comme ça. Une journée où je sentais que la journée serait longue, une journée où j’avais besoin d’une motivation supplémentaire de sorte à être en mesure de passer au travers. Profitant du fait que mes cours commençaient plus tard pour moi, mais que j’avais proposé à Haley de la déposer quand même d’avance, je me rendis dans un café non loin du lycée afin de prendre un peu de caféine, un bonus à mon petit déjeuner qui avait été plus tôt sommaire précédemment, manger le tout, prendre du temps pour moi, avant que la folie de la journée ne commence. Cependant, il était évident que prendre du temps pour moi, ce n’était pas dans cette succursale de grande chaine que j’allais le faire. La file était longue, l’endroit bondé. Où irais-je ? Je ne savais pas encore, je trouverais bien. Pour le moment, j’attendis pour commander, donnant mon nom à la caissière, comme c’était la coutume de le faire en ces lieux. Passant de l’autre côté du comptoir, j’attendis, et un peu trop rapidement, quelqu’un prononça mon nom. Pensant que c’était mon café qui était prêt, bien que ce soit surprenant, je fronçai les sourcils, regardant les barristas qui s’activaient, mais rien. Je tournai donc la tête, voyant soudainement une tête familière, qui avait vieilli de quelques années, mais que je n’eus pas de mal à reconnaître pour autant. Troublé, je ne parvins pas à dire quoi que ce soit, la laissant reprendre la parole, avec de fausses idées, rancunières, qui vinrent me pincer quelque peu. Pas de quoi être vexé, je savais que j’avais pas le droit. Je ne saurais pas immédiatement me rappeler de tout, mais je savais qu’au fond, c’était ma faute si elle était froide avec moi. Sachant aussi que je devais essayer de sauver un peu la mise, bien que ce ne soit pas chose simple, je parvins qu’à balbutier maladroitement:  « Non, non… » Serait-ce suffisant pour la freiner ? Certainement pas, et si elle venait à partir, je ne pourrais pas la blâmer. Paniqué un peu, j’essayai quand même d’ajouter:  « Ça fait longtemps… » Définitivement, je ne saurais faire plus brillant pour le coup. Peut-être ferais-je mieux de me taire et de la laisser partir ? Je n’aimais pas cette éventualité, mais il y avait tant à dire, que je ne savais que dire. Pouvais-je vraiment lui demander comment elle allait ? J’aurais l’impression de me moquer d’elle. Définitivement, j’étais coincé, et peu adroit avec les mots, je ne savais pas comment je pourrais m’en sortir.

Trixie ne semblait pas vouloir prendre la porte. Dans un premier temps, je fus quelque peu soulagé, dans le sens où je ne voulais pas non plus qu’elle parte en furie et que je sois laissé à moi-même, sur un malaise indescriptible. Puis finalement, en l’espace de quelques phrases, je me mis à regretter d’avoir pensé que le fait qu’elle reste était bien. Pas que je ne voulais plus la voir, aussi surprenant que peut-être ce puisse être pour elle. J’étais passé outre cette histoire. Ç’avait pris du temps, je ne disais pas que j’étais non plus complètement immunisé, que je pouvais en parler librement sans m’en sentir mal ou quoi que ce soit du genre, mais parce que justement, je ne me sentais pas prêt à me faire poser une telle question, en public qui plus est. Pris de court, je ne sus pas quoi dire, sauf:  « C’est… compliqué… » Une réponse pourrie, je le savais très bien, comme je savais qu’elle méritait que je lui fournisse plus, et surtout mieux que ça. Prenant un temps de pause, je tentai tant bien que mal de voir ce que je pourrais lui dire, mais parce que j’étais aussi pris dans la situation que je ne pouvais pas non plus laisser un silence trop long, j’ajoutai:  « Il s’est passé… Beaucoup de choses… » Clairement, ce n’était pas suffisant pour tout justifier, mais rien ne le serait jamais assez à mon avis. Mais ce n’était pas ici, pas maintenant que je pouvais lui donner ce qu’elle attendait de moi. J’en étais venu bien rapidement à la conclusion que là, tout en attendant dans un café dans un lieu public bondé, ce n’était pas l’endroit, ce n’était pas le moment, parce que je n’y arriverais jamais. Par conséquent, autant être honnête et le lui dire tout de suite, qu’elle ne s’attende pas à de complètes explications de ma part ici et maintenant. Inspirant profondément, espérant ne pas l’énerver, je dis:  « Ici, ce n’est pas l’endroit pour t’en parler… » Pour une fois, je ne regrettais pas mon choix de mots. J’estimais que celui-ci laissait une ouverture pour montrer que je ne voulais pas me refermer à tout jamais, et que peut-être nous pourrions aller ailleurs, bien que je ne sois pas préparé mentalement à cette discussion. J’allais m’y plier si nécessaire, c’était évident, mais il me faudrait encore quelques minutes pour tout rassembler, peut-être le temps d’avoir mon café, de sortir de cet endroit et trouver un lieu plus approprié pour discuté du temps perdu, de ce temps de froideur, froid par ma faute, j’en étais parfaitement conscient.

La vie de chaque personne avait un caractère complexe, et dix ans, c’était une longue période pour tout le monde, une période qui pouvait être fortement chargée pour qui que ce soit. Je savais bien que je n’étais pas une exception et je ne tentais pas d’affirmer le contraire, et je ne tentais pas de passer pour un martyr. Par conséquent, je ne pouvais pas en vouloir à Trixie de venir me dire que je ne lui apprenais rien. Par contre, ce que je ne pourrais pas accepter, c’était si elle venait à me juger parce que je ne parvenais pas à en parler aisément dans le milieu d’un café, alors que ça m’avait tout pris pour en parler aux gens les plus proches de moi, des experts dont le métier était de me venir en aide. Heureusement, elle ne vint pas me passer un commentaire quelconque. Au contraire, malgré l’évidente rancune qui l’habitait, elle se montra plutôt compréhensive, me proposant de ne pas en parler si je ne le voulais pas. Pendant un instant, je ne sus pas vraiment que dire, que faire. Il était évident que je ne pensais pas en parler aujourd’hui, à une personne que je n’avais pas vu depuis dix ans, que je ne pensais certainement pas revoir en des circonstances si hasardeuses. Mais en même temps, je savais que je lui devais un minimum d’explications, alors autant le faire maintenant, plutôt que de quitter les lieux avec ce goût amer dans la bouche qui n’aurait rien à voir avec mon café. Dans ma tête, j’étais décidé de le lui dire, à condition de changer de place, à condition d’être dans un endroit propice pour le faire. Dans ma tête, ça me paraissait simple comme demande, mais peut-être avais-je été trop flou, parce que Trixie, au vu de ses dires, semblait avoir compris tout de travers. Et pendant un instant, je me sentis quelque peu… embêté ? Je n’irais pas jusqu’à dire vexé, et je ne voulais pas me mettre en colère même si bon, je devais avouer que ça piquait, ce propos. Prenant sur moi, j’inspirai, et je répondis:  « Je n’ai jamais dit une chose pareille, et ce n’est pas ce que je veux faire. » Pendant un instant, l’envie me prit de lui faire savoir que si ç’avait été que de moi, je n’aurais pas pris mes distances comme tel, mais les circonstances avaient fait que je n’avais pas su faire autrement, et je pensais encore que j’avais pris la meilleure décision. Mais je m’arrêtai, parce que je voulus, parce que je n’eus pas le choix non plus, puisqu’on appela mon nom, et cette fois-ci, ce fut parce que mon café était prêt. Je me retournai, le pris sur le comptoir, et après avoir poussé un léger soupir pour moi-même, je reportai mon attention sur Trixie, et je lui dis:  « On va où ? » Ce n’était pas mon genre d’être aussi direct en temps normal, mais j’avais le sentiment que c’était le seul moyen, tant pour moi que pour elle, que nous allions arriver au bout de ce processus… Si on pouvait commencer, évidemment.

Trixie ne protesta pas, ne demanda pas à annuler cette conversation que nous étions sur le point d’avoir. Pour moi, c’était une victoire, si je pouvais le dire ainsi, dans le sens où nous n’allions pas passer tout ce temps à tourner en rond, provoquant un malaise encore plus important. Mais d’un autre côté, cela signifiait que nous allions avoir cette fameuse conversation et que celle-ci approchait. En effet, si je m’en tenais à la proposition de la jeune femme - à laquelle je n’avais aucune raison de m’opposer - nous n’allions pas tarder à arriver à ce dit parc. Choisissant de ne rien dire pour ne pas raviver d’autres tensions, je fis même un effort pour sourire doucement à son commentaire, me rappelant qu’en effet, elle aimait bien être à l’extérieur. Je ne pouvais pas lui en vouloir, avec un mode de vie comme j’avais auparavant, moi aussi, je préférais l’extérieur par moments. Ça permettait de prendre un peu l’air, de se changer les idées et se reculer de la folie de la vie de boys band. Acquiesçant avec ce même sourire, je ne vis pas l’intérêt d’attendre plus longtemps avant de sortir du café, supposant qu’elle allait me suivre. Pourquoi ne le ferait-elle pas ? Je ne saurais pas vraiment le dire. Regardant autour, je ne mis pas vraiment de temps pour trouver le dit parc, me rendant en cette direction, marchant d’un pas convenable, mais pas trop rapide non plus. Assez lent pour être poli, assez rapide pour signifier que je ne voyais pas ce silence durer bien longtemps, puisqu’il me rendait tendu. Estimant que ce n’était pas une conversation qui pouvait avoir lieu debout dans ce parc, ou en marchant, je repérai un banc libre, qui n’était pas à proximité d’un quelconque groupe de personnes qui se promenaient là. Peut-être une personne faisant son jogging allait passer une fois de temps à autre, mais rien de plus, j’estimais, j’espérais surtout. Soupirant, comprenant que c’était là que j’allais devoir lui… dire… la vérité… je me rendis compte qu’en fait, je ne savais pas par où commencer. Lâche, je me retrouvai à lui demander:  « Que veux-tu savoir exactement ? » Rapidement, je n’aimai pas comment j’avais posé la question, comme si je l’avais fait avec nonchalance, désintéressé. Du coup, je crus bon de justifier:  « Je… Je ne sais pas par où commencer, mais… Je vais être honnête avec toi. » J’aurais pu lui dire que c’était là une promesse, mais ce serait trop. Il n’en demeurait pas moins que j'allais faire un effort, si elle me laissait le faire, évidemment, en espérant qu'elle allait accepter de m’aiguiller sans prendre la mouche, d’abord et avant tout.

Qu’as-tu fait ces dernières années ? Qu’es-tu devenu maintenant ? Trixie n’aurait-elle pas pu commencer par quelque chose de plus simple ? Apparemment non, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Après tout ce temps, après ce rejet que je lui avais fait vivre, c’était normal qu’elle ne soit pas là pour prendre des nouvelles. Ses questions étaient justifiées, même si elles me laissaient frustré, frustré parce que j’aurais voulu encore plus de temps, parce que je savais que je ne pourrais pas lui dire exactement ce qu’elle voulait savoir. C’était trop lourd, c’était encore trop dur à porter, même pour moi, malgré tout ce que j’avais traversé, ces efforts que j’avais pu faire depuis deux ans maintenant. Là, tout de suite, j’avais l’impression d’être condamné à lui dire ce qu’elle voulait entendre, qu’importe à quel point ça me blessait. Alors que je faisais l’effort de m’y résigner, sans peut-être même s’en rendre compte, elle vint m’ouvrir une porte. Une possibilité de ne pas lui dire exactement ce qui en était, détourner le sujet, tout en lui disant ce qu’elle voulait entendre. Par conséquent, il me fut un peu plus facile - un peu - de prendre la parole, pour lui dire:  « Tu n’as rien fait de mal, absolument rien, et mon départ n’a rien à voir avec toi. » En fait, si mes raisons n’avaient pas été aussi… douloureuses, peut-être même que son amitié, la nuit que nous avions passé ensemble, aurait été suffisants pour me faire rester. Ça, je ne lui dis pas, parce que ce n’était pas ce qui était arrivé, et ça ne voulait pas dire que c’était ce qui serait arrivé par la suite. inspirant profondément, j’ajoutai:  « Il s’est passé des choses… vraiment difficiles. Et quand le groupe s’est séparé, je pensais m’être libéré de tout ça, mais en fait, je me suis retrouvé seul. » Parce que je ne pouvais pas en parler à qui que ce soit, parce que la seule personne qui était au courant, celui que je pensais être mon meilleur ami, m’avait tourné le dos violemment, d’une façon dont j’avais eu du mal à me remettre. En fait, je ne savais même pas si je m’en étais complètement remis. Mais ça, encore une fois, j’allais le garder pour moi. Ce serait un peu horrible de dire ça à Trixie alors que je parlais de son frère… Oubliant cette partie, je finis par dire:  « Et après, il ne s’est passé rien de quoi je peux vraiment me vanter. Les boulots pourris, la drogue… » Évidemment qu’il y avait eu du positif, ma fille, ma cure, le fait que je me prenais de nouveau en main, mais là, tout de suite, je voulais justifier pourquoi je n’avais pas appelé, pourquoi je m’étais tant éloigné. Peut-être que ce n’était pas des excuses, mais c’était la vérité. Pas la vérité brute, mais c’était trop me demander, et j’espérais que Trixie allait le comprendre, quoique ce soit, je le pensais, plutôt évident, au vu de comment je m’étais montré hésitant dans mes propos, et que ma voix s’était même mise à trembler un peu, surtout quand j’avais parlé de ces « choses difficiles » dès le début de mon discours.