Luna&Levi ▬ Carry On My Wayward Son

Sentant la conversation un peu pesante quand il était question de parler de ce qui s’était passé la dernière fois entre nous, ce fut limite avec soulagement que j’accueillis les nouvelles questions de mon amie. Enfin, je ne pouvais pas prétendre que c’était mon sujet de conversation préféré, bien loin de là, mais je ne m’en plaignais pas vraiment dans le cas présent. Et puis, ce n’était pas comme si je pouvais prétendre que je n’avais pas l’habitude. Peut-être pas autant que certaines gens qui étaient en ces lieux depuis un bon moment maintenant, ou bien ceux qui recevaient des visiteurs plus souvent que moi - et ils étaient nombreux, ces gens, comparativement à ma personne - mais disons qu’on me l’avait demandé suffisamment pour que je sache quoi répondre, autre que par un sarcasme. Parce que si jamais j’avais voulu jouer les blasés, pour sûr que j’aurais dit à mon amie que je n’avais pas le choix de parvenir à me reprendre en main dans cet endroit, parce que je ne pouvais pas m’enivrer aux médicaments légers pour la migraine ou bien renifler de la poudre pour bébé ou quoi que ce soit du genre. Et puis, il fallait que je l’admettre, j’avais dépassé ce stade de sarcasme, probablement parce que je m’étais habitué au sevrage à ce point. Par conséquent, je lui répondis, de façon relativement naturelle:  « Ça va, les débuts ont été difficiles, mais on s’y fait. » Après, je n’allais pas dire que j’étais partant pour m’étaler sur le sujet. Par exemple, j’avais mentionné un début difficile, mais je n’avais pas mentionné mon séjour à l’hôpital à proprement parler, parce que je n’en avais pas nécessairement envie, puisque je jugeais que ce serait plus décourageant qu’autre chose. De plus, ce n’était pas une cure de désintoxication qui avait complètement changé celui que j’étais, ni apaisé mes craintes de commencer à me confier davantage sur ma vie et en arriver à parler de choses que je garais enfouies au plus profond de moi-même, bien que maintenant, je savais qu’à un moment ou un autre, il faudrait me confier sur celles-ci, parce qu’autrement, jamais je ne serais complètement guéri. Cependant, je n’en étais pas arrivé là dans le processus, et je ne saurais dire quand je serais prêt à le faire, ça ne se calculait pas ce genre de chose, à mon avis. Puis, compte tenu que je n’avais toujours pas répondu à la dernière question de Luna, je m’efforçai d’ajouter:  « Après… Je ne peux pas dire que je me suis fait des amis à proprement parler. C’est un peu chacun pour soi ici, mais ce n’est pas grave. » La vérité était que plus encore, je préférais pouvoir rester dans mon coin plutôt que d’être obligé de me mêler à tout le monde. Mais encore une fois, ça, je le gardai pour moi, d’autant plus que toujours peu habitué à parler que de ma personne, je me dis que ce ne serait pas trop de demander à Luna:  « Et toi, comment tu vas ? », espérant que par la même occasion, elle comprendrait que je voulais lui demander de ses nouvelles par la même occasion, et qu’elle ne prendrait pas l’initiative de me répondre que par un oui ou par un non.

Je ne pouvais pas nier que les propos de Luna étaient adorables, que cela faisait du bien de voir qu’elle souhaitait aussi que je me rétablisse aussi rapidement que possible. Cependant, je ne sus partager son impatience, faisant en sorte que pour toute réponse, je me contentai d’un simple sourire accompagné d’un bref hochement de tête. Si je réagissais ainsi, c’était surtout parce qu’en vérité, même si ce bâtiment n’était pas mon endroit préféré au monde et que je commençais à me lasser quelque peu de voir cette même décoration quasi inexistante, que j’espérais qu’on me donnerait le droit de sortir, ne serait-ce que pour quelques heures à la fois, très bientôt, je savais bien que si je me pressais à prouver que j’étais en état de fonctionner de façon autonome et convenable, j’allais le regretter par la suite. Cela faisait peut-être de moi un profiteur aux yeux de certains, mais je m’en moquais. J’étais d’avis que compte tenu que je m’étais embarqué dans ce processus long et parfois douloureux, il me fallait le faire jusqu’au bout. De ce fait, je ne voulais pas seulement être sevré, je voulais aussi être suffisamment bien avec ma personne et ce que j’avais vécu pour ne pas trouver de raisons de consommer de nouveau et ce, qu’importe si je voyais ma fille régulièrement ou pas. Parce que même si Savannah avait laissé sous entendre que ce ne serait pas chose impossible, il n’en demeurait pas moins que rien n’avait été réglé, et bien qu’il était certain que je serais déçu si je n’arrivais pas à avoir quelconque récompense suite à mes efforts, je ne me voyais pas lui imposer quoi que ce soit, pas pour le moment, en tout cas, d’autant plus que je n’avais pas parlé à qui que ce soit des raisons qui me poussaient à ne rien presser concernant ma guérison, et que ce n’était pas aujourd’hui que ça allait changer. Non pas que je ne faisais pas confiance à mon amie, mais parce que je préférais ne pas m’étaler sur un sujet que je ne maîtrisais pas tout à fait et au bout du compte, en revenir à cette même situation gênante de la dernière fois avec elle. Heureusement pour moi, celle-ci ne sembla pas trop embêtée à l’idée de changer le sujet de conversation, me répondant sans trop d’hésitation. Enfin, ce ne fut pas un propos des plus clairs non plus, à un tel point que sans trop réfléchir, quand elle vint parler de la promesse de son meilleur ami qui ne me disait pas grand-chose, je ne sus faire autrement que de froncer les sourcils et lui demander:  « Que veux-tu dire par là ? » sans toutefois aller plus loin, histoire de ne pas l’interrompre. Ce fut seulement lorsqu’elle eut terminé son discours que je lui servis un petit rire nerveux qui ne se voulait en aucun cas méchant, puis je lui dis:  « Oh je ne crois pas… Sauf faire le trajet entre ici et ma chambre, je ne fais pas grand-chose de mes journées. » Je ne voulais pas que cela devienne une compétition entre lequel a le moins de choses à dire à l’autre ou quoi que ce soit du genre, mais il était vrai que la vie dans un centre de désintoxication était tout sauf palpitante. Et compte tenu que c’était tout ce qui m’avait occupé depuis notre dernière conversation, je ne voyais pas vraiment ce que je pourrais lui dire d’autre, à moins qu’il y ait quelque chose qu’elle voulait à tout prix savoir mais ça, il faudrait qu’elle m’en fasse part pour que je sache quoi lui dire exactement.

 « Ah d’accord… » fut tristement tout ce que je sus répondre à mon amie au moment où elle m’expliqua ce qu’était le souci avec son meilleur ami, ne sachant pas trop comment me positionner dans cette situation. Compte tenu que je n’étais pas du genre à parler de mes soucis personnels et par conséquent, aller chercher des conseils chez les autres, je ne m’attendais pas à ce que les gens de mon entourage plutôt rétréci comparativement à d’autres fassent la même chose. La majorité l’avaient compris, ce qui m’évitait de leur faire espérer des conseils qui ne viendraient jamais, et c’était très bien comme ça. Après, il fallait dire que cette situation sortait quelque peu de l’habitude, compte tenu que c’était moi qui avais demandé à Luna de m’expliquer un peu plus ce qui se passait, parce que je ne comprenais pas trop, parce que je voyais bien qu’elle était embêtée par tout cela, et de ce côté, je n’avais pas regretté de l’avoir fait, mais lui dire quoi que ce soit par la suite pour la conseiller, la rassurer ou quoi que ce soit, c’était trop me demander. D’un côté, je connaissais trop peu la situation pour dire quoi que ce soit sur le fameux meilleur ami duquel je ne connaissais rien du tout, et de l’autre, je me voyais bien mal lui faire la morale sur ce que c’était, se faire abandonner, même si pour ça, j’en connaissais un peu plus. En effet, moi-même, j’avais été complètement lâché par celui que je considérais être mon meilleur ami par le passé. Pas juste parce qu’il ne répondait pas à mes messages ou bien mes appels, mais parce qu’il avait décidé de me repousser au moment où j’avais eu le plus besoin de lui. Peut-être que cette expérience pourrait servir à quelque chose au bout du compte, mais en parler était trop compliqué, et même si j’avais eu le courage de lui dire, de lui dire, en mon sens, ça aurait été la même chose que lui faire des remontrances et franchement, je n’étais pas prêt à faire une chose pareille, pas alors que nous étions en train de recoller les morceaux. Au final, je gardai le silence après ces deux mots, aussi médiocres ceux-ci pouvaient-ils être dans la conversation, mais Luna ne sembla pas trop embêtée par ce fait au bout du compte. Enfin, je ne saurais dire si cela était satisfaisant pour elle, mais ce ne fut pas suffisamment décevant pour qu’elle me repousse complètement. Au contraire, elle en vint à me poser une question qui me prit de court, puisque non seulement, elle était totalement différente de la discussion que nous étions en train d’avoir mais de plus, elle sortait de mes habitudes, comme Luna l’avait mentionné. Fronçant les sourcils, j’eus limite envie de lui demander pourquoi elle me demandait cela à ce moment précis, puis au final, je me rendis compte que c’était complètement idiot, essentiellement parce que je pouvais deviner la réponse moi-même. Tout d’abord, je me doutais bien que cela avait quelque chose à voir avec les tourments que son meilleur ami lui causait et de plus, même si cette hypothèse était davantage tirée par les cheveux, ce serait quand même une bonne chose pour faire en sorte que notre amitié parte à neuf. Sans rien dire, avec un petit sourire, je me levai donc de ma chaise, contournai la table qui nous séparait, et je fis signe à mon amie de se lever pour ensuite l’entourer de mes bras et la serrer contre moi de façon réconfortante, comme je pouvais le faire parfois avec ma fille quand celle-ci avait besoin d’être consolée, même si je savais très bien que cette situation n’était pas tout à fait pareille, mais suffisamment proche pour que je puisse adopter le même genre d’attitude à mon avis.

Je ne pus nier que cela me fit étrange, dans un premier temps, songer au fait que si je me levais, c’était pour aller prendre mon amie dans mes bras, la serrer contre moi. C’était un geste bien banal pour bien des gens, un geste auquel je m'adonnais souvent quand il était question de ma fille, mais c’était surtout parce que je savais qu’elle était la seule personne au monde qui, jamais, ne voudrait me faire du mal intentionnellement et en qui je pouvais avoir confiance avec ma vie si cela en venait nécessaire. Je n’avais pas cette idée pour dénigrer les autres, bien loin de là. Cependant, les évènements qui venaient profondément marquer mon passé et qui m’empêchaient d’être comme avant, c’est-à-dire peu gêné par le contact des autres, capable de vivre normalement, avoir des amis et tout ce qui venait avec. Ces mêmes évènements étaient la cause principale de ma consommation quotidienne de drogue, du fait que chaque fois, je ne me voyais pas faire autrement que de lamentablement replonger, parce que je ne savais pas me supporter, supporter qui j’étais, avec les pensées que je pouvais avoir. Et encore aujourd’hui, même si je ne consommais plus et que je ne voulais pas le faire, parce que je me refusais de perdre la seule personne dans ma vie qui me permettait de me faire sentir bien avec moi-même et qui me prouvait que peut-être je pouvais être important pour cette dite personne, il n’en demeurait pas moins que ce passé me hantait toujours, et j’étais parfaitement conscient que tant que je ne saurais pas composer avec celui-ci, ce serait ainsi dans ma tête. Sauf que là, tandis que je serrais mon amie contre moi, puis que je me rendis compte après-coup que cela semblait lui avoir fait le plus grand bien, j’en vins limite à me demander si j’avais envie de rester aussi réticent. Je venais clairement de comprendre que ce câlin ne m’avait pas achevé, que rien de mal ne s’était produit et qu’au contraire, cette marque d’affection avait eu l’effet contraire, c’est-à-dire que je m’étais senti limite bien par la suite. Enfin, pas suffisamment à l’aise pour prétendre être devenu soudainement un vrai papa ours, il en faudrait pas mal plus que ça, mais disons que ce fut avec un petit sourire que j’écoutai Luna me remercier de ce simple geste, et ce fut plutôt satisfait de moi-même que je me sentis après-coup, et non pas tendu et inconfortable comme j’en avais l’habitude précédemment. Décidément, même si je ne l’observais pas clairement à chaque jour, cette cure était en train de faire effet, et même si j’avais encore pas mal de travail à faire de ce côté, au moins, voir des progrès m’encourageait à continuer pour aller au mieux possible au bout de tout ce processus. Et puis, compte tenu que j’avais pris pour acquis que cette étreinte pourrait servir, en quelques sortes, à mettre un baume sur nos vieilles animosités, repartir à neuf, ce fut avec peu de gêne que je décidai de lui proposer, à tout hasard:  « Ça te dirait de prendre quelque chose à manger ? Je sais que je n’ai que la cantine à proposer, mais certaines choses sont quand même comestibles. » La vérité était que je n’avais pas nécessairement faim dans l’instant précis, mais je n’avais pas envie non plus que Luna quitte direct, alors je cherchais, si je pouvais le dire ainsi, une sorte d’excuse pour qu’elle reste plus longtemps. Après, si elle ne préférait pas, je n’allais pas faire un drame non plus, mais là, j’avais vraiment envie de rattraper le temps perdu avec elle, et j’espérais qu’elle allait accepter de rester ne serait-ce qu’une vingtaine de minutes de plus en ma compagnie.

 « Normalement c’est comestible, mais après, si c’est bon, ça, je ne peux pas te le garantir. » fut ce que je répondis à Luna une fois qu’elle eut accepté ma proposition de rester un peu plus longtemps, ne serait-ce que pour prendre le temps de manger un morceau quelconque. Déjà, je me sentais un peu plus soulagé, le coeur plus léger à l’idée de constater que les choses s’étaient vraiment arrangées et que maintenant, mon amie acceptait de passer du temps en ma compagnie. Après, je savais bien que je n’avais pas quelque chose de vraiment intéressant à lui proposer outre que la cantine, mais il fallait bien faire avec, comme je faisais avec chaque jour depuis que j’étais en ces lieux. Heureusement, Savannah m’apportait de temps à autre certaines choses pour me sustenter autrement, bien souvent poussée par Haley pour le faire, mais quand même, l’intention était là, et c’était plus que gentil. Toutefois, je n’avais pas une de ces douceurs à nous mettre sous la main, et visiblement, ce n’était pas le moment de proposer à Luna d’aller en chercher, puisque rapidement, elle reprit la parole, en venant à me poser une question un peu plus sérieuse, bien que parfaitement légitime dans le présent contexte. Le souci dans le cas présent était surtout le fait que moi-même, j’attendais réponse à cette question et que par conséquent, j’étais un peu dans le flou. Malgré cela, parce que je ne me voyais pas rester là sans rien dire, je me rassied, même si ce ne serait probablement pour un bref instant, et après avoir laissé échapper un petit soupir, je lui dis:  « Je ne sais pas trop… » Je savais bien que c’était une des rares réponses que je pouvais vraiment lui fournir, mais malgré tout, je la trouvai plutôt lamentable, si bien que je crus bon de marquer une pause, et finalement ajouter:  « Si j’ai bien compris, je dois attendre que le sevrage soit complet et que je sois suffisamment stable pour pouvoir me balader dehors sans ressentir d’envie ou de manque si jamais je croise quelqu’un qui… Enfin, tu te doutes bien. » C’était bien une des premières fois que je parlais de cette façon de ma cure, mais avec Luna, ce qui était bien, c’était que je pouvais m’ouvrir un peu plus qu’avec les autres, même si je ne pouvais pas tout lui confier. Par exemple, je ne me sentais pas suffisamment confortable pour parler de personnes qui consommaient de la drogue de façon explicite. Mais ça, je n’avais jamais été capable de le faire, comme je n’avais jamais parlé, exposé de quelconque façon ma propre consommation, d’où le fait que ça avait pris tant de temps pour que quelqu’un me pousse à faire cette cure, et qu’encore là, si je n’avais pas été grillée par cette dite personne, qui sait combien de temps ça aurait pu encore durer.