Luna&Levi ▬ Carry On My Wayward Son

Sitôt que Luna eut acquiescé par rapport au fait que je me rendais à la cantine pour nous prendre à manger, je pris la direction de là où on servait généralement les patients à l’heure des repas, mais qui demeurait ouvert en cas d’envie de manger un petit quelque chose entre-temps. Ce n’était rien de très extravagants, mais en temps normal, ça faisait l’affaire. Personnellement, je n’y faisais pas souvent appel, parce que je n’étais pas du genre à avoir un appétit exceptionnel, encore moins depuis mon arrivée en ces lieux qui plus est, mais lorsqu’Haley me payait une visite, que n’importe qui me payait une visite et souhaitait manger une bouchée, la cantine était là pour venir en aide, et ce n’était certainement pas quelque chose de mal, pas à mon avis en tout cas. Et parce que je ne l’utilisais pas vraiment souvent, je ne savais pas trop ce qui était proposé. Pendant un moment, j’avais pris pour acquis que cela changeait constamment, pour certaines choses en tout cas, et jamais je ne m’étais cassé la tête, parce que bien souvent, je laissais les autres choisir. Sauf que là, c’était différent, puisque c’était moi qui devais choisir pour mon amie et je me rendais compte que bien que nous ayons passé pas mal de temps ensemble avant aujourd’hui, il n’en demeurait pas moins que je ne connaissais pas précisément les goûts de mon amie et que là, dans le cas présent, c’était quelque peu gênant. Pendant un bon moment, je me retrouvai à considérer les produits présentés, réfléchir, me raviser, réfléchir une nouvelle fois, prendre un produit, et le remettre là. Au bout du compte, parce qu’il fallait bien que je trouve quelque chose et que je ne pouvais pas faire poireauter Luna pendant une éternité à cette table où elle était seule, d’autant plus que maintenant, je savais que certaines gens avaient encore moins de neurones que moi et que par conséquent, ils seraient bien capables d’aller l’embêter alors qu’elle le voulait pas, je décidai au bout du compte de prendre quelques éléments variés, tels qu’un ensemble de fromage et de fruits, un muffin, une boîte de jus de fruits et une bouteille d’eau. Je réglai le tout avec la dame qui gérait la cantine à ce moment-là, et mes produits entre les mains, je repérai mon amie à la table. Une fois que j’y fus, je déposai le tout au centre, et je m’assied en face d’elle en lui disant, timidement:  « Je sais que ce n’est pas l’idéal, mais… Si tu veux autre chose, ne te gêne pas pour t’y rendre, c’est juste là. » Je lui servis un petit sourire gêné, attendant de voir sa réaction avant d’attaquer quoi que ce soit dans les victuailles, au cas où il me faudrait y retourner.

J’avais conscience que les chances que je puisse faire mieux au niveau du choix de nourriture étaient assez faibles dans le cas présent, au vu de ce qui était proposé au casse-croûte, mais je fus quand même soulagé d’entendre les commentaires de mon amie et ainsi, comprendre qu’elle n’allait pas me tenir rigueur si ce n’était pas un festin digne de la famille royale d’Angleterre. Plus encore, je m’en montrai tant rassuré que lorsqu’elle passa un commentaire quant au fait que si je lui avais ramené du poisson, les choses auraient été tout autre, je me permis de laisser échapper un petit rire, très court, mais suffisant pour lui faire savoir que son propos avait eu pour effet de momentanément amusé, tandis qu’au même moment, je prenais le temps de me réinstaller, compte tenu que j’avais aussi compris que je n’aurais pas besoin de me relever pour le coup. Puis, comme pour être persuadé que la conversation n’allait pas tomber morte à cause de cela, je me permis de lui dire:  « Oh même s’il n’y avait eu que ça je ne crois pas que j’en aurais ramené. » Bon d’accord, il fallait dire qu’il aurait été particulièrement étrange d’aller chercher un filet de poisson ou un truc du genre à cette heure, puisque cela ne ressemblait en rien à de quoi goûter avant un repas, sauf si c’était des amuse-bouche ou un truc du genre, et encore là, je me doutais bien que jamais personne ne prendrait le temps d’en préparer, même s’ils arrivaient congelés. Pourquoi ? Je ne saurais pas le dire et en toute franchise, le moins j’en savais concernant les cuisines de ces lieux, le mieux je me portais. Pourquoi ? Pour la raison que je citai à mon amie en ajoutant:  « Généralement quand ils en servent aux repas ç’a la texture et le goût de caoutchouc. » Je me ravisai toutefois de dire que je préférais ne pas en manger quand je voyais cela, parce que si je voulais manger quelque chose en ce moment, je n’avais pas trop le choix. Enfin, parfois, Savannah me surprenait avec un truc un peu meilleur lors d’une visite, surtout quand elle venait avec Haley, mais après, je ne pouvais pas lui demander de m’en apporter à chaque jour, comme je ne me voyais pas demander cela à qui que ce soit. Et puis, au vu du temps que j’allais passer en ces lieux, il me faudrait bien m’y habituer à un moment ou un autre.

Étais-je en train d’exagérer, de dramatiser le goût de la nourriture en ces lieux ? À mon avis, pas vraiment. Certaines personnes avaient des réactions pires que la mienne, refusaient de manger, pétaient une crise à l’adresse des gestionnaires parce que la laitue n’était pas assez croquante à leur goût alors qu’ils ne mangeaient pas de salade au quotidien. Mais je ne pouvais pas non plus faire comme si c’était délicieux, ce que je mangeais en ces lieux. Ce serait mentir, et à l’adresse de mon amie, aussi triste ce soit, ce ne serait pas des plus polis. Malheureusement donc, je ne sus faire autrement que de hocher la tête positivement et hausser les épaules au moment où elle me demanda confirmation de mes propos, ne voyant pas ce que je pourrais lui dire d’autre. Évidemment, j’avais tant bien que mal tenté de me consoler en me disant que des fois étaient mieux que d’autres, mais c’était comme s’ils tentaient de toujours faire pire à chaque fois. Qu’est-ce que la direction du centre attendait pour régler la situation ? Certainement qu’un des résidents s’empoisonne ou quelque chose du genre, quoiqu’ils pourraient très bien le mettre sur le compte de la santé du patient ou quelque chose comme ça… Enfin, je ne pensais pas que cet endroit était diabolique à ce point, pour le moment ils m’avaient relativement bien traité, et je savais que les gens travaillaient pour mon bien, même si parfois, la cure était si frustrante que j’avais l’impression que tous étaient contre moi mais pour le moment c’était essentiellement des phases, rien de bien alarmant. Et puis, ce n’était pas comme si j’étais seul, isolé en ces lieux. Après, je ne dirais pas que je m’étais fait des amis pour la vie pour le moment, mais je fus quand même capable de répondre au propos de Luna en affirmant:  « Je parle à quelques personnes, mais rien de plus. » En effet, il nous arrivait de partager sur certaines choses, comme l’attitude d’un préposé, ou la nourriture du jour, mais jamais sans créer un lien qui nous suivrait après notre cure, j’en étais persuadé. Mais je ne m’en faisais pas trop, pour être franc, d’où le fait que j’ajoutai dans un haussement d’épaules:  « Mais tu me connais, je n’ai jamais été du genre à avoir un paquet d’amis. » Effectivement, Luna était une des rares personnes avec qui je gardais un lien plutôt tissé serré, malgré les soubresauts. Et ça, je supposais que cela n’allait pas changer, pas dans les prochains jours ou les prochaines semaines, en tout cas.