Cours particuliers [Feat. Jordan Oakley]

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Johan avait clairement perdu pied pendant plusieurs mois, il avait enchaîné les bêtises, comme tout ado de son âge. Mais à la seule différence, c'est que ses conneries auraient pu lui coûter très cher, notamment un petit séjour derrière les barreaux, et il y avait échappé de justesse, par chance, il était tombé sur une personne compréhensive qui lui avait sauvé la mise. Mais comme on dit souvent, on lui a donné une seconde chance, il n'a plus le droit à l'erreur maintenant, il doit s'en tenir à tout ce qui a été dit lorsqu'il était au commissariat.

Désormais, tous les jours il se rendait au lycée, non pas de gaieté de coeur parce qu'il redoutait toujours de ce qui allait se passer, comment les autres allaient trouver de nouveaux moyens pour lui rendre la vie encore plus compliquée qu'elle ne l'était déjà. Mais il essayait tant bien que mal de ne pas y penser, c'était soit ça, soit il savait qu'Isaiah ne lui redonnerait pas de seconde chance. Il avait enduré ses bêtises une fois, mais pas deux.

Après en avoir parlé avec un collègue, Isaiah avait annoncé à Johan qu'il le dispenserait de sport de temps en temps parce qu'un de ses collègues avait besoin d'aide. Sur l'instant, il se demandait comment il pouvait aider, il n'était pas professeur et n'avait aucune autorité auprès des autres étudiants. Puis, il lui avait expliqué de quel genre d'étudiants il s'agissait. En somme, Johan allait jouer le professeur particulier afin d'aider les étudiants dans le besoin. Peut-être aussi pour lui montrer que ce qu'il considérait comme un handicap pouvait être aussi bien un don, le don d'aider ceux qui n'avaient pas sa chance.

Il avait donc quitté le précédent cours avec l'accord de son père et son professeur de sport, de ne pas se rendre au gymnase. Il alla directement dans la salle qu'on lui avait communiqué, mais il n'était pas totalement serein, il appréhendait. Il toqua à la porte et entendit une voix à l'intérieur lui indiquant de rentrer. Il entra puis referma derrière lui. Johan parcourut d'un rapide coup d'oeil la salle remplie. Il fut pris d'un gros stress avant de se présenter à l'homme derrière son bureau.

" - Je.. Bonjour.. Je suis.. Johan.."

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Lentement, mais surement, je prenais le dessus sur ma condition et mes blessures. J’étais capable de faire mon métier au quotidien sans trop de problèmes, mes élèves étaient habitués et savaient désormais que parfois, je ne pouvais pas toujours aller à leur rencontre comme je le faisais précédemment, je ne pouvais surtout pas rester accroupi à côté de leur pupitre bien longtemps, comme je le faisais si naturellement auparavant. Ils s’habituaient, nous nous étions tous habitués. Mais parfois, certaines choses m’échappaient. Certaines choses n’étaient pas possibles à concilier avec ma condition. Par exemple, lorsque les élèves faisaient un projet plus manuel, qui exigeait de la dextérité, les aider devenait complexe, puisque moi-même, je ne saurais le faire, pas de façon aussi habile qu’avant, en tout cas. Et là, bien souvent, une aide serait bien utile. Je l’avais pensé à plus d’une reprise depuis mon retour au travail, sans que cela devienne projet concret, sans que je me permette d’en demander. Mais quand un de mes collègues vint à me le proposer, pour un de ses élèves, qui tirerait plus de bénéfices à me venir en aide plutôt que de suivre un cours de sport, je n’avais pas du dire non et ce, sans poser plein de questions, sans demander ce qui en était vraiment. Avec enthousiasme, j’avais mis l’idée en place avec mon collègue, invitant le jeune étudiant à venir en classe pendant la dernière heure, là où mes élèves allaient travailler sur leur bricolage, en lien avec des problèmes mathématiques résolus au préalable. Le moment de l’accueillir arriva ici et maintenant. Je ne l’attendis pas de pied ferme, je ne cessai pas tout pour autant, mais au moment où il arriva dans ma petite classe de huit élèves, je ne fus pas surpris. En silence, je le considérai, le laissant présenter, timidement, avec une vulnérabilité qui me rappelait certains de mes élèves. Et puis, il semblait jeune, très jeune pour être au lycée. Mais cette partie, je passai outre. Je n’étais pas là pour le juger, surtout que je serais bien mal placé pour le faire, compte tenu que la règle d’or dans ma classe, c’était que tout le monde devait se sentir le bienvenu, et les visiteurs ne faisaient pas exception à cette règle. Souriant, je me levai, posant mes mains sur mon bureau pour me donner un appui, et je dis: « Bonjour Johan, je m’appelle Jordan. » Sur ce, je pris ma canne, qui me servait pour me déplacer dans le petit espace. Pour les plus grandes distances, les béquilles étaient encore de mise. Ensuite, je m’avançai en direction de l’adolescent, et à sa hauteur, je pus avoir ce que je pensais des propos plus agréables à tenir, autrement que de l’autre bout de la salle. Mon trajet ne laissa pas les élèves indifférents, d’où le fait que je crus bon de leur mentionner: « Johan est venu vous aider avec votre projet. » L’explication étant suffisante pour eux, même si je sentais certains méfiants à l’idée d’avoir un inconnu dans la salle. C’était normal, ils allaient s’y faire, ou sinon, j’allais aviser, c’était certain. Reportant mon attention sur Johan, je lui dis: « Merci beaucoup de venir. » Je ne voulais pas discuter de la raison pour laquelle elle était là, ayant eu que vent de sa situation, et refusant de le mettre mal à l’aise avec ça. À la place, je lui demandai: « Est-ce qu’on t’a mis au courant de ce qu’on faisait ? » Ou devais-je lui expliquer en détails ? J’avais partagé un peu concernant ce que je comptais faire avec son enseignant de sport, mais pour la suite, je voulais m’assurer qu’il comprenait. Autrement, j’allais lui expliquer, c’était loin d’être un problème.

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Johan ne savait plus très bien où il en était. Bien souvent, il se remémorait la conversation qu'il avait eu avec l'agent du FBI, les conseils qu'elle lui avait donné, les paroles qu'elle avait eu à l'égard d'Isaiah. Et le sentiment de culpabilité était toujours le seul qui envahissait son esprit sans qu'il ne puisse s'en défaire.

Au lieu de tergiverser, Isaiah et Johan avaient fini par essayer de prendre un nouveau départ. Un départ qui pourra leur permettre d'être un jour ou l'autre un vrai père et un vrai fils, comme s'ils n'avaient jamais été séparé, comme si la vie ne les avait pas mené sur deux chemins distants. Ils avaient tous les deux fait des erreurs, mais c'est les siennes que le jeune adolescent payait encore aujourd'hui.

Après une rapide discussion avec son père biologique, ce dernier avait accepté qu'il loupe certains cours de sport, étant donné que c'est une discipline qui demande vraiment beaucoup à Johan, et il ne cesse d'être inquiet quant aux commentaires déplacés que ses camarades lui ont déjà fait suite à sa silhouette chétive mais également parce qu'il n'a pas sa place parmi eux. Mais Carson lui avait dit que pour se lancer dans le droit, il devait terminer ses études, alors c'est désormais le seul objectif qu'il s'est fixé, simplement pour ne pas lâcher son rêve qui semble à portée de main pour lui.

Mais Isaiah n'avait pas dispensé Johan de cours de sport pour qu'il aille traîner en ville. Non. Il l'avait dispensé pour la simple et bonne raison, qu'après une discussion avec un de ses collègues, ce dernier avait demandé de l'aide, et son père avait jugé qu'il était bien placé pour le seconder. C'est donc sans très grande motivation mais surtout, avec un gros stress qu'il avait pris le chemin de la salle de classe.

Johan ignorait ce pour quoi il venait et même jusqu'à quand. Était-ce occasionnel ? Est-ce que ça allait être ainsi toutes les semaines ? Il n'était au courant de rien, soit parce qu'Isaiah lui-même ne savait rien ou bien, parce qu'Isaiah avait décidé de le laisser découvrir la chose par lui-même. Arrivé devant la porte, il était entré tout en se présentant d'une voix tremblante. Son stress était grandement visible et tous les regards braqués sur lui le mettait mal à l'aise. Puis, le professeur descendit de son estrade pour venir à sa rencontre, malencontreusement, l'allemand fixa plus longtemps que voulu la canne du professeur. Isaiah ne lui avait rien dit à ce sujet.

" - Euh.. Non pas vraiment.."

Les étudiants derrière le professeur étaient sceptiques quant à l'aide que pouvait apporter Johan, et au fond, il ne pouvait pas leur en vouloir, il aurait sans doute considérer un inconnu dans sa salle de classe de la même manière.

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Étant allé trop peu dans les détails concernant le projet, m’en tenant au strict minimum pour justifier le fait que j’avais besoin d’une personne pour me venir en aide, je ne fus pas tant surpris que l’adolescent n’en sache rien. Du coup, je ne voyais aucun problème à le lui expliquer, même si dans un premier temps, je ne fus pas tant à l’aise de le faire, puisque je sentais qu’il paraissait intimidé, inconfortable. Était-ce en raison des yeux des élèves qui le considéraient, encore curieux, malgré les explications ? Fort probablement. Étant leur enseignant, leur guide, ce fut donc à moi d’intervenir, et donc de dire: « Continuez de travailler. » Ils ne tardèrent pas à acquiescer et poursuivre, limite comme si rien n’était. Cela me permit donc d’emmener Johan un peu plus à l’écart, pour lui parler à voix basse, et dire: « Alors, je ne sais pas ce qu’on t’a dit concernant la classe… Mais mes élèves sont tous autistes, à différent niveaux. Ils n’ont pas l’habitude de briser leur routine, et donc des gens nouveaux, ça les perturbe. C’est normal qu’ils soient troublés de te voir, mais ils vont s’y faire. » Évidemment, je ne niais pas que peut-être il leur faudrait un peu plus de temps que la normale des gens, mais ils en étaient capables. Après tout, ils s’étaient faits à mes limitations physiques, donc la suite, ça le ferait, très certainement. Ce fait étant maintenant établi, je pus donc poursuivre concernant le contenu du cours, et donc expliquer: « En ce moment, ils font un projet de bricolage qu’ils préparent à partir de formules mathématiques. » Avec des formules adaptées à leur niveau. Ça semblait énorme, mais au moins, ils n’étaient que huit, alors ce n’était pas si horrible, surtout que pour la plupart, le pire, soit trouver les réponses, était chose faite. Mais c’était pour ça que je bloquais, que j’avais besoin d’aide, comme je le justifiai en ajoutant: « Parfois ils ont besoin d’aide pour les trucs plus délicats, mais je ne peux pas les aider. J’ai eu un accident qui m’empêche de manoeuvrer les choses fines. » C’était peu commun d’en parler ainsi, mais au moins, c’était clair. Et mine de rien, le fait d’en discuter plus amplement, de devoir le partager avec mes élèves, ça m’avait permis de mieux l’accepter, si bien que je ne ressentis quelconque malaise pour le coup. Pensant avoir tout dit, je conclus en demandant au jeune homme: « Tu crois que tu serais en mesure de m’aider pour ça ? » Naturellement, je lui avais demandé de façon polie et gentille, estimant qu’il était déjà suffisamment généreux comme ça pour me venir en aide, alors je ne voulais pas non plus m’imposer et lui donner des ordres. Je n’étais pas son enseignant, après tout, et même à mes propres élèves, je ne donnais pas d’ordres, alors je n’allais pas commencer à le faire maintenant.

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Johan n'avait aucune idée de pourquoi il était là, il savait seulement que c'était pour donner un coup de main, mais en dehors de cela, c'était assez vaste. Ça pouvait être tout et n'importe quoi, c'est pour cette raison qu'au moment où le professeur lui demanda s'il savait pourquoi il était là, il secoua la tête, attendant de plus amples explications pour savoir comment il allait pouvoir et devoir aider cet homme avec ses étudiants.

L'allemand n'était pas stupide, il savait bien que se faire aider par un plus jeune pouvait être source de conflit, et c'est ça qu'il redoutait le plus au fond, mais les choses ne se déroulaient pas comme il aurait pu se l'imaginer dans un premier temps. Les yeux des yeux étudiants étaient braqués sur lui, comme si c'était un monstre. Il se sentait vraiment mal et se fit violence pour ne pas partir en courant. Il n'aurait jamais pensé qu'une telle chose puisse être déstabilisante à ce point.

Le jeune adolescent eut rapidement la réponse à ses questions. Ainsi ces étudiants étaient autistes. Ils étaient comme lui dans un certain sens. Ils étaient différents. Après que leur enseignement leur ai intimé de se remettre au travail, ils ne se firent pas prier et en oubliaient presque la présence du jeune garçon, ce qui lui permet de se détendre un peu.

Jordan lui expliqua ensuite le projet sur lesquels ils travaillaient. Des formules de mathématiques. Rien de très compliqué pour le jeune surdoué au premier abord, mais d'après ces mêmes formules, ils devaient bricoler avec les résultats qu'ils auront obtenu. C'était donc ça le motif de son aide ? Non pas qu'il soit débordé, mais simplement qu'il ne puisse pas combler parfaitement les besoins de ses élèves. Johan comprenait les choses petit à petit, comme les pièces d'un puzzle qui arrive les unes après les autres. Il commençait maintenant à les assembler et le voir l'intégralité de celui-ci.

" - Oui je crois.."

Il n'était pas certain d'être en mesure de le faire dans le sens où, ses mains tremblaient. Le stress ? La peur ? L'inconnu ? Ou bien le manque de drogue qui commençait à se faire ressentir ? Il lui arrivait parfois d'être en manque malgré la cure qu'il suivait. Mais, il allait essayer de mes maîtriser autant que possible.

" - Qu'est-ce que je dois faire ou ne pas faire ?" demanda-t-il timidement à Jordan.

Ces élèves étaient autistes, ils étaient donc différents comme lui, ce qui impliquait qu'ils ne voyaient pas les choses de la même manière. Afin d'éviter un scandale, il préférait se renseigner sur les gestes à faire, et ceux à ne pas faire pour ne pas les déstabiliser.

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Johan accepta de me donner l’aide que je lui avais demandé, mais il ne le fit pas avec un enthousiasme évident. En fait, il semblait même accepter de reculons. Pendant un instant, je me demandai si ce n’était pas parce qu’il se sentait obligé de le faire, mais après, je penchai plutôt pour l’option selon laquelle était juste trop peu convaincu de comment s’y prendre. Ou bien était-ce parce qu’il trouvait ça trop facile et peu signifiant pour son développement ? C’était possible aussi. Je savais que je lui demandais une tâche relativement simple, surtout pour un adolescent comme lui, qui était capable de bien plus complexe, mais pour moi, c’était significatif, d’où le fait que je crus bon de lui exprimer ma reconnaissance à nouveau. Je ne passai pas par plein de chemins, je ne sortis pas les grands mots, lui adressant un simple: « Merci… » empreint de sincérité non-feinte. Puis, je fus un peu plus rassuré comme quoi il n’allait pas prendre la fuite quand il vint à me demander comment s’y prendre. Plus encore, j’appréciai même la question, puisque ce n’était pas tout le monde qui avait la rapidité d’esprit de poser une telle question, même conscient de la condition des enfants qui se trouvaient là. De ce que j’avais pu observer, venant d’un adolescent, c’était même encore plus rare, alors pour sûr, je ne pouvais pas le lui reprocher, bien au contraire. Mais compte tenu du fait que je n’avais pas tant à y répondre normalement, pas de façon généralisée en tout cas, je m’obligeai à réfléchir pendant un bref instant, avant de dire: « Essaie juste… De ne pas être trop brusque avec eux quand tu les approche ou tu les aide. Sauf pour ça, ça devrait aller. Et puis, je ne serai pas bien loin. » En effet, je n’avais pas l’intention de laisser Johan tout faire tandis que je m’installais à mon bureau et je me tournais les pouces. J’allais rester dans les parages, j’allais aider de mon côté, intervenir en cas de besoin. En fait, c’était quelque chose que je faisais seul normalement, mais la partie bricolage me posant problème, c’était pour ça que je devais déléguer un peu. Et heureusement, j’avais une classe suffisamment apte pour faire une telle chose, mon groupe étant un des plus à l’aise avec les autres, comparativement à d’autres enfants avec la même condition, mais plus sévère. Mais quand même, ça ne voulait pas dire qu’on pouvait interagir avec eux comme la normale des gens, d’où mon avertissement, et aussi le fait que je vins à suggérer: « Tu veux que je te présente à chacun d’entre eux avant de commencer ? »

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Malgré son manque d'enthousiasme flagrant, ce n'est pas la motivation ou la facilité de la chose qui gênait Johan, mais bel et bien la condition de ces jeunes. Il n'était pas certain qu'il serait en mesure de faire ce qu'il faut pour agir correctement. Il manquait cruellement de confiance en lui et hormis faire des exercices de mathématiques ou de physique les yeux fermés, ici ça lui demandait une concentration plus qu'importante. Et décevoir le professeur qui semblait lui avoir accordé sa confiance n'était pas ce qu'il souhaitait, voilà pourquoi il n'avait pas répondu d'une manière très franche. C'est la peur qui le tenaillait qui parlait à sa place.

Une fois que Jordan eu remercié l'allemand pour être venu l'aider, l'adolescent posa la question qui lui taraudait l'esprit. Ces gamins atteint de cette forme de maladie, devaient certainement avoir des problèmes avec certains gestes ou mots qui pourraient être prononcés. Alors afin de s'assurer de ne pas créer de catastrophe, il voulait d'abord savoir ce qu'il devait ou ne devait pas faire pour ne pas déclencher une quelconque crise chez l'un d'entre eux. Pour lui c'est pareil, il a du mal avec les relations humaines, il ne fait que très rarement confiance mais surtout, il a énormément de mal avec le contact physique. Il ne supporte qu'on le touche sans même l'avoir prévenu. Aller savoir pourquoi..

Malgré les propos rassurants de Jordan, Johan avait la peur au ventre. La peur de mal faire. Finalement, cet exercice outre le fait qu'il était là en premier lieu pour venir en aide au professeur, c'était aussi un exercice pour lui-même, pour se montrer qu'il en était capable, qu'il pouvait avoir confiance en lui et que certaines personnes comptaient sur lui pour mener à bien leur projet. C'était gratifiant ce genre de projet, et même si ce n'est pas forcément ce dans quoi il excelle, ça lui servira certainement à apprendre sur lui-même au passage.

" - Est-ce que ça pourrait les aider à se sentir plus serein si on faisait ça ?"

Finalement, Johan ne savait pas si c'était les élèves qui avaient le plus peur de lui, une nouvelle tête qu'ils n'avaient jamais vu auparavant, ou bien si c'était lui qui avait le plus peur d'être à leur contact et de faire un faux pas qui pourrait lui être fatal.

" - J'ai peur de faire quelque chose qui pourrait les effrayer, je n'ai jamais vraiment été très à l'aise en société pour dire vrai.. Je.. Je n'ai jamais été au contact de personne et je ne sais pas trop comment m'y prendre."

Exprimer ses peurs étaient une grande première pour lui, il avait toujours l'habitude de tout intériorisé et ne jamais en faire part. Peut-être qu'il n'était pas tant une cause perdue comme il semblait le laisser croire. Peut-être qu'il pouvait encore s'en sortir. Bien souvent, Johan avait été rejeté, que ce soit au lycée où même dans sa scolarité avant, il avait peur que ce soit aussi le cas avec ces élèves.

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Puisque je n’aurais pas été du genre à proposer un truc si celui-ci ne se serait pas voulu utile pour le moment, j’hochai positivement la tête quand Johan chercha un peu de réconfort, à être rassuré avec tout ça. Connaissant mes élèves, je savais que la présentation de nouvelles personnes était importante dans la classe, d’une façon que bien des gens oubliaient, ce qui ne venait certainement pas aider, ce qui venait même me frustrer dans certains cas, puisque ces gens paraissaient si insouciants de leur personne, de leur condition. Et puis, j’avais le sentiment que ça ne viendrait pas qu’aider mes élèves dans le cas présent, mais aussi notre invité, qui semblait peu confortable dès le début, à mon avis. Le tout me fut confirmé quand il me le dit de vive voix, m’expliquant que ce n’était pas seulement en raison de mes élèves, mais aussi avec les gens en général. Comment je réagis à cela ? Je ne me sentis pas mal à l’aise, je ne me sentis pas embêté. Au contraire, je souris. Pas de toutes mes dents, pas d’amusement, mais discrètement, avec un certain contentement mélangé à de l’amusement, si je pouvais le dire ainsi. Refusant de laisser le pourquoi de ce sourire en suspens, je ne tardai pas à reprendre la parole, et dire: « Ils ne le sont pas non plus, tu sais ? » Je marquai une petite pause, avant de continuer en expliquant: « Pour eux, le monde extérieur est effrayant, d’où le fait qu’ils ont besoin d’une routine, ça les fait sentir en sécurité… Ils sont capables de s’adapter, mais ils ont besoin qu’on les conforte un peu, pour qu’ils voient que tout ira bien… Tu n’as pas à être nerveux ou faire quoi que ce soit de particulier, simplement leur montrer que tu n’es pas là pour leur faire du mal, mais bien pour les aider. » C’était une explication bien vague, vulgarisée de leur condition, qui ne prenait pas en considération les exceptions de chacun de ces huit enfants qui se tenaient tous les jours de la semaine devant moi. Je n’aimais pas faire ce genre de généralisation, mais je me disais que là, c’était le mieux, parce que mon but n’était pas de présenter un diagnostic à Johan, mais bien lui faire comprendre qu’il ne devait pas se sentir mal en ces lieux, qu’au contraire, peut-être qu’il serait capable de les comprendre, et j’avais espoir, de les aider encore mieux que quiconque ne saurait le faire. C’était peut-être un peu trop demandé pour le moment, mais je n’avais aucun mauvais pressentiment, à condition que l’adolescent soit, évidemment, toujours partant.

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Johan était clairement mal à l'aise avec ces jeunes, non pas qu'il craignait leur condition mentale, ça il s'en fichait pas, puis venant d'un adolescent surdoué, ce serait assez mal venu que de les juger parce qu'ils sont différents. Au lieu de ça, il jugea utile d'expliquer le pourquoi de sa nervosité, peut-être que leur professeur sera le rassurer lui aussi. De plus, était-il au courant de sa condition ? Du fait qu'il était surdoué ? Est-ce que c'est pour cette raison que c'est à lui qu'il a fait appel ? C'est vrai après tout, il y avait tant d'étudiants ici qui avaient dû temps libre, pourquoi lui plutôt qu'un autre ? Parce qu'Isaiah lui avait touché deux ou trois mots. L'allemand était d'autant plus mal à l'aise qu'il ne savait pas ce qui avait ou non été dit. Savait-il ce qui s'était passé récemment ? Était-ce une solution pour le garder à l'oeil ? Il se posait beaucoup trop de questions.

Il hocha la tête aux propos de Jordan. Oui il se doutait que ses élèves n'étaient pas à l'aise, mais quel pouvoir avait-il pour pouvoir changer la donne ? Pourquoi serait-il plus à même de les mettre à l'aise alors que lui-même ne l'est pas ? Le soucis avec Johan, c'est qu'il réfléchissait toujours beaucoup trop, tout devait avoir une explication pour lui, c'est comme ça qu'il y avait, tout comme ces élèves qui avaient besoin de leur routine. Au fond, il n'était pas si différent d'eux, mais fallait-il encore qu'il le reconnaisse.

Les paroles du professeur laissa l'adolescent un peu perdu, toutefois, pour prouver sa bonne foi, après avoir été présenté aux huits élèves qu'il avait sous les yeux, il se dirigea vers le premier. Le plus proche du bureau. Tendu et nerveux, il tenta de s'adresser à lui avec le plus de délicatesse possible, lui demandant s'il avait besoin d'aide. Et c'est comme ça que le jeune garçon se mit au travail. Quelques minutes plus tard, il passa au second, et cela jusqu'à la fin du cours. À eux deux, ils s'étaient reparti les huits élèves en fonction de leurs besoins, et tout c'était déroulé normalement. Enfin même si Johan n'avait aucune idée de ce qu'était un cours normal. Il revient vers Jordan, une fois que tous les étudiants étaient partis. Ils n'étaient plus que tous les deux.

" - Est-ce que je.. Est-ce que vous avez besoin d'autre chose.. ?"

Ce que le jeune homme redoutait le plus, c'était qu'Isaiah lui ai dit toute la vérité et que Jordan essaye d'en savoir un peu plus sur lui. L'idée d'évoquer encore une fois tout cela ne lui semblait pas être une bonne idée, mais peut-être que ça l'aiderai après tout.

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Tout se mit en marche dès que nous eûmes terminé de discuter, Johan et moi. Je vins à présenter plus amplement l’adolescent à mes élèves, expliquant pourquoi je ne pouvais pas les aider, expliquant le problème que j’avais avec mes mains au passage. Étrangement, j’étais plus apte à leur parler de mon problème qu’à bien des adultes. C’était comme si je savais qu’ils sauraient me comprendre et ne me jugeraient pas, qu’importe ce que j’avais. Puis finalement, tout le monde se mit à la tâche, moi y compris. À défaut de pouvoir assister dans le bricolage, je me concentrais plutôt sur les formules mathématiques préalables, voyant si tout ce qu’ils faisaient était valide, les encourageant au passage comme j’aimais toujours le faire. Et bien sûr, je jetais un coup d’oeil à Johan de temps en temps, non pas tant pour voir comment il s’en tirait, mais bien pour voir comment les élèves réagissaient. Et même s’ils paraissaient méfiants aux premiers abords, au final, ils se détendaient, l’acceptaient, acceptaient son aide. Tout ce mélange fit en sorte qu’au bout du compte, le reste de la journée se déroula plutôt bien. Les élèves parurent satisfaits quand ils vinrent à ranger le tout et quitter la salle de classe, me saluant autant que Johan au passage, bien que ce soit plus timide, plus poli qu’autre chose à l’égard de l’adolescent. Au bout de quelques minutes, nous nous retrouvâmes seuls, lui et moi. Avant que je ne puisse reprendre la parole, il vint à me demander s’il pouvait encore aider. Appréciant grandement le geste, j’hésitai un peu, regardant autour, finissant par demander: « As-tu… Encore un peu de temps ? » Je marquai une petite pause, avant de justifier ma question, lui expliquant: « Si oui… Je ne dirais pas non à un coup de main pour sortir certains trucs pour demain… Mais si tu as autre chose à faire, je ne t’en voudrai pas… » Parce qu’en toute franchise, j’avais l’impression que ma dernière demande tirait du caprice plus qu’autre chose, même s’il me faudrait clairement plus de temps seul qu’avec un coup de main. En d’autres circonstances, jamais je n’aurais demandé, mais j’avais appris depuis mon accident à déléguer un minimum. Mais je demandais quand même sous toute réserve, ne voulant pas abuser de la situation non plus, surtout que je ne savais pas ce qu’il en pensait. Voilà pourquoi, au final, je me permis aussi de lui demander, au passage, par curiosité: « Ça… Ça t’a plu ? » Évidemment, je parlais du fait d’aider les élèves, mais puisque c’était une évidence dans ma tête, je me disais que je n’avais pas besoin de le préciser plus amplement que ça, attendant donc juste une réponse de sa part.

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