Au bal masqué ohé ohé... ♠ Tigrou, Porcinet & Bourriquet

Une journée où je pouvais penser un peu plus à moi, Calvin qui travaillait, Percy chez un ami et aucun rendez-vous de programmé, je pouvais me reposer. Ce dont j'avais besoin, autant pour le bien être d'être un peu seule, comme le fait aussi que je commençais un rhume. Frappée de plein fouet par une surdose de travail sans doute. En tout cas, ma voix aussi rouillé qu'un tracteur n'avait rien de sexy, mais ça ne m'empêchait pas de penser à cette douce journée de repos qui m'attendait. Tout du moins, c’est ce que je croyais, mais je réalisais bien vite qu’une fois complètement seule, je ne me sentais pas des plus à l’aise. J’avais la sensation qu’il y avait toujours quelqu’un derrière moi, peut-être que c’était normal. Après tout, ce qui était survenu il y a un peu plus de deux mois était quelque chose qu’on n’oublie pas d’aussi tôt. J’avais pourtant changer de ville, d’identité, mais rien à faire une fois seule, j’avais toujours ce pressentiment qu’il m’avait retrouvé. Je ne connaissais pas son nom et on ne m’avait rien dit à propos de mon agresseur. Pourquoi s’en était-il pris à moi restait un mystère que je ne cherchais pas à comprendre. Si je m’acharnais à savoir, je savais que j’en aurais des cheveux blancs. J’avais déjà du mal à accepter que Trent nous avait quitté. Comment. Encore quelque chose que j’ignorais, ce n’était pas non plus comme si Calvin possédait un dialogue chargé en mot. Vague. Simplet. Je n’en apprenais que très peu sur ce qui c’était passé ce fameux jour. Poussant un soupir, je prenais mon sac à main et mon manteau. Il était hors de question que je reste seule, j’allais finir folle si c’était le cas. Marchant dans les rues de la capitale, je finissais par m’arrêter devant un cinéma. Je n’avais pas fait ce genre d’activité depuis plusieurs mois. Je n’étais pas convaincue qu’être dans une immense salle baignée dans le noir soit quelque chose qui m’aiderait à me sentir mieux, cependant, savoir que toute mon attention se verrait porté sur un écran géant, me fit franchir la porte d’entrer. Dans tous les films qu’il affichait, je ne savais pas lequel choisir. J’avais toutefois remarqué le dernier Fifty-shade, loin d’être une grande fan, j’avais bien aimé me rincer l’œil en regardant Jamie Dorman dans le premier. Et puis, j’avais lu les romans. Je ne pouvais pas m’empêcher de repenser à cette période où je n’arrivais pas à me sortir le nez de ce bouquin, ne cessant de comparer Christian à Trent. Ils étaient bien loin de se ressembler, mais j’aimais bien voir ses réactions lorsque je lui parlais de cet homme mystérieux au penchant peu orthodoxe. Il ne faut pas croire que j’avais demandé à mon mari de créer un contrat ou qu’on possédait un mot d’arrêt. Non, ce qui m’avait charmé c’était l’amour que cet homme portait à cette fille qui semblait tellement banale. Je n’avais pourtant pas à me plaindre, j’avais eu la chance d’épouser un homme qui m’aimait. À toutes ces pensées, je regrettais presque mon choix de vouloir aller voir ce film, mais le ticket déjà acheté je ne pouvais pas reculer. J’entrais dans le cinéma, pensant que tout serait comme à l’habitude. Qu’est-ce qui aurait pu me laisser croire que l’on me dirait d’enfiler un costume. Plus précisément, un costume de mascotte de Bourriquet : « Vous êtes sérieux ? » demandais-je avec ma voix grave en regardant l’énorme tête. Me disant par ce fait même, que j'allais suffoquer dans ce truc. « C’est pour la fête d’un enfant, le popcorn et cola vous est offert. » Si on me prenait pas les sentiments… Et puis, pour un enfant je ne me voyais pas dire non. Capitulant, je me retrouvais à enfiler ledit costume beaucoup trop grand pour moi. Je manquais définitivement de jambe au vue du surplus de tissus qui s’était accumuler à mes chevilles et mais aussi aux poignets. Marchant en canard, je me dirigeais vers la salle où les bruits des enfants se faisaient entendre. Ça ne peut que te faire du bien, me disais-je avant de les rejoindre.

Un mois. Cela faisait un mois qu'il était fans cette foutue ville, à errer de place en place dans l'espoir vain d'y trouver un visage connu. Eternelle optimiste, refusant toujours de se laisser abattre par la vie et ses obstacles, Trent commençait sérieusement à souffrir de cette situation. Il n'en revenait toujours pas qu'ils en soit arrivé à un tel point. C'était ridicule. Comment avait-on pu lui enlever la femme avec qui il partageait sa vie depuis des années? Comment avait-on pu lui interdire de voir l'enfant qu'il avait aidé à mettre au monde? Ridicule. Admettant enfin qu'il allait rester à Washington plus longtemps que prévu, Trent avait réglé sa note à l'hôtel et s'étais mis en quête des petites annonces. Il n'allait certainement pas acheter un appartement dans cette ville pour le revendre quelques semaines, mois plus tard. Il ne voulait pas non plus laisser de traces en faisant de grosses dépenses. Il n'avait pas non plus envie de se frotter à un propriétaire trop curieux ou exigeant. Non il n'avait pas de job stable à Washington, non il ne savait pas combien de temps il allait rester, non il n'avait pas tous les documents demandés sur lui non plus. Trent était tombé par hasard sur une annonce de colocation. Un étudiant sans doute trop préoccupé par sa propre vie d'étudiant pour s'inquiéter de celle de Trent? Ca lui semblait parfait. Il avait besoin de compagnie de toute manière, même si cela devait se résumer à un "salut" et "à ton tour de faire la vaisselle" quelques fois par semaine. Le simple bruit ambiant d'une personne suffirait à atténuer le sentiment de solitude profond qui s'était installé chez Trent. Il n'était pas fait pour rester seul, sans personne à qui avoir une conversation normale. Il avait donc un chez lui à présent. Temporaire, mais il était agréable d'avoir une atmosphère plus personnelle que celle stérile d'une chambre d'hôtel. Ce jour là, Trent était encore à parcourir les rues. Il n'avait pas de destination précise en tête cette fois-ci. Il avait failli se dévisser le cou lorsque, en levant les yeux, il cru reconnaître une silhouette familière. Tout se passa en une seconde et peut être en avait-il imaginé la moitié, désespéré de la retrouver. Il s'engagea tout de même comme un fou à contre courant des passants. La jeune femme s'était engouffré dans le cinéma un peu plus loin et Trent accéléra la cadence pour faire de même. A l'entrée, il l'avait perdu. Ca n'avait sans doute jamais été elle, mais son cœur avait fait un bond dans sa poitrine lorsque ses yeux avaient balayés sa silhouette. Si c'était Raschelle, quel film aurait-elle eu envie d'aller voir? Trent observa les différentes affiches avant de faire une moue devant Fifty Shades Darker. Il pouvait encore voir sa femme lire ces livres. C'était un bon signe, non? Si elle avait déjà refait sa vie avec quelqu'un, sans doute n'irait-elle pas au cinéma seule? Ou voir ce genre de film? Trent était ridicule. Ca n'était même pas elle, il commençait à le réaliser. Et pourtant, poussé par l'envie de ne perdre aucune chance, il acheta un billet pour le film, non sans léger embarras. Peut-être que la vendeuse s'était trompé, ou qu'il n'avait rien compris, mais en suivant les directions, il arriva devant une platée d'enfants, à se voir offrir un costume.  « Uh, nan, sans façon » dit-il, un rire aux lèvres. Le culot. Il venait quand même d'acheter un billet, c'était pas pour faire du bénévolat à un goûter d'anniversaire. La logique de cette situation lui échappait complètement. Puis une petite fille vint s'accrocher à sa jambe, tirant sur le pli de son pantalon et lui indiquant de mettre le costume. Trent avait toujours été faible pour les enfants, et comme de toute manière il était venu là pour rien, autant mettre un sourire sur le visage d'un enfant histoire de dire qu'il avait fait quelque chose de bien. Le costume était lourd et étouffant. Ridicule surtout, il était important de le préciser. Trent, qui était peu habitué au sentiment de honte, était bien content que personne ne le connaisse dans cette ville.

Prise au dépourvue, je m’étais retrouvée à porter un costume de Bourriquet. Je ne pouvais pas dire être la plus à l’aise dans celui-ci, trop grand, je me déplaçais avec difficulté. Toutefois, une fois avec les enfants, je voyais la chose différemment. Sceptique au premier abord, j’avais vite su trouver du plaisir dans un moment peu attendu. Je n’allais pas nier, mais je ne me serais jamais attendu à cette tournure d’événement en allant au cinéma. Mais puisque j’avais besoin de simplement me changer les idées, ça ferait tout aussi l’affaire. Me rappelant les anniversaires de Percy, je m’amusais avec chaque enfant qui me tournait autour. Je ne pensais plus à mon rhume, laissant simplement la gaieté du moment m’envahir. Je ne pensais plus à tout ce qui m’arrivait me concentrant sur mon rôle d’âne bougon. Au bout d’un moment, on arrivait avec un gâteau. Bien qu’on ne pût pas le voir, je me savais entrain de sourire bêtement en regardant cette pâtisserie. Voilà quelque chose qui me manquait, je ne m’étais pas adonné à confection de petite douceur depuis mon arrivé à Washington et de me retrouver dans cet anniversaire me faisait comprendre que ça me manquait plus que je ne l’aurai cru. Une fois chez moi, j’allais me mettre aux fourneaux ça je pouvais en être certaine. Pour l’heure, je continuais de regarder les enfants avant d’entendre une voix près de moi. Ma capacité visuel étant réduite à cause du costume, je te me tournais pour essayer de voir un tantinet mon interlocuteur. « Finalement, c’était plus agréable que je ne l’aurais cru. » disais-je de ma voix rauque, presque masculine. Fichu rhume ! « Solora, alias Bourriquet. » Habituellement, j’aurais tendu la main, mais je devais bien avoué que je me sentais pas très habile accoutré ainsi, jouer avec les enfants c’était différent, ils se pendaient davantage à mon costume plus qu’autre chose. « Ça va sembler idiot, mais… » Je me tournais, dandinant mes fesses, je demandais naïvement. « J’ai toujours ma queue ? » Oui j’avais l’impression d’avoir entendu le tissus se déchiré à un moment donner et connaissant la chance de cet âne avec sa queue, manquerait plus que je la perde. Je ne souhaitais pas non plus qu’on joue au jeu de l’âne avec moi, allez savoir où il me la mettrait !

Le costume le grattait. Voilà la pensée qui tournait en boucle dans son esprit, et même les sollicitations surexcitées des enfants sur son passage n'arrivaient pas à lui faire oublier un instant à quel point il était inconfortable. Et ridicule, surtout ridicule. Trent s'était un instant aperçu dans la réflexion d'un bol de jus de fruit et avait maudit les cieux de l'avoir mis dans cette situation. Un Porcinet de presque deux mètres, il ne comprenait pas l'attrait pour les enfants. Il trouvait même son apparence plutôt effrayante, le genre à provoquer un traumatisme avec sa tête rose disproportionnée. Ridicule. Mais puisqu'il était là, à suer dans le costume depuis une bonne demi-heure, autant qu'il reste et essaye de divertir les enfants. Ca n'était pas un succès, comme si les enfants pouvaient deviner qu'il faisait la gueule à l'intérieur de son costume. Il n'était clairement pas le plus populaire des personnages. Un Tigrou et un Bourriquet semblaient mieux s'en sortir que lui. C'est déjà ça. L'enfant dont c'était l'anniversaire n'allait pas faire une crise car l'animation était un désastre. L'heure du gâteau vint enfin et le niveau de décibel baissa subitement maintenant qu'ils avaient la bouche pleine, au plus grand soulagement de Trent. Il se demandait s'ils avaient droit de manger eux aussi. Il avait la dalle et il le méritait bien! Mais peut-être qu'il devait maintenir l'illusion d'être un stupide animal de fiction et ne pas révéler son vrai visage? Il n'en savait rien. Ca n'est pas comme s'il était payé pour faire ça, il ne devait rien à personne! Il n'y a pas à dire, il était de mauvaise humeur. Sans qu'il s'en rende trop compte, il convergea vers les deux autres personnes en costume et participa au début de la conversation. Trent hocha la tête - ce qui devait se traduire très bizarrement avec la tête surdimensionnée du costume – en entendant un autre jeune homme commenter leur mésaventure avec humour. Ca c'est sûr. Trent n'était pas sûr de remettre un jour un pied dans un cinéma d'ailleurs. C'était à quel point il détestait cette situation. Une jeune femme, elle, semblait plutôt se réjouir de la chose. « Agréable n'est pas le mot que j'utiliserai » ajouta-t-il. Pas du tout. Sa voix sonnait étrange à travers l'épaisseur du costume et Trent se félicita de remarquer qu'au moins, ça le rendait encore plus anonyme. Il refusait que quiconque le croise un jour dans la rue et lui reparle de cette expérience. Ils se présentèrent et il fit de même. « Trent ». Une réflexion de la jeune femme lui arracha un léger rire et il se décala un instant pour observer l'arrière de son costume. « Si on veut » répondit-il. La chose ne tenait qu'à un fil, à moitié arrachée par des vilaines petites mains.