Carson + news about a man {-18}

Je savais que je m’étais plutôt montrée sérieuse dans mes propos, mais j’avais envie de croire qu’en fait, tout ceci n’était que mascarade et qu’en fait, il ne me prendrait pas au sérieux. Mais là, la conversation devint tout sauf plaisanterie, prenant un penchant limite austère, une tournure que je ne pouvais pas tant apprécier. Je ne prenais pas la mouche facilement, on m’avait traitée de bien des noms par le passé, encore même aujourd’hui par moments, par ces gens qui se sentaient trop exposés devant moi, par ces gens qui tentaient encore de se forger une carapace même s’ils savaient que leur vie comme ils la connaissaient était terminée. Mais venant d’une personne que j’appréciais, d’une personne que je considérais comme étant un ami, ou du moins, une connaissance assez amicale pour que je prenne la peine de lui rendre visite alors que j’aurais pu faire tout autrement, que j’aurais très bien pu aller voir ailleurs, je le prenais un peu plus personnel. Ou du moins, je ne m’attendais clairement pas à me faire dire qu’il ne comptait même pas payer le repas, qu’il serait plus simple que je ne sois qu’une vulgaire prostituée, et que je ferais peut-être mieux de m’en aller. Généralement assez douée pour percevoir les intentions et pensées des gens, là, je devais avouer que j’étais partagée. Partagée entre l’envie de dire que c’était une plaisanterie, et craindre que ce soit sérieux. Et au bout d’un bref instant, je me rendis compte que faire l’un ou l’autre ne me mènerait nulle part. Mais est-ce que cela voulait dire que j’allais taire le fait que je méritais un peu plus de respect que ça ? Certainement pas. Pour ça, il n’allait évidemment pas s’en tirer. Gardant mon calme, déterminée à tenter de lui faire regretter ses propos - ou me confirmer le fait que peut-être je devrais garder mes détours d’après-midi pour quelqu’un d’autre que lui - je déposai la nourriture sur la table basse non loin, et je lui dis:  « Tu sais quoi ? Au final, tu n’auras pas à me payer quoi que ce soit, c’est tout à toi. » Sur ces mots, je me levai, calmement, puis j’ajoutai:  « Bonne fin de journée. » Ne pouvant m’empêcher d’être un minimum provocatrice, je lui soufflai un baiser, puis je tournai les talons, commençant lentement à avancer vers la porte, toujours en mettant un pied devant l’autre toutefois, au cas où il voulait réagir. Mais si jamais il ne le faisait pas, ou bien qu’il ne le faisait pas à temps, alors ce serait tant pis pour lui, même si je me doutais bien que cette histoire ne serait peut-être pas sans séquelles s’il venait vraiment à penser ces propos qu’il venait de me tenir, ce que cet épisode ne tarderait pas à me confirmer.