Assise sur le canapé, coussin bloqué entre mes bras, je regardais la télévision, mon regard dépassant à peine du coussin. La lumière fermée et les images avaient tout pour me donner la frousse. Mais je tentais de me montrer forte, c’était ça être avec les grandes personnes, on devait être aussi cool qu’eux. «
Tu savais Rasch, tu n’es pas obligé de regarder avec nous. » Je relevais la tête pour regarder ma sœur ainée. J’étais grande, j’étais forte, j’avais dix ans ! À l’écran les images se chamboulaient et un visage horrifiant apparu, me faisant pousser un cri aigu. Ça avait été plus fort que moi, mais après tout c’était normal. Du moins, je crois. L’ami de ma sœur posait son regard sur moi et je baissais mon regard. Pourquoi je voulais tellement voir ce film ? Simplement parce que Justin, un ami de l’école, avait regardé ce film. Il avait dit que je ne serais pas capable de le regarder et je voulais lui prouver le contraire. J’avais donc supplié ma sœur pour qu’elle me laisse voir ce film avec ses amis. Elle avait été réticente, mais comme la soirée avait lieu chez nous, elle savait au fond que peu importe je trouverais le moyen de me joindre à eux. J’avais pu me prendre une place sur le canapé alors que d’autres étaient à même le sol. Au début, je mangeais le popcorn et autres friandises qu’on pouvait trouver, mais bien vite l’envie d’en manger m’avait quitté. Préférant de loin agripper le premier coussin que je trouvais. Je sentais les frissons parcourir mon échine, cette sueur froide qui me disait que j’aurais mieux fait de me trouver dans ma chambre et non au sous-sol. J’étais tétanisée et au moindre bruit, je sursautais. Une porte grinçait, les marches couinaient et au son de pas, je poussais un second hurlement qui fit sursauter ma sœur, alors que la lumière du sous-sol s’allumait. Des grognements mécontents, je tournais la tête pour voir mon père se tenir près de l’interrupteur. «
Raschelle, c’est l’heure d’aller dormir. » J’affichais une moue. «
Mais papa, je veux voir le film. » Ce n’était pas tout à fait ça, mais je gardais dans l’idée que je devais rester brave. «
Il est tard, tu vas au lit ! » Poussant un soupir, je me levais pour quitter le sous-sol et monter dans ma chambre. Une fois dans mon lit, j’attendais que mon père passe me dire bonne nuit, il devait se trouver dans la chambre de ma sœur cadette. J’entendais ses pas et bien que je susse que c’était lui, je me glissais sous les draps, pensant encore à ce film. Un poids se fit sentir près de mes jambes. «
Si tu as peur pourquoi tu regarde ? » Je repoussais légèrement la couverture, regardant mon père, en me pinçant les lèvres. «
Justin a dit que je pourrais pas le regarder parce que je suis trop petite. » disais-je honteuse d’avouer à mon père cela. Il affichait un sourire, une chose que je ne comprenais pas, mais je lui répondais tout de même. «
Maintenant, il faut que tu dormes. » Il embrassait mon front et se levait pour quitter la pièce et avant qu’il ne ferme la porte, je lui disais timidement : «
Tu peux la laisser ouverte. » Je craignais que le montre vienne me chercher dans mon sommeil. C’était sans doute idiot, mais j’étais apeurée à cette simple idée. Comprenant sans doute, il laissait la porte entrouverte et la lumière du couloir me sécurisait, elle venait s’étendre jusqu’à mon lit. Le monstre n’aime pas la lumière, c’est connu. Je tentais de m’endormir, mais la voix de Justin résonnait dans ma tête. Elle résonnait assez pour que je me lève, mordant ma lèvre, je retournais en douce dans le sous-sol. En ouvrant la porte, j’hésitais la noirceur du sous-sol et les bruit en provenance de celui-ci me faisait d’avantage peur. Pourquoi ils regardaient le film à cet endroit ? Descendant, j’allais me cacher derrière le canapé. Je savais que si ma sœur me trouvait là, elle me chicanerait de ne pas avoir écouter papa. Je regardais donc la fin du film, mes mains sur ma bouche pour m’empêcher de crier et passant la majeure partie du temps caché derrière le canapé. Et sans même m’en rendre compte, j’avais fini par m’endormir sur le sol. La lumière apparut derrière mes paupières closent, des voix se faisaient entendre : «
Qu’est-ce qu’il y a Kelvin ? » La voix de ma sœur, on me secouait doucement et ouvrant difficilement les yeux, je passais mes mains sur ceux-ci. «
Rasch, tu devrais dormir en haut. » Je ne disais rien trop endormi pour réagir. On me soulevait. «
Ça ne te gêne pas ? » J’entendais à peine la conversation, sentant mes paupières êtres lourdes, la tête appuyée sur une épaule, je me laissais bercer. «
Dépose la dans son lit. » Au petit matin, je n’avais plus le souvenir de comment j’avais fait pour revenir dans mon lit, mais j’avais pu dire fièrement à Justin que j’avais vu le film. Pas totalement certes, mais ça je m’abstenais bien de le préciser !
«
Tu fou quoi ! Sors de là ! » Poussant un soupir, je gardais mon regard rivé sur le miroir. C’était bien la première fois que je voulais ressembler à une fille, j’avais laissé pousser mes cheveux, je tentais de mettre des robes et pas seulement des salopettes. La tâche que j’avais à accomplir n’était pas chose aisé. Je jetais un coup d’œil à la trousse de maquillage de ma sœur. Pinçant mes lèvres, je me décidais de me maquiller. Je ne savais pas trop comment faire, ni quoi mettre pour que je sois à mon avantage, mais je tentais le coup. Je devais aller rejoindre mes potes et je savais qu’il y aurait Trent. Ça faisait longtemps qu’on se connaissait, la maternelle je crois, on avait toujours été dans les mêmes classes, mais jusqu’à il y a peu de temps, je ne l’avais vu que comme un ami. Je pense que j’ai commencé à ressentir de quoi en entendant des filles de la classe parler de lui. Il plait. Ça c’est évidant, mais ce jour-là, j’ai senti un pincement dans ma poitrine et j’ai commencé à le voir d’un autre œil. J’aimerais qu’il me remarque, mais je ne suis pas aussi belle que les filles de notre classe. Je suis le vilain petit canard, toujours à me tenir avec les garçons et à faire comme eux. J’aimerais qu’il me perçoive différemment, pas simplement comme une pote. Je me badigeonnais le visage de maquillage, chaque recoin y passait et en me regardant, ce n’est pas si terrible. Je faisais plus adulte, ça pourrait lui plaire. Serrant le tube de rouge à lèvre cramoisie, je me regardais une dernière fois, avant de sortir pour aller finir de m’habiller. Ma mère m’avait acheté une nouvelle robe, d’habitude ce n’est pas ce que j’aime mettre, mais je gardais à l’esprit que Trent devait me remarquer. Fin prête, je prenais mon vélo pour me rendre chez Justin, qui se trouvait deux rues plus loin. En toquant à la porte, je ne cessais de jouer avec le rebord de ma jupe, je me sentais mal à l’aise puisque je n’avais pas l’habitude de me vêtir de la sorte. La mère je Justin m’ouvrait et je remarquais son étonnement. Je lui adressais un large sourire avant qu’elle me laisse entrer et m’indiquant que les autres se trouvait dans la chambre de Justin. Me dirigeant vers celle-ci, je prenais une profonde inspiration, je devais rester calme. Entrant, je m’attendais à… En fait, j’ignorais mes espérances, mais je ne pensais pas entendre une pluie de rire. Des rires méchants. Des rires qui me firent mal. «
Rasch tu te prends pour un clown ? » Sentant les larmes monter, je tournais les talons et sortais de la maison. J’empoignais mon vélo, me sentant complètement idiot. Je n’avais même pas remarqué si Trent était là, tout ce que j’avais en tête c’était leur visage hilare et leur doigt me pointant. Je pédalais à toute vitesse, jusqu’au parc le plus proche où je me débarrassais de mon vélo pour aller m’asseoir sur une balançoire. Les minutes s’écoulaient et mes larmes ravageaient ma peau, laissant le maquillage peinturer mon visage d’une nouvelle toile. «
Rasch ? » Je serrais mes doigts autour de la chaîne, baissant la tête. J’avais reconnu sa voix. Que faisait-il ici ? J’entendais le grincement de la balançoire près de moi. «
Je suis désolé de ce qui s’est passé. Je crois que personne ne s’attendait à te voir ainsi. » Je pinçais mes lèvres, sentant les larmes monter de nouveau. «
Tais-toi, si tu es venu te moquer tu peux partir. » disais-je sur un ton froid, je ne savais pas quoi dire, mais je me sentais idiote. «
Ce n’est pas mon intention. Elle te va très bien cette robe. » Je fermais les yeux, laissant échapper un sanglot. «
Hey mais tu pleures ! » Je secouais la tête en signe de négation, même si je me retrouvais à renifler malgré moi. Sans que je n’aie le temps de réagir, il se trouvait devant moi, relevant mon menton. «
Tu sais tu es mieux sans ces larmes et ce maquillage. » Prenant la manche de sa veste, il effaçait mes larmes et mon maquillage. Mon cœur s’emballait, c’était terrible de le sentir frapper ma poitrine ainsi. Je crois que c’est pour cela que les filles l’aimaient tant. Il était gentil et attentionné, tout du moins, il l’était avec moi. Je me sentais rougir, mais je ne bronchais pas, retenant simplement ma respiration. Et avant que je n’aie le temps d’ouvrir les yeux, je sentais ses lèvres se poser sur les miennes. Ouvrant les yeux d’étonnement, je regardais ses paupières closent et je fis de même.
Tout me semblait déréglé depuis quelque temps, j’en avais parlé avec Lizzie. Cette nausée matinale, cette sensation d’être à l’envers à chaque matin, j’avais même un peu de retard dans mes règles. Mais je n’y voyais aucun signal d’alarme contrairement à ma meilleure amie qui voyait les faisceaux lumineux me pointant accompagner d’une pancarte clignotante au-dessus de ma tête qui lui disait que j’étais enceinte. «
Tu plaisantes ! » lui disais-je lorsqu’elle m’avait pris l’épaule pour me rendre son verdict. Elle me sourirait, mais je n’étais pas certaine de pouvoir lui rendre celui-ci. Ce genre de chose n’arrive qu’aux autres, pas à moi, qu’importe l’égoïsme de cette pensée, j’y croyais. Je ne pouvais pas être enceinte ! Oui j’avais perdu ma virginité avec Trent il y a peu de temps, oui on avait remis le couvert, mais on était prudent. Je me mordais la lèvre inférieure, incertaine de savoir quoi faire. «
Passe un test. » Je relevais mon regard vers ma meilleure amie, qui continuait de me sourire. Serrant les dents, j’acquiesçais, elle avait raison inutile de m’alarmer. Mon retard passerait et les maux de cœur aussi, j’en étais persuadé, dès le moment que je passerais ce test tout serait que fantaisie. Je me refusais toutefois à en parler avec Trent, on avait beau être heureux et toujours amoureux, je craignais sa réaction. Et puis, si c’était une fausse alarme… Non, ça ne valait pas le coup de tout perdre simplement pour un organisme quelque peu capricieux. Dans l’heure qui suivit, je parti acheter un test avec Lizzie et je me retrouvais sa la salle de bain à faire pipi sur un bâtonnet. «
Tu sais, si c’est vrai… J’ignore ce que je ferai. » Assis sur le rebord de la baignoire, Lizzie relevait son regard vers moi. «
Tu n’en voudrais pas ? » Abasourdie, je regardais mon amie, me demandant si elle était sérieuse. Mais en réalité, je ne savais même pas quoi répondre à cette question hormis : «
Tu plaisantes, j’ai que dix-sept ans… Je suis trop jeune pour avoir un enfant. » Ce qui était vrai et mon avenir, lui ? J’en faisais quoi ? Je poussais un soupir, déposant le bâtonnait sur le lavabo, il ne restait plus qu’à attendre. Ce temps me parut durer une éternité, assise sur la cuvette dont j’avais fermé le couvercle, j’attendais. Attendais. Attendais, encore. Jusqu’à ce qu’on sonne à la porte, Lizzie se levait, puisqu’on était les seules dans la maison, elle prit l’initiative d’aller ouvrir. Je lui en étais reconnaissante, trop préoccupé à attendre. C’était pénible. Le temps écoulé, je regardais le bâtonnet poussant un petit cri d’étonnement, je me levais en vitesse me précipitant dans le couloir brandissant mon test. «
C’est pas vrai ! Je suis enceinte ! » disais-je avant de la voir revenir suivit par quelqu’un. Si j’avais été surprise du résultat, je l’avais davantage été en reconnaissant le visage de mon copain derrière ma merveilleure amie. Le sourire qu’il affichait s’estompa aussitôt et je savais que mon monde s’écroulait. «
Je crois que je ferais mieux de vous laisser seuls. » Elle n’avait pas tort, on avait besoin d’être que tous les deux. Silencieux, on s’était rendu dans ma chambre et je l’avais regardé prendre place sur mon lit. Je voyais son embarras et je ne savais pas quoi lui dire. Regardant le test que je tenais dans ma main, je fermais les yeux. «
Qu’est-ce que vont penser nos parents ? » finissais-je par dire au bout de quelques minutes. Sa mère était toujours compatissante, mais la mienne… Elle me dirait sans doute que mon père se retournerait dans sa tombe s’il entendait que j’étais enceinte. À cette simple hypothèse de parole, je sentais les larmes monter, je ne voulais pas décevoir mon père, mais j’ignorais quoi faire. À l’école, on ne nous apprend pas comment réagir face à ce genre de situation. Il n’existe aucun manuel ou de cours pratique mettant en situation ce genre d’imprévu. Je m’en voulais et le silence de Trent me terrifiait. Je relevais mon regard vers lui, réalisant qu’il me regardait. J’analysais chaque mouvement de sa part, un battement de cil, un coin de lèvre qui se retrousse, tout cela allait me rendre folle incitant mon cœur à s’accélérer. Il finissait par se lever et j’en venais à croire qu’il partirait simplement sans dire un seul mot. Continuant de le regarder, alors qu’il me retirait le test des mains, non pas pour le regarder, mais pour le déposer sur la commode derrière moi. Je ne l’avais pas quitté des yeux, mais ça ne m’empêchait pas d’être déroutée. Tendrement, il passait ses bras autour de moi et sans me poser de question je me collais à lui, m’apaisant au contact de sa chaleur. «
On fera face à tout cela ensemble. » Serrant son t-shirt, je me surprenais à sourire contre son torse. Toute cette peur que j’eusse ressenti quelques instants plutôt venait de s’envoler en fumer au simple son de sa voix. J’ignorais ce qui nous attendait, ce que l’avenir nous réservaient, mais je s’avais une chose ensemble on pourrait affronter bien des difficultés.
Quatre années s’étaient écoulés depuis que j’étais marié à Trent, qu’on avait notre fils Korben, qu’on vivait de notre amour. Au début ce n’était pas si simple, lui avec ses études, moi avec les miennes malgré que je sois enceinte. On s’était trouvé un petit appartement assez grand pour nous trois, sans luxe, sans flafla, simplement un nid douillet pour notre famille. Je n’avais pas à me plaindre de ma vie, elle était paisible et parsemée de bonheur. «
Korben ne court pas partout. » disais-je à mon fils qui s’amusait dans le café. Installé derrière le comptoir, je lui jetais de bref coup d’œil tout en regardant si on avait mis tout en place. «
J’en reviens pas Rasch, on va enfin ouvrir ! Tu te rends compte ! » Je relevais mon regard pour voir Lizzie arriver de la cuisine avec un plateau de croissant frais tout juste sorti du four. «
Tu doutais de nous ? » disais-je avec un petit sourire espiègle avant de continuer ma tâche. Il ne restait plus que quelques minutes avant l’ouverture des portes et il y avait déjà quelques personnes à l’entrer qui attendait patiemment qu’on ouvre les portes. Le bouche à oreille c’était plutôt pratique, sans compter qu’on avait essayé de faire notre publicité dans le quartier en allant donner des paniers de douceur dans les commerces environnant. Certaines personnes ne pariaient pas gros sur deux jeunes femmes à peine majeures ouvrant leur propre commerce, mais on avait eu de bon financement, de l’aide, du soutien et on était passionnée. «
Tu as fini ? Parce que c’est l’heure. » À ses paroles, je relevais la tête pour faire signe à ma meilleure amie, donnant une part de gâteau à la banane à Korben pour l’occupé. Il avait pris place derrière le comptoir assis sur une chaise, j’espérais qu’il resterait tranquille. Je ne voulais pas lui courir après dans le café parmi les clients, mais comme personne avait pu le garder, je devais faire avec. Parfois ce n’était pas facile, mais on faisait avec. Concentré à le regarder manger sa part de gâteau, je sortais de mes pensées en entendant une voix s’adresser à moi : «
Bonjour, un spécial du chef. » Je tournais la tête pour voir Trent de l’autre côté du comptoir, il m’avait dit ne pas pouvoir venir et passerait plus tard. Ce que je comprenais, après tout, ses cours ce n’était jamais de tout repos. J’étais surprise, mais aussi heureuse de servir mon mari en premier client. «
Mais je croyais… » Il me souriait, ce sourire qui me faisait complètement fondre. Je devais me reprendre, il y avait des clients derrière lui, mais il venait de complètement me déstabiliser. Lizzie arrivait près de moi, me murmurant que je pouvais prendre la commande de ce premier client et prendre tout mon temps et qu’elle s’occupait de tout. Connaissant ses goûts par cœur, je lui donnais ce que je savais lui plairait. «
C’est pour moi. » lui disais-je en lui tendant un café où j’avais écrit «
Passe une belle journée, je t’aime » sur le verre. «
Papa. » disait Korben comme s’il venait de revenir à la réalité, faisant le tour du comptoir en courant pour aller rejoindre Trent. Il était le portrait craché de mon mari et c’était encore plus évident quand ils étaient tous les deux. Korben dans les bras de Trent, je les regardais un sourire attendrit sur mes lèvres. «
Tu ne dérange pas maman ? » Le bout de chou aux boucles blondes secouait la tête en signe de négation et prenait son air sérieux : «
Je suis sage. » Ce qui était vrai depuis que je lui avais donné une part de gâteau, avant disons que ce n’était pas vraiment le cas, mais c’était aussi normal. Tenir un enfant de près de quatre ans en place n’était pas toujours de tout repos, mais j’y arrivais. Pas toujours, mais je ne baissais jamais les bras. J’avais fait le plein de jeu, pouvant ainsi aller s’amuser dans la salle des employés à tout moment. C’est sûr, je ne pouvais pas le prendre avec moi tous les jours, on devait lui trouver une garderie. Sauf que ça n’avait rien de simple, certaines avaient des listes de réservations longue comme le bras, d’autres n’avaient pas de place avant dix-huit mois et plus, certaines étaient beaucoup trop cher pour notre budget. Mais on trouverait une solution, comme toujours. «
Bon, je dois y aller mon cours va bientôt commencer, mais je reviens à la fin de la journée. » disait Trent en regardant Korben qui avait perdu son sourire. Il me passait notre fils par-dessus le comptoir et le gardant dans mes bras, je lui souhaitais une bonne journée. «
Ce ne serait pas bien si je demandais un baiser à la propriétaire ? » Je riais doucement. «
Je passe mon tour. » Lizzie nous regardait avec son large sourire. Je rigolais, me penchant au-dessus du comptoir pour voler un baiser à mon mari avant qu’il ne parte. «
Maman, pourquoi papa doit partir. » Je regardais Korben, posant mes lèvres sur son front : «
Parce que papa doit aller sur les bancs d’un endroit où on apprend plein de chose. Et un jour, il pourra sauver des vies. » Il me regardait aves ses grands yeux, pinçant ses lèvres avant de poser ses lèvres sur les miennes comme on le faisait parfois. «
Comme ça tu seras pas triste. » Cet enfant me surprenait, je ne me sentais pas triste, j’avais l’habitude, mais je ne pouvais pas nier que parfois il me manquait, trop occupé avec ses devoirs, ses leçons. «
Merci mon cœur, mais je ne suis pas triste. Viens, on va aller servir les clients. »
«
Pourquoi pas un chien ? » Je posais mon regard sur Korben. «
Pour l’instant, c’est impossible mon cœur. Un chien demande beaucoup d’attention, de présence et de temps et avec papa on est trop occupé. » disais-je en passant ma main dans ses boucles blondes. «
Mais on pourra en reparler. » continuais-je en entrant dans la fourrière. On aurait pu prendre un chaton, mais avec Korben on avait convenu qu’un chat abandonné serait peut-être bien. Donner une seconde chance, c’est toujours quelque chose d’agréable. On prenait la direction des félins, les miaulements étaient assourdissant, gardant la main de Korben dans la mienne, on avançait devant les cages. Gros, maigre, poil long, poil court, roux, blanc, noir… Il y en avait pour tous les goûts. «
Maman, celui-là. » Il me pointait un chat et en moins d’une vingtaine de minutes on retournait chez nous avec un félin. «
Alors comment tu vas l’appeler ? » demandais-je en entrant dans la maison, déposant la cage à l’entrer. «
Papyrus. » Étonnée, je le regardais : «
Pourquoi ce nom ? » Il s’accroupissait devant la cage, passant son doigt dans le grillage pour caresser son chat. «
Papa m’a montré un livre sur l’Égypte hier soir pour me border. C’était fascinant et j’aime bien ce mot. » Au fur et à mesure que je l’écoutais un sourire amusé prenait place sur mes lèvres. À chaque jour, il ressemblait de plus en plus à son père. «
Alors se sera Papy. » Il se tournait vers moi. «
Maman ! » rouspéta-t-il alors que je me mettais à rire. «
Tu n’aimes pas ? » Il plissait son front sans doute pour réfléchir avant de me dire que non, il préférait celui qu’il avait choisi. «
Je peux le sortir. » «
Allons l’ouvrir dans ta chambre, on va l’installer là-bas pour qu’il s’habitue à son nouvel environnement tranquillement. » Aidant Korben, on allait dans sa chambre mettant en place tout ce que le chat aurait besoin pour vivre et s’habituer. Puisque c’était son chat, c’était à Korben de s’en occuper, c’était ce qu’on avait convenu. Le laissant s’occuper de son chat, je partais dans la cuisine pour préparer le dîner. Je n’avais rien à redire sur ma famille, nos amis considéraient qu’on était le couple parfait malgré la rumeur qui avait déjà circulé sur nous. On avait quitté notre petit appartement pour s’acheter une coquette maison dans un quartier familiale. Notre fils n’avait pas de soucis à l’école, adorant apprendre de nouvelle chose. Comme son père, il avait souvent le nez plongé dans un livre. Il restait toutefois un côté plus sombre à notre vie familiale, rien de bien grave, mais Trent était de moins en moins présent. Et ce fut une fois de plus le cas, lui réservant une assiette que je déposais dans le frigo pour qu’il puisse la réchauffer s’il n’avait pas manger, je m’installais dans le canapé pour regarder le journal téléviser. Les minutes se transformèrent en heure et j’avais fini par m’endormir sur le canapé. La porte qui s’ouvre et se ferme, le bruit sourd des pas sur le parquet, la chaleur d’un corps, l’impression de voler… J’ouvrais les yeux me retrouvant étendu dans notre lit, les mains de Trent quittant mon corps. «
Salut. » disais-je la voix endormie, frottant délicatement mes paupières. Je le regardais, il me souriait et pourtant, je voyais que quelque chose n’allait pas. Je ne pouvais pas dire, mais il me suffisait d’un regard pour voir qu’il n’allait pas. Me redressant, je le regardais s’éloigner : «
Qu’est-ce qu’il y a ? » Il s’arrêtait. Son dos semblait vouté, je ne voyais pas son visage, mais je n’avais pas besoin. Me levant, j’allais passer mes bras autour de sa taille, appuyant ma tête contre son dos, je sentais ses mains parcourir mes avant-bras. «
J’ai perdu un patient… » Je serrais plus fort mon étreinte. «
Je suis désolé. » disais-je avant qu’il se tourne pour me serrer à son tour. «
Je suis certaine que tu as fait de ton mieux, mais tu ne peux pas tous les sauver. » continuais-je en relevant mon regard pour croiser le sien. Il ne semblait pas tout me dire, mais je pouvais comprendre que ce ne soit pas facile. Je n’étais pas le genre de personne à forcer la main pour qu’on me parle. S’il avait besoin de garder cela pour lui, il s’avait en contrepartie que je serais toujours là pour l’écouter. Gardant le silence, on finissait par se changer, se mettant au lit. Je le voyais sortir son livre, sachant très bien qu’il en avait de besoin. Je me collais, lui souriant : «
Fait moi encore la lecture. » disais-je sachant que j’aimais l’écouter lorsqu’il lisait, sa voix m’apaisait. Il me souriait, commençant à lire à l’endroit où il s’était arrêté.
Les bras chargés de la commande, je fermais la porte avec mon pied, me dirigeant vers la cuisine pour la serrer. Je savais la maison vide, puisque Trent m’avait dit avoir une opération en début d’après-midi et Korben se trouvait toujours à l’école. Déposant tous les paquets sur l’îlot, je retirais mon gilet que je posais sur mon sac à main, avant de commencer à serrer la commande. J’avais serré la moitié, prenant la douzaine d’œuf, je me tournais mais j’arrivais nez à nez avec un homme. Le fixant, je lâchais les œufs sur le sol en voyant le couteau qu’il tenait dans sa main. Je ne comprenais pas, mais je ne prenais pas le temps de réfléchir. «
Sortez de chez moi ! » Ça aurait habituellement été le genre de phrase que j’aurais trouvé complètement stupide dans un film et pourtant, je venais de la dire sans me poser de question. Il faisait un pas vers moi et je reculais d’un pas, essayant de garder la même distance entre lui et moi. Cet homme ne me disait rien, je ne l’avais jamais vu, mais qui a dit que dans ces histoires se sont forcément des gens que l’on connait ? D’ailleurs, je ne savais même pas le scénario qui m’était réservé, mais il était hors de question que je me laissais faire. Je continuais de le regarder et son mutisme ne me disait rien qui vaille. «
Si vous désirez de l’argent, prenez ce qui vous plaira et partez ! » lui disais-je en haussant le ton, mais il persistait à ne rien dire avançant. Me retrouvant dos au comptoir, je me retournais pour trouver quelque chose, une arme pour me défendre, mais tout ce que j’avais devant moi s’était… rien du tout. Mais pourquoi j’avais la manie de tout ranger et ne rien laisser sur le comptoir ! Je me trouvais idiote. Seulement, en faisant cela, je lui avais permis de m’approcher et avant que je n’aie le temps de réagir je me retrouvais avec la lame sous la gorge. Le contact de la lame sous ma glande thyroïdienne me saisissait, me coupant aussitôt le souffle. Mais ça ne m’empêchait pas de sentir le sien caresser ma nuque, fermant un instant les yeux, je me sentais perdre le contrôle. Une avalanche de penser me traversait l’esprit. Et si je ne revoyais plus ma famille ? Je ne pourrais même pas leur dire que je les aimais. Korben qui avait déjà di mal à supporter la disparition de Papyrus, pourrait-il surmonter s’il m’arrivait quelque chose ? Papyrus… J’étais frappé par une évidence, et si cet homme était déjà venu chez nous ? J’avais trouvé le chat de mon fils, il y avait environs deux jours mort sur le balcon. Sa mort m’avait semblé étrange quoique banal aussi, c’était surtout sa position et l’endroit où il se trouvait. On aurait dit qu’on l’avait placé là. Je n’avais pas su quoi dire à mon fils, lui mentant en disant qu’il reviendrait peut-être. Maintenant, je remettais tout en question. Un frisson parcourant mon échine en sentant la lame appuyer un peu plus contre ma peau. «
C’est vous qui avez tuer notre chat ? » Je savais que c’était complètement stupide comme question, mais si cet homme avait pu tuer un pauvre chat sans défense, qu’est-ce qu’il me ferait ? Mais il commençait à m’énerver à garder le silence. Oui, ça m’énervait ! «
Peut-être bien. » Je fermais les yeux, retenant un sanglot qui était presque plus fort que moi. Une chose était certaine, je ne voulais pas connaître le même sort, prenant tout mon courage, je lui donnais un coup de coude dans l’estomac assez fort pour qu’il perde un instant son emprise. Ce qui fonctionna plutôt bien. Je sentais la lame lacérer ma peau, mais qu’importe, je me précipitais vers la porte donnant sur la cour. Je n’avais pourtant pas le temps de l’atteindre, qu’il m’empoignait pas la taille me soulevant du sol. Je poussais un cri, me débattant comme je le pouvais. Mes bras tout comme mes jambes battaient dans tous les sens. Si je pouvais le frapper ainsi, franchement j’en étais contente. Il me balançait sur le sol, ma tête frappant le plancher, je me sentais sonnée, étourdie, mais je ne devais pas rester là. Je me mettais à ramper sur le sol, me traînant cette fois vers la porte d’entrer. Je souhaitais qu’un voisin avait entendu mon cri et appellerait la police. Le cliquetis de la porte me fit relever la tête. Trent ? La porte s’ouvrait et je voyais Korben qui entrait. Surprise, je le regardais, mais avant que je n’aie le temps de dire quelque chose j’entendais pour la seconde fois la voix de l’homme. «
Trent. » D’où il connaissait le prénom de mon mari ? Était-ce un patient de celui-ci ? Les gens sont tellement détraqués de nos jours. «
KORBEN, VA-T-EN ! » lui hurlais-je alors qu’il nous regardait tous les deux. «
Maman ? » «
VA-T-EN ! » répétais-je pour qu’il parte, abandonnant son sac, je le regardais s’éloigner en courant alors que l’homme avançait près de moi, j’agrippais mes bras autour de ses jambes. L’idée même qu’il s’en prenne à mon fils, me donnait la force de le protéger. Je le regardais perdre pied, il ne tombait pas, mais reportait son attention sur moi. Les traits de son visage avaient changé, sans émotion, maintenant, je pouvais y lire de la haine. «
Tu n’aurais jamais dû t’approcher de lui. » Il empoignait mes cheveux, frappant ma tête contre le sol. «
Sale garce ! » Je ne comprenais rien, tout ce que je cherchais à faire c’était protéger ma tête contre le choc. «
Tu es comme les toutes les autres. » Il parlait enfin et pourtant, je ne comprenais rien à tout ce qu’il disait. Un coup de plus et je perdais connaissance un bref instant, assez pour lorsque j’ouvrais de nouveau les yeux j’étais assise. Mon bras m’élançait, je me sentais faible, j’avais à la tête. J’entendais des voix. «
Rashchelle ! » Je le voyais se précipiter vers moi, les larmes coulaient de mes joues. «
Je suis désolé, pardonne-moi. » Je perdais de nouveau connaissance.
«
Madame Ipkiss, est-ce que ça va ? » Je secouais la tête, relevant mon regard vers un jeune couple. «
Excusez-moi. » disais-je en reprenant la visite de la maison. Ça m’arrivait souvent en ce moment ces absences. En fait, un rien me faisait repenser à Trent, j’avais un mal fou à l’oublier. Il faut dire qu’une relation comme la nôtre ne pouvait pas s’effacer d’un simple claquement de doigts. Remerciant le couple, je retournais dans ma voiture, me mettant derrière le volant croisant mes bras sur celui-ci, j’appuyais mon front sur eux et je laissais mes larmes s’écouler en silence. Je ne pleurais jamais à la maison, j’avais bien trop peur que Korben, ou devrais-je dire maintenant Percy, me voit. Ou encore ce Marshall aussi glaciale qu’un glaçon du pôle Nord. Je ne voulais en aucun cas qu’il puisse me dire quelque chose à ce propos, parler de tout cela. C’était peut-être pour cela que je n’étais pas toujours des plus aimable avec lui… C’était ma façon de me montrer forte, je me protégeais. J’avais dû tout abandonner, ma ville, mon emploi, ma vie pour jouer un rôle qui n’était pas le mien. En prime, lorsque j’avais repris connaissance à l’hôpital, on m’avait dit que mon mari était décédé. Pourquoi j’avais survécu et non lui ? Je n’y comprenais rien, tout ce que je savais c’était que tout cela était cruel. Je sortais mon portable où j’avais téléchargé des vidéos de Trent. Je regardais la première. «
Coupe la caméra, tu ne vas pas me filmer ainsi ! » «
Et pourquoi pas ? J’ai toujours eu un faible pour Fiona. » Dans la vidéo j’avais un masque d’un vert criard, les cheveux monter en un chignon grossier et un t-shirt appartenant à mon mari. Je n’avais même pas pu prendre l’un d’eux pour l’amener avec moi. Mes valises et celle de mon fils étaient déjà prête pour ma sortie de l’hôpital. Je continuais de regarder la vidéo où tu voyais Trent me prendre par la taille tournant la caméra pour qu’on nous voit tous les deux avant qu’il ne m’embrasse. Un sanglot m’échappait et je balançais mon portable sur la banquette arrière. Ma nouvelle vie n’avait rien de simple, j’avais l’impression de réciter des phrases préprogrammées lorsqu’on me posait des questions. J’avais l’impression d’oublier de nombreux détail concernant cette nouvelle vie. Séchant mes larmes, je tentais de rentrer à la maison. Une autre chose avec laquelle j’avais de la difficulté, l’orientation. Je me perdais dans cette nouvelle ville, mais je bénissais l’inventeur du gps. Me stationnant devant la maison que je partageais avec Calvin, je me regardais une dernière fois pour voir si les larmes avaient marqué mon visage. Ça ne semblait pas si terrible. Prenant une grande inspiration, j’entrais où je trouvais Percy assis dans la cuisine en train de faire ses faire ses devoirs. «
Salut maman. » J’embrassais le dessus de sa tête, déposant mon sac près de lui. Je jetais un coup d’œil à ses devoirs. «
Tu aimerais manger quoi pour dîner ? » lui demandais-je même si je savais ce qu’il allait me répondre, puisqu’on mangeait la même chose pratiquement tous les soirs. «
Des pâtes. » Je lui souriais passant ma main dans ses cheveux. Par moment, il m’était difficile de le regarder, voyant encore plus Trent en lui, mais encore je faisais tout pour rien laisser transparaître. «
Tu veux de l’aide ? » Je lui souriait. «
Avec plaisir. » Je me dirigeais vers la cuisine pour préparer le tout, allumant le rond de la cuisinière je mettais de l’eau à bouillir. Souriant à Percy qui venait d’entrer dans la pièce me regardant : «
Tu sais maman, tu as le droit de pleurer papa. » Je le regardais battant des cils à plusieurs reprises étonnée de ce qu’il venait me dire. «
Ça va. » «
Ne me mens pas. » Encore plus étonnée, je le regardais sans bouger. «
Il me manque aussi. » Trop tard, les larmes roulaient sur mes joues, mon visage se déformant sous la peine qui m’envahissait. J’ouvrais mes bras, laissant mon fils venir se blottir dans ceux-ci, le serrant contre moi. Je glissais mes doigts dans ses boucles. «
Dès qu’ils l’auront arrêté, on ira voir ton père. » disais-je au bout de quelques minutes, même si je savais qu’à ce moment-là ça voudrait dire qu’il nous avait réellement quitté. Est-ce que j’étais prête à accepter sa mort, je n’en étais pas certaine, mais comme tout le monde se tue à le dire,
il faut laisser le temps faire son œuvre. Je savais que j’aurais mes hauts et mes bas. Cette crainte de nouveau faire face à l’homme qui s’était introduise chez nous et qu’on se refusait à m’en dire plus revienne dans nos vies. La solitude que je ressentais malgré la présence de mon fils. Assis à la table, je regardais Percy manger ses pâtes, avant de regarder le chien de Calvin se diriger vers la porte. Je serrais ma fourchette, jusqu’à voir le policer arriver dans la salle à manger, je retournais à mon assiette. «
Il en reste si vous en voulez. » disais-je sans pour autant le regarder. «
J’ai déjà mangé. » Pas étonnant… pensais-je. Décidément, la chaleur humaine manquait à cet homme…