Jingle all the way || Alvin

Tu te doutais que ça serait la découverte pour lui, mais ça ne t'empêche pas d'être surpris par l'intensité de sa réaction. Tu n'avais pas l'habitude de voir quelqu'un découvrir un tout autre monde que le sien ; il semblait être un gosse en plein magasin de jouets, mais en encore plus fort, parce que l'enfant connaissait les jouets alors que lui... Non. Il ne connaissait rien du tout lui et c'est bien pour cela que tu devais être là, sinon tu pressentais qu'il allait prendre n'importe quoi, en plus de ne pas savoir comment tout cela marchait. Tu comprenais cependant tout à fait qu'il veuille tout découvrir ; tu voulais simplement qu'il prenne son temps pour le faire, en quelque sorte ? Tu as un petit rire lorsqu'il te brandit un céleri en parlant de magie. C'est pas un rire moqueur, juste tendre, parce qu'il était vraiment adorable – il te faisait penser aux enfants que tu croisais parfois dans le cadre de ton boulot. « C'est pas vraiment de la magie... On les fait venir de là où c'est pas encore l'hiver. » En quelque sorte. Tu ne parleras pas de culture hors-saison, de toute façon c'était bio ici alors tu oses espérer que ces fruits et légumes soient d'importation et pas d'ici.

Pendant qu'il tourne autour des fruits et légumes, tu viens prendre un petit panier pour qu'il puisse y mettre ses achats ; un caddie serait beaucoup trop grand pour une personne.Tu attrapes ensuite un sachet biodégradable qu'ils mettaient à disposition pour les fruits et légumes et le lui tends. « Tiens. Tu mets la quantité que tu veux dans ce genre de sachets – un sachet par fruit ou légume que tu veux -, ensuite tu mets dans ce panier. Et quand tu auras pris ce dont tu as besoin, on fait la suite, mais prends ton temps. » Tu montres les autres rayons, notamment celui frais et celui vegan, qui attendaient patiemment votre venue. Mais tu préférais qu'il prenne son temps. « On va faire un truc ; si tu veux tester quelque chose de nouveau, tu en prends seulement un par catégorie : un fruit que tu connais pas, un légume que tu connais pas, des pâtes que tu connais pas... Ca te va ? » Et aux prochaines courses, il en prendra d'autres. C'était un bon deal, ça.

Collin était très énergique quand il découvrait les choses, et c'était un trait de caractère que tu ne connaissais pas chez lui, si bien que tu es dépassé par les événements. Tu restes comme deux ronds de flan lorsqu'il refuse les sachets, ne te laissant même pas la chance d'expliquer qu'ils servaient à les peser pour pouvoir les payer après. Du coup tu les prends de ton côté, bien décidé à le faire après, une fois qu'il aura finit ses achats. Tu le suis donc, tes sachets à la main, paniquant intérieurement à l'idée que ça parte en vrille et que tu ne sois pas capable de gérer. Tu n'étais pas prêt pour gérer ça, pas prêt du tout, tu le savais, pourquoi ton patron t'a donné ce dossier, tu pouvais pas tout contrôler, t'allais peut-être perdre ton boulot à peine arrivé – et bordel, Alvin, ça serait con que tu fasses une crise d'angoisse maintenant alors respire à fond et calme toi.

Autant dire que tu deviens livide lorsqu'il ouvre la boîte des pâtes, juste sous tes yeux.

C'est pas grave en soit, vous êtes juste obligés de le payer maintenant, mais c'est le fait de pas avoir pu le retenir avant, de pas réussir à suivre son rythme. Tu inspires à fond et viens frotter nerveusement ta paume contre ta hanche, frénétiquement, comme toujours lorsque tu angoissais. « Elles sont dures, c'est pour les garder, mais elles ramollissent quand tu les chauffes dans l'eau et ça fait les vraies pâtes... Et tu peux ouvrir, mais on est obligés de prendre ce que tu ouvres et le payer, donc... Ouvre pas tout, d'accord ? » Tu tentes un sourire un peu bancal, un peu tremblant. Tu te sentais vraiment stupide, à angoisser, toujours angoisser, t'étais vraiment pas fait pour ce boulot putain. Tu le laisses vérifier l'intérieur et attrapes alors sa manche, pinçant tes lèvres, mal à l'aise. « Tu pourrais... Aller un peu moins vite, s'il te plaît ? Désolé c'est moi qui suis censé suivre ton rythme mais... J'ai un peu de mal. »

Tu t'en veux de ne pas être capable de le suivre et de te plier à son rythme à lui. Tu le sens bien, qu'il n'a pas l'habitude de se contenir de cette façon, que c'est compliqué pour lui et qu'en plus de cela, il découvrait un tout autre monde alors c'était normal de s'en sentir excité. Il te sort cependant de tes pensées bien sombres avec une question qui te surprend, suivi d'une réflexion qui te fait... Sourire. Parce qu'il avait foutrement raison de pas croire en ton monde. « Il y a la liste des ingrédients au dos des paquets, en petit. Parfois ils utilisent des codes compliqués que même moi je ne comprends pas, mais il y a les principaux. » Tu le suis dans le rayon suivant tout en expliquant.

Vous êtes désormais au rayon lait, dont il prend une bouteille d'amande. Tu en prends une deuxième pour lui montrer rapidement où se situent la liste des ingrédients dessus, avant de l'écouter attentivement lorsqu'il parle de chocolat chaud. C'était un doux souvenir qu'il avait là, rempli de nostalgie mais il souriait alors cela te rassurait - il ne semblait pas souffrir en y repensant. « Moi aussi j'aime beaucoup le chocolat chaud. On a de la poudre de cacao vendue ici, on en prendra quand on passera devant, si tu veux. » Tu lui souris tendrement et te rends compte que ton angoisse a disparu d'elle-même, ce qui était plutôt rare. Tu ne pouvais pas ignorer le fait que Collin y était pour quelque chose; il avait cette aura terriblement apaisante tout autour de lui, sûrement grâce à sa grande douceur. Tu le laisses prendre autant de lait qu'il pense avoir besoin et vous changez de rayons plusieurs fois dans une ambiance légèrement plus calme.

Le reste des achats se fait dans une ambiance plus calme et plus posée, même si tu continues bien entendu de répondre aux questions de Collin ; ça, tu savais faire, expliquer, tenter de faire comprendre le fonctionnement de quelque chose, en l'occurrence le fonctionnement de votre monde entier. C'était peut-être compliqué parfois d'y poser des mots, surtout sans avoir d'exemple concret à lui donner, mais tu faisais de ton mieux et tu étais soulagé d'y parvenir sans avoir à lui courir après. Il te remercie alors, te prenant par surprise ; tu écarquilles un peu les yeux, rougis, et murmures un « C'est normal » pourtant visiblement heureux. Une fois qu'il a tout ce qu'il a besoin pour pas mal de repas, tu le guides jusqu'aux caisses où il semble un peu perdu ; mais avant que tu ne lui dises quoi faire, il fait la même chose que les autres, les imite par réflexe et ça te prend de court. Tu souris, fier de le voir s'adapter aussi facilement, il était rempli de bonne volonté et de bonté aussi. Il salue si gaiement le caissier que même ce dernier est prit de court, peu habitué à autant de démonstration envers lui. Tu te rappelles en voyant les fruits qu'il fallait les peser alors pendant qu'il discute avec le caissier, tu retournes chercher les sachets, grimaçant légèrement lorsqu'il se met à te gronder légèrement.

Cela dit, il était pas vraiment crédible ; t'avais l'impression qu'il grondait un enfant. C'était plutôt mignon.

« Promis ils font pas de mal à la planète ceux-là ! Mais on en a besoin pour... » Tu ne termines pas ta phrase tout de suite, mettant plusieurs fruits de son panier à l'intérieur pour aller le peser. « Les peser. Leur valeur ne sera pas la même en fonction de leur poids... C'est pour ça. Mais tu pourras les ressortir quand on aura payé, si tu veux. » Tu lui lances un sourire clairement désolé – parce que tu l'étais. Hank confirme d'ailleurs d'un hochement de tête, toujours légèrement éberlué tout en passant les premiers articles de Collin. Tu reviens avec les sachets qu'il fait passer à leur tour, et alors qu'il arrive à la fin et que vous devez procéder au paiement, tu ressors rapidement la carte et la donne à celui que tu accompagnes. « Okay, tu vas le faire par toi-même, si tu es d'accord » Tu te dis qu'il avait peut-être besoin d'être un peu actif, plutôt que de toujours apprendre par des explications théorique. Tu montres le lecteur de carte et la flèche dessinée sur la carte. « Tu vois la fente sur la machine ? Tu mets la carte, du côté de la flèche. » Tu le guides, pas à pas, lui chuchotant les numéros sur lesquels il devait appuyer pour taper son code secret. Lorsque le « paiement accepté » s'affiche, tu peux lui demander de retirer la carte et le regarder avec un air vraiment fier. « Bravo Collin. » Il ne devait pas être le seul à avoir la main sur le cœur – tu devais aussi faire preuve d'encouragement, tu savais que cela faisait toujours plaisir. Tu sors alors de ton sac un sac de course dans lequel il peut mettre ses achats, allant ranger son panier pendant qu'il s'exécute.

Il n'avait rien compris. Ça n'était pas vraiment surprenant. Il n'allait pas intégrer ce genre de fonctionnement en une fois, il faudrait le lui faire répéter suffisamment jusqu'à ce qu'il enregistre les règles principales, notamment le code de sa carte qui lui servira beaucoup. Tu passes outre, tu pouvais de toute façon l'accompagner faire les courses le temps qu'il lui faudra pour réussir à se débrouiller sans toi. T'as un grand sourire malgré toi en le voyant sortir aussitôt les fruits et légumes des sacs qu'il donne ensuite à Hank, sous son regard toujours aussi perplexe, ainsi que ceux amusés des autres clients. Tu t'excuses quand même du bout des lèvres auprès de lui et le salues avant de te rhabiller et de suivre Collin à l'extérieur.

Il attrape ton bras, toujours aussi effrayé par les bruits ambiants, et vous commencez à prendre le chemin inverse. Il te parle de vélo et tu hoches la tête. « C'est pas bête, je vais nous prévoir ça pour les semaines à venir. Faut que tu retiennes le chemin par contre. » Tu lui souris doucement, jusqu'au bâtiment dont vous ouvrez la porte avant de monter. Vous arrivez rapidement dans l'appartement, au chaud, et tu l'aides désormais à ranger ses courses, ravi d'être revenu là où il faisait bien plus bon. « Tu ne comptes toujours pas aller au repas de ce soir? » Que tu lui demandes alors que tu ranges les pâtes dans un placard.