Jingle all the way || Alvin

La question semble viser un peu plus douloureusement que tu ne l'aurais pensé. Tu fais un peu la moue en attrapant le sac de courses à présent vide que tu ranges là où il t'indique, te retournant ensuite vers lui à ses mots, sourcil haussé. « C'est pour ça que tu es en manque de câlins ? » Il ne doit pas être le seul à être tactile dans ce bâtiment, quand même... Si ? Tu grimaces un peu en les imaginant tous se foutre de sa gueule dans son dos. Ton monde était cruel, tu le savais, tu ne pouvais même pas mentir à ce propos ; Collin devait le constater par lui-même. Tu fais la moue, parce que t'es inquiet pour lui – il était seul alors qu'il n'en avait pas l'habitude, mais il comprenait très bien qu'on se moquait de lui juste parce qu'il n'avait pas la même façon de penser que vous. C'était si compliqué. T'avais presque envie de l'attirer chez toi, dans ta maison, pour qu'il fête Noël avec vous ; sans déconner, l'imaginer seul pour ce soir-là te déprimait. Mais c'était pas du tout professionnel, ça irait bien au-delà des limites de ton travail et... Tu pouvais tout simplement pas faire ça.

Tu pouvais tout simplement pas le faire s'attacher à toi, pas autant du moins.

Il parle ensuite de son enfant et tu as un petit sourire qui veut tendre et compréhensif. Son ton était amer et tu comprenais qu'il puisse se sentir... Nostalgique et triste de ne pas avoir sa propre enfant avec lui. « Je pense qu'elle fait la fête avec tout le monde. Demain elle ouvrira ses cadeaux de Noël. Oh ! Ca te dirait d'aller chercher son cadeau la prochaine fois ? Tu pourras lui offrir quand on la verra. » Tu viens lui frotter doucement le bras pour tenter de le réconforter un peu, même si tu sais que c'est maigre comparé à sa peine. Tu ne sais simplement pas comment faire autrement, toi qui ne vivait pas une telle chose.

Tu ne t'attendais pas à un discours aussi pessimiste et triste de sa part, car depuis votre rencontre il avait toujours eu l'air joyeux, comme si il ne se rendait pas vraiment compte de sa situation. Et quelque part, ça te rassurait, qu'il s'autorise à ressentir ça aussi, qu'il n'enfouit pas tout au fond de lui pour paraître bien, au risque d'exploser encore plus violemment après. « Je sais Collin... » Tu ne sais pas quoi dire de plus ; tu ne sais pas si il y a quoi que ce soit à dire. Alors tu viens simplement le prendre dans tes bras lorsqu'il se relève, frottant doucement son dos dans une douceur qui se veut encourageante.

Vous parlez de sa fille ensuite et sa remarque te fais pouffer de rire alors que tu te recules. « Oui je sais, c'était une image... Y'a sûrement d'autres personnes pour les ouvrir à sa place. » Tu le suis du regard, un peu perplexe et souriant en voyant qu'il semblait avoir retrouvé un peu de sa vitalité et regardes le calendrier qu'il te montre. Sa question te fais chaud au coeur et tu montres les jours à venir. « Là je te dirais précisément le jour et l'heure. Mais je pense qu'on la verra la semaine d'après... » Tu fouilles ton sac et ressors un autre calendrier, celui de 2019. « Je sais, encore du carton... Mais t'es venu en fin d'année aussi! Normalement ça nous sert plus longtemps que ça. » Tu ris un peu et le lui donnes. « La semaine prochaine on change d'année... On passe de 2018 à 2019 comme c'est écrit. On recommence le cycle du début quoi. Et du coup tu la verras là. » Et tu montre la première semaine de janvier.

Tu avais réussi à lui remonter un peu le moral en lui parlant du cadeau de Noël de sa fille - tu savais que ça lui ferait plaisir et t'es content de constater que tu avais visé juste. Tu voulais faire ton maximum pour qu'il ne se sente pas trop mal ici, même si tu sais que c'est presque impossible, qu'il venait d'un tout autre monde et que ce monde et les personnes de son entourage lui manquaient. Tu as un petit hochement de tête à sa question, tout sourire. « Bien sûr, c'est ce que je pensais faire de toute façon. » Acheter le jour même et tout faire dans la précipitation était mauvais, tu comprenais tout à fait qu'il veuille passer du temps sur son cadeau.

Tu lui montres alors la semaine à laquelle tu vas sûrement prendre le rendez-vous, ne t'arretant pas sur une case précise puisque tu ne le savais pas encore. C'est justement ce qu'il te demande, te précisant qu'il allait la décorer parce qu'elle sera la case du bonheur; et, non, vraiment, il noyait ton cœur sous sa douceur, c'était beaucoup trop de pureté pour toi. « Non, je ne sais pas encore laquelle c'est. Je viendrais te le dire dès que je le sais, d'accord? » Tu lui souris doucement. Il n'aura pas longtemps à attendre avant de savoir quel jour ce sera, par contre, c'était déjà ça.

Tu vois bien que le fait de ne pas encore savoir précisément quand est-ce qu'il verra sa fille stoppe son enthousiasme. Tu viens te mettre à côté de lui, frottant doucement son épaule et son bras à nouveau dans un air qui se veut doux et compréhensif – parce que tu comprenais qu'il se sente aussi mal, quand on ne sait pas encore le moment où la seule chose à laquelle on se raccroche arrivera. « Je vais faire le plus rapidement possible pour que tu saches quel jour ce sera, d'accord ? C'est une promesse. » Tu le déclares d'un ton sérieux, pour bien lui faire comprendre que tu ne plaisantais pas et que tu tiendrais parole. Tu ne faisais jamais de promesse au hasard et obtenir un premier horaire avec sa famille deviendra ta priorité pour les jours qui suivent.

Tu retournes t'asseoir lorsqu'il repose les calendriers en jetant un coup d’œil à l'heure ; il était à peine plus de 17 heures et tu aurais voulu rester pour voir si il n'explosait pas l'appartement en essayant de faire la cuisine... Simplement, vous aviez déjà un peu fait le tour de ce que tu voulais lui apprendre aujourd'hui et tu te retrouvais un peu les bras ballants. Tu as un haussement d'épaules à sa question, lui souriant doucement. « Je n'ai rien prévu d'autres pour aujourd'hui... Mais si tu as des questions, je suis toujours là pour y répondre, alors n'hésite pas. » Peut-être que si tu le lui demandait d'allumer de lui-même la cuisinière pour te montrer qu'il savait bien le faire, tu pourrais partir ensuite ? Mais t'avais quand même peu envie de le laisser seul à ce moment-là – c'est comme si on te disait de laisser un gosse se faire à manger tout seul, ça fait un peu peur. Puis, on va pas se mentir, t'étais quand même un peu curieux de voir son niveau en cuisine. Plus élevé que toi c'était certain, mais tu voulais constater par toi-même jusqu'à quel point.