Jingle all the way || Alvin

Tu paniquais intérieurement, il fallait bien l'avouer. deuxième rendez-vous seulement et il se brûlait déjà - c'était à se demander à quoi tu devais t'attendre pour les prochaines semaines. Tu avais peur de ne pas lui apprendre à temps tous les dangers de ce monde - putain, il aurait fallut quelqu'un de bien plus expérimenté que toi, c'était certain! Qu'est-ce qui lui avait prit à ton chef de te refiler un tel dossier? T'avais l'impression d'avoir une vie entre les mains, tout à refaire et à reconstruire, sans compter tout ce qu'il risquait rien que dans son propre studio. Tu pousses un soupir tremblant en regardant autour de toi. C'était vraiment pas gagné.

Tu reportes ton attention sur lui lorsqu'il prend la parole, penchant un peu la tête à sa remarque. « Oh? Je pense souvent trop à la douleur pour me faire ce genre de remarques... » Tu souris faiblement et va devant la cuisinière que tu éteins car tu ne l'avais toujours pas fais, trop occupé à soigner sa brûlure. « Au moins maintenant tu sais comment l'allumer... » Tu essaies de voir le bon côté des choses oui, malgré la peur qui faisait encore battre ton coeur un peu trop fort. « Je vais quand même rester si tu fais ton repas ce soir, au cas où. » T'avais un peu trop peur de le laisser tout faire tout seul, pour la première fois. Tant pis si tu dépassais un peu sur tes horaires de boulot.

Tu papillonnes un peu des yeux lorsqu'il recommence à se dénigrer, surpris et pris de court. Tu pensais que tu avais réussi à le rassurer la dernière fois, à propos de ton avis sur lui au moins, mais il ne semblait pas. Tu secoues la tête et essaies de lui sourire le plus doucement possible pour bien lui faire comprendre que tu étais loin de toute pensée négative de ce genre sur son compte. « Ce n'est pas du tout ce que je pense. Personne ne t'a demandé ton avis avant de t'imposer ce tout nouveau monde, à t'obliger à t'apprendre toutes ces choses. N'importe qui serait perdu. Tu es loin d'être bête. » Tu mordilles ta lèvre. C'était un sujet sûrement sensible que tu abordais là, son rejet de sa communauté, son arrivée ici, son incroyable solitude depuis qu'il était ici. Il s'était déjà fait une amie au moins ici, mais tu restais terriblement inquiet malgré tout, qu'il en vienne à déprimer et à faire des bêtises. « Je flippe juste un peu de pas réussir à t'apprendre correctement » Avoues-tu avec honnêteté, plongeant tes pupilles dans les siennes pour qu'il y lise ton sérieux. « Je suis tout nouveau dans mon métier et quelqu'un dans ta situation à toi n'est pas familier du tout, alors j'ai peur de faire des bêtises et de mettre ta vie en danger... C'est seulement notre deuxième rendez-vous et tu t'es déjà brûlé » Tu tentes un rire qui n'a pas grand chose de convainquant.

Tu te confiais peut-être un peu trop, alors que ton rôle serait plutôt l'inverse : le faire se confier à toi, mais tu essaies de te rassurer en disant qu'il n'y avait que l'honnêteté et les confidences mutuelles qui pouvait permettre de créer une relation de confiance. D'ailleurs, vous tournez la conversation vers un autre sujet ; vous parliez beaucoup, surtout lui et ça te faisait plaisir. Tu te doutais qu'il était comme ça avec un peu tout le monde mais au moins il n'était pas renfermé à rester dans son coin, c'était une très bonne chose pour la suite de sa vie. « Un... Laminoir ? Ca sert à quoi ? » C'est à ton tour de ne pas connaître un objet ; comme quoi lui aussi avait beaucoup à t'apprendre. « Pour la farine, tu en achèteras quand on ira... Faire les courses... Enfin, prendre de quoi te faire de bons repas, quoi. » Tu t'es souvenu qu'il avait du mal avec cette expression, alors tu tentes de tourner ta phrase autrement.

« Mais faut qu'on finisse les appareils avant. On passe au salon ? » Tu lui demandes d'abord en jetant un regard vers sa main pour savoir si ça irait.

Tes joues se teintent de rose lorsqu'il déclare carrément que tu étais parfait. Tu n'irais pas jusque là, quand même pas, mais tu faisais de ton mieux en tout cas et tu étais bêtement content qu'il s'en rende compte et ne te jette pas la pierre. Cela te fait garder ton sourire, même lorsque vous changez de sujet ; tes yeux s'illuminent de compréhension lorsqu'il te parle, et c'est à ton tour de te sentir bête de ne même pas savoir comment on fabrique des pâtes. Tout de même, Alvin, c'était le seul met que tu arrivais à cuisiner sans tout faire brûler, tu pourrais au moins savoir ça... Tu hoches la tête lorsqu'il t'explique plus précisément, te décrivant même ce qu'était des spaghettis. « J'en mange si, mais je ne les fabrique pas moi-même. » Tu imaginais déjà la catastrophe si c'était le cas, de toute façon...

Tu le suis à la cuisine, prenant ça comme une acceptation de sa part, t'indiquant par la même occasion que sa main allait assez bien pour que vous puissiez ne pas vous en soucier pendant un moment, jusqu'à devoir retirer le dentifrice en fait. Tu devines déjà ce qu'il y a sous le drap avant qu'il ne le soulève, et tu ne te trompes pas ; c'était la télé. Tu l'écoutes attentivement, ta mine professionnelle se décomposant de plus en plus au fur et à mesure de ses explications alors que tu te retenais pour ne pas rire. Mais tes lèvres pincées ne suffisent plus à son imitation du son que la télé avait faites et tu exploses d'un grand rire, vraiment il était trop... Trop mignon ! C'était incroyable ! « Pardon, pardon ! C'est juste... Ton imitation... J'suis désolé... » Tu te marres encore quelques instants avant de prendre une grande inspiration pour te calmer et essuyer un peu tes yeux. « Ca s'appelle une télévision. C'est pour voir... Des films, enfin, des histoires jouées par les gens... Il y a aussi le journal pour parler des actualités du pays, ce qui se passe en ce moment, et des dessins animés, pour les enfants. Mais il faut la régler. Je vais te faire ça. Tiens, lis ça en attendant. » Tu lui donnes la fiche, un côté pour les différents boutons de la télévision, et l'autre avec la télécommande en gros blanc, chaque bouton étant relié à une flèche qui indiquait à quoi ça correspondait.

Tu attrapes d'ailleurs la dite télécommande et te diriges vers la télé pour brancher tout correctement. Tu commences ensuite les réglages et rapidement, la télévision commence à chercher les chaînes. Pendant cette recherche, tu retournes à ton sac pour lui sortir le programme télé que tu lui avais pris exprès en prévision. « Tiens. Ca c'est tout ce que tu peux trouver sur les chaînes – les différents numéros, si tu as bien lu ma fiche – en fonction des heures. » Tu le poses sur la petite table basse. La recherche de chaînes se termine, tu conclus les réglages et enfin, la première chaîne apparaît. « Voilà ! »

Tu pouffes de nouveau de rire à sa remarque, mais tu hoches la tête pour confirmer ses dires. Tu ne pouvais pas vraiment réfuter; c'est lorsque tu voyais tout ce que tu devais lui expliquer que tu te rendais compte qu'en effet, votre monde était assez compliqué. Et surtout bien rempli. C'était facile pour toi qui a grandit dans ce monde là, mais pour ceux qui viennent d'arriver ou ceux qui ont du mal à s'adapter, c'était différent... Tu comprenais tout à fait ce qu'il voulait dire par là. Pendant que les chaînes chargent, lui feuillette le programme télé et sa question te tire un sourire. Tu ouvres la bouche pour lui expliquer que ça n'était pas ça, mais la première chaîne se lance et tu n'as plus qu'à le laisser découvrir.

Son air à la fois surpris et curieux valait tout l'or du monde.

Tu le suis du regard alors qu'il s'approche et tapote sur l'écran, comme si il pensait pouvoir interagir avec le contenu, puis restes près de la télé en fixant les images. Admiratif, c'était certain. Il était comme ces bambins qui devaient voir plein de couleurs défiler sans trop les comprendre. « Ne reste pas trop près de l'écran, ça va t'abimer les yeux. » Tu tapotes à côté de toi pour l'inviter à te rejoindre. « Ça c'est des publicités, ils en mettent à la télévision pour te faire acheter des trucs... Mais faut pas vraiment les écouter, c'est pas intéressant et ils disent plein de mérite du truc qu'ils veulent vendre mais c'est pas toujours vrai. » Tu cherches un peu tes mots pour essayer d'avoir un vocabulaire qu'il comprend, mais c'est un exercice compliqué.

Tu feuillettes rapidement le journal et changes de chaîne pour tomber sur un film, Anne with a "e" étant ce soir seulement. « Voilà. Ça c'est un film. Des gens, qu'on appelle des acteurs, jouent un personnage et cela forme une histoire. Mais au lieu d'être lues, elles sont... Jouées? » Tu ne savais pas comment dire autrement et préfères le laisser comprendre par lui même devant les images.

Son côté tactile avait de quoi te perturber, vraiment. Parce que tu avais l'impression de défier toutes les règles qu'on t'a appris à l'ecole, à savoir que tu devais garder une certaine distance professionnelle avec la personne dont tu t'occupais, que tu ne devais pas être trop affectueux ou tactile, que cela risquait de faire grandir une trop grande complicité. Et si tu devais avoir leur confiance, tu ne devais pas non plus faire en sorte qu'ils s'attachent à toi, parce que tu ne serais alors plus en mesure de faire correctement ton travail.

Tout cela était devenait trop compliqué quand celui dont tu t'occupais ne connaissait rien de cette distance que vous deviez avoir l'un envers l'autre.

« C'est un peu plus compliqué que le théâtre, il y a plus de machines et plus de... Réalité? Cela dit j'aime beaucoup aller au théâtre aussi. » Tu ne te rends pas tout de suite compte de son trouble, pas avant que son soupir ne te fasse tourner la tête vers lui. Il t'avait parlé d'une Samantha et tu te demandes qui cela pouvait bien être. Vu son air triste, elle lui manquait beaucoup. Sa soeur ? La mère de sa fille peut-être? Tu n'avais eu aucune information à ce propos mais tu n'osais pas lui poser de questions - il avait l'air assez mal comme ça.  « Des câlins? Oh... Si mais... Enfin ça dépend si on aime bien ça ou pas, mais en général on en fait aux gens qu'on... Aime et connait vraiment bien? » Tu pinces un peu tes lèvres, hésites et finis par tendre les bras. Au diable les règles, il en avait terriblement besoin en cet instant, cela se voyait. « Moi je veux bien t'en faire un. » Tu as un sourire un peu timide.