Jingle all the way || Alvin

Il te parle du théâtre. C'est bien si ça existe ici aussi. Comme ça tu pourras aller voir des pièces, peut-être des pièces que tu ne connais pas encore. A la Terre Sacrée, c'était toujours les même personnes qui faisaient les histoire. Ou alors il fallait suivre celles des livres de la grande bibliothèque. Tu t'es jamais posé de questions sur le fait que ça soit bien réduit, tout ça. Pour toi, il n'y a jamais rien au d'autre que la littérature présente au sein de la communauté. Là encore, tu ne te le demandes pas, surtout quand tu revois dans ta tête les images de Samantha qui joue cette bergère affamée et seule dans la forêt. Vraiment, elle savait faire tous les rôles.

Lui ne la connait pas. T'as pas envie d'en parler de toute façon. Tu veux juste du réconfort, pas juste des mots qui te sembleraient trop froids ou dérisoires. Non, tu veux qu'on te réchauffe le cœur en te donnant de cette affection qui te manque tant depuis que tu es ici. Mais ils ont tous refusé, même Leyla s'est repoussée quand t'as voulu la prendre dans tes bras pour lui dire au revoir. Vraiment, ce monde était bien trop détaché des choses simples et vraies. Ils ne savaient que gâcher du papier. Tu soupires un peu plus quand il te dit que c'est juste pour les gens qu'on aime. Forcément, personne ne t'aime toi ici. T'es seul, même ta fille n'est pas là. Tu serres la mâchoire un peu parce que tu sens que la tristesse commence à l'emporter sur ta bonne humeur constante et naturelle. Tu sens aussi qu'elle se teinte de colère, alors que c'est un sentiment que tu as en horreur, surtout quand c'est toi qu'il habite. Tu te dis que tu vas juste te mettre sur le lit et serrer fort ton oreiller en essayant de songer que c'est quelqu'un qui veut bien de toi, un peu. Mais Alvin reprend la parole, il tend ses bras vers toi et t'as d'un coup un grand sourire qui illumine un visage qui ne doit pas se laisser à la morosité. Tu te lèves de ton accoudoir, il commençait à te faire mal aux fesses de toute façon, et tu viens te mettre contre lui dans le fauteuil, même s'il n'y a pas beaucoup de places pour deux grands adultes comme vous... Surtout pour toi en fait. tu te laisses porter à la douceur de ses bras, le laisse choisir comment il décide de t'étreindre. Toi t'es déjà heureux de te dire que t'as le droit à un câlin de la part de quelqu'un qui n'a pas l'air d'en faire comme ça, comme toi, comme les autres de la Terre Sacrée. Alors t'en profites pour retenir les traceurs de sa singularité. Son odeur qui pointe vers l'acide du citron mêlé au basilic et à la lavande. Que des odeurs naturelles en somme. Tu ne sais pas comment il fait pour sentir ces aromates à ce point mais ça te plait et sans lui dire, tu le fixes dans ta mémoire. C'est la première fois que tu sens quelqu'un qui a cette odeur. Samantha sentait les fleurs des champs, avec des petites parcelle du foin frais et chaud. L'hiver, une douce odeur de bois de cheminée se déposait sur ses vêtements et sa peau puisqu'elle s'occupait du feu chez elle. Alors tu commences à te dire que peut-être, Alvin a un citronnier dans son jardin, qu'il adore se faire des limonades et les agrémenter d'odeurs de lavande ou de basilic. Peut-être de la fraise aussi, mais ce n'est pas la saison alors l'odeur doit être bien loin maintenant. « Tu me feras de la limonade hein ? » Du coup c'est plus fort que toi, t'as envie d'y gouter. T'as envie d'entrer dans son monde parce qu'il a été le premier à bien vouloir en ouvrir les portes. Et t'es juste bien à nouveau, collé contre quelqu'un, sa chaleur contre la sienne.

T'es bien. Juste bien. Parce qu'Alvin est gentil avec toi. Il t'écoute, il te parle et te répond. Il n'a pas cet air si supérieur qu'ils ont presque tous. Il comprend aussi, il semble vouloir te laisser le temps alors que dans ce monde, il va toujours trop vite. Bon, il gâche du papier par contre. Comme avec son magasine pour dire ce qu'il va se passer dans cette télévision que tu n'aimes pas. Pourquoi savoir à l'avance ? On ne sait jamais de quoi sera fait le jour suivant ou même l'heure qui pointe le bout de son nez. Tu n'aimes pas ça. Tu remettras le drap quand il sera parti. Pour le moment, tu profites juste de sa chaleur et de cette sensation si unique et bienveillante de se sentir quelqu'un pour un autre. T'aurais envie d'agir comme tu le faisais à la Terre Sacrée, mais tu sais que le câlin est déjà beaucoup pour lui. Ils sont différents ici, ils ont oublié que le plus important, c'était de s'aimer. « Oui. Là le soleil prend une petite pause et laisse le froid gagner les journées. Quand l'air sentira bon les fleurs à nouveau, tu pourras m'en faire. » Pourtant, il sentait bien comme la limonade, une douce après midi d'été. Peut-être parce qu'il confit ses fruits. Tu ne sais pas, tu ne veux pas savoir de toute façon parce que tu adores imaginer.

Tu restes un peu contre lui, les caresses dans ton dos te font frissonner légèrement. T'es sensible sur cette partie de ton corps alors ça te procure une douce chaleur. « Ça va mieux, je crois qu'on peut aller chercher de quoi faire mon repas. » Tu te détaches de lui et tu te relèves. Mais tu prends sa main au passage, dans les deux tiennes et tu viens lui embrasser le dos. Tu t'étais dit de pas faire ce genre de choses mais c'est plus fort que toi.

Tu le vois gêné par ton intervention, peut-être même un peu dégouté. Tu plisses légèrement les lèvres devant ce constat et retient la petite amertume qui s'installe sur ton cœur. Il t'a fait un câlin, tu n'allais pas lui en vouloir parce que vous aviez été élevé avec des doctrines et des manières de faire totalement différentes. « Une monnaie ?... » Tu te questionnes un peu, fébrile sur le ton employé parce que t'as l'impression de connaître le mot, de l'avoir déjà entendu. Mais ça ne te revient pas tout de suite. Tu fixes alors un point lambda, en l’occurrence, un clou planté dans un mur où il devait y avoir une décoration avant, pour chercher dans ta mémoire. Machinalement et alors que tu es en pleine réflexion mentale, tes mains viennent coiffer légèrement tes cheveux, en faire une queue, un chignon qui retombe parce qu'ils ne sont pas assez long encore, puis tu tires un peu sur tes mèches. Ça dure moins d'une minute mais c'est le temps qu'il te faut pour te souvenir. « Ah oui ! Ma mère m'avait expliqué, elle avait même gardé une monnaie avec elle pour me montrer ! » T'es fier de t'en souvenir et maintenant, tu as l'image mentale de ce billet de un dollar que ta mère possédait, pour t'expliquer brièvement le fonctionnement. Tu étais enfant à l'époque mais tu te souviens avoir bien ri en voyant le bout de papier. Ça te laisse un sourire à la fois nostalgique et amusé, parce que tu ne comprends toujours pas l'intérêt de ce fonctionnement. « Vous adorez tellement le papier que vous faites du papier pour prendre les choses ! C'est tellement bête ! A la Terre Sacrée, si on a besoin de quelque chose on va le demander aux personnes qui peuvent l'avoir ou le fabriquer, c'est bien plus simple ! » Pas de monnaie chez vous, pas de système où certains sont plus riches que d'autres. Mais pour que ça fonctionne, l'avarice et le besoin inutile de matériel était à prohibé. Pour toi, pas de souci, tu as toujours vécu ainsi. Du coup, tu te retournes rapidement pour aller chercher le programme télé dont tu ne vas pas te servir et tu lui tends. « Tiens ! Du papier pour aller chercher de quoi faire à manger ! Tu pourras leur donner ! »

Tu ne sais rien de leur monde alors tu penses que n'importe quel papier suffit. C'est sans doute pour ça qu'ils adorent tant le papier d'ailleurs. Pour toi, ça reste du gâchis et simplement demander ce dont en a besoin suffit. Mais Alvin n'est pas d'accord et t'explique rapidement avec de grands nombres.  Tu tentes de suivre, à la Terre Sacrée, vous n'avez pas l'habitude de jouer avec autant de zéros. Mais tu te dis que ça fait beaucoup, surtout pour l'endroit où vous viviez. Même si tu n'as pas pu le réaliser encore. « Ou alors il faut pas de télé ! » Toi, tu as la solution. Tu ne trouves pas la télévision utile. Du coup, tu reposes ton journal télé, en haussant les épaules parce que tu ne comprends plus rien. Il voulait du papier mais il faut utiliser une carte. Vraiment, un monde bien compliqué.

Tu te saisis de ladite carte et tu la regardes. Elle n'est pas souple comme le magasine mais bien dure. Tu tentes de la plier un peu, ça fonctionne mais pas trop pour ne pas la casser. Tu la sens, elle ne sent rien de particulier et tu vois le nom d'une banque que tu ne connais pas forcément. « Dommage qu'on soit en hiver, on va devoir mettre des chaussettes et des chaussures. » toi, tu préfères sentir le sol sous tes pieds, ou mieux l',herbe qui les chatouille légèrement. Du coup, tu vas en chercher et tu les mets, revenant vers lui ensuite. « On peut y aller ! C'est à combien de temps de marche ? »

Tu enfiles rapidement de grosses chaussettes bien épaisses et tu mets aussi des chaussures. Il fait froid dehors et en plus, il pleut encore. Du coup, tu mets aussi un bonnet en laine que tu tiens de la Terre Sacrée et une écharpe faite de la même fibre. Alvin t'explique d'abord avec son temps puis se ravise pour t'expliquer que ça ne fera pas longtemps. Ce n'est pas très précis mais tu n'as pas été habitué à la précision pour le temps qui s'écoule. Pour toi et ta communauté, les choses prenaient le temps qu'il fallait. Tu le suis donc et ferme ton petit studio comme on t'a appris -et ça aussi c'est nouveau pour toi de te méfier des autres au point de fermer à clef- Vous êtes dehors, la température change clairement et tu frissonnes quand la première bourrasque vient te glacer les os, avec la pluie en plus contre ton visage. Vraiment, tu avais assez faim pour sortir dans un temps pareil. Du coup, vous marchez plutôt vite et tu es émerveillé par des tas de choses. Toutes ces maisons et immeubles, tous les gens aussi, partout. Des enfants, des personnes plus âgées et des personnes avec des vêtements bien étranges aussi. Il y a les voitures qui te font peur aussi, mais tu les as déjà vues. Tu restes même du côté des bâtiments et laisse Alvin être du côté de la route, c'est mieux pour toi. Très vite tu te rapproches de lui parce que tout t'angoisse un peu trop. « C'est bientôt la fin de la route ? J'aime pas être dehors... » ton coeur bat vite, il y a trop de bruits partout et surtout des sons que tu ne connais pas, ce qui est loin de te rassurer. Alors tu agrippes le bras d'Alvin et tu le serres, comme pour être certain d'être toujours proche de lui.