Il est temps que la vérité tombe [Micah ♥]

La journée avait été terriblement tranquille à l’aquarium. Peu de gens, peu de spectacles à donner. C’était à un tel point qu’environ deux heures avant mon heure habituelle de fin - quoique ce n’était jamais clairement défini, puisque ça dépendait toujours de la quantité de monde sur place - on me libéra. Bien que j’aimais mon métier, cela ne me gênait pas tant pour une fois, puisque cela pourrait me permettre de faire des choses que parfois je ne pouvais faire, et me consacrer à certaines personnes auxquelles je n’avais pas à porter d’attention précédemment. Ce n’était pas une corvée, loin de là. Qu’y avait-il de difficile avec le fait d’avoir une petite-amie ? Honnêtement, je ne pouvais pas m’en plaindre. D’ailleurs, le simple fait de songer à la voir ce soir m’égayait depuis le début de la journée, mais là, je pourrais la voir encore plus tôt, si je trouvais le moyen de me montrer suffisamment téméraire pour lui faire la surprise de ma présence sur son lieu de travail, comme elle m’avait invité à le faire maintes fois. Avant ça toutefois, je passai voir ma mère, juste un peu. Apparemment, je devais y aller doucement, pour ne pas la brusquer, pour l’habituer progressivement à ma présence. C’était comme si je recommençais tout ce processus que j’avais vécu ces dix dernières années, mais je tentais de me convaincre que c’était pour son bien, pour me donner le courage d’y parvenir. Compte tenu que quand même, ma visite fut courte, j’eus suffisamment de temps pour me rendre sur le lieu de travail de Kayla. Nul besoin de prévenir mon paternel, celui-ci savait déjà que je ne serais pas là, et il travaillait, d’autant plus qu’il avait emmené Spike avec lui à la base militaire. Connu sur les lieux, je n’eus pas de mal à entrer dans l’immeuble, mais je ne m’attardai nulle part non plus, lançant à un air poli à ceux qui me regardaient, mais rien d’autre. Je me rendis directement au bureau de ma petite-amie, le trouvant désert. Je ne m’en inquiétai pas, peut-être était-elle occupée autre part, je savais qu’elle n’avait pas terminé sa journée. Patient, je commençai à arpenter les lieux, marchant doucement, considérant la vue depuis sa fenêtre. Je m’arrêtai brusquement lorsque le téléphone sonna. Pas tant parce que j’avais l’intention de répondre, juste sur le coup de la surprise. Je n’avais pas l’intention de répondre, ça ne me regardait pas. Je le laissai sonner, n’ayant pas l’intention de l’écouter, jusqu’à ce que je réalise que ce message n’avait rien de très clair, rien de très professionnel. Fronçant les sourcils, je finis par répondre de mes pulsions et je mis le téléphone à silencieux. Et pile quand j’avais le doigt sur celui-ci, Kayla entra, me faisant constater que j’avais un air troublé. Perdu dans mes pensées, je ne m’en étais même pas rendu compte. Secouant la tête, je n’eus pas le temps de répondre qu’elle supposait que c’était en raison de l’appel passé sur son téléphone. Un peu grillé, je dus trouver rapidement mes mots pour répondre, bien que ce ne soit pas d’un ton tout à fait convaincu:  « Un faux numéro… Je suppose… » Incapable de garder contenance, je me trouvai un peu nerveux, et du coup, je dis:  « Une personne qui voulait des services de prostitution à une certaine Lily… » M’entendre le dire me fit venir à la conclusion que c’était stupide, ce qui eut pour effet de me rassurer quelque peu. Plus serein, je souris à Kayla timidement, et je dis:  « J’ai terminé plus tôt… » Donc je voulais lui faire une surprise et venir la voir, voilà ce que j’aurais dû dire, mais je m’arrêtai là, à croire que je n’étais pas encore tout à fait remis de cet épisode.

J’étais persuadé au plus profond de moi-même que c’était un faux numéro, que c’était n’importe quoi. Après tout, qui aurait l’indécence d’appeler dans un bureau reconnu pour faire une chose pareille ? Ça ne faisait pas de sens, ce n’était pas possible. Nous allions en rire, je laisserais ma petite-amie terminer ce qu’elle avait à faire avant d’être libérée pour sa journée, afin que nous puissions aller manger ensemble et profiter de la soirée, comme prévu. Mais voilà qu’elle eut une réaction à laquelle je ne m’attendis pas du tout. Elle devint blême, troublée à un point que je ne croyais pas possible, si bien que je compris que peut-être ce n’était pas une blague. Mais comment ça ne pouvait pas l’être ? Confus, je ne sus même pas protester lorsque Kayla me demanda de m’asseoir. Je tournai la tête que pour trouver la chaise la plus près, puis m’installer. Je regardai ensuite Kayla, qui rendit, pour moi, la situation encore plus floue, encore plus incompréhensible. En effet, son discours n’avait rien de rassurant, si bien que pour toute réaction, ce que je parvins à faire, ce fut un rire particulièrement nerveux. Ce n’était pas une réaction bien glorieuse, j’en étais parfaitement conscient, mais dans ma tête, ça ne se pouvait pas. C’était trop à prendre pour moi, pauvre personne qui voulait seulement faire plaisir à sa copine. Secouant la tête en comprenant que c’était n’importe quoi, je tentai tant bien que mal de supposer qu’elle était sérieuse. Je le fis en la regardant, en voyant qu’elle attendait une réaction de ma part, une vraie, réitérant alors que moi, j’étais resté pendant de longues secondes à la fixer. Sachant très bien que je devais dire quelque chose, mais que je ne savais que dire, je me retrouvai à balbutier:  « Qu… Que… Comment… » Toujours pas mieux, je le savais très bien. Grimaçant devant le ridicule de ma propre réaction, je passai une main dans mes cheveux, bien que ce ceux-ci ne soient plus aussi longs que précédemment, inspirai profondément, et je tentai finalement de dire:  « Je n’y comprends rien… » Définitivement, je ne parviendrais pas à dire quelque chose qui faisait du sens, mais en même temps, pouvait-on m’en blâmer ? Je ne savais même pas comment me sentir à l’intérieur. Je me sentais déçu, je me sentais frustré, je me sentais… brisé… Déglutissant, je finis par ajouter:  « Tu… Tu m’as… menti ? » Je savais bien que nous n’étions pas ensemble depuis bien longtemps, mais au point de mentir sur son prénom… ? Ce n’était pas un peu gros ? J’avais envie de croire qu’elle avait de bonnes raisons de le faire, j’espérais sincèrement que ce soit le cas.

Kayla n’avait pas toujours travaillé dans le droit. Kayla ne s’appelait même pas Kayla. Cette première partie, je pouvais vivre avec. Ce n’était pas comme si, moi-même, je n’avais pas toujours eu le même métier. J’avais eu cette période où j’avais peu d’ambitions, où j’avais eu besoin qu’on me pousse à faire quelque chose de ma vie, autrement, je ne savais pas ce que je ferais, mais certainement pas un métier que je voudrais comme celui que je pratiquais en ce moment. Mais la seconde partie, elle était plutôt difficile à digérer, et la suite ne fut pas plus rassurante. Ce ne fut pas rassurant parce que depuis le début, elle me cachait quelque chose, alors que de mon côté, j’avais été vrai, sincère avec elle. Et ça, ce n’était pas quelque chose que je faisais facilement en temps normal, voire jamais. Je ne cachais pas des choses, mais je ne me montrais pas vulnérable comme je l’avais fait avec elle, pour me protéger. Et je me doutais bien qu’elle l’avait fait pour des raisons similaires aux miennes, mais même… C’était lourd… Comment étais-je supposé le prendre ? Comment devais-je réagir ? Pour ça, c’était le flou total en ce moment, à un point que c’était indescriptible. Pour cette raison, je ne bougeai pas, la regardant, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte. J’avais envie de la croire quand elle me disait qu’elle m’aimait vraiment, parce que je ne pensais pas avoir vu quoi que ce soit me faisant croire le contraire, mais… Je n’avais pas vu quoi que ce soit qui pouvait me faire croire qu’elle me cachait tout ça sur sa vie, même sur son identité. Complètement perdu, je me sentis forcé de faire, dire quoi que ce soit quand elle me demanda de réagir, de m’énerver si je le voulais. Non, je n’allais pas m’énerver. Ce n’était pas mon genre, jamais je n’avais su m’abaisser à quelque chose du genre, ne serait-elle pas en mesure de le savoir à ce point ? Il me semblait qu’elle me connaissait assez pour ça… Ou bien était-ce tout ce qui se passait dans ma tête qui se mélangeait au point où je ne pensais plus comme il le fallait ? Ça aussi, c’était une possibilité. Ne pouvant dire quoi que ce soit qui faisait du sens dans cet état, je finis par dire:  « Je… Je peux pas rester ici… » Soudainement pris de panique, même si je savais au fond de moi que ce n’était pas la bonne décision, je quittai le bureau, fuyant le regard de ma petite-amie, piquant directement en direction de l’ascenseur, qui, à mon grand désarroi, n’était pas là, m’obligeant à appuyer sur le bouton pour l’appeler, et pire encore, l’attendre, en tapant du pied nerveusement, surpris que je ne m’étais pas mis à trembler.

Fuir comme un lâche, quitter cet endroit, ne pas donner signe de vie le temps que je fasse de l’ordre dans ma tête et que je comprenne ce qui s’y passait. Voilà le plan qui s’était dessiné dans ma tête, ce plan horrible et mauvais duquel j’étais loin d’être fier. Et pourtant, je ne me voyais pas faire autrement, puisque je ne me voyais pas gérer ça ici, avec elle, et encore moins sur son lieu de travail, où maintes gens pouvaient nous voir et nous écouter. Tout ça faisait que je me sentais perdu mais surtout, je me détestais. Je me détestais parce que même si j’avais envie de lui dire que je ne lui en voulais pas, que j’allais passer outre, je n’y parvenais pas. Si je faisais une chose pareille, je me sentirais idiot. Et je savais que ça, c’était un simple blocage que j’avais, qui ne regardait que moi, dû à toutes ces fois où je pensais faire confiance à quelqu’un et que ça me retombait en plein visage. Depuis ce temps, j’avais du mal à faire aveuglément confiance, j’avais du mal à me laisser aller et je l’avais fait avec Kayla, parce que je lui faisais confiance, parce que je pensais que je pouvais le faire. Et je me rendais compte que peut-être ce n’était pas le cas. Cette pensée me terrifiait, d’où le fait que je voulais, je devais être seul, mais je ne pus pas. Premièrement parce que ce fichu ascenseur ne venait pas, et aussi parce que cette attente avait laissé le temps à Kayla de venir à ma rencontre, me rattraper, m’empêchant de partir. Faible, je fis un effort pour l’écouter, l’écouter m’expliquer que cela ne changeait rien à ce qu’elle ressentait pour moi, à ce qu’elle pensait de ma personne. Évidemment que c’était rassurant, mais il n’en demeurait pas moins que ce n’était pas ce qui me permettait de la prendre dans mes bras et lui dire que tout irait bien. Et même si je voulais, j’étais paralysé, je ne parviendrais pas à le faire. Tout faisait mal, c’était un sentiment horrible, à un tel point que lorsqu’elle me demanda de lui pardonner, je fermai les yeux, essayant tant bien de m’isoler, sachant que je ne pourrais pas en faire davantage pour le moment. Inspirant profondément, j’ouvris les yeux lorsque j’entendis le bruit de l’ascenseur qui arrivait. Puis finalement, je dis, la voix brisée, lourde:  « Je… Je t’aime aussi mais… J’ai besoin… J’ai besoin de réfléchir. » Réfléchir, il me semblait que c’était le mot le plus approprié pour le moment.  « Je suis désolé… » Voici une autre preuve comme quoi je pouvais être faible; alors que je ne pensais pas devoir me reprocher quoi que ce soit, sauf le fait de ne pas lui fournir peut-être ce qu’elle voulait. Le regard terriblement triste, je la regardai une dernière fois, avant de m’engouffrer dans l’ascenseur, appuyant d’une main tremblante sur le bouton menant au rez-de-chaussée en ne sachant pas regarder ailleurs que mes pieds.

Un petit « ding » caractéristique se fit entendre, la porte de l’ascenseur s’ouvrit. Moi, je m’y engouffrai, tournai les talons, ayant perdu Kayla de vue, comprenant qu’elle n’allait pas tenter de me rattraper. Comment je me sentais par rapport à ça ? Je ne saurais le dire. D’un côté, j’étais soulagé, parce que tout tournait trop vite dans ma tête, tout me faisait mal, j’avais besoin d’un temps pour m’isoler, respirer, réfléchir. Mais d’un autre, ça me faisait peur. Peur qu’en fuyant ainsi, j’avais tout gâché, qu’elle ne voudrait pas me reparler ou quelque chose comme ça. Est-ce que j’exagérais ? Peut-être, je ne saurais pas le dire. Jamais je n’avais eu de relation sérieuse comme j’avais avec Kayla. Parce que même si cela ne faisait pas si longtemps que nous étions ensemble, je savais que ce nous avions, elle et moi, ce n’était pas une histoire légère. Je tenais vraiment à elle, et c’était pour ça que je me sentais terriblement mal. Apprendre qu’on me mentait, avoir le sentiment qu’on se moque de moi, c’était du déjà vu, déjà vécu. Je n’aimais pas ce sentiment, je trouvais que c’était terrible, affreux. En silence, je laissai l’ascenseur atteindre le rez-de-chaussée, puis je me rendis jusqu’à ma voiture. Réfléchissant à que faire, où aller, je décidai de rentrer directement chez moi. Le trajet ne durait que quelques minutes, mais cette fois-ci, il parut durer une éternité. Une fois chez moi, je n’eus envie de rien faire. Peut-être je devrais manger, mais la faim ne me travaillait pas. Et pourtant, ce ne fut pas parce que je n’essayai pas; je me rendis à la cuisine, donnant de la nourriture à mon chien, mais pour moi ? Je ne trouvai rien d’intéressant, je n’avais juste pas envie de manger. Soupirant fortement, je retournai au salon, m’installant dans le canapé, dans le silence, sauf pour le bruit de Spike qui mâchait ses croquettes. Et malgré la distraction sonore, ça restait peu suffisant pour me faire sentir mieux. Soupirant, je pris ma tête entre mes mains et je fermai les yeux, espérant que tout ça allait disparaître, mais au final, non. Pourquoi ? Parce que je compris pile ce dont j’avais besoin; de la voir, de lui parler. Pour lui dire quoi ? Je n’en avais aucune idée, mais je voulais la voir. Poussant un juron, ce qui ne me ressemblait même pas, je me levai, et je repris mes clés pour quitter ma demeure. Je repris la voiture, cette fois-ci pour me rendre chez Kayla. Je n’avais même pas regardé l’heure qui était, je n’y avais pas songé, et je n’y songeai toujours pas lorsque je me garai, et j’allai frapper à la porte de Kayla, la main tremblante, avant de remettre mes mains dans mes poches, attendant, le coeur battant la chamade, faisant mon possible pour ne pas faire demi-tour et repartir avant qu’elle ouvre la porte.