(m) LIBRE - Michael Fassbender

◊ Eric est né non loin de la Grosse Pomme, à l'écart de l'activité frénétique de la métropole, dans un cadre marqué par la verdure et par le calme. Son père, psychiatre de renom, homme brillant au point d'en être imbu de lui-même et directif avec les siens comme avec ses internes, vivait à New-York, et rentrait les week-ends, ou du moins quand ses nombreuses occupations le lui permettaient. Nommé à la tête de l'unité psychiatrie du New York-Presbyterian University Hospital of Columbia and Cornell, le meilleur hôpital de la ville, il finit par faire déménager sa famille, jugeant qu'ils pouvaient bien se passer du cadre de vie paisible ayant jusque là été le leur, sa carrière passant en premier. La composition de sa famille est laisée libre.

◊ S'il aurait sans doute pu obtenir de très bons résultats scolaires en se donnant à fond dans ses études, il se contenta de notes correctes, juste bonnes, étant donné qu'il parvenait à les décrocher sans se fouler. Sans être un élève perturbateur, Eric faisait partie de ces ados dont on dit qu'ils gâchent leur talent, simplement par confort. Son père, perfectionniste et prompt à pousser son fils (ou ses enfants, si Eric appartient à une fratrie) vers l'excellence, voyait cela d'un mauvais oeil, ne manquant pas de lui adresser maintes réflexions acerbes sur son manque d'implication. Eric, cependant, savait parfaitement ce qu'il faisait : il ne comptait nullement devenir une personne oisive, qui se serait contentée de se couler douce en profitant de l'argent paternel. Son seul but était de suivre une voie qu'il se serait lui-même choisie, sans céder aux plans nourris par son père.

◊ Ce fut au moment d'entrer en fac que ces plans furent clairement énoncés, avec la raideur d'un ultimatum : le docteur Ashford attendait que son fils suive ses traces, et entreprenne des études de médecine pour devenir psychiatre et reprendre le flambeau. Avec une tranquille conviction, semblable à celle du roseau de la fable, Eric refusa de se plier aux diktats paternels, comme ç'avait toujours été le cas chez chacun des membres de sa famille, pour entrer en psychologie, un domaine certes proche de celui de son père, mais demandant bien moins de travail, et étant bien moins prestigieux que ce dans quoi on voulait le pousser, soi-diant pour son bien. Malgré les menaces et les discussions plus qu'houleuses avec son géniteur, Eric tint bon et obtint son diplôme de docteur en psychologie.

◊ Avec l'argent d'un compte en banque ouvert le jour de sa naissance, et alimenté depuis à chaque Noël et anniveraire, il eut de quoi ouvrir son propre cabinet de consultation, sans un sou accordé par son père, toujours aussi acrimonieux face aux choix de son garçon. Il décida de s'installer à Washington, suffisamment prêt pour ne pas créer de rupture définitive avec les siens -ce qu'il ne souhaite pas, même envers son père, et ce malgré leur relation houleuse-, mais suffisamment loin pour montrer que ni maintenant, ni jamais, il se lancerait dicter sa vie par qui que ce soit, sans offense ni ressentiment envers sa famille, bien sûr.

◊ Être psychologue est à la fois facile et plaisant : Eric croise en grande majorité des femmes au foyer riches qui se plaignent de leur vie de rentière, ou des adolescents rebelles que leurs parents ont traînés jusqu'à son cabinet, des cas classiques qu'il a appris à gérer sans mal. Jusqu'à présent, tous ses patients ont été satisfaits -voire très contents- de leurs sééance, et petit à petit, Eric commence à se faire un nom, grâce à ses seuls efforts, et non en tant que "fils de" ; en cela, il a atteint son objectif. Parfaitement conscient de la place à garder par rapport à ses clients, il n'a jamais dépassé la ligne avec l'un d'eux, restant très professionnel, et refusant poliment les avances parfois désespérées de ménagères voyant en lui une bouée dde sauvetage. Son mantra : ce n'est pas en couchant avec les gens qu'il traite que ces derniers iront mieux, et jusqu'à présent, il n'a eu aucun mal à suivre cette ligne de conduite. 

Maximilian Hale : - le captivant patient
L'énigme, le malicieux casse-tête dont Eric ne parvient à se lasser, malgré le peu d'avancées réalisées depuis le début de leurs rendez-vous. Un patient qui se présente en vous assurant, avec une tranquilité aimable, que tout va bien, ce n'est pas vraiment commun, encore moins chez quelqu'un ayant perdu ses deux parents quatre ans plutôt dans un accident de voiture, duquel lui-même s'en est tiré in extremis. Le plus intéressant, c'est que Maxim se refuse à rentrer en Californie, pour reprendre l'entreprise familiale : même si ce dernier affirme avoir commencé à se reconstruire une vie à Washington, Eric suspecte, avec raison, que c'est loin d'être aussi simple. Ainsi, au fil des séances, il tente d'en apprendre plus, de lancer son patient sur le sujet, mais ce dernier, avec talent, dévie la conversation, reste évasif, lui sourit poliment et se montre trop joueur pour que le psychologue, progressivement, n'en vienne pas à apprécier leurs entretiens bien plus que tous les autres. Flirtent-ils ? Peut-être un peu, difficile à dire ; la connivence entre eux, manifeste, s'installe de plus en plus, et Maximilian prend un malin plaisir à aller dans ce sens, sans qu'Eric, malgré ses principes, ne souhaite y mettre fin, trop curieux de voir ce qui se cache derrière ces non-dits, ces réparties astucieuses, cette posture intriguante, même s'il est désireux de l'aider. Si le psychologue se surprend à attendre avec impatience leurs séances, il se rend de plus en plus compte que mener à bien sa mission -à savoir faire dépasser à Max ses blocages- reviendra certainement à le faire repartir vivre en Californie, une éventualité qui est loin de lui plaire, et qui suffit à assombrir sa bonne humeur à l'idée de se lancer dans une énième joute verbale bonne enfant avec  M. Hale. Non, définitivement, cela gâcherait son plaisir... Et si la ligne qu'il s'était promis de ne jamais franchir devenait floue ?

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