N°714 / stressed out (Rhett)

Passant ma main sur mon front, je poussais un soupir en déposant mon portable. Un autre appel de fini et qui avait pris près de deux heures. J’avais l’impression que mon oreille était sur le point de tomber, je la sentais moite, une sensation que j’avais en horreur, mais j’avais oublié mon oreillette chez moi. Il était hors que je retourne à mon appartement pour la récupérer, j’avais donc passer la journée sans à jongler avec plusieurs téléphones et même quelques conférences vidéo. Frottant mon oreille, je relevais la tête pour voir les lumières du bureau éteinte, seule celle de mon frère était toujours allumé. Je me levais pour prendre la direction de celui-ci, trouvant Nash derrière son bureau concentrer sur des documents. « J’ai eu des infos sur Webb. » disais-je en croisant mes bras sur mon torse. Comme bien souvent, je lui dévoilais mes informations sans dire leur véritable provenance. Je savais que Nash ne désirait pas savoir où je trouvais toutes ces informations pouvant nous avantager. Ce qui me convenait puisqu’ainsi je n’avais pas à lui mentir. Je ne me voyais pas lui révéler de bout en blanc que j’hackais les gens pour trouver ces dossiers secrets sur eux. Un petit plaisir – voire plus – que j’avais depuis l’adolescence, mais dont personne hormis Isobel connaissait cette activité que je pratiquais. Tôt ou tard sans doute que ça éclaterait au grand jour, mais pour l’heure ça m’était très utile. Je saluais mon frère, retournant à mes dossiers. L’heure filait et la noirceur peignait le ciel d’un noir jais, je n’avais pas vu le temps passé. Je ne lui portais même pas d’attention bien trop occupé comme toujours, la seule chose qui me faisait relever la tête était la sonnerie de mon portable. Une sonnerie que j’avais attribué à quelqu’un de particulier, en fait, chaque personne que je considérais importante en avait une. Ça me permettait de savoir qui m’appelait en dehors du boulot, bien qu’en général je ne l’entendais pas ou ne lui portait pas tant d’attention. Une chose que Sheri me reprochait et Isobel ne cesse de me le dire, je ne suis pas assez disponible. Et pourtant, j’allais décrocher, mais Sheila ne m’en laissais pas le temps. Avec quelqu’un d’autre j’aurais laissé couler, je ne m’en serais pas préoccupé, mais connaissant le passer de la brunette, je redoutais le pire. Prenant mon veston, j’empoignais mon portable, mon laptop et tout ce que j’avais le plus de besoin dans ma pathétique vie de workholic et je sortais de l’immeuble pour caller un taxi en sifflant fortement. Je montais dans celui-ci donnant l’adresse de mon amie, je me connectais sur mon laptop pour continuer à bosser le temps du trajet. Je n’avais pas long à faire, mais c’était assez pour laisser mes doigts pianoter rapidement le clavier pour finir mon rapport. Je sentais le regard du chauffeur se poser sur moi à travers son rétroviseur, levant mon regard du dessus de mon écran, je le rebaissais aussitôt. Je n’étais pas du genre loquace, je ne parlais que lorsque c’était utile et en aucun cas je ressentais cela assis à l’arrière du conducteur. Je sentais qu’il avait une question lui brûlant les lèvres, mais je le devançais : « Inutile, conduisez simplement. » disais-je en continuant d’écrire. Je payais la course une fois arrivé devant l’immeuble de Sheila, laissant un pourboire plus que généreux, avant de me diriger vers la porte principale de l’immeuble de Sheila. Remerciant mes échasses, je gravissais les marches en moins de deux et je me retrouvais devant sa porte. Je tenais les clés de son appartement dans ma main, mais j’hésitais à les utiliser. Pour la simple et bonne raison que je ne souhaitais pas me prendre une autre bouteille en pleine gueule ! Ouais, je l’avais pas oublié ce petit événement même s’il datait désormais de quelques années. Faisant rebondir la clé dans la paume de ma main, je me décidais à l’ouvrir sans m’annoncer. J’ouvrais la porte – un peu trop théâtralement – tombant sur une scène qui me ramenait cinq ans en arrière : « Éloigne-toi de cette bouteille ! NOW ! » disais-je d’un ton fort, la pointant avec sa clé que je venais de retirer de la serrure. Quand je disais que c’était théâtrale… On aurait presque dit une mauvaise télé novela... Ce n’était pas mon genre de faire une entrée comme celle-ci, mais je la voyais déjà près de la fenêtre couteau à la main… Inutile de dire que je ne voulais pas revoir cette scène !

Recevoir un appel et accourir tel un prince charmant sur son destrier blanc n’étaient quelque chose que j’accomplissais. J’étais loin de cette image, loin de ce désir de dégager quelque chose ayant cette moralité. Je n’avais rien d’un chevalier et ça je ne le cachais pas, je ne cherchais pas à donner une telle image de moi. Bien au contraire, l’étiquette du connard se trouvait épinglé dans mon dos, trahissant ma gueule d’ange dès qu’on me connaissait un peu plus que le simple employé du parti démocrate. Et pourtant, je ne m’étais posé aucune question lorsque j’avais tout laissé en plan après l’appelle de Sheila. Je n’avais pas réfléchi, pensant simplement qu’elle devait être dans un problème quelconque en voyant son numéro s’afficher sur mon portable. Prenant la direction de son appartement, je ne m’étais pas montré des plus bavards, ne cherchant pas à converser sur un sujet aussi banal que ce que pouvait me poser comme question le chauffeur. Je n’avais pas non plus attendu patiemment qu’elle daigne m’ouvrir la porte. Tout ce que j’avais fait ces dernières minutes, je ne le faisais qu’avec très peu de personne. Poussant la porte, je ne fus pas particulièrement surpris de la scène qui s’offrait à moi, la voir là assise devant cette bouteille, me paraissait naturel. Toute personne ayant une addiction pouvait rechuter, être tenter par la facilité de la chose plutôt que de se battre pour résister. J’avais appris à connaître Sheila, je la savais forte, mais personne n’est invincible, pas même moi. On a tous nos points faibles et les assumés n’est pas toujours une chose aisée. La regardant, je laissais mon bras retomber le long de mon corps, alors qu’elle s’éloignait de la bouteille. « Et il est hors de question que tu l’as touche. » disais-je en refermant la porte derrière moi et me dirigeant vers elle, prenant la bouteille. Je ne lui laissais pas le temps de répliquer, de me demander ce que j’allais faire avec celle-ci avant de me diriger vers la cuisine. D’une main, je dévissais le bouchon rapidement avant de vider le contenu dans le l’évier. J’en avais que faire des réprimandes qu’elle pourrait me faire : « C’est mieux ainsi. » Et j’étais persuadé qu’elle le savait. Je ne pouvais pas l’empêcher d’acheter de nouvelle bouteilles, mais je n’allais très certaine pas la laisser se détruire ainsi, simplement parce que quelque chose n’allait pas. L’ambre se déversait, s’échappant dans la tuyauterie. Lorsqu’il n’eut plus une goutte dans la bouteille, je me tournais, pour regarder l’avocate, prenant appui sur le comptoir derrière moi. « Y’a d’autre bouteille ? » Oui, j’étais prêt à les vider une à une s’il le fallait. Je n’avais pas de scrupule à le faire, sachant qu’elle, elle, n’y arriverait sans doute pas. « Et tu peux me dire pourquoi tu as ça chez toi ? Tu sais ce que ça te fait. Tu n’as pas eu une bonne journée, une mauvaise nouvelle ? Alors reprend toi ! Rien ne te sers de retomber là-dedans si au final tu finis d’en un état pire qu’avant et je n’ai pas l’intention d’accourir chaque fois que tu m’appelle ! » Je disais cela, mais on savait tous les deux que je n’en pensais pas un traître mot. Je n’allais très certainement pas la laisser seule ou encore la faire affronter cela sans broncher. Non, je ne pouvais pas être si sans cœur, mais je voulais qu’elle prenne conscience que tout ceci la mènerait à la case prison et sans possibilité de récolté deux cents dollars !