Isobel&Levi ▬ I owe you an apology

C’était une nouvelle journée de travail qui allait commencer pour moi. Quand je me disais ça précédemment, il y avait de cela un an, c’était synonyme de malheur, synonyme d’une journée longue et terriblement ennuyante, une journée de laquelle je passerais au travers seulement parce que je savais qu’il y avait ma dose quotidienne qui m’attendait et rien de plus et encore là, parfois, ce n’était pas suffisant pour tenir le coup. Mais désormais, cela avait changé du tout au tout. Je ne pratiquais pas un métier que je qualifiais de rêve, mais disons qu’il était suffisamment agréable pour que désormais, je me sente un peu plus motivé à aller au travail, gagner ma vie, faire des économies pour essayer de m’offrir toujours mieux, offrir à ma fille le mieux qui soit par la même occasion, en priorité même si je pouvais le dire ainsi. Ce fut donc sans éteindre violemment l’alarme, sans souhaiter qu’elle ne sonne pas ou un truc du genre, que je me tirai du lit, et que je me préparer à aller au boulot. Après une douche, je pris un petit temps pour tailler ma barbe, me faisant un devoir de la garder quand même propre, histoire de ne pas me mettre dans l’embarras, faire mauvaise impression ou un truc du genre. Ça semblait être là un détail minutieux, mais je ne me voyais pas perdre ce boulot, alors je faisais tout mon possible pour ne pas mettre mes supérieurs contre moi. Jamais je n’avais songé ainsi, et dans un premier temps, cela m’avait quelque peu perturbé, mais c’était désormais devenu routine, routine qui, au bout du compte, n’était pas vraiment compliquée à suivre. Après un petit-déjeuner qui me permettrait de tenir le coup jusqu’à ma pause, j’enfilai mon uniforme - sans toutefois mettre le veston qui le complétait - et je pris la route en direction de l’hôtel. Une fois sur place, je statuai avec mes collègues qui se rendait à quel poste. Ou plutôt, je les laissai décider de leur préférence pour la journée, acquiesçant à ce qui restait, discrètement, sans m’imposer. Ma discrétion fit en sorte que je fus envoyé à l’extérieur, à l’entrée de l’hôtel, là où mon boulot serait, en somme, d’accueillir les gens, les aider avec leurs valises, et voilà tout. Aux premiers abords, j’avais toujours craint cette partie du boulot, puisque cela impliquait de davantage interagir avec les gens, avoir la pression de faire bonne impression au nom de l’hôtel en entier. Ça me rendait nerveux dans un premier temps, mais je devais admettre que lentement, mais sûrement, je m’y habituais. Tentant d’être aussi souriant que possible, sans toutefois tomber dans l’air un peu étrange et effrayant, je commençai à accueillir les visiteurs en leur souhaitant la bienvenue, en leur proposant un peu d’aide pour les valises. Tout ce temps, je voyais des visages m’étant étrangers, et cela ne me déplaisait pas, puisque je ne prenais pas le risque de me retrouver mal à l’aise devant une personne que je connaissais ou un truc du genre. Enfin, cela ne m’était jamais arrivé, et je ne voulais pas que cela m’arrive. Continuant donc ma journée, j’ouvris de nouveau la porte d’une voiture, disant par habitude:  « Bonjour, bienvenue au… » mais je m’arrêtai et je me reculai quelque peu quand je vis un visage que je reconnus. Je ne sus pas exactement mettre le doigt sur la personne, son nom ou un truc du genre, mais quelque chose me disait que ce n’était pas nécessairement un bon souvenir. Mais étant au boulot et me devant de me montrer professionnel, je tentai de reprendre ma contenance, puis après m’être raclé la gorge, je finis de me redressai, et je dis:  « Est-ce que vous avez des bagages avec lesquels je peux vous aider ? » J’avais voulu faire en sorte que mon ton soit aussi convaincant que possible, mais je n’y parvins pas tant, m’en voulant pour le coup, ayant cet espoir de ne pas avoir été reconnu, même si c’était loin d’être gagné.

Une journée de plus où je ne me sens pas vraiment à mon aise. Je me sens anxieuse, je ne me sens pas bien dans ma peau, et dans mon esprit. En ce moment, j’ai l’impression que c’est la catastrophe dans ma vie. Alors que tout va bien au boulot, avec les collègues. Dans mon couple, ça n’est pas la même chose. Peut-être ai-je été un peu trop emballé par cette histoire. Après tout, Derrick a toujours été l’homme de mes rêves, et j’ai en quelque sorte obtenu ce que je voulais. Mais je ne pensais pas être déçue par la personne à qui je tiens. Son boulot prend une grande part dans sa vie, et il ne me reste qu’une toute petite place. Et même celle-ci, j’ai l’impression de ne plus l’avoir. Il passe ses journées et ses soirées avec Jessie, sa collègue actrice. Peut-être qu’il ne se passe rien entre eux. Et en soit, je lui fais confiance, elle est une femme assez bien que pour avoir du respect envers moi. Mais il n’empêche qu’il ne prend pas de temps pour moi, puisqu’il préfère être ailleurs. Comme si cinq minutes au téléphone allaient pouvoir me faire plaisir. Je ne me sens pas soutenue par mon meilleur ami non plus puisqu’il m’enfonce encore plus à coups de « je te l’avais dit ». Alors que lui n’est pas mieux que Derrick en la matière, il fait également souffrir les femmes. Je me sens de plus en plus seule. J’ai besoin de changer d’air. C’est pourquoi j’ai décidé d’aller vivre à l’hôtel durant quelques jours. Sans dire un mot à personne. Je n’ai pas envie qu’ils me trouvent. Je ne veux de contact avec personne. J’ai pris une semaine de congé au boulot. J’ai quand même donné l’adresse de l’hôtel à mon patron, si jamais il y a une grosse urgence et qu’ils ne s’en sortent pas. Je reste un minimum disponible. La valise prête, je quitte mon appartement, rejoignant ma voiture. En soit, je ne vais pas très loin, mais j’espère que ça me fera du bien quand même. J’arrive devant assez vite, haussant les sourcils en voyant Levi. Il a beau avoir une mine un peu plus joyeuse que la dernière fois que nous nous sommes croisés, il n’en reste pas moins que je le reconnais. Je n’ai pas oublié la manière dont ça c’est terminé entre nous. Et puis surtout, je n’oublie pas qui il est. Je ne voulais pas voir un visage familier et c’est déjà raté. « - Bonjour. Merci. En effet, j’ai une valise à ramener avec moi. » Dis-je en indiquant le coffre. Femme indépendante, j’aurai totalement pu m’en occuper moi-même. Mais l’occasion est trop bonne que pour lui dire non. Elle n’est pas si lourde cependant, ça ne doit pas être compliqué pour lui. Je sors de la voiture, attendant le jeune homme pour ensuite gravir les marches de l’entrée, donnant mon nom pour avoir la clé de la chambre que j’ai réservée. « - Si par un mystérieux hasard vous avez de nouveau des contacts avec Derrick. Je vous prierai de ne pas lui dire que je me trouve ici. Ni même de m’avoir vue. Après tout, vous me devez bien ça. Après la manière dont vous m’avez traitée la dernière fois. » Je soupire doucement en levant les yeux au ciel avant de reprendre assez rapidement. « - En tout cas, je sois complètement soignée. Moi qui étais si admirative de votre groupe. Aujourd’hui, je n’en suis plus très certaine. Finalement, on admire des personnes publiques, mais on ne sait jamais comment elles sont réellement derrière les caméras. » Finalement, l’avoir devant moi, me permet aussi de vider mon sac. Bien sûr, le destinataire serait plus Derrick mais faudrait-il encore qu’il soit disponible pour pouvoir entendre ce genre de parole. Mais je suis ici pour oublier et faire comme s’il n’était pas présent dans ma vie. Certes ça sera difficile mais ça ne doit pas être impossible non plus. Il y a des choses bien plus insurmontable dans la vie.

Malgré mon hésitation, la jeune femme vint simplement à m’indiquer, d’un ton plutôt neutre, qu’elle avait un bagage à prendre dans le coffre arrière, comme si de rien n’était. Était-ce parce qu’elle ne m’avait pas reconnu ? Ou bien parce que volontairement, elle passait outre ? Je ne saurais pas le dire, n’ayant pas eu le temps ni la présence d’esprit de guetter son visage, sa réaction plus amplement, mais d’une certaine façon, en ces lieux, ces circonstances, cela me rassura un peu, puisque je ne me voyais pas tant m’arrêter de travailler, perturbé, et confronter la demoiselle comme ça, au milieu de l’allée, en plein travail, devant mes collègues et peut-être un de mes supérieurs. Me contentant de me rassurer que j’avais passé à côté pour le moment, j’acquiesçai en silence, puis je contournai le véhicule par derrière afin d’accéder au coffre. Une fois que celui-ci fut ouvert, je pris l’unique bagage, qui ne pesait pas tant, prêt à suivre la demoiselle à la réception pour le lui laisser. Je n’estimai pas nécessaire de prendre un chariot pour ça, donc je pus tout de suite la suivre, et ne pas être très loin d’elle, même si, dans ma tête, ce n’était pas une raison de lui adresser la parole. Mais au bout du compte, ce fut elle qui le fit en premier, m’abordant d’une façon à laquelle je ne m’attendis pas vraiment. Quelque peu dans l’incompréhension, je fronçai les sourcils, ne sachant deviner comment cela se faisait qu’elle savait que nous nous connaissions. C’était idiot, mais pas un seul instant, j’avais pensé à notre ancien groupe, celui-ci étant bien loin dans ma tête tellement bien des choses s’étaient passées depuis. Je ne me souvins même pas de la demoiselle comme une ancienne fan aux premier abords, me rappelant juste une rencontre un peu floue, qui s’était mal terminée, lorsque j’avais eu une permission de sortie pendant ma cure. C’était ça qui m’avait fait sentir mal d’abord et avant tout, et pas le reste. Mais tout ça, la demoiselle ne tarda pas à me le rappeler avec ses propos suivants, propos qui auraient pu me pousser à défendre le groupe que nous étions, me justifier en disant que c’était chose passée depuis bien longtemps maintenant, mais je ne le fis pas. Au contraire, je me sentis coupable, coupable de lui avoir donné une si mauvaise image de ma personne d’abord et avant tout. Et même s’il était vrai que devant et derrière la caméra, les spectateurs, c’était une toute autre histoire, je me disais que ça n’excusait en rien le comportement que j’avais eu précédemment. Et estimant que peut-être c’était ma chance de faire amende honorable, je tentai de lui répondre, mais tout ce qui sortit de ma bouche, ce fut:  « Écoutez, je… » Je ne me ravisai pas de lui adresser la parole parce que je ne le voulais plus, mais bien parce que je ne savais pas quoi dire. Clairement, je ne me voyais pas parler de ça aujourd’hui, n’ayant pas du tout de la recroiser en ces lieux, de la recroiser un jour même. Marquant une pause pour réfléchir à tout ça, je compris que ce n’était pas là des excuses et explications que je pouvais lui donner comme ça, entre son enregistrement et son arrivée dans la chambre qu’elle avait réservée. Songeant à une solution, je finis par proposer:  « Je serai en pause dans une dizaine de minutes. Serait-ce possible de prendre un peu de votre temps pour… Discuter ? » N’étant pas trop convaincu que j’avais adopté la meilleure façon de tourner mes propos, je pinçai les lèvres, n’osant pas ajouter quoi que ce soit, espérant juste qu’elle accepte, espérant aussi que si je pouvais lui parler, je trouverais, dans ce dix minutes qui m’était imparti, les mots justes pour pouvoir m’expliquer, et surtout m’excuser de ce qui s’était passé.