J'ai croisé le Dr Mamour dans les couloirs [Levi]

Je n’avais jamais su si totalement ignorer qui était mon géniteur était une bonne chose ou pas, mais en discutant avec Ezra, je me rendais compte que peut-être avait-il mieux valu que justement, je ne sache rien, que je ne demande rien non plus et que je continue de vivre comme je le faisais depuis toujours, à savoir en désignant que ma mère comme seul parent, sans jamais parler de mon paternel. Parce que même si cet homme qui était mon père était en vérité quelqu’un de bien, un médecin, un membre actif d’une association qui venait en aide aux gens autour du monde, il n’en demeurait pas moins que dans un premier temps, il n’avait jamais voulu accepter mon existence et n’était pas resté dans les environs et ça, aucun métier, aucune bonne intention, aucun pardon ne pourrait changer cela, pas après trente ans. Plus encore, ce n’était pas comme s’il ne savait pas que j’existais; il était parti dès que ma mère lui avait annoncé que j’étais enceinte. Et même s’il avait pris pour acquis que je n’avais jamais vu le jour ou quoi que ce soit, jamais il n’avait cru bon de s’en informer, rien de tout cela. Après, peut-être qu’effectivement, il avait tenté de s’informer, avait vu les découpes de journaux de l’époque où je faisais partie de ce fameux groupe, je n’en avais aucune idée et pour tout dire, je préférais ne pas le savoir, histoire de ne pas me torturer avec cela. Cela faisait un bon moment que je pensais ainsi, et à présent, mon ami venait de me confirmer que j’avais eu raison de penser de la sorte ce qui, d’une certaine façon, vint me rassurer, même si ce n’était pas une idée qui m’obsédait tant que d’autres choses qui m’avaient poussé maintes fois à consommer pour oublier ce qui me tourmentait, ces choses qui faisaient en sorte qu’aussi, il était limite impressionnant venant de ma personne de m’être tant ouvert à Ezra, qu’au fond, je ne connaissais pas tant avant aujourd’hui. Non pas que je ne le voulais pas, mais parce que dans notre état respectif au moment de nous rencontrer, la discussion n’était certainement pas ce que nous favorisions le plus. Et puis, de toute façon, à la base, je n’étais pas du genre à me confier au premier venu. Mais là, probablement parce que ce n’était pas sur un sujet qui me faisait tant de mal comparativement à d’autres, cela ne me sembla pas trop difficile. Au contraire, je fus limite ravi de l’avoir fait, puisqu’alors que je pensais ne plus avoir aucun point en commun avec mon interlocuteur, il s’avérait que lui et moi, nous nous ressemblions sur plusieurs points. J’en eus d’ailleurs une nouvelle preuve au moment où il en vint à me dire que lui non plus, ce n’était pas son genre de vivre entouré de plein de gens. Trouvant que limite, la ressemblance était si frappante qu’elle en devenait amusante, je ne pus m’empêcher d’avoir un sourire quelque peu amusé, mais avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit toutefois, j’entendis toquer à la porte. N’attendant pas de visiteur en provenance de l’extérieur aujourd’hui - à moins que quelqu’un ait changé d’avis et que je n’aie pas vu de message sur mon portable me prévenant de quoi que ce soit - je tournai malgré tout la tête vers la porte pour voir de qui il s’agissait, parfaitement conscient que bien des gens pouvaient faire des allers et venues en ces lieux. De ce fait, je ne fus pas vraiment surpris de voir apparaître une infirmière pour me signifier que je me devais de me rendre dans un bureau de médecin, très certainement pour un rendez-vous routinier qui allait déterminer à quel moment je serais en mesure de sortir d’ici. Puisque cela arrivait fréquemment, je n’en fus pas tant dérangé, mais ce fut le fait de laisser mon ami derrière qui me laissa un peu perplexe, parce que j’eus l’impression que je me devais de le mettre à la porte. Toutefois, comme pour lui montrer que je ne voulais pas laisser tout cela complètement en plan, je me permis de lui dire:  « On reprendra ça une autre fois, hein ? », parce que pour sûr, je ne me voyais pas vraiment être obligé de me dire que cela serait notre première et dernière vraie conversation. Parce que pour tout dire, j’avais été plus qu’heureux d’en apprendre davantage sur Ezra, puisque maintenant, je pouvais me permettre de le voir autrement qu’un simple pote avec qui je pouvais fumer, passer un bon moment, ces moments dont je ne me souvenais pas. Ce moment, je m’en fis la promesse tandis que mon ami passait l’embrasure de la porte pour quitter la chambre, je n’allais pas l’oublier, et j’allais pour sûr croiser les doigts que ce serait le début d’une amitié renouvelée pour le coup. Et ça, c’était rare que cela m’arrive, alors c’était signe que cette conversation avait changé bien des choses me concernant, à croire que dans ma vie, tout était en train de vraiment changer.