Jules&Levi ▬ I want to feel no shame

 « Papa, je peux passer te voir avant d’aller dormir chez mon amie ce soir ? » Il y a quelques semaines de cela, jamais je n’aurais cru voir un tel message apparaitre sur mon téléphone portable. En fait, jamais je n’aurais cru voir un message arriver sur mon téléphone de la part de Haley, tout simplement. Pourquoi ? Parce qu’avant cela, Savannah avait cru bon de m’empêcher de connaître le numéro de ma fille, ne serait-ce que pour lui demander comment elle allait. Bien sûr, j’aurais pu lui demander quand elle était chez moi pour le week-end, mais parce que je voulais m’assurer de bien faire, afin de ne pas la perdre, jamais je n’avais osé prendre ce risque. Je n’imaginais pas la mère d’Haley paranoïaque ou quoi que ce soit, mais disons que je savais que je faisais mieux de ne rien faire de travers au risque de ne plus pouvoir voir ma fille. Cependant, à présent, les choses étaient différentes. Non seulement, je ne pouvais plus prendre Haley pour des week-ends entiers, compte tenu de ma situation, mais de plus, j’avais la sensation que d’une certaine façon, nous nous étions rapprochés. Après, je ne savais pas si c’était parce qu’elle était persuadée que je ne pouvais rien faire de mal dans l’endroit où je me trouvais, mais j’avais le sentiment que Savannah me faisait un peu plus confiance. Malheureusement, ce n’était pas assez pour que je puisse, dans le cas présent, répondre à ma princesse ce que j’aurais voulu lui répondre sans hésitation aucune, à savoir que je l’attendais avec grand plaisir. À la place, j’envoyai sitôt un message à la principale concernée, lui demandant si c’était faisable ou pas. Il ne fallut qu’un instant pour avoir son aval, ce qui me surprit, certes, mais me rassura grandement, me donnant ainsi la possibilité de faire ce que je voulais faire depuis le début, soit dire à Haley qu’elle n’aurait qu’à me prévenir lorsqu’elle serait non loin du centre. Celle-ci ne se fit clairement pas prier de m’envoyer un nouveau message, me permettant ainsi de me rendre directement à l’entrée, afin qu’elle n’ait pas besoin de passer au travers du processus de s’annoncer et tout ce qui venait avec. Comme à mon habitude, sitôt qu’elle arriva, je la pris dans mes bras. La petite ne dit rien, elle savait déjà de toute façon qu’avec moi, elle était condamnée à ce que je l’étreigne quand je la voyais encore bien longtemps, parce que c’était une des choses qui me rendaient le plus heureux. Puis, compte tenu du temps magnifique qu’il faisait à l’extérieur, ce fut dans la cour intérieure du centre que nous passâmes du temps en compagnie l’un de l’autre. Je ne sus nier que pour le coup, cela ne fut qu’encore plus agréable, pour moi en tout cas. En effet, depuis que j’étais rentré pour de bon dans ce centre, je m’étais que trop peu permis de sortir à l’extérieur, bien souvent parce que j’étais seul, parce que je n’en avais pas le courage non plus. Mais là, les deux conditions contraires étant réunies, je profitai pleinement de ce moment en compagnie de ma fille, aussi simple et court celui-ci soit-il. Enfin, dans ma tête, elle ne resta pas bien longtemps - mais le temps passait toujours trop vite quand j’étais en sa compagnie - parce que rapidement, elle me demanda l’adresse du centre, afin que la mère de son amie puisse venir la chercher pour la soirée. Évidemment, cela ne me rendit pas des plus joyeux, mais déjà content d’avoir eu cette visite imprévue, je ne fis pas de caprice, lui donnant simplement cette adresse et la raccompagnant à l’entrée quelques instants après, au moment où j’estimai que la personne qui s’occuperait d’elle pour la soirée arriverait. Sitôt à l’intérieur, je me rendis compte que mon estimation n’avait peut-être pas été des plus justes, puisqu’en voyant un visage que j’avais vu quelques fois précédemment, je compris clairement que:  « Visiblement, ton transport est arrivé, mon chaton. » Sur ces mots, je m’approchai en compagnie d’Haley, puis ce fut d’un ton poli, et quelque peu gêné, que je dis:  « Bonjour. J’espère qu’on ne t’a pas fait trop attendre. » Normalement, je n’étais pas nécessairement timide, juste renfermé, mais je réalisais que c’était la première fois qu’une personne de mon entourage peu immédiat me voyait dans ce bâtiment, et je me rendais compte que peut-être ce n’était pas l’idéal, d’où le fait que malgré moi, ça devenait quelque peu gênant pour le coup.

La fille de Jules commençait à ressembler de plus en plus à une vraie petite femme. Il fallait toujours qu’elle soit en train de parler, elle revendiquait de plus en plus son ‘’si grande âge’’ de douze ans et surtout, elle passait son temps au téléphone. Jules n’en pouvait plus de l’entendre jacqueter de la sorte et en même temps, elle ne pouvait pas s’empêcher de sourire. La jolie brune l’avait vu faire ses premiers pas, elle l’avait vu courir à en avoir l’impression que ses jambes allaient s’envoler et elle s’était émerveillée de la voir faire toutes ces choses. Il ne pouvait pas en être autrement cette fois aussi. Forcément, elle avait cette touche de mélancolie de voir que sa fille n’était plus une enfant mais elle la voyait devenir une jeune fille et bientôt elle deviendrait une femme sans même qu’elle ne s’en rende compte. C’était une évidence, elle devait se faire à cette idée et l’entendre bavarder sans cesse avec son amie Haley au téléphone l’y aidait. Elle voyait bien que c’était une première étape, un petit pas timide dans le monde de l’adolescence. Pourtant, il y avait aussi des réminiscences de l’enfance. Pas encore tout à fait prête à quitter le monde des enfants mais pas totalement sûre d’y avoir encore sa place. C’était tout le paradoxe de cet âge et Jules le voyait lorsque sa fille lui demandait d’inviter son amie Haley à dormir chez elles ce soir. Il fallait dire que Rose entrait dans cette nouvelle étape de sa vie, à peine un an après avoir tout bouleversé à cause du déménagement. Ce n’était pas forcément ce qu’il y avait de mieux pour elle mais il ne semblait pas à la mère que son équilibre en soit particulièrement perturbé. Jules se disait souvent que c’était grâce à Haley. Si elle n’avait pas réussi à se trouver une amie aussi rapidement, elle en serait peut être arrivée au point de lui en vouloir et de commencer sa crise d’adolescence précocement. Elle était un peu partagée sur le fait de se la prendre le plus vite possible afin de s’en débarrasser ou que cela n’arrive que tardivement mais en même temps, ce ne serait que reculer pour mieux sauter. Non, elle ne savait pas vraiment ce qu’il y avait de mieux donc pour l’instant, elle se contentait de ce qu’elle avait et du fait que sa fille en était encore au point de vouloir inviter son amie à dormir chez elle ce soir. Jules avait vu avec Savannah si cela ne lui posait pas de problème et comme il n’y avait pas classe le lendemain, forcément, elle avait accepté. On avait beau aimer ses enfants, cela faisait du bien de temps en temps de se trouver une soirée ou même simplement un moment à soi. Elle devait donc passer récupérer la petite en fin de journée mais pas à l’endroit habituel. Savannah lui avait dit que le père d’Haley était entré en centre pour une désintoxication. Jules n’étant pas du genre à juger les autres, cela ne la dérangeait en aucun cas mais elle avait eu une appréhension parce qu’elle se demandait ce que pourrait bien penser son père de la voir débarquer là bas. Elle avait vu Levi quelques fois, de façon rapide et elle n’était pas sûre d’être le genre de personnes qu’il appréciait réellement. En même temps, elle ne savait pas bien s’il était du genre à réellement apprécier les gens.

Cela ne la regardait pas et elle s’enleva ces considérations de la tête lorsqu’elle dut partir de chez elle pour aller récupérer la jeune fille ‘’chez son père’’. Elle aurait aimé que Rose ne se rende pas dans ce genre d’endroit mais bien sûr, elle voulait voir son amie le plus vite possible et elle était aussi obstinée que sa mère donc elle n’avait même pas cherché à lui faire oublier cette idée. Elles étaient montées dans la voiture pour rejoindre le quartier de Georgetown et lorsqu’elles arrivèrent, il n’y avait pas encore de traces de Levi ou d’Haley. Elles attendirent alors à l’entrée qu’ils viennent les retrouver. Rose avaient les jambes qui s’agitaient d’impatience et son sourire revint instantanément lorsqu’elle vit Haley apparaître avec son père. Jules se leva pour s’approcher de Levi pendant que Rose s’approchait de son amie. Chacun sa tranche d’âge à l’évidence. « Non non, ne t’inquiète pas, ça doit faire juste cinq minutes et puis je peux comprendre que tu veuilles profiter de ton temps avec ta fille. » Elle en connaissait un rayon sur les pères privés de leur fille et elle espérait que le jour où Spencer découvrirait la vérité, il voudrait passer autant de temps avec Rose que Levi. En tout cas, elle avait l’impression qu’il voulait en profiter au maximum puisqu’il acceptait de la voir même dans son centre alors qu’il ne semblait pas forcément fier d’y être vu l’air de son visage en lui parlant. Toujours bienveillante comme elle pouvait l’être, elle avait tout de même envie de discuter un peu avec Levi. « Ca va toi ? ça se passe bien ? » lui demanda-t-elle-même si peut être cela ne la concernait pas mais elle ne se voyait pas arriver et repartir avec un simple bonjour. Elle avait toujours été un peu intriguée par ce personnage alors elle ne pouvait pas vraiment retenir ses questions.

Je fus rassuré d’apprendre que la mère et la fille n’avaient pas attendu trop longtemps, et je le manifestai avec un petit sourire qui se voulait poli. Non seulement, je savais que c’était malpoli de faire attendre, alors pour sûr je me serais senti obligé de m’excuser si jamais ça avait été plus long. Enfin, je supposais que c’était ce que les gens faisaient en temps normal, puisqu’en toute honnêteté, je n’avais pas l’habitude depuis bien longtemps de m’excuser quand je faisais attendre les gens. Pour la majorité de la population, ça devrait être chose normale, mais pendant six ans, j’avais vécu dans un monde où on nous disait constamment que nous - les membres du boys band dont je faisais partie et moi-même - n’étions jamais en retard, que c’était les autres qui étaient d’avance, comme si nous étions de la royauté. Naïf à l’époque, jamais je n’avais cherché à remettre en question cet aspect, et maintenant, je trouvais cela stupide, je me trouvais stupide d’avoir pensé que c’était une bonne chose à un certain point. Mais plus encore, en ces lieux précis, je préférais de loin ne pas faire attendre les gens, parce que ça n’avait rien de chaleureux. Enfin, ce n’était pas affreux comme un hôpital, mais disons que ce n’était pas très coloré et agréable non plus. Par conséquent, jamais je ne faisais attendre qui que ce soit, même si malheureusement, je ne pouvais pas leur proposer vraiment mieux, ma condition ne me permettant pas encore de m’éloigner seul, donc aller rencontrer une personne, même si ce n’était qu’à un pâté de maisons, ne m’était pas encore permis. Dans le cas présent, clairement, ce n’était pas l’idéal, mais malheureusement, il fallait que je fasse avec, que je fasse avec l’inconfort que je ressentais à l’idée de me retrouver devant cette jeune femme, que je ne connaissais pas des masses, qui ne connaissait pas ma situation plus que ça, à qui je me retrouvais à dire, en tentant de paraître aussi détendu que possible:  « Tant mieux… Merci d’être venue la chercher, en tout cas. », m’assurant de ne pas dire ce que j’aurais vraiment voulu dire, soit la remercier d’être venue la chercher ici directement. Pourquoi ? Parce que je me disais que c’était le mieux, et que clairement, je ne me sentais pas assez confortable pour m’éterniser sur le sujet, faire comme si c’était vraiment une demeure chouette ou quelque chose du genre. Par contre, que pourrais-je dire ? Tristement, je ne le trouvai pas tout de suite, laissant alors l’occasion à la jeune femme de renchérir bien rapidement, en venant à me demander comment j’allais, signe que visiblement, elle n’était pas aussi inconfortable que je l’étais, ou du moins, pas suffisamment pour couper court à la discussion. Je dus admettre que je n’allais certainement pas m’y opposer, parce que même si c’était probablement un propos de politesse, je ne pus m’empêcher d’apprécier l’intention. De ce fait, il était en mon sens parfaitement normal de lui répondre, ce que je fis en affirmant:  « Ça va bien, merci. Et tout se passe bien. » en décidant, volontairement, de ne pas donner trop de détails. Non seulement, je refusais de m’éterniser mais de plus, Haley et Rose étaient à proximité, et Rose, aux premiers abords, ne me sembla pas trop confortable avec cet endroit. Elle en vint à grimacer lorsque ma fille vint lui expliquer que c’était ici que je vivais, ne tardant pas d’ajouter, par la suite:  « Mon papa vit ici parce qu’il est malade. Ça va l’aider à aller mieux. » Son propos me fit sitôt écarquiller les yeux, non pas parce que je ne l’avais jamais entendue dire cela auparavant, je trouvais que c’était juste parfait, limite mignon parfois, mais parce que je réalisais que peut-être c’était un peu étrange aux yeux de Jules. De plus, je ne voulais pas que pendant cette soirée, une information pas encore révélée à ma fille vienne à s’échapper. Pour ces raisons, je décidai qu’une explication supplémentaire ne serait pas de refus, alors je reportai mon attention en sa direction, puis je dis:  « Sa mère et moi avons décidé de s’en tenir à cela pour le moment en ce qui concerne les explications… Je crois que ce sera mieux de lui expliquer une fois que ce sera terminé. » En effet, en ce moment, je jugeais que c’était trop frais, trop difficile, mais surtout, j’avais si peur de sa potentielle réaction que je ne voulais pas la perdre, pas alors que j’avais le plus besoin d’elle. Mais ça, je ne lui avais pas dit, et je n’allais pas le faire, pas ici en tout cas, parce que je ne voulais certainement pas que cela change, pas à ce moment particulièrement crucial de ma vie. C’était une confession trop grande pour être dire ainsi, alors pour le moment, je me dis que mes propos étaient une façon de prévenir Jules de ce qui en était, concernant Haley en tout cas. Ce que j’espérais, c’était qu’elle ne pense pas que ce soit idiot, ou quelque chose du genre, parce que là, pour sûr, j’en viendrais à me sentir encore plus à l’aise, alors que déjà, je ne l’étais pas des masses actuellement.

Il y avait des choses de la vie de Savannah que Jules ne connaissait pas le moins du monde. Leurs filles étaient de grandes amies mais la mise en place de la relation des mères était un peu plus timide. Cela se voyait qu’elles s’appréciaient beaucoup mais l’expérience faisait souvent que l’on ne se confiait pas aussi facilement après que quelques épreuves de la vie n’aient entaché le parcours. Cela faisait que son amie blonde ne s’était jamais trop confiée à elle à propos du père d’Haley. Enfin… Jules en savait déjà plus sur son père à elle que ce que Savannah en savait du père de Rose. A chaque fois que quelqu’un venait à en aborder le sujet sensible de la paternité de sa fille, Jules avait tendance à se refermer sur elle-même. Ce n’était pas un sujet facile pour elle et elle savait qu’il y avait des sujets que beaucoup de personnes ne voulaient pas forcément traiter surtout avec des personnes peu ou pas connues. En fait, elle avait même hésité à venir chercher Haley au niveau du centre parce qu’elle ne voulait pas que Levi se sente gêné par rapport à elle. Jules se fichait bien de ce qu’il pouvait faire de sa vie, surtout que cela montrait qu’il tentait de faire des efforts pour aller mieux. En revanche, de la même manière qu’elle savait qu’elle n’avait rien à se reprocher par rapport à sa gestion de la vie de Rose, elle avait peur qu’on la juge par rapport à ce qu’il s’était passé avec son père à l’époque. Elle imaginait que cela pouvait être la même chose pour Levi qui faisait des efforts mais qui pouvait ne pas être à l’aise par rapport à ses choix passés. De toutes façons, la question ne se posait plus vraiment étant donné qu’elle n’avait pas eu d’autres choix que de venir la chercher sur place, ce pour quoi Levi l’en remercie. « De rien, c’est normal. Je me doute que tu dois pas avoir trop le droit de sortir. Enfin… j’en sais rien en fait, je connais pas trop ce genre d’endroit. » Elle était gênée de remuer le couteau dans la plaie mais aussi de donner l’impression qu’elle était mieux parce qu’elle n’avait aucune idée de comment fonctionner un établissement pareil. En fait, elle ne pensait pas du tout de cette manière mais elle savait qu’elle pouvait en donner l’impression par moment. Le blanc qui c’était installé entre les deux fut coupé par les réactions des jeunes filles qui se retrouvaient. A l’évidence, Rose ne comprenait pas vraiment ce que le père d’Haley faisait là mais elle n’avait jamais vraiment su comment fonctionnaient les pères en même temps. Son amie faisait en sorte de lui expliquer les choses de manière simple, dans de mots d’enfants qui ne retranscrivaient pas forcément la réalité des choses. « Moi quand j’ai été malade maman m’a emmenée à l’hôpital… c’est un hôpital ici ? » demanda Rose en écho à cette visite aux urgences de l’hôpital quelques semaines avant. Par moment, l’innocence des enfants était attendrissante mais sur ce coup, Jules avait peur que cela ne finisse par vexer Levi qui trouva bon de lui préciser qu’ils n’avaient pas donné toutes les informations à Haley sur sa situation. « Je comprends, ça doit pas être facile de parler de ce genre de choses avec son enfant. » Elle pouvait parfaitement comprendre cet état de faits étant donné qu’elle avait elle aussi du mal à parler de certaines choses avec sa fille. Elle ne pouvait pas comprendre exactement la situation parce que cela ne lui était jamais arrivé mais elle connaissait bien cette situation où l’on avait l’impression que les mots ne voulaient pas sortir de sa bouche. « Si je peux me permettre… vous comptez lui dire toute la vérité quand tu auras fini ? Parce qu’elle a douze ans donc je me demande si finalement en rester à ça ce n’est pas une mauvaise idée non ? » Ce n’était pas qu’elle voulait prendre les décisions à leur place bien sûr mais elle pensait qu’ils avaient fait un bon choix en ne révélant pas la totalité des informations qu’ils avaient par rapport à la situation de Levi. Dans le fond, il y avait aussi une part d’elle qui se demandait ce qu’il se passerait si Haley venait expliquer les choses à Rose alors que Jules n’avait pas pris la peine de lui en parler. en réalité, il y avait des choses qu’elle ne voulait pas que sa fille découvre par elle-même. il fallait qu’elle ait les meilleures explications et cela ne pouvait pas venir d’une jeune fille qui rapportait des explications qu’elle n’était pas sûre de bien comprendre elle-même.

Étrangement, Jules avait une attitude qui me mettait en confiance, et ce genre de chose, c’était loin de m’arriver très souvent, surtout quand je n’étais pas capable de m’expliquer pourquoi. Peut-être c’était parce que je savais que sa file s’entendait bien avec la mienne, ou bien parce qu’elle avait eu l’amabilité de venir chercher Haley dans ces lieux alors que clairement, c’était loin d’être l’idéal, et que pour elle, c’était sommes toutes normal, même si bien sûr, j’étais parfaitement conscient que cette situation était très loin de l’être. Quoiqu’il en soit, je fus suffisamment à l’aise pour sourire doucement à son affirmation, mais plus encore, lui préciser, alors que je ne savais même pas si ça valait le coup ou pas:  « Après un moment il est possible de sortir accompagné, mais ce n’est pas mon cas pour le moment. » Malgré tout, je décidai de ne quand même pas m’éterniser sur le sujet, d’autant plus que si j’ajoutais quelque chose, certainement que ce serait que supposition, parce que même si je jugeais que j’étais suffisamment bien pour pouvoir bientôt prendre le risque de sortir avec quelqu’un de confiance, je ne voulais pas forcer quoi que ce soit, remettre ma condition en jeu. Peut-être étais-je naïf de m’en remettre aux gens qui travaillaient ici, mais je prenais maintenant pour acquis qu’ils étaient là pour mon bien, pour le bien de ces gens qui résidaient dans ce centre. Et parce que le but était d’aller mieux, il ne fut pas trop compliqué d’adopter cette ordre d’idées pour expliquer sommairement la situation à Haley, histoire qu’elle puisse comprendre pourquoi je ne pouvais pas la recevoir un week-end sur deux, comme d’habitude, à mon appartement. Et comme ça, c’était convenable, pas trop délicat, juste suffisant par contre pour venir susciter des questions, mais rien de bien méchant, à mon grand soulagement. En effet, je ne pus nier que pendant un instant, j’eus la crainte que la question de Rose vienne susciter des questionnements du côté de ma fille, mais elle se contenta de simplement dire:  « C’est un peu comme ça, mais pas pareil. Mon papa il reste plus longtemps, et il peut décorer sa chambre. » ce qui m’arracha un petit sourire, soulagé que finalement, les choses ne prennent pas une tournure plus taboue, pas en ce qui concernait les deux demoiselles, en tout cas. Cela me permit de reporter mon attention pleinement sur Jules et sa question plus délicate - mais parfaitement légitime - à laquelle je voulais répondre, certes, mais non sans y réfléchir un peu, afin de fournir une réponse qui faisait ne serait-ce qu’un peu de sens, parce que clairement, je n’avais pas envie de m’empêtrer dans mes mots ou dire quelque chose qui allait éventuellement s’avérer faux ou un truc du genre. Une fois que ce fut à peu près clair dans ma tête, je finis par lui dire:  « Il est certain qu’il faudra lui expliquer un peu plus amplement que le simple fait que je suis « malade », mais personnellement je ne sais pas trop comment le faire pour le moment. » La vérité aussi, c’était que moi-même, je n’avais pas encore totalement fait de l’ordre dans toute cette histoire, dans ce que j’étais en train de vivre, comme si tout allait trop rapidement, ou trop lentement, je ne savais pas trop. Puis, on m’avait conseillé de ne pas trop m’aventurer sur des questions délicates si je n’avais pas su y répondre pour moi-même au préalable. Je décidais de m’en tenir à cela, et je l’appliquai à ce moment précis, même si cela me poussa à ajouter, sans vraiment le désirer:  « Ce n’est pas une situation toute simple à gérer, je crois que tu t’en doutes. » dans un petit rire nerveux qui vint trahir mon manque de contenance, ce qui, certainement, m’embêta un peu, même si je choisis quand même de faire avec pour le coup, puisque sommes toutes, j’estimais avoir fourni une réponse quand même logique à tout cela, je l’espérais en tout cas.

La situation avait un côté un peu étrange qui faisait que Jules ne savait pas forcément comment son comporter. Elle faisait comme à son habitude en se montrant enjouée et agréable pour éviter le malaise mais elle n’était jamais venue dans un endroit pareil et encore moins pour venir chercher une enfant. En plus, si elle s’entendait très bien avec Savannah, il n’en allait pas vraiment de même avec Levi. Ils sauvaient les apparences en générale mais elle se demandait s’il réussirait à en faire de même alors que la jeune femme le voyait dans un aspect de ses faiblesses. Ce n’était pas toujours facile de me montrer ses failles aux autres et Jules savait bien que c’était comme ça que beaucoup de personnes pourraient voir la situation du père de Haley. Pourtant, Jules ne faisait pas partie de ces personnes parce qu’elle pensait qu’il fallait avoir beaucoup de courage et d’intelligence pour réussir à admettre que l’on avait un problème. C’était la seule chose qui suffisait à Jules pour savoir que Levi était une personne bien et qu’il devait être un super papa. Ou en tout cas qu’il faisait tout pour l’être. « Tu crois que ça devrait pas tarder à arriver ? » avec tous les efforts que Levi faisait, la maman pensait qu’il méritait d’être récompensé à un moment ou un autre. Bon, déjà il avait le droit de voir sa fille mais on ne pouvait pas dire que ce soit le meilleur cadre pour une jeune fille alors autant qu’il puisse sortir avec elle à un moment.

Pour aurant, Jules n’était pas médecin et elle ne se permettrait pas de remettre en doute les dires des médecins. Ce qu’elle se contenta de faire ce fut de rire en entendant leurs filles discuter de l’établissement. C’était assez mignon de voir Haley en parler à Rose. L’argument de la décoration de la chambre terminant de l’achever puisqu’elle conclut cette partie par un énorme « wow trop bien » avant qu’elles n’enchainent sur complètement autre chose. Les jeunes avaient cette capacité à passer à totalement autre chose, s’en était même parfois impressionnant tant elles pouvaient passer du coq à l’âne en quelques secondes. Sur ce coup, Jules ne pouvait pas vraiment se plaindre puisqu’elle ne voulait pas forcément que Rose s’attarde tout de suite sur les centres de désintoxication et de par le fait aux drogues et autres additions. Elle aurait bien le temps d’apprendre tout ça en venant lui demander lorsque les questions commenceraient à poindre le bout de leur nez. La question de dire la vérité aux enfants était un point qui séparait bien souvent les parents parce que chacun avait sa façon de penser. Toutes fois, sur le coup, elle était plutôt d’accord sur le fait qu’il fallait dire la vérité à Haley puisque c’était son père que toute cette histoire concernait. Elle ne savait pas exactement ce qu’elle lui aurait dit dans leur position mais elle savait qu’elle aurait essayé de lui expliquer un minimum mais les détails n’étaient pas forcément utiles. « Je trouve ça bien ce que vous lui avez dit la. Plus tard quand tu seras sûr que tout ça est derrière toi tu pourras lui expliquer. Je pense que ce sera plus facile de trouver les mots à ce moment là en plus. » Jules lui sourit pour lui montrer qu’elle sincère et qu’elle avait vraiment confiance en lui sur le fait qu’il allait réussir à se sortir de toute cette histoire. Ce n’était pas une démarche facile et elle se disait qu’il devait avoir besoin de soutien. Elle ne savait pas s’il avait besoin du sien mais en tout cas c’était toujours mieux que rien. En fait, elle ne savait pas grand-chose de la vie de Levi. Elle ne le connaissait pas vraiment et comme il le fait remarquer, elle ne pouvait que se douter de ce qu’il se passait. « Disons que je vais pas faire comme si je savais ce que tu vivais mais oui j’imagine bien que ça doit pas être facile. Moi-même je savais pas comment expliquer à Rose pourquoi on allait chercher Haley ici donc pour vous.. » Le rôle de parent était une chose difficile même si elle apportait beaucoup de bonheur. Il y avait beaucoup de choses à prendre en compte pour réussir et elle se doutait que Levi pouvait avoir l’impression d’avoir raté quelque chose à cause de ses problèmes. « Si jamais vous avez besoin d’aide avec Savannah… ou même juste toi, n’hésite pas. Je suis la. » Jules était toujours prête à écouter tout le monde a partir du moment où elle voyait des efforts faits et elle ne voyait personne essayer plus que Levi à ce moment précis.

Un haussement d’épaules, ce geste tout simple et typique de l’ignorance à un moment précis, fut suffisant en mon sens pour signifier à la jeune femme que je ne savais pas encore quand les sorties accompagnées me seraient accordées. Cependant, et pour une raison que je ne pouvais pas vraiment m’expliquer dans l’immédiat, je me surpris à ajouter par la suite:  « Bientôt, j’espère. », en conservant malgré tout un ton relativement neutre, banal, comme si ce propos n’était que pure réthorique. Après, ça ne voulait pas dire que c’était faux, au contraire, même si je savais que je n’étais pas prêt à sortir définitivement et que je ne voulais pas non plus, tant que je ne me sentirais pas d’attaque pour affronter un monde où je n’avais plus vraiment ma place et rien devant moi, prendre le risque de sortir trop hâtivement et rechuter, gâchant ainsi tous ces efforts que je mettais dans ce processus depuis plusieurs semaines maintenant. Je voulais que cette cure vaille le coup, me donne une vie meilleure, qu’importe ce qui m’attendait à la sortie. Cependant, je ne pouvais pas nier que voir autre chose que ces quatre murs, me faire une idée du monde extérieure outre que ce que les gens pouvaient me raconter, en attendant de pouvoir finalement sortir, une fois que tout serait réglé, c’est-à-dire, en mon sens, une fois que j’aurai trouvé les mots nécessaires pour tout expliquer à ma fille, donc quand j’aurai tout remis en ordre dans ma tête. Mais parce que ce sera, j’en suis conscient, un processus plus difficile, le mieux valait avoir quelque chose à dire à Haley pour le moment, et je devais admettre que j’étais satisfait de l’explication à laquelle elle s’en tenait. Malgré tout, ce fut avec un certain soulagement que j’accueillis le commentaire de la jeune femme en face de moi, me permettant de lui adresser un sourire sans toutefois ajouter quoi que ce soit, parce qu’en mon sens il n’y avait rien d’autre à ajouter. Puis, cela me permit de changer rapidement d’attitude, sans interrompre la jeune femme, quand cette dernière en vint à m’expliquer qu’elle avait eu du mal à faire comprendre à sa fille pourquoi c’était ici qu’elles venaient chercher Haley et non dans une demeure comme les autres. À ce moment, bien malgré moi et sans trop réfléchir, je ne sus faire autrement que d’adopter un air un peu plus triste et de lui dire:  « Je suis désolé pour ça… » Après, je ne savais pas si être désolé était ce qui était le mieux à faire dans le cas présent, mais pour sûr, si j’avais pu éviter cet ennui à Jules, je l’aurais fait sans problème. Malheureusement, la visite d’Haley m’avait prise de court, et je ne m’attendais pas non plus à ce que la petite demoiselle souhaite accompagner sa mère, ce qui ne venait certainement pas faciliter les choses pour le coup. Enfin, il y avait quand même une chose qui était relativement simple dans toute cette situation, et je décidai que ça valait la peine de le mentionner à Jules, d’où le fait que j’ajoutai par la suite:  « Mais non avons de la chance, enfin, j’ai surtout de la chance. Haley s’est montré compréhensive et maintenant, c’est elle qui se propose pour venir me visiter. Je n’ai pas à la forcer, et ça ne semble pas l’affecter plus que ça. Enfin, je ne dis pas que ça ne lui a pas fait drôle les premières fois, mais elle semble quand même bien le prendre, malgré les circonstances. » Je me rendis compte qu’après coup que mes propos étaient quelque peu maladroits, mais dans l’ensemble, ce que je voulais affirmer, c’était que j’étais plus que chanceux que ma fille veuille bien venir me voir, puisqu’elle venait rendre cette épreuve beaucoup plus facile et sans le vouloir, elle me rappelait pourquoi je voulais continuer à me battre et aller au bout de tout cela; c’était pour elle, jamais je ne pourrais remettre ça en question. Malgré tout, parce que ça ne signifiait pas que c’était tout simple pour autant et par conséquent, de l’aide, ou même une simple proposition d’aide, n’était jamais de refus. Voilà pourquoi, lorsque Jules en vint à faire une suggestion plus que gentille, je ne sus faire autrement que de lui répondre, aussi chaleureusement que possible:  « C’est très gentil, je t’en remercie. Déjà, que tu viennes chercher Haley et que tu la prennes pour la nuit, c’est énorme, crois-moi. » Je marquai une pause dans mon discours, puis remarquant que depuis qu’elle était arrivée, je parlais essentiellement de ma personne, je décidai de lui demander:  « Et toi comment ça va ? Et avec Rose ? », trop peu certain que ma question soit vraiment légitime, compte tenu qu’elle et moi nous ne nous connaissions pas des masses, mais elle était gentille, généreuse avec ma fille, je ne voyais pas pourquoi je ne ferais pas cet effort, qui, au fond, pour moi, n’en était pas vraiment un. J’estimais plutôt que c’était un juste retour des choses, juste pas nécessairement bien orchestré, mais quand même présent.

Jules ne se souvenait pas d’un moment où elle avait pu autant parler avec Levi. En général, ils se disaient les premières banalités qui venaient et repartaient tous les deux de leur côté. L’enseignante avait l’impression qu’il n’avait jamais envie de rester avec elle. C’était comme s’il se coupait de tout contact pour se débarrasser le plus vite possible d’elle. Jules n’en était pas forcément ravie mais elle respectait ce fait. Aujourd’hui, les choses étaient différentes. Peut être parce qu’elle était venue chercher sa fille et qu’il se voyait mal la renvoyer chez elle sans ménagement. Jules pouvait faire des suppositions pendant des heures parce qu’elle ne comprenait pas forcément ce qu’il pouvait se passer dans la tête de cet homme. Elle prenait juste chaque moment l’un après l’autre parce que rien n’était vraiment sûr lorsqu’elle parlait avec lui. Par moment il pouvait lui parler avec de longues phrases pour bien lui faire comprendre des choses et l’instant d’après se mettre à répondre laconiquement. Elle faisait avec et répondait par un simple hochement de tête et un sourire entendu lorsqu’il lui disait qu’il espérait que ce serait bientôt. Elle pouvait le comprendre parce que si elle ne pouvait plus voir sa fille du jour au lendemain, elle n’aurait qu’une hâte, la revoir et pouvoir passer du temps avec elle. Déjà, Haley venait voir son père donc c’était une forme de victoire pour lui mais Jules, en tant que mère, aurait aimé pour lui qu’il puisse la voir plus souvent. C’était une épreuve pour lui et une épreuve qu’il semblait aborder avec courage. Jules ne pouvait en être qu’admirative. Il était vrai qu’elle avait toujours dû faire preuve de force par rapport à l’abandon de sa famille et sa vie de mère célibataire mais elle ne savait pas comment elle aurait réussi à gérer si elle avait été à la place de Levi. Personne ne pouvait savoir tant qu’il ne se trouvait pas dans cette situation donc elle ne pourrait pas avoir de réponse à ce qu’elle aurait fait dans cette situation. Ce fut pour cela qu’elle ne pouvait lui en vouloir de quoi que ce soit et qu’elle ne comprit pas vraiment bien pourquoi il se sentit obligé de s’excuser. « C’est pas grave, elle comprendra plus tard, tu as pas à te justifier. » C’était une réalité, il n’y avait pas besoin de se justifier lorsque l’on faisait des efforts pour arranger les choses. Elle ne voulait pas qu’elle croit qu’elle lui en voulait pour cela parce que justement cela lui permettait de le connaître un peu mieux finalement. La preuve, il se mit à lui parler un peu plus profondément, ce qui la surprit mais qui en même temps lui faisait réellement plaisir. Elle se demanda s’il avait beaucoup de personnes avec qui parler de ça à part ceux qui était au centre et qui étaient payés pour ça. Elle ne s’attarda pas là-dessus bien sûr puisqu’il lui semblait plus important tout de même de parler de ce que vivait Haley plutôt. C’était un trait de caractère commun à tous les parents de mettre en priorité les enfants. « Tant mieux pour elle alors, si ça n’allait pas elle serait pas capable de venir ici c’est sûr. Et puis j’ai l’impression que ça te fait beaucoup de bien à toi aussi de voir qu’elle a envie de venir d’elle-même, comme si finalement t’avais pas tout fait foirer… ce que beaucoup de personnes se disent quand ils entrent ici je pense. » Il était difficile en tant que parents d’avoir l’impression d’avoir raté quelque chose et de ne pas être un modèle pour ses enfants. Elle partait sur l’idée que Levi ressentait cela mais peut être qu’elle se fourvoyait. Elle sentait pourtant qu’il y avait une différence dans son comportement, surtout par rapport à elle étant donné qu’il paraissait beaucoup plus chaleureux avec elle. La preuve lorsqu’il vint la remercier pour son déplacement. « C’est normal ne t’en fais pas. » Une simple réponse comme celle là suffisait puisqu’elle pensait réellement qu’il n’y avait aucun problème à venir la chercher. Cela arrangeait tout le monde et les petites étaient contentes, c’était cela l’important. Ils n’avaient pas l’habitude de s’attarder sur eux en général mais aujourd’hui les choses étaient en train de changer et cela fit sourire Jules qui haussa les épaules à son tour quand il lui demanda comment elle allait. « Bin écoute, ça va, j’ai pas mal de boulot en ce moment et Rose a été un peu malade ces derniers temps mais on pourrait faire pire. J’me débrouille comme toujours. » Oui, c’était cela la vie de parents, on faisait en sorte que tout aille même si ce n’était pas toujours génial. Bien sûr, elle ne lui parla pas de ses problèmes avec le père de Rose, qui n’était pas au courant de sa paternité, ou des doutes qu’elle avait sur la nécessité de dire la vérité à sa fille. Ils ne se connaissaient pas assez c’était certain et pourtant, elle avait au fond d’elle envie de poser des questions à Levi qui avait été dans une position quelque peu similaire à celle de Spencer. « Je sais qu’on se connait pas trop et que je vais sûrement te poser une question qui te paraitra bizarre à laquelle tu n’es pas obligé de répondre si tu ne veux pas, mais comment tu as géré la nouvelle du fait que tu étais père ? » Elle ne voulait pas en dire trop, elle voulait juste avoir une idée du type de réaction qu’il pouvait y avoir à ce genre de nouvelles parce que la théorie était bien belle mais elle ne l’avait jamais vu en pratique.  

Ce fut sans hésitation que je hochai la tête positivement pour signifier à Jules qu’effectivement, les visites d’Haley me faisaient le plus grand bien. Ça, c’était indéniable, et je jugeais que je n’avais pas besoin d’expliquer le pourquoi du comment. En effet, Haley avait toujours été un petit rayon de soleil dans ma vie, elle avait toujours été la raison pour laquelle je voulais avoir une vie à peu près normale, c’était quand elle n’était pas chez moi que je me sentais vide, que je sentais qu’il me manquait quelque chose. Plus encore, dans le cadre de cette cure, la voir et passer du temps avec elle me rappelait pourquoi je passais au travers de ce processus complexe et parfois éreintant. Puis, sans le vouloir, elle me donnait le courage de continuer, d’aller jusqu’au bout et surtout, faire tout mon possible pour non seulement me débarrasser de cette dépendance qui contrôlait ma vie depuis presque dix ans maintenant, mais aussi apprendre à vivre de sorte à ne plus ressentir de besoin, à être capable d’accepter ma personne, avoir une vie convenable non seulement pour moi, mais aussi pour Haley, pour la voir plus souvent, de façon imprévue, et sans avoir honte de quoi que ce soit me concernant. Au final, elle représentait tant de choses, toutes plus touchantes les unes que les autres - pour moi en tout cas - que je ne résistai pas à finalement dire par la suite:  « Je ne sais pas pour les autres, mais me concernant, elle fait partie des raisons pour laquelle la cure se passe relativement bien. » mais encore une fois, je ne poussai pas mon explication plus longuement, ne me voyant pas en venir à dire que si jamais Haley n’était pas là, je ne savais pas comment je ferais. Parce que même si tout allait mieux, même si le pire était chose du passé, il n’en demeurait pas moins que cette cure n’était pas des plus simples, surtout au niveau psychologique en ce moment. Et puis, j’en vins à la conclusion que même si Rose et Haley avaient reprises leur conversation sans se soucier des adultes, mentionner son nom ou parler d’elle en viendrait à un moment ou un autre attiser sa curiosité, et je n’étais pas certain que je voulais lui parler aussi ouvertement de tout cela pour le moment, surtout qu’encore et toujours, elle pensait que j’étais malade, tout simplement. Voilà pourquoi j’en vins à demander à mon interlocutrice de parler d’elle, de comment les choses allaient de son côté. Ce fut avec un sourire triste que j’accusai réception de l’information comme quoi Rose avait été malade, faisant immédiatement le lien avec le fait que la petite avait parlé d’hôpital précédemment. Bien sûr, je ne le mentionnai pas et de toute façon, je n’en aurais pas eu l’occasion, puisque Jules en vint à me poser une question à laquelle je ne m’attendais pas trop, d’où le fait que pour première réaction, je fronçai les sourcils. Puis, une fois le choc passé, je réfléchis à ce que je pourrais lui dire, parce que j’estimais que ce n’était pas une question trop indiscrète ou à laquelle je n’étais pas en mesure de répondre. Tout ce que je voulais, c’était trouver les mots les plus appropriés pour le faire. Puis, une fois que je crus savoir à peu près quoi lui dire, j’affirmai:  « Je t’avoue qu’au début j’ai été… choqué quand Savannah m’a annoncé qu’elle était enceinte, et je ne savais pas trop quoi faire, mais j’ai accepté de la laisser entrer dans ma vie et de m’impliquer dans la mesure du possible et finalement, je ne l’ai pas regretté… » Si j’avais voulu m’ouvrir davantage sur le sujet, j’aurais très bien pu lui dire que je ne voulais pas faire comme mon père, soit l’abandonner avec un enfant, ou bien que je n’aurais pas pu vivre avec cette idée que j’avais un enfant et complètement la renier. M’abstenant de le dire pour le moment, parce que je ne savais pas trop si cela aurait répondu à la question, d’autant plus qu’à la base, je ne savais même pas si là, j’y répondais. De ce fait, même si cela ne me rendait pas des plus confortables, je me décidai à lui demander:  « Euh… Est-ce trop indiscret de te demander pourquoi ? Si tu ne veux pas me le dire, ce n’est pas plus grave, je comprendrai parfaitement. » Après tout, je n’étais pas le plus ouvert des gars, je ne pouvais pas exiger à Jules qu’elle m’explique les raisons pour lesquelles elle en était venue à me poser cette question et ce, même si au fond, je lui demandais surtout pour savoir quoi lui répondre plus qu’autre chose, même si je ne pouvais pas nier que tout cela était particulièrement intriguant.

Jamais Jules aurait pensé qu’elle se mettrait à discuter de cette manière avec Levi en venant chercher sa fille ici. En règle générale, elle ne parlait pas beaucoup avec lui. C’était déjà une première raison qui faisait qu’elle était surprise mais surtout, elle ne pensait pas non plus que c’était le genre d’endroit où elle pourrait en venir à faire des confidences. Dans un premier temps, ce fut Levi qui parla parce que cette histoire, c’était la sienne. C’était lui qui se trouvait à l’intérieur de cet institut, lui qui devait faire face à ses problèmes donc il lui semblait normal de l’écouter s’il se sentait l’envie de discuter avec elle pour une fois. Elle en était même ravie parce qu’elle n’appréciait pas forcément de voir que les gens ne l’appréciaient pas vraiment. Elle s’était faite rejetée par sa propre famille donc aujourd’hui elle détestait voir qu’elle pouvait se faire refouler par le monde qui l’entourait. En plus, c’était une personne qu’elle était appelée à voir plutôt régulièrement étant donné que sa fille et sa petite beauté étaient comme qui dirait meilleures amies. C’était une notion probablement encore un peu fragile à cet âge mais cela la faisait sourire de voir à quel point elles pouvaient être amies. Cela rassurait surtout la jolie maman de se dire que sa fille avait réussi à se faire une véritable amie en si peu de temps après qu’elle lui ait fait quitter sa ville natale. Ce n’était pas toujours un changement facile pour un enfant mais elle semblait bien s’en sortir. Un autre changement qui ne devait pas être facile c’était celui qu’était en train de vivre Haley. Ce n’était pas facile de voir son père partir dans un centre même si on ne savait pas bien ce qu’il y avait comme réel problème. Jules était donc contente de voir qu’elle prenait bien les choses et que la famille se trouvait au mieux de ce qu’elle pouvait dans cette situation. Elle lui sourit en se sentant réellement heureuse pour lui. De toutes façons, elle ne savait pas vraiment comment feindre ses sentiments. Si les choses n’allaient pas alors cela se voyait sur son visage et si elle se sentait bien alors cela se voyait aussi. « Tant mieux, ça doit être plus facile si on a une motivation. » C’était le cas pour tout dans la vie mais elle se disait que c’était encore plus le cas pour une situation pareille.

Elle ne s’attendait pas non plus à ce que cette conversation finisse par dévier sur sa propre histoire. Elle n’avait pas eu envie d’en parler mais elle avait tellement peu d’homme dans son entourage pour comprendre ce que cette vérité pouvait entrainer qu’elle avait ressenti le besoin de lui demander comment il avait réagi à la nouvelle de sa paternité. Les situations n’étaient pas exactement les mêmes et Spencer n’était pas Levi, elle le savait bien mais elle avait envie de se faire une idée. « D’accord… merci d’avoir répondu. Je pense qu’effectivement tu as pas de regrets à avoir, Haley est vraiment super. » En tout cas, de ce qu’elle en voyait c’était une jeune fille très bien mais ces petits monstres avaient toujours cette tendance à se montrer plus sympathiques chez les autres que chez soi, elle le savait bien. Elle aurait aimé se dire que la conversation allait s’arrêter là mais après avoir posé cette question si personnelle à Levi, elle ne pouvait que s’attendre à avoir le retour de bâton. Il était normal qu’il veuille savoir pourquoi elle lui avait posé cette question. « Tu m’as répondu, ce serait mal venu de ma part de pas en faire autant. » Elle respira un bon coup en les faisant s’éloigner de quelques pas pour que sa fille ne puisse pas les entendre. « Rose a jamais su qui était son père. C’est pas que c’était pas quelqu’un de bien ou que ça n’allait pas avec lui mais juste qu’on s’est connu en vacances et on s’est jamais revu par la suite donc j’ai jamais pu lui dire. Le problème c’est que c’est plus très vrai parce que je l’ai revu y a pas longtemps, donc je sais pas comment il peut réagir si je lui disais pour sa fille. » Plus de douze ans après leur aventure il finirait par enfin savoir ce qu’il en était advenu. Ce n’était pas une nouvelle facile à encaisser et Levi qui l’avait su dès le début n’avait pas eu une grande facilité à accepter donc elle ne pouvait même pas vraiment imaginer ce que cela donnerait pour Spencer.