Soirée karaoké [ft. Carson {-18 ans hot}

Mon métier était de comprendre les réactions d’autrui, et je ne pensais pas m’enorgueillir en disant que c’était ce que je faisais le mieux. Et pourtant, là, tout de suite, je trouvais le comportement de Layla quelque peu… énigmatique. Pourquoi ? Parce que pendant un instant, elle paraissait timide, voire même coincée concernant son habit vestimentaire. Puis de l’autre côté, c’était maintenant elle qui se montrait plus provocatrice à mon égard. À moins qu’elle avait remarqué que j’avais eu ce qui s’apparentait à un moment de faiblesse ? J’espérais que non, parce qu’orgueilleuse comme je pouvais l’être parfois, ce n’était pas ce qui me plaisait le plus, pour tout dire. Quoique… Elle ne semblait pas vraiment repousser mes propos, mon regard non plus… Qu’est-ce que cela signifiait ? Que justement, elle me permettait de me comporter ainsi avec elle ? Est-ce que c’était une taquinerie ou bien ça voulait en dire plus ? Pas que ça me gênait, pas que le « plus » viendrait me gêner, mais je ne connaissais pas Layla ainsi. Parfois, j’avais cru voir des soubresauts dans sa confiance en elle, mais rien de plus. Enfin, pas de quoi qui me permettrait de confirmer qu’elle était en train de remettre en question sa sexualité. N’osant pas m’embarquer dans une conversation qui pourrait être relativement délicate, surtout que je n’écartais pas la possibilité que ses propos soient sommes toutes une blague, je les pris comme tel, n’ajoutant pas quoi que ce soit. De toute façon, ç’aurait été bien difficile, compte tenu du fait que le maître de cérémonie se faisait insistant, sa voix incessante et suppliante venant entraver toute conversation. Peut-être parce qu’au fond, j’en avais un peu marre de l’entendre, je proposai à Layla de nous lancer maintenant. Je ne pensais pas être sobre ainsi une fois notre tour venu, mais ce serait fait. Il fallait bien se lancer à un moment ou un autre après tout, n’est-ce pas ? Tellement déterminée à ne pas subir ce qui était sommes toutes une humiliation quand on y pensait, je n’avais même pas songé à une chanson. Ce fut Layla qui me le rappela, me posa une question qui m’obligea à arrêter un peu. Et là, je prenais le risque que mon arrêt soit un peu trop long, et que je change d’avis. Cessant de réfléchir, j’haussai les épaules, et je dis:  « On trouvera bien quelque chose. » Sur ces mots, je terminai mon verre d’une longue gorgée, secouant la tête pour que ça ne m’embrouille pas trop le cerveau, et lorsque je me sentis solide, je me levai, attendant de voir si mon amie était prête à me suivre.

Selon ce que les gens savaient de ma personne, ils pourraient affirmer sans aucun doute que Layla et moi avions des goûts musicaux bien différents. Et ils auraient raison. Mes goûts musicaux de base, qui me suivaient au quotidien, ne contenaient en rien des chansons de la fin du précédent siècle, qui avaient bercé l’adolescence de maintes jeunes femmes maintenant dans la trentaine… Moi la première… Je ne le disais jamais à voix haute, mais parfois, je cédais à des plaisirs coupables sans en parler, par moi-même. Par orgueil, mon genre aurait été dans un premier temps de dénigrer les suggestions de Layla, et pendant un instant, je pensai à le faire, pas pour être méchante, mais pour tenter de préserver le peu de dignité qui me restait et que je n’avais pas laissé à la porte de ce bar. Mais en fait, je n’eus pas le courage de le faire. Parce que je n’avais plus rien à perdre, parce que je ne voulais pas provoquer de malaise et parce qu’au fond de moi, plutôt que choisir n’importe quelle chanson un peu plus éclectique, peu connue, qui allait désespérer encore plus le maître de cérémonie, autant choisir quelque chose de plus populaire. Bon d’accord, ce n’était pas les Beach Boys, mon plus gros plaisir coupable de tous les temps, mais les Spice Girls, ça me plaisait bien. Souriant en coin, je pointai le titre que je voulais pour que le responsable la lance, attrapai un micro en laissant le second à Layla, pile au moment où elle commenta, disant qu’elle espérait ne pas avoir regretté de monter sur scène. Pour toute réponse, j’haussai les épaules. À quel point on pourrait le regretter ? On ne faisait pas grand-chose de méchant et si ça se trouvait, personne de notre connaissance allait nous voir, personne n’allait en parler. Et même si on en parlait… C’était une soirée, rien de plus. Nous ne tentions pas de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, enfin, pas dans mon cas. Considérant l’écran, j’attendis que les paroles apparaissent, bien que je n’en avais pas tant besoin, et que ce fut sans trop de problème que je me lançai la première lorsque la musique commença, lançant d’un ton chanté qui se voulait assuré:  « Yo, I'll tell you what I want, what I really, really want… » laissant les paroles suivantes à mon amie, comme dans la chanson originale du groupe féminin, bien que là, nous n’étions pas le nombre requis. J’étais persuadé que nous allons parvenir à faire quelque chose d’acceptable quand même.

Plus la chanson progressait plus je me rendais compte que finalement, ce n’était pas si horrible. Enfin, ce n’était pas un moment de gloire non plus, mais disons que ça ne me faisait pas sentir aussi stupide que je ne l’aurais cru dans un premier temps. Évidemment, la présence de Layla changeait la donne. Jamais je ne me serais permise de me donner en spectacle comme ça, toute seule, sans demander à qui que ce soit de m’accompagner. Mais maintenant que c’était chose faite avec mon amie, je ne me sentais plus gênée, je me sentais même amusée parce que je faisais et lentement, mais sûrement, je me détendais. Enfin, à la vue des autres, je l’étais probablement déjà, compte tenu du fait que je ne m’étais pas tenue debout droite comme un piquet devant l’écran et je n’avais pas bougé, mais je savais que je pouvais faire plus, que ma définition d’être à l’aise, je n’y répondais pas en ce moment avec ce maigre déhanché et ce discret tapement de pied au rythme de la musique. La chanson se poursuivit, enchaînant couplet, refrain, échanges entre Layla et moi, moments où nous chantions en même temps. À l’occasion, je lui lançais des petits regards, des petits sourires, mais en ce moment, ce n’était rien de plus. Puis, à un certain moment dans la chanson, nous arrivâmes à la partie que je préférais. Je ne savais pas pourquoi, jamais je n’avais cherché à me l’expliquer, et très certainement que je ne me l’expliquerais jamais vraiment, mais au moment où je vins à lâcher, toujours en harmonie avec la musique:  « So here’s a story from A to Z, you wanna get with me, you gotta listen carefully… » je m’approchai de Layla, à qui je laissai les prochaines paroles. Pendant ce temps, je vins à réduire la distance entre nous, peut-être un peu trop même, et je me surpris à poser ma main qui ne tenait pas le micro sur sa hanche, perdue dans le moment. Je ne faisais rien de mal, je ne pensais pas que la proximité entre filles était vraiment horrible - surtout quand on regardait ce que certains avaient fait avant nous - mais je ne pensais plus au fait que peut-être mon amie pourrait le prendre autrement, et ça ne me traversait même pas l’esprit tandis que la chanson se poursuivait, arrivant doucement, mais sûrement à sa fin.

Perdue dans le moment comme jamais je ne pensais l’être en de telles circonstances, je ne me rendis pas compte de mes gestes, je ne sus pas vraiment quel genre d’air j’offrais à Layla tandis qu’on continuait notre petit duo. Pire encore, ce que j’aurais peut-être dû prendre comme un signal d’alarme comme quoi les choses prenaient une tournure bien différente de ce que ç’aurait dû m’apparut comme une étincelle m’encourageant de continuer. En effet, ce petit mordillement de lèvre, à mes yeux, avait quelque chose de… particulier, qui ne me déplaisait pas du tout. Mais mes pensées n’allèrent pas plus loin pour autant; le fait que Layla détourne le regard un moment me fit comprendre que peut-être le mieux serait de nous décaler, pas tant parce que je n’étais pas à l’aise, mais bien parce que je ne voulais pas non plus alimenter trop l’esprit des pervers qui se trouvaient dans les environs. Je me reculai donc, continuant la chanson avec mon amie, jusqu’à ce que celle-ci tire à sa fin. Le temps était passé pas mal plus rapidement que je ne l’aurais cru dans un premier temps, pour tout dire. C’était à croire que j’étais prête à en faire une seconde, même si dans l’immédiat, ce n’était pas nécessaire. Rigolant doucement, mon rire fut quelque peu étouffé par les applaudissements auxquels nous eûmes droits. Toujours amusée, je regardai mon amie, déposai le micro à l’endroit désigné, et je descendis de scène en sa compagnie, pour me rendre compte que pendant que nous étions en train de faire notre petit numéro, nos verres avaient été remplis de nouveau. Par le barman, j’espérais bien, et j’espérais encore plus que ce soit par un barman qui n’avait pas de mauvaises intentions. Mais ne voulant pas gâcher l’instant pour autant, je n’en fis rien, m’exclamant plutôt, alors que j’étais toujours en route vers ma place:  « Il faut trinquer à ça ! », attrapant mon verre pour le présenter à mon amie, attendant qu’elle soit prête à faire de même.

Peu soucieuse de comment les gens pouvaient nous regarder et pensant qu’à mon plaisir avant celui des autres, je ne m’étais pas montrée ébranlée de quelconque façon par le regard d’autrui pendant que nous étions en train de chanter sur la scène. La vérité était même que je n’avais d’yeux que pour Layla pendant ce temps, mais je n’allais clairement pas lui avouer une telle chose, alors que de son côté, elle me paraissait si insécure à l’idée de se faire regarder par tant de personnes, dont certains qui, après un coup d’oeil, semblaient encore regarder par-dessus leur épaule. Toujours aussi peu outrée de ce fait, j’haussai les épaules, répondant de façon nonchalante:  « Les mecs seront toujours des mecs hein. » J’aurais pu continuer pendant longtemps, dire à quel point certains étaient pervers, pensaient plus avec leur entrejambe qu’avec quoi que ce soit d’autre dans leur corps, mais je me ravisai. Nous étions dans un lieu public, et je ne voulais pas rendre Layla encore plus mal à l’aise qu’elle ne l’était. Et par conséquent, hors de question de lui dire qu’en même temps, c’était un peu justifié, au vu de comment nous nous étions déhanchées, toutes proches l’une de l’autre, pendant ce temps. Enfin, le mot « justifié » n’était pas vraiment approprié dans le cas présent je dirais, parce que je ne voulais pas dire que ces hommes avaient raison de nous considérer comme tel, alors il valait mieux que je me taise, me tenant à ce propos que j’avais tenu au préalable. Layla put ainsi reprendre la parole, me demandant ce qu’elle voulait faire. Réfléchissant, je fronçai les sourcils, me surprenant à penser à une option qui ne me ressemblait pas en temps normal, si bien que je ne m’osai pas à la suggérer tout de suite. Cherchant à gagner du temps avec un petit:  « Hum… », je finis par dire:  « Finissons notre verre, et on verra après ? On pourrait même quitter les lieux et aller ailleurs… » Chez elle ou chez moi, par exemple. Voici ce que j’avais en tête depuis le début, mais au final, je m’étais ravisée de le dire ainsi, ne voulant pas venir gâcher la soirée de quelconque façon, même si bon, je ne pensais pas que ce bar saurait nous suggérer quoi que ce soit de glorieux désormais.