Il y a des hasards qui durent toute une vie. {ft. Noah} {-18}

Est-ce que j’avais été trop brusque en lui répondant ainsi, en refusant de faire un plan quelconque pour le coup ? Je n’eus pas l’impression dans un premier temps. Tout ce que je voulais, c’était ne pas trop traîner dans ce parc et finalement, ne rien faire ou quelque chose comme ça. Ce serait quand même un brin idiot, non ? En tout cas, c’était ainsi que je le voyais, et je ne pensais pas que c’était mal. Je n’en eus pas l’impression non plus au fur et à mesure que nous avancions en direction de l’appartement d’Elisa. Après, le trajet ne paraissait pas être bien long, mais comme je n’en savais rien, c’était difficile de me prononcer sur la question bien exactement. Je commençai à m’en inquiéter lorsqu’elle reprit la parole, venant à me poser une question à laquelle je ne m’attendais pas. J’avais bien compris qu’Elisa était un peu… imprévisible, dans le sens où elle pensait à des choses auxquelles je ne pensais pas vraiment, peut-être en raison de son insécurité que je ne vivais pas aussi fort qu’elle au quotidien, visiblement. Mais au point qu’elle mesure une telle chose ? Je ne savais pas d’où ça venait. Ou était-ce moi qui était étrange de ne pas m’en inquiéter ? Quelque peu perdu dans un premier temps, je fronçai les sourcils, me trouvant seulement à balbutier, toujours confus:  « Euh non, je ne crois pas… » Non clairement, ce n’était pas tout à fait juste dans mon esprit. Ce fut à un tel point que je me retrouvai à demander, au final:  « C’est nécessaire d’avoir des barrières ? » Parce qu’au final, j’en étais venu à la conclusion que ce genre de chose, c’était con. Évidemment, c’était nécessaire d’avoir des limites, savoir dire non, mais dès notre première rencontre, nous avions fini la soirée de façon bien intime dans une salle de classe… En quoi un repas venait être gênant ? Plus encore, Elisa avait vu mes dessins, alors que c’était probablement ce qui me rendait le plus vulnérable, ce qui était le plus personnel chez moi. À ce stade, les barrières n’existaient plus, au stade où nous étions. À moins que pour elle, ce soit différent ? Si c’était le cas, il me faudrait faire avec, mais elle ne pouvait pas me reprocher de ne pas avoir été honnête sur ma pensée à propos de ça.

Je savais bien que ma question n’était pas des plus banales et que certainement, elle aurait pu être mieux posée, mais je ne pensais pas qu’elle serait perçue par la jeune femme comme si… philosophique, si le mot était approprié dans le cas présent. Je ne voulais pas d’elle une réflexion, je ne voulais pas d’elle une confession. Je voulais juste qu’elle pense au fait qu’au vu de notre première rencontre, si l’intérêt de mettre des dites barrières était vraiment là. Par conséquent, je fus pris de court par la façon dont elle considéra mon interrogation, et je fus même quelque peu pris de panique quand je la vis me prendre la main, m’interpellant, comme si elle allait me dire quelque chose de profond, le genre de chose destinée à me faire prendre peur. Mais je fis mon possible de garder contenance, tandis qu’elle se confiait, vulnérable, sur ses craintes et insécurités, que je commençais à connaître de mieux en mieux. Est-ce que ça voulait dire que j’étais à l’aise avec tout ça pour autant ? Non. Il en faudrait pas mal plus, parce que ce n’était pas dans mes cordes, ce ne le serait jamais. Mais plutôt que de prendre la fuite - ce que je n’aurais pas su faire vraiment, puisque rapidement, nous reprîmes la route, et Elisa semblait peu décidée à lâcher ma main - je tentai de faire un effort, pour une fois, pour probablement la première fois. Je finis par dire:  « Tu sais, j’ai pas envie que tu te questionnes sur la suite… Sois… juste… toi-même… » Profite du moment, sois comme j’aime que tu sois, voilà tout. C’était peut-être ce que j’aurais dû ajouter pour le coup, mais je ne le fis pas, parce que juste dire tout ce que j’avais dit m’avait paru un peu étrange, si je pouvais le dire ainsi. Et pour être franc, je ne savais même pas si je devrais l’ajouter. Voilà que c’était moi qui me trouvais un peu insécure, une situation à laquelle je n’étais pas tant habitué - pas devant quelqu’un d’autre - et qui ne me rendait pas à l’aise. J’espérais juste que ça ne se verrait pas trop, et que je n’aurais pas tout gâché avec mon manque d’adresse dans une situation pareille.

Faire de son mieux pour être soi-même ? Voilà un concept que je ne compris pas dans un premier temps. Après, il fallait dire que j’avais possiblement une mentalité différente par rapport à cette idée que la normale des gens. Personnellement, je n’étais pas du genre à faire des efforts pour les autres. Si les gens n’aimaient pas ce qu’ils voyaient ou ce que je faisais, c’était tant pis pour eux. Et plutôt que de changer à la positive dans ces situations, mon genre, c’était plutôt de changer à la négative, empirer mes défauts, pour énerver encore plus la personne. Après, ça ne voulait pas dire que je ne comprenais pas les motifs d’Elisa, et limite je pourrais admettre que voir qu’elle voulait s’efforcer de faire mieux pour moi était mignon, mais encore et toujours dans cette idée que j’avais un caractère un peu plus particulier que les autres, je ne savais pas si je pourrais l’endurer plus longtemps. Ne passant pas de commentaires cette fois-ci pour ne pas agrémenter le malaise, qui était déjà suffisamment inconfortable comme ça à mon avis, je me contentai d’acquiescer d’un hochement de tête à son indication. Je ne réagis pas non plus quand elle lâcha ma main. Évidemment que je l’avais senti, mais encore une fois, je ne voulais pas la gêner, même avec une taquinerie. Étais-je en train de faire des efforts pour changer un peu ? Peut-être… Est-ce que j’aimais ça ? Pas vraiment, j’espérais que ça ne dure pas trop longtemps non plus. Gardant ma contenance, je pensais que nous pourrions arriver à son appartement sans rien dire, mais encore une fois, elle arrêta, jouant encore de ses insécurités. Là, je fis un effort surhumain, terriblement surhumain pour ne pas rouler des yeux pour ne pas l’insulter, même si l’envie était là, et elle était forte. Et même avec ce temps pour travailler sur moi-même, je ne pus me contenter de dire que oui je le ferais. Pinçant les lèvres, je répondis plutôt:  « Non, je ne te le irai pas. » Je marquai une pause dans mon discours, me justifiant ensuite:  « Parce que je m’en fiche complètement. Je suis pas mal moins à l’aise à te voir essayer aussi fort. Faut te détendre un peu. » Est-ce que j’étais fier de mon discours ? Oui et non. Oui parce que j’avais été franc et je ne le regrettais pas, non parce que je savais que ce n’était peut-être pas sorti de la meilleure façon qui soit. Enfin, c’était chose dite. Mais comme pour estomper un peu le caractère cru de mon dire, je décidai d’ajouter après:  « Et si t’as besoin de te détendre pour ça, je peux t’aider… » Oui, mon propos avait un double-sens très clair, et je l’assumais parfaitement. Bien sûr, si ce n’était pas ce qui allait l’aider à se calmer, peut-être que le dessin le ferait, ou faire à manger, je n’en avais aucune idée. Mais si elle continuait à être tendue de la sorte, maintenant c’était évident, je ne saurais plus le supporter bien longtemps, et ça me frustrerait, parce que je m’entendais bien avec elle, et rares étaient les fois que j’étais patient ainsi avec les gens. Elle devait certainement avoir quelque chose de bien spécial.

Comment les choses allaient-elles tourner ? Je ne le savais pas. Normalement, l’imprévu ne me faisait pas peur, je savais très bien que je l’avais cherché si les choses tournaient mal, mais en même temps, bien que je ne voulais pas l’admettre, cela m’embêterait de voir Elisa s’éloigner, ou me demander de quitter ou quelque chose comme ça. Au final, ce ne fut pas du tout ce qu’elle fit. En fait, elle me donna raison, comme quoi elle devait cesser d’être nerveuse. Est-ce que ce serait suffisant pour qu’elle le fasse ? Ça, je n’étais pas tout à fait convaincu, mais j’allais accepter une preuve de volonté, c’était certainement mieux que rien du tout. N’ajoutant pas de commentaire trop sérieux à cela, j’y allai d’une façon qui me ressemblait plus; avec un brin d’humour, et surtout plutôt salace. Elle ne le prit pas mal, au contraire, je pensai pendant un instant qu’elle pensait comme moi je pensais, ce qui m’arracha un petit sourire, sourire qui disparut lorsqu’elle retarda les plans, disant qu’elle voulait quand même le dessin. Bon d’accord, ce n’était pas totalement décevant non plus, mais quand même. Acquiesçant sans dire mot, j’entrai dans son appartement, d’une taille normale, plutôt sobre, mais très convenable. Enfin, ce n’était pas comme si mon jugement valait grand-chose, je peinais à avoir mon propre logement, obligé de dépendre d’une autre personne, que ce soit pour payer le loyer ou avoir un toit sur la tête. Mal placé, je ne dis rien, et je n’aurais pas su dire quoi que ce soit, parce qu’elle reprit la parole, d’une façon qui me laissa quelque peu… confus. Confus parce que j’étais persuadé que précédemment, elle avait fait un sous-entendu tout aussi salace que le mien, et là, ce n’était même pas dans les options. Enfin, à moins que cuisiner soit un autre sous-entendu que j’utilisais que trop peu parce que je n’avais aucun talent culinaire ? C’était une possibilité aussi. Voulait-elle vraiment préparer à manger comme elle l’avait proposé ? Si oui, c’était mignon, mais ce n’était pas ce que j’avais envie. Encore un peu dans le flou concernant la tournure des choses, je me ressaisis, et je dis:  « Dessin. » Reprenant mon calepin qui ne m’avait - évidemment - pas quitté, je sortis un crayon de ma poche, prenant une page blanche tout de suite. Parce que ça, c’était la partie plus facile. Le reste, ce n’était pas tant à moi de décider, puisque c’était elle qui m’avait demandé de faire le dessin. Je n’étais pas autre chose que l’exécuteur dans le cas présent. Du coup, je demandai:  « Installe-toi, comme tu le souhaites. » Je tentai de passer outre le fait que c’était limite ironique que je lui dise ça, sachant que nous étions chez elle, attendant de voir ce qu’elle ferait, ce qu’elle voulait comme dessin, et pour cette partie, je devais avouer que j’étais peut-être un peu trop curieux, mais je devais me faire violence, attendre patiemment, bien que je ne sus retenir à la nécessité de me mordiller la lèvre inférieure, discrètement, pendant que j’attendais.

Elle ne parut pas bouger dans un premier temps, l’air hésitante. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Ne m’étant jamais prêté à l’exercice d’être un modèle - et refusant de le faire à un moment ou un autre, préférant dessiner à servir pour un dessin ou autre - je me doutais bien que ce n’était pas simple de choisir quoi faire, comment s’installer, à moins d’avoir une idée précise en tête, ce qui ne semblait pas être le cas d’Elisa. Devrais-je l’aider ? J’attendis un petit moment, et avant que je me décide à lui demander, à lui faire des suggestions, elle reprit la parole, m’intriguant, me faisant aussi un peu peur, n’ayant aucune idée de quel pourrait être ce fameux aveu. Fronçant les sourcils, j’attendis, peu rassuré par ce qui suivit. Comment devais-je le prendre ? Devrais-je abandonner l’idée de la dessiner, bien que ce soit elle qui me l’avait demandé dans un premier temps ? Tendu, je me relaxai aussitôt par la suite, comprenant que j’avais mal compris, qu’elle avait bien capté ce que j’avais dit et qu’elle n’avait pas pris peu, qu’elle ne l’avait pas détesté. Sitôt, un sourire un peu plus satisfait apparut sur mon visage, mais il ne resta pas bien longtemps, puisque sitôt, je repris mon sérieux, mais pas de la mauvaise façon. C’était d’abord pour répondre au baiser qu’elle m’offrit, bien que celui-ci se voulut bien léger, un peu trop à mon goût, mais aussi pour réfléchir à ce que je voulais, ce que je voulais faire avec elle. Personnellement, je ne planifiais pas, mais je n’allais pas m’en plaindre non plus. Allant chercher moi-même un baiser sur ses lèvres à mon tour, je finis par lui dire:  « Retire tes vêtements et allonge-toi sur le canapé… » Évidemment j’aurais pu seulement oublier le dessin et passer à autre chose, mais l’éventualité de laisser la tension monter lentement ne me déplaisait pas, et j’osais espérer qu’elle allait apprécier l’expérience aussi, même si, dans le pire des cas, je pourrais toujours délaisser mon dessin et passer à la prochaine étape avec elle. Je n’étais pas contre ce genre d’idée non plus, à voir ce qu’elle, elle voulait faire.