Au refuge pour sans abris (Kaya).

Je ne connaissais rien au vin. Un très gros problème quand on a grandit dans une famille de connaisseurs. Et comme je n’y connaissais rien, en entendant les questions de mon amie, je préférais me montrer honnête et lui dire la vérité. Je ne savais pas quoi choisir parce que j’ignorais ce qu’il fallait choisir. A sa réponse, je devinais que je n’étais pas la seule à ne pas m’y connaitre. « Oh oui ! Au grand désespoir de ma famille ! » avouais-je en pouffant. Je n’allait pas m’étendre dans des détails inutiles au risque de la saouler, aussi je n’en dirais pas plus, sauf si elle me le demandait. Nous nous entendions bien, mais je restais une fille plutôt secrète alors je me voyais mal lui dire que pendant les vacances, j’allais dans les vignobles avec mes parents lorsque j’étais petite. C’était la vérité lorsque je disais ne jamais avoir voyager, car à part des vignes à perte de vue, je n’avais jamais rien vu ! Je me souviens que je m’ennuyais, qu’à part des livres, je ne pouvais rien emporter car sinon, le coffre de la voiture ne serait pas assez grand pour y mettre les caisses de vins qu’ils ne manqueraient pas d’acheter. Je détestais les vacances d’été ! Vraiment. Je n’avais pas beaucoup d’amis à l’école, mais c’était toujours mieux que d’être trainer de force de vignobles en vignobles et ne rien pouvoir faire d’autre qu’attendre dans un coin, car ça ne m’intéressait pas et que bien sûr, j’étais la seule gamine de moins de dix ans au milieu de tout ces groupes de touriste ! Je me rappelle une cave que nous avions visiter et ou, à la toute fin, il y avait une dégustation. J’avais cinq ans. Le guide avait annoncé qu’il y avait du sirop pour les enfants ; ou plutôt l’enfant ; alors je m’étais précipiter dans la direction indiquée, j’avais attrapé un verre que j’avais vidé d’un trait avant de tout recracher sur le sol ! Je m’étais trompé et j’avais attrapé un verre de vin. Erk ! Le goût horrible, surtout à cet âge. Depuis, évidement, je ne faisais plus la grimace devant un verre de vin, après tout, c’est toujours apprécié, mais pour autant, je n’y connais rien. « Alors, c’est parfait ! » indiquais-je. Puis un serveur s’approcha de nous pour prendre nos commandes. « Je vais prendre les lasagnes à la forestière ! » dis-je au serveur, puis, je laissais mon amie commander son plat.

Je me disais souvent que je n’avait pas grandit dans la bonne famille, tant j’étais différente d’eux. Je dirais même plus ; beaucoup plus ; j’étais à des années lumières d’eux. Pourtant et c’est bien normal, je les aimait. Mais nous n’avions rien en commun. Une chance pour moi, je n’avais pas une imagination débordante, aussi, je n’étais pas en train de me dire que peut-être ; je dis bien peut-être ; j’avais été adopté ou échangée à la naissance. Ce qui expliquerait beaucoup de choses et particulièrement cette différence de caractère. Attention, je n’ai pas dit que j’aimerais que ça soit le cas. Bien au contraire, j’étais plutôt contente de ne pas être dans cette situation. Ça serait comment dire ? Trop rocambolesque à mon goût ! Et s’il y a une chose, juste, que je partage avec le reste de ma famille, c’est mon côté terre à terre. Je ne crois que ce que je vois ! Et puis, de toute façon, même si j’avais assez d’imagination pour me mettre tout ça en tête, je savais plus que n’importe qui, que ce n’était que de l’imagination. Parce que j’ai la blondeur et les yeux de ma mère, le nez et les dents de mon père. Les pieds de ma grand-mère paternelle. Bref, je ne vais pas faire la liste de tout les trais physique dont j’ai hérité de ma famille. Nous avons juste une façon totalement différente de voir les choses et la vie en générale. Je suis en quelque sorte le vilain petit canard de la famille, parce que je n’ai pas les mêmes gouts ni les mêmes aspirations que les autres et que l’on trouve ça anormal. Pourtant, j’étais tout sauf anormale. Enfin, mes paroles vis-à-vis de ma famille avait interpelées mon amie elle semblait vouloir en savoir plus sur le sujet. Du moins, elle me posa la question une fois notre commande passée et le serveur parti s’occuper des autres clients. « Disons pour faire simple qu’ils n’approuvent pas du tout mes choix ! » avouais-je. Je ne savais pas jusqu’où je pouvais m’aller à faire des confidences sans prendre le risque de la lasser. Pour l’heure, je ne me voyais pas leur dit qu’à leurs yeux, j’avais rater ma vie parce que je n’avais pas fais de longues études, un mari riche et des enfants magnifiques, à l’instar de ma cousine Chloe.

J’étais une femme très terre à terre. Je ne croyais pas en grand-chose. La réincarnation ? très peu pour moi. Tout comme la vie après la mort. J’étais une catholique non pratiquante. J’avais été baptisé et nul doute que le moment venu de ma marier, je le ferais à l’église, mais pour autant, je ne pratiquais pas. Ou alors, occasionnellement. Quoiqu’il en soit, je ne croyais pas du tout en une vie meilleure, au Destin, ce genre de bêtise. La vie est celle que nous nous construisons. Elle n’est pas écrite. C’est nous qui l’écrivons. Mais, je reconnais que parfois, nous rencontrons des gens ayant vécut des choses similaires aux nôtres. Certains verront ça comme un signe du Destin ; encore lui ; d’autres comme moi, ne verront là qu’une simple coïncidence. J’expliquais donc brièvement à mon amie que mes choix de vie ne plaisaient pas à mes parents et qu’ils considéraient que j’avais gâcher le bel avenir qui m’attendait. Je n’entrais pas dans les détails, car, je ne voulais pas l’importuner avec ma vie en la lui racontant en long, en large et en travers. Se montrer curieux, ce n’est pas ce que je fais de mieux et je sais que parler de soit et uniquement de soit dans une conversation, ce n’est pas non plus ce qui se fait de mieux. J’ai peut-être raté ma vie comme le dise mes parents, mais j’ai quand même une certaine éducation et des principes auxquels je me tiens. Je suis toutefois surprise par la remarque de Kaya. C’est vague, mais pourtant, ça semble vouloir dire beaucoup. Et je commence à me dire que j’ai affaire à une autre de ces coïncidences dont je parlais un peu plus tôt. Elle reprends alors la parole pour me dire qu’elle avait une vie toute tracée par ses parents, mais qu’elle a finit par cesser de suivre cette voix qu’ils planifiaient pour elle. « Tu eux dire qu’ils te voyaient avocate ou médecin et marier à un futur sénateur ou quelque chose comme ça ? » lui dis-je, en fronçant les sourcils. « Parce que moi, c’est à peu de chose près ce qu’ils voulaient pour moi. C’est ce que ma cousine à fait et comment dire … Moi, je n’y tenais pas. Mon métier me plait, il est éreintant, c’est vrai, mais je me sens utile et je fais ce que j’ai toujours voulu faire, dans le fond ! » ajoutais-je, avant de me taire. Je voudras ajouter qu’on est libre de faire ce que l’on veut de notre ; à condition de ne pas être hors la loi ; mais je reste muette. J’ai le sentiment d’en avoir trop dit et d’être impolie.

J’étais le vilain petit canard de la famille, la forte tête, celle qui ne fait jamais rien comme tout le monde encore moins ce qu’on lui dit de faire. Je ne trouvais jamais grâce aux yeux de ma famille. A l’école, j’étais bonne élève, mais je n’avais que très peu d’amis, pas de petit ami. Je n’allais pas aux fêtes parce que je n’étais jamais invité. Et quand je l’étais, c’était toujours pour rire à mes dépends. Je ne séchais pas les cours, parce que mine de rien, l’école, ça me plaisait. J’étais tout le contraire de ma cousine. Elle, elle détestait l’école, elle était invitée à toutes les fêtes, elle avait des petits copains à la pelle, des tas d’amies, elle était très populaire, elle séchait les cours, elle s’est même fait renvoyer pendant trois jours pour avoir pénétré dans le lycée au beau milieu de la nuit et envoyer des œufs dans le bureau du proviseur. Oh, elle n’était pas seule, mais la caméra, c’était elle qu’elle avait filmer, pas les autres. Oui, Chloe a fait des tas de conneries et pourtant, à l’époque, c’est encore elle que l’on félicitait. Moi, j’avais beau me démener pour réussir chacun de mes contrôles, ce que je faisais, ça n’était jamais assez bien. C’est une situation que je n’ai pas bien vécut, vous vous en douter bien, parce que, faire mieux qu’elle et ne récolter que des reproches, parce qu’au lieu de m’amuser, je travaillais trop, c’était franchement mesquin de la part de ma famille. J’aurais sans doute dû en parler, au lieu de me taire, mais je n’en ai jamais rien fait. Même encore aujourd’hui, parce que, dans le fond, je suis certaine qu’on me reprocherait de me montrer honnête, pour couronner le tout, et ça serait d’autant plus injuste. Chloe me reproche d’être jalouse, mais très franchement, il y a de quoi, non ? « Oui, je ne regrette pas d’avoir écouté mon cœur ! J’aurais juste espérer un peu plus de reconnaissance de la part de ma famille ! » avouais-je. Je n’étais pas médecin, certes, mais je faisais un travail utile. Qu’on me reproche de ne pas avoir fait d’études, ça me rendait malade. Le serveur revient à ce moment-là avec notre bouteille de vin, m’obligeant à m’interrompre dans mes souvenirs douloureux. Ce n’était pas plus mal. Continuer à parler de ça, allait finir par nous déprimer toutes les deux, car j’avais bien compris que nous étions dans le même bateau, même si je ne savais pas tout. Même si elle ne savait pas tout. « A nous ? A nos rêves ? Puissent-ils se réaliser un jour ! » dis-je alors, comme elle me proposait de trinquer.

Oui, je ne comprenais pas ma famille. Ok, d’accord, ma cousine était avocate, un métier utile. Mais, j’étais infirmière et ça aussi, c’était utile. Je ne comprenais vraiment pas leur point de vue. A quoi ça pouvait bien servir d’avoir des tonnes de diplômes si tu n’en faisait pas ce que tu avais envie de faire ? prenons ma mère, par exemple. Elle à un diplôme en histoire de l’art, parce qu’elle aime ce genre de chose et qu’elle caressait le rêve de devenir commissaire-priseur et au final, elle ne fait rien d’autre qu’organiser des diners mondains. Ecœurant. Et c’est ce qu’ils voulaient que je fasse. Que je trouve un beau et riche mari ; très riche ; et que je tienne une maison. Que j’organise des soirées mondaines, des œuvres de charité, ce genre d’idiotie. Rire à des plaisanteries pas drôles en levant le petit doigt. Un petit doigt qui n’aurait jamais toucher un rouleau à pâtisserie de sa vie, parce que naturellement, il aurait des tas et des tas de personnel pour le faire à sa place. Doublement écœurant. Le plus dur, c’est que notre famille ne faisait même pas partie de la haute société de Washington, alors à quoi agir comme ils le faisaient ? Non, vraiment, je ne comprenais pas ma famille. Enfin, inutile de parler d’eux pendant des heures, je ne voulais pas prendre le risque d’ennuyer mon amie. Notre bouteille de vin arriva à notre table, le serveur nous servit un verre à chacune avant de s’éloigner. Je tentais de me souvenir de la meilleure façon de gouter un vin, mais sans succès. Tant pis. J’avalais ma gorgée. Il n’était pas mauvais, surtout pour un vin de table tout ce qu’il y a de plus simple. « Il est même très bon ! » repris-je. Kaya avoua en avoir bu des pires. J’avais l’impression qu’elle avait parler plus vite que prévu, qu’elle ne voulait pas vraiment en dire autant, mais que c’était sorti, bien malgré elle. Ce n’était pas si grave. « Tu veux dire, le genre de soirées mondaines, avec des serveurs qui te remplissent ton verre à la seconde même ou tu viens de le terminer ? » la questionnais-je, pas certaine d’avoir bien compris. Ceci dit, je me rappelais cette soirée du Nouvel An ou mon oncle avait acheté un vin rouge hors de prix et s’était révéler être une véritable piquette. C’est simple, de toute la soirée, nous n’avions entendu que ça ! Il avait pester, râler, encore et encore, allant jusqu’à dire qu’il allait rapporter la bouteille et exiger d’être rembourser, sauf que, d’après Chloe, il ne l’avait jamais fait.