Shooting improviser - Carson

N’ayant absolument aucune raison de m’y opposer, j’acquiesçai à l’idée d’aller vers le parc, marchant à la hauteur de mon ami, le laissant toutefois nous guider en direction de là où il voulait aller. Prête à faire la conversation pendant ce trajet, bien que celui-ci soit court, je fus toutefois devancée par Bradley qui vint à me surprendre avec sa question. Pour moi, elle n’était pas banale, en tout cas, elle ne l’était pas autant que le genre de question qu’il aurait pu me poser avant ça, comme ce qu’il y avait de nouveau dans ma vie ou quoi que ce soit. Et alors que normalement, il était assez difficile de m’impressionner, là, je devais avouer que j’étais quelque peu… perturbée. Et quand ça arrivait, très souvent, je ne savais pas quoi répondre, comme là, où j’eus ce qui était pas mal similaire à un blocage. Que devrais-je lui dire en fait ? Je n’en avais aucune idée, je ne savais pas ce que pourrait être l’idéal à tenir comme propos. Au final, je décidai de lui dire la vérité. Qu’il me juge ou qu’il ne me juge pas, tant pis. De toute façon, je ne pensais pas que Bradley était vraiment du genre à me juger. Décidée, je répondis:  « Un donut au chocolat fourré à la crème. » Je marquai une pause, considérant mon ami du coin de l’oeil, et j’haussai les épaules, l’air de rien, l’air de dire que de penser ainsi me rendait quelque peu indifférente. En fait, ça me rendait effectivement indifférente, considérant le fait que je n’avais jamais vraiment eu cette personne spéciale dans ma vie de qui j’étais éperdument amoureuse, à qui je pensais constamment, tout ce qui venait avec. Ce n’était pas un manque, mais dans le cas présent et comme précédemment, il fallait que je compense quelque part. C’était ainsi que moi je m’y prenais. Par contre, ça ne venait pas sans conséquence. Après ce moment de silence que je m’étais imposée, je me retrouvai à dire:  « J’ai bien envie d’en manger un d’ailleurs. Tu veux bien prendre un dessert avec moi après ? » Après tout, pourquoi pas ? Évidemment l’idée ne me serait pas venue si ce n’était pas de cette histoire de penser à quelque chose dont j’étais folle amoureuse, mais cette séance photo n’était pas prévue non plus. L’improvisation, la spontanéité, c’était bien dans la vie quand même.

Cette façon de penser qui était sommes toutes complètement ridicule avait eu pour effet de faire rire mon ami, ce dernier étant limite impressionné que je sois capable de réfléchir de la sorte. Je n’étais pas vexée, au contraire, j’éprouvais même un certain soulagement à l’idée qu’il ne me juge pas, ou que ça ne vienne pas provoquer un malaise de quelconque façon. Ne pouvant certainement pas m’en plaindre, je souris doucement, acquiesçant ensuite à sa proposition d’aller manger un morceau par la suite. Je m’exprimai de façon un peu plus évidente quand il me parla de sa soudaine envie de manger un donut qui, apparemment, lui avait pris au vu de comment j’en avais parlé, riant doucement, rien de bien évident, mais de quoi manifester mon amusement face à la situation qui promettait finalement un moment entre amis, dépassant le simple fait de faire des photos. Pas de quoi me déranger, j’aimais passer du temps en sa compagnie. Mais puisque nous étions dans le parc désormais et non pas devant un café quelconque, ou une pâtisserie qui saurait nous vendre ces donuts que nous souhaitions tant, autant faire des photos encore une fois et passer à autre chose après. Une étape à la fois. Écoutant les consignes de mon ami, j’allai m’installer sur la banc, comme il me le demanda. Sauf que plutôt que m’asseoir tout banalement, je décidai d’allonger mes jambes, en m’assurant que ça reste élégant, bien évidemment. Regardant mon ami pour avoir son approbation, j’écoutai ensuite sa seconde consigne, regardant au loin. Sauf que sentant la faim - non, l’envie de manger une gourmandise - qui me travaillait, je ne pus m’empêcher de me mordiller la lèvre inférieure, trahissant mon envie terrible de ce fameux donut, surtout que là, je ne pouvais pas cacher à quoi je pensais réellement ; Bradley était maintenant au courant.

C’était complètement idiot de penser de la sorte, mais je me montrai satisfaite du fait que j’étais parvenue à trouver une pose convenable et ce, sans que personne ne me dise quoi que ce soit. Le pire, c’était que ça ne changerait absolument rien à ma vie, mais parfois, il en fallait peu pour être heureux, non ? Enfin, c’était ce que je tentais de me dire à cet instant précis. Ne passant toutefois pas de commentaire et en ne faisant qu’un sourire en coin, je me ressaisis rapidement, me concentrant sur ces photos que j’allais lui offrir. Parce que oui, je parlais un peu plus ainsi, me rendant compte progressivement de mon rôle et de tout ce qui venait avec. Est-ce que ça signifiait que j’avais un potentiel et je recommencerais de façon plus sérieuse ? Pas du tout. Ce n’était que par pur amusement, et je supposais que ça resterait ainsi. Laissant Bradley prendre ses propos, j’attendis d’avoir son autorisation pour me lever et revenir à sa hauteur. Enfin, je n’eus pas tant sa permission, celle-ci se traduisant plutôt par une proposition pour aller finalement manger un dessert à mon goût, à son goût à lui aussi, je l’espérais bien. Lorsque j’arrivai non loin, je souris doucement à son compliment, ne m’aventurant pas dans quelconque autre propos, d’autant plus qu’à cet instant précis, une idée vint quelque peu me frapper, ne me rappelant pas de lui avoir posé une telle question précédemment. Par simple curiosité, je lui demandai donc:  « Et maintenant, que comptes-tu faire avec ces photos ? » Je ne lui demandais pas de façon méfiante, bien loin de là. En fait, je demandais surtout par simple curiosité, voulant m’assurer que si je voyais une photo quelque part, j’allais m’y en attendre, et non pas être complètement décontenancée et, dans un cas un peu plus extrême, avoir des commentaires et me faire narguer par mes collègues pour ça. Parce que je voulais bien me prêter au jeu, mais des photos de type romantiques, ce n’était pas tant commun dans mon milieu !

Que Bradley garde les photos pour lui-même me convenait très bien. S’il voulait les utiliser pour montrer ce qu’il était capable de faire, c’était tout aussi passable. Pour le coup, l’idée qu’il les utilise pour son portfolio et pour son site, ça me convenait. J’étais persuadé que peu de gens auraient l’idée d’aller chercher volontairement des photos de ma personne ainsi. L’option qui m’inquiéta un peu plus, ce fut celle selon laquelle il pourrait les vendre à une revue quelconque. Progressivement, alors qu’il disait cela, je me voyais déjà arriver à mon bureau, me prendre des commentaires, et voir une copie du dit magasine sur le bureau d’un de mes collègues. Je ne disais pas que c’était systématiquement ce qui allait se passer mais bon, au vu du comportement de ces gens avec qui je travaillais, ce n’était pas complètement irréaliste comme scénario. Mais ne voulant pas paraître de mauvaise foi ou quelque chose du genre, surtout si cela pouvait aider mon ami, que j’affectionnais pas mal plus que la majorité de mes collègues, que je côtoyais seulement de temps à autre au bureau, je décidai d’acquiescer. De plus, il ne me laissa pas vraiment de raison de m’y opposer, me disant qu’il allait me prévenir s’il venait à vendre une photo sur laquelle je figurais. Appréciant l’attention, je me permis même de sourire doucement, et de lui dire:  « Ça marche. » Ne pensant pas avoir quoi que ce soit à rajouter, je laissai Bradley reprendre la parole le premier, acceptant sa proposition sans hésiter vraiment, ne tardant donc pas à lui dire:  « D’accord, ça me va. » En réalité, je ne savais pas vraiment comment j’allais me sentir, sur une photo bien travaillée et tout ce qui venait avec. Sauf que je n’étais pas réticente, mais bien… curieuse, si ça pouvait être là le mot approprié. Continuant de marcher, je repérai ce petit café que je connaissais bien. Le désignant d’un signe de tête, je dis:  « On va là ? », sachant très bien que les pâtisseries - y compris les donuts - y étaient excellents, mais je voulais quand même laisser le dernier mot à mon ami, question de politesse.

Rassurée de savoir qu’en plus de me demander mon avis, Bradley semblait peu gêné à l’idée de les retirer si je voyais qu’il y avait un conflit d’intérêt ou quelque chose dans le genre avec ses propos, je souris doucement au propos de mon ami, sans ajouter quoi que ce soit. Pour tout dire, sauf pour les moqueries de mes collègues de travail, je ne voyais pas en quoi ce serait un problème. Après, peut-être devrais-je me renseigner davantage, sachant que c’était là une situation particulièrement exceptionnelle, le genre dont je n’avais jamais vraiment entendu parler précédemment, mais là, tout de suite, je ne voyais pas l’intérêt de prévoir à trop long terme, surtout pour quelque chose qui pourrait, qui sait, ne pas arriver. Là, tout de suite, je préférai de loin me concentrer sur la prochaine étape de notre petit périple, soit le café pour aller manger un dessert de bon goût. Choisissant un endroit, Bradley ne tarda pas à acquiescer, ce qui fit en sorte que je ne perdis pas mon air ravi. Au contraire, celui-ci vint à devenir encore plus évident. Ne voyant aucune raison d’attendre plus longtemps, nous nous dirigeâmes vers le dit café. À l’intérieur, nous nous installâmes à une table, cartes en main, cartes qui présentaient tout ce qui était proposé, parfois avec quelques photos à l’appui. N’étant pas du genre à toujours commander la même chose, je commençai à considérer la carte, relevant le regard que lorsque Bradley me demanda ce que je pourrais lui conseiller. Je baissai le regard sur la carte, je le regardai de nouveau et je dis:  « Clairement je ne dis jamais non à ceux fourrés à la crème. » C’était une valeur sûre, autant le dire ainsi. Regardant encore une fois la carte, j’ajoutai:  « Par contre je crois que pour moi, ce sera un donut au chocolat avec de la confiture de framboise dedans aujourd’hui… » Et en toute franchise, je n’écartais pas la possibilité d’en commander un second si l’appétit me venait et que le temps me le permettait. Mais j’allais commencer par un, bien que ce soit difficile de choisir. En effet, ce que j’avais dit, ce n’était qu’une supposition, rien ne disait que je ne changerais pas d’avis, même si je n’allais pas commencer à tourner en rond et partager toutes mes réflexions. C’était complètement inutile, et surtout désagréable pour mon interlocuteur, à mon avis. De plus, ainsi, il pourrait me partager son choix, puisque je gardais volontairement le silence pour qu’il puisse prendre la parole sans que je vienne l’interrompre de quelconque façon.