Rhett & Carson + À force de jouer avec le feu, on finit par se brûler

Des dossiers, j’en avais vu passer sur mon bureau. J’en avais lu, analysé, écrit, sur une tonne de gens, avec des profils psychologiques parfois plutôt terrifiants, à un tel point que moi-même, je n’étais pas certaine que j’aimerais me trouver en face d’une de ces personnes, seule dans une ruelle. Jamais je ne l’avouais, je prenais toujours sur moi, je ne me plaignais pas, parce que mon métier me passionnait, et c’était ça l’essentiel. Capable de passer outre, je ne m’en faisais pas, mais lorsque j’avais vu tomber, dès le matin, un dossier que je ne pensais pas voir, d’un homme politique dont le nom ne m’était pas inconnu. Je savais bien, je me doutais qu’il n’était pas tout à fait net, mais je ne pensais pas que les suspicions des autorités en étaient arrivées là, au point où il leur manquait qu’une preuve évidente, une façon de le prendre sur le fait, pour pouvoir l’arrêter, une bonne fois pour toutes. C’est là que mes capacités entraient en ligne de compte, comme bien souvent, même si là, je devais avouer que je ne savais comment réagir. Je savais le lien entre lui et une de mes amies, Isobel. Étais-je prête à faire une telle chose ? Que ferait-elle à ma place ? Parce que bien sûr, le secret professionnel ne me permettait pas de lui en parler, comme je ne lui parlais pas de mes dossiers, sauf lorsque nous devions y travailler ensemble, ce qui n’était pas le cas, visiblement, pour celui-ci. Normalement, j’étais capable de garder ma contenance, mais là, j’avais besoin d’un peu de temps, temps que je ne pus avoir finalement, puisqu’avant que la journée se termine, Isobel vint à me proposer de passer la soirée chez elle, un repas entre amis, rien de plus. Et sachant qu’il serait pas mal plus étrange de refuser que d’accepter, je n’avais donc pas su dire non. Une fois la journée terminée, j’avais donc accompagné la jeune femme jusqu’à sa demeure, ne m’attendant pas à ce que le principal concerné soit présent, rendant encore plus difficile - mais faisable, pour moi en tout cas - le fait d’être naturelle. Aucun remous ne vint perturber le début de la soirée, les boissons apéritives coulaient à flot, l’ambiance était relativement détendue, plus que je ne l’aurais cru et espéré. Puis, à un moment, Isobel quitta pour aller préparer le repas, Rhett se rendit sur le balcon, me laissant seule. Réfléchissant, j’hésitai pendant un instant sur que faire. Rester seule au salon me paraissait un peu désagréable, voire malpoli. Aider Isobel n’était pas vraiment l’idéal, mes talents culinaires et ma capacité à être deux dans une cuisine étant peu développés. Jetant un oeil à la porte vitrée, j’inspirai profondément, puis je m’y dirigeai. Au vu de la taille qui n’était pas énorme, pas au point où il n’y avait pas de proximité obligatoire, je vins m’appuyer sur la rampe, aux côtés de Rhett, à une distance raisonnable, proche, mais pas trop. Celui-ci venait de prendre une cigarette, ce qui n’avait absolument rien d’étonnant, mais qui était parfait pour lancer la discussion, discussion que nous n’avions pas tant eu depuis le début de la soirée. Tendant la main en sa direction, je dis:  « Tu m’en files une ? » Pas de s’il vous plait, à peine de politesse. Mais ça, c’était moi, il lui faudrait apprendre à faire avec dans les prochaines minutes.

Rhett me tendit le paquet ainsi que son briquet sans rien dire, sans broncher, sans même me regarder de façon suspicieuse, comme celle qui essayait de lui voler son bien. Était-il blasé ? Avait-il un fond généreux, ou bien était-ce juste dans ses habitudes de partager ses cigarettes parce que malgré le coût du paquet, il avait amplement le moyens de s’en payer un autre ? À ce point, je ne saurais le dire. Je ne le connaissais pas assez, sachant seulement qu’il était un ami proche d’Isobel, et les quelques informations que j’avais à son sujet dans un dossier, sur mon bureau. Ne cherchant pas à faire des conclusions trop hâtives, je le remerciai du regard, attrapant une cigarette et l’allumant avant de lui remettre le tout. N’attendant pas plus longtemps, je pris une première bouffée, qui coïncida pile au moment où il choisit de me poser une question à laquelle je ne m’attendis pas et ce, même si en fait, je ne pouvais pas m’attendre à grand-chose, compte tenu du fait qu’aucune conversation n’était engagée, mais comme ça, d’emblée ? Ne voyant pas pourquoi je commencerais à stresser avec une chose pareille, je pris le temps de terminer ma bouffée, puis d’en dégager la fumée par mes lèvres entrouvertes, avant de finalement répondre:  « Nous sommes amies et on travaille ensemble, c’est tout. » Parce que clairement, ce n’était pas le temps de lui parler de cette espèce de tension sexuelle qu’il semblait avoir entre nous deux, d’autant plus de ce que j’avais pu comprendre, Isobel était complètement hétérosexuelle. De plus, elle était une amie que j’appréciais bien, probablement la personne de qui j’étais la plus proche dans les bureaux, et je ne me voyais pas souiller ma relation avec elle pour une histoire d’un ou quelques soirs. C’était un trop gros risque à prendre, une trop grosse perte, surtout que je n’avais aucune idée si ce serait réciproque. Le cas contraire, peut-être ma vision des choses serait différente, mais tout m’encourageait à m’en tenir à l’idée que je me faisais pour le moment. N’en ayant donc pas plus à dire sur le sujet, je décidai, en quelques sortes, de tourner la conversation à mon avantage, posant une question à mon tour, soit:  « Pourquoi ? Tu veux tenter ta chance maintenant qu'elle est célibataire et tu veux t’assurer de ne pas avoir de compétition ? » Bien que ma question avait été posé sur un ton de raillerie, avec des suppositions totalement impertinentes, compte tenu du fait que je savais bien que Rhett était le meilleur ami de ma collègue - même si depuis le début de la soirée, ça ne se voyait pas trop - mes mots étaient choisis de façon pertinente. Subtils, déterminés à le provoquer toutefois, et pas seulement que pour voir comment il réagissait par rapport à Isobel, mais en général, détecter s'il savait que quelque chose planait sur sa tête, s'il parvenait à dormir la nuit, ou bien si cette facette sympathique était, justement, seulement une facette.