Il faut apprendre à s'accepter tel qu'on est [Feat. Alicia Jímenez]

Johan avait bien remarqué que le fait d'éventuellement le recroiser dans un lieu tel que l'infirmerie semblait la réjouir. Il était un peu désorienté. Il y a encore quelques minutes, elle n'avait pas hésité à l'engueuler concernant ses absences à répétition, et maintenant, elle était redevenue toute gentille avec lui. Est-ce parce qu'elle avait pitié de lui maintenant qu'il lui avait avoué avoir des problèmes de santé ? Si c'était vraiment ça, alors il se dit qu'il aurait dû se faire. S'il y avait bien quelque chose qui détestait c'était qu'on le traite comme quelqu'un de différent ou avec une quelconque pitié. Ces regards il les connaissait que trop bien.

L'allemand savait très bien que s'il lui annonçait la vérité raison de ses absences, elle ne le croirait jamais. Et il ne pourrait pas lui en vouloir. Qui pourrait croire qu'un gosse de son âge, à peine quatorze ans puis être un drogué au point de devoir suivre une cure et soigner son addiction ? Ce que toutes ces personnes ignoraient c'était le mode de vie de Johan, ils ignoraient tous qu'il avait dû vivre à la rue et pourtant, il s'était encore présenté au lycée régulièrement, il avait subi le harcèlement et les moqueries de ses camarades sans broncher malgré les difficultés auxquelles il faisait déjà face.

Même s'il ne voulait pas l'avouer, il avait totalement perdu pied et l'aide qu'il avait reçu, il aurait dû la demander plus tôt. Il en avait besoin, mais dur de le reconnaître quand on ne fait confiance à personne. Il avait fini par changer de sujet de discussion en reportant le sujet sur la jeune demoiselle. Johan n'avait jamais été du genre à écouter les rumeurs qui courraient dans les couloirs, il préférait se faire un avis propre sur la personne par lui-même plutot que d'écouter les conneries pouvaient inventer. Il avait toujours été comme ça, à quoi bon écouter ce que peuvent inventer des personnes pour détruire la vie des autres ? Alors oui, il ignorait ce qu'avait Alicia, parce qu'il ne s'y était jamais intéressé et qu'il avait été plus qu'absent depuis quelques temps.

" - C'est quelque chose d'hériditaire ou bien c'est arrivé comme ça ?"

Johan posait des questions peut-être un peu trop indiscrètes qui risquaient fortement que la jeune lui retourne les mêmes, mais après, c'était sans doute le prix à payer. Tôt ou tard, les gens allaient l'apprendre, il en était persuadé, mais il voulait repousser le plus tard possible cet instant, parce qu'il savait que les rumeurs ne mettraient pas longtemps à se construire, et à ce moment là, il sera encore plus vulnérable.

Si Alicia avait semblé presque contente à l'idée de le revoir à l'infirmerie, c'est qu'elle se disait qu'elle pouvait peut-être trouver en lui un ami, un allié. Bref, quelqu'un avec qui elle pourrait discuter et surtout, avec qui elle pourrait passer le temps qui semblait parfois bien long avant qu'on ne la laisse repartir, ou que sa soeur puisse venir la récupérer. Depuis qu'elle savait cela, son regard avait changé. Mais non pas parce que Johan était malade, qu'il s'absentait pour ces raisons. Non, vraiment parce qu'elle aurait eu besoin d'une personne avec elle parfois, et que peut-être, il aurait pu l'être.

Finalement, même si Alicia ne le savait pas, Johan n'avait pas eu une enfance facile, un peu comme elle. Entre sa mère complètement incapable, et le fait qu'elle ait du se débrouiller seule très jeune, cela n'avait pas été facile. Alors certes, elle, n'avait pas été à la rue. Mais elle n'en avait pas été loin. Et puis, les services sociaux, les instituteurs qui alertent les directeurs.. Alicia était petite mais elle n'avait rien oublié. Heureusement, elle avait été entourée de deux grandes soeurs et ça avait été une véritable force. Même si, forcément, avec l'écart d'âge qu'elles avaient, elles n'avaient pas été très présentes à la maison. Quand Ali se rendait à l'école maternelle, ses soeurs étaient déjà au collège et lycée. Elles sortaient déjà avec des garçons, et avaient d'autres préoccupations qu'Alicia. Enfin, Maureen avait été plus attentive que Charlie, et elle l'avait aidée de nombreuses fois. Et puis, il y avait sa maladie, cet asthme persistant qui ne lui facilitait pas la vie. Un traitement à prendre pour toujours, de la ventoline toujours sur elle. Il y avait pire, mais il y avait aussi certainement mieux.

Alicia ne se doutait pas une seule seconde pour Johan. Peut-être qu'un jour, il oserait se dévoiler à la jeune adolescente. Peut-être même qu'ils pourraient devenir amis.Pour l'heure, il lui avait demandé si son asthme était héréditaire. A vrai dire, elle n'en savait rien. Elle ne connaissait pas son père, et sa mère ne lui avait jamais rien dit dessus. Sa naissance restait un peu un mystère, et Alicia n'osait pas trop poser de questions dessus. Elle avait l'impression que c'était tabou pour sa mère, et puis de toute façon, elle ne la voyait quasiment plus. La réalité, c'était que sa mère était en fait sa soeur Maureen. Mais ça... elle l'ignorait toujours pour le moment. "J'en sais rien, je connais pas mon père. Mais je crois que c'est venu comme ça..." Et puis, de toute façon, il faut toujours un premier porteur de maladie... "Et toi alors, qu'est ce que t'as ?" Après tout, elle s'était confiée sur ses problèmes de santé. A lui, maintenant...

Johan était un peu déboussolé, en réalité, il ne savait pas vraiment comment réagir face à Alicia. En temps normal, il n'avait pas à se poser la question puisque la plupart des étudiants qui fréquentaient de lycée ne le remarquaient même pas. On l'avait même déjà pris pour un enfant de professeur. En soit, ce n'était pas totalement faux puisqu'il avait appris lui-même qu'il était le fils d'Isaiah, le professeur de sport. Son professeur de sport. D'ailleurs, il lui arrivait de se demander comment il allait pouvoir continuer de faire semblant, parce que ce n'est pas parce qu'il serait face à son père qu'instantanément, le sport deviendra sa passion. Il pourra faire des efforts, mais il ne sera jamais un étudiant exemplaire. En tout cas, pas dans cette discipline, parce qu'il avait beau avoir des connaissances supérieures à ses camarades, ce n'est pas dans ce cours qu'il pourra s'en servir. Hormis si on parle d'histoire du sport, là peut-être que ça changera la donne.

Mais avec Alicia les choses étaient différentes, malgré ses reproches, qu'il avait bien mérité d'ailleurs, elle semblait s'intéresser à lui d'une certaine manière, même si celle-ci était plus ou moins maladroite. Et jusqu'alors, Johan n'avait jamais eu de personnes qui s'intéressaient à lui, alors que devait-il faire ? Faire comme si de rien n'était ? Ou bien puiser au fond de lui pour se dévoiler, et révéler qui il était, en espérant qu'elle soit assez intelligente pour garder ce secret pour elle seule.

L'allemand avait toujours crains de livrer une partie de lui-même, ça voulait aussi dire, permettre à la personne en face de connaître ses faiblesses et par la suite, de les utiliser contre lui pour le détruire totalement. Voilà pourquoi il ne s'était jamais confié et qu'il gardait toujours tout en lui. Même si c'était parfois encore pire que d'extérioriser, c'était moins risqué.

Johan ne s'attendait pas vraiment à ce que la jolie demoiselle lui réponde et pourtant, il fut surpris quand elle prit la parole. Il s'attendait déjà à se faire rembarrer, mais au lieu de ça, elle jouait le jeu, ce qui ne l'arrangerait pas vraiment, parce qu'il savait que cette question allait lui retomber dessus, et il ne fut pas surpris quand elle la lui retourna. C'était à lui maintenant, il devait le faire, mais il pouvait tout aussi bien fuir, comme il l'avait toujours fait quand il était face à une difficulté. Mais s'il le faisait, il ne pourra plus jamais la regarder en face, parce qu'Alicia est une jeune femme qui mérite qu'on s'intéresse à lui et Johan ne mérite en aucun cas l'attention qu'elle lui porte. Alors, il soupire puis ses épaules s'affaisent tandis que ses yeux bleus quittent la silhouette de son interlocutrice pour se poster sur le sol, devenu soudainement plus intéressant que tout le reste.

" - Ma vie, aussi courte qu'elle soit, n'a pas été facile. Ça n'a toujours été qu'une succession de mauvais choix jusqu'à ce que je me retrouve confronté à la dure réalité de la vie. Je suis une cure de désintoxication."

Il savait que cette révélation allait sans doute choquer la jeune demoiselle face à lui, et que possiblement allait en découler tout un tas de questions. Pourquoi. Comment. Où. Depuis quand. Mais il n'était pas certain lui-même de pouvoir lui apporter les réponses qu'elle va se poser.

Alicia ne se confiait pas souvent. Du moins, pas tellement aux personnes de son âge. Évidemment, sa soeur connaissait pas mal de choses sur sa vie, même si Ali prenait soin de garder un jardin secret. Il faut dire que Maureen, malgré la liberté qu'elle laissait à sa soeur, était parfois un peu intrusive, sans le vouloir. Tout ça, c'était dans le but de la protéger, c'était ce qu'elle disait souvent. Se confier à des personnes plus vieilles, du moins plus âgés, qui avaient davantage d'expérience, c'était plus simple pour la jeune adolescente. Et pourtant, elle ne les écoutait pas forcément leurs conseils ! Parce que faire ses propres erreurs, c'était important aussi. Quelque fois, elle allait chercher du réconfort chez Rhett, l'ex et ami de sa soeur. Il la connaissait depuis toute petite puisqu'il avait été le voisin des trois soeurs, et il avait toujours su répondre présent malgré leur écart d'âge. C'était presque étonnant d'ailleurs. Alors se confier à Johan, qu'elle connaissait très très peu et sur qui elle s'énervait encore il y a quelques minutes, c'était un peu paradoxale. Mais parfois, elle était comme ça Alicia, il ne fallait pas chercher à comprendre. Même elle ignorait parfois pourquoi elle réagissait de telle manière. Oui, elle ne connaissait pas son père. Etait-ce une tare ? Avec la mère qu'elle avait, elle n'avait certes, pas eu assez d'amour. Mais si son père était du même acabit, c'était un peu un mal pour un bien...

Johan n'avait pas réagi à sa confession, il avait juste eut l'air un peu surpris. Était-ce par le fait qu'elle n'ait pas de père, ou parce qu'elle lui avait dit cela comme s'ils étaient amis ? En tout cas, elle lui avait retournée la question. Après tout, elle lui avait avoué ses problèmes de santé, et même le fait qu'elle avait eu un parent unique. Alors c'était à lui, il était resté mystérieux dessus alors Alicia était d'autant plus curieuse de savoir ce que ce jeune adolescent cachait. Mais elle ne s'attendait pas une seconde à ce qu'il s'apprêtait à lui dire. Elle lui souriait, silencieusement, attendant sa réponse. Mais son sourire s'estompa quand il commença à lui dire que sa vie n'avait pas été facile. La sienne non plus. Il annonçait ensuite qu'il suivait une cure de désintoxication. Ah bon ? Comment ça ? Alicia avait un visage neutre. Les questions se multipliaient dans sa tête. S'il suivait une cure, comment se faisait-il qu'il ait le droit de sortir pour se rendre au lycée ? Et puis, à quoi était-il accro, son ours en peluche ? Elle avait un peu de mal à y croire, mais cela expliquait sûrement ses absences à répétition et le fait que personne ne lui dise rien. "T'es accro à quoi ?" Non, ça ne la choquait pas. Dans le quartier d'Anacostia dans lequel elle avait grandie, c'était monnaie courante de voir de jeunes, très jeunes adolescents voire encore enfants en train de fumer. Alicia n'y avait jamais toucher, enfin, jusqu'à il y a quelques jours ou elle avait fumé, mais simplement des cigarettes. Johan n'avait pas eu une enfance facile apparemment, mais elle non plus. Ils avaient plus de points communs qu'elle ne le pensait. "Et... tu t'en sors ? Ta cure est bientôt terminée ?" Est-ce que ça la regardait ? Non, absolument pas. D'autant que des oreilles pourraient les entendre ici, mais qu'importe. Maintenant, elle voulait en savoir plus sur ce blond.

Est-ce que Johan lui en voulait d'agir avec lui comme s'il était un connard de première ? Non parce qu'au fond, c'est un peu ce qu'il était. Enfin, c'était ce que disait le masque qu'il portait au quotidien, mais derrière celui-ci se cachait la souffrance qu'il avait gardé au fond de lui durant de nombreuses années. Dès son plus jeune âge, après le décès de sa mère, il avait dû apprendre à se débrouiller seul. Les épreuves de la vie s'étaient enchaînés et il avait dû se battre pour rester en vie. Tout cela l'avait endurci c'est un fait, mais quitte à choisir, il aurait préféré être quelqu'un d'autre, avoir une vie presque rose si tout cela aurait pu lui permettre de garder sa mère auprès de lui. Quant à son père, il ne le connaissait pas jusqu'à il y a quelques semaines.

Tout cela avait été compliqué pour lui, voulant se débrouiller seul, il avait enchaîné les mauvaises décisions. D'abord quitter sa terre natale pour partir à la recherche de son père biologique, puis, arrivé à Washington, il avait dormi là où il avait trouvé de la place, que ce soit une station de métro, un squat avec des jeunes drogués ou même sous un pont. Le confort, il avait oublié depuis des années ce que ça voulait dire. Il s'était contenté du strict minimum.

Mais lorsqu'Alicia lui avait révélé n'avait été élevé que par sa mère, il ne put s'empêcher de voir ce point commun comme un rapprochement entre eux. Johan aurait voulu lui demander comment elle était, est-ce qu'elle était comme la sienne ou bien, elle en gardait un mauvais souvenir ? Mais il s'abstient de toute question, d'une part parce qu'il ne voulait pas faire face à celles qu'elle allait lui poser en retour, et parce qu'il estimait que c'était trop personnel pour lui demander de telles choses, alors qu'au fond, ils ne se connaissaient pas.

Finalement, il était arrivé au niveau du sujet sensible : la raison de ses absences au lycée. Il avait espéré qu'en enrobant la chose ça l'aiderait à rendre cette confession plus simple, mais ce n'était guère le cas. Alors il se contenta de lui avouer la vérité. Il était un drogué, voilà ce qu'il était. Il s attendait à tout, sauf à ce qu'elle venait de lui demander. À quoi était-il accro ? Il n'en savait trop rien, il s'était contenté d'ingurgiter les substances qu'on lui donnait en échange de son petit trafic de drogue, et il s'était pas mal fichu de savoir le nom de cette merde. Mais d'après les médecins c'était de la cocaïne et des méthamphetamines. Si Johan était libre de sortir de sa cure, ce qui normalement ne devrait pas être le cas, c'est tout simplement parce qu'il était surveillé. Mais ça, il se retient bien d'en faire part à la jeune demoiselle.

" - Coke et meth.. Je.. J'ai fais l'erreur de penser qu'en me rendant utile, les gens me verraient autrement, finalement ils m'ont utilisé pour leur trafic. Je me suis dis qu'en prendre un ou deux comprimés ne pourrait pas me faire de mal, que ça m'aiderait à relativiser. Pour une prise en entraine une autre, et je me suis petit à petit noyé dedans. Le lycée n'a jamais été facile pour moi tu sais.. Chaque jour où je viens, ça cause un peu plus ma perte.. J'ai voulu oublier tout ça, rendre le quotidien plus facile.."

Il n'avait tout simplement pas envie de lui raconter sa vie maintenant, mais le garçon n'était pas dupe, elle devait savoir qu'il était souvent au centre des rumeurs voire des plaisanteries puériles entre adolescents. Il n'avait jamais été bien vu depuis le jour où il avait mis les pieds dans cet établissement. Son âge sans doute. Mais Johan avait déjà révélé trop de détails sur sa vie pour aujourd'hui.

" - J'essaie.. Je suis encore assez souvent en manque, mais les médecins disent que c'est en bonne voie.. Elle devrait se terminer d'ici un mois et demi normalement.. Mais je ne sais pas si je serai vraiment guéri une fois sorti.."

Est-ce qu'il ne serait plus jamais en manque ? Est-ce les effets pourront se dissiper rapidement ? Le seul verdict des médecins, c'est que malgré sa courte période de dépendance, les doses étaient élevées, mais il a été pris à temps pour soigner sa maladie. Espérons qu'il dise vrai et que Johan ne retouche plus jamais à tout ça.

Donc, Johan était un toxicomane. A 13 ans... Alicia avait presque du mal à y croire tellement c'était improbable. Surtout quand on voyait le jeune homme, ce n'était pas ce à quoi on pensait aux premiers abords. Comme quoi, il faut vraiment se méfier des apparences. En attendant, elle n'avait pas réagi avec étonnement contrairement à ce qu'on aurait pu penser. Parce que, même si elle avait du mal à croire son histoire, elle en avait déjà vu des gamins dans cet état. La jeune adolescente trouvait ça tellement triste et pathétique. Pour en arriver là à cette âge là, il fallait vraiment avoir une vie complétement nulle. La sienne n'était pas fantastique ni enviable, bien qu'elle se soit arrangée, mais elle n'avait encore jamais touché à ce genre de chose. Déjà parce que ça ne lui donnait pas envie. Ensuite parce qu'on en lui en avait encore jamais proposé. Et pour terminer, parce qu'elle savait à quel point ça pouvait être nocif pour sa santé, même si elle était capable de dire le contraire à sa soeur. Les cigarettes, elle avait testé. Et elle n'allait pas recommence de si tôt...Alicia lui avait simplement demandé à quoi est-ce qu'il était accro. Elle avait directement pensé à de la drogue, mais ça aurait pu être un tout autre genre d'addiction, après tout. Il en existe tout un tas.. Bon, elle ne s'était pas trompée. Il était accro à la coke et meth. Il lui faisait presque de la peine, à dire que le lycée n'avait jamais été facile pour lui et qu'il voulait oublier. Au moins, il n'avait pas songé au suicide, se dit elle. C'était déjà ça. Mais quand même, tomber dans ce genre de trafic... Elle l'écoutait attentivement, ne perdant pas une miette de ses paroles. Il était décidé à se confier et Alicia savait que cela ne se reproduirait sûrement pas de suite alors bon, autant en profiter. Il répondait ensuite aux questions de la jeune ado, à savoir s'il s'en sortait et si sa cure se terminait bientôt. Apparemment, c'était en bonne voie pour lui. Mais malgré le fait qu'elle se termine bientôt, il n'était pas sur que cela suffise. Alicia haussa un sourcil, presque inquiète. "S'ils te laissent sortir, c'est qu'ils ont confiance en toi... Et puis, ils s'y connaissent, ils savent si la cure a été efficace ou pas."

Vis-à-vis de quelqu'un d'autre, la jeune demoiselle aurait pu penser qu'il simulait, qu'il disait tout cela uniquement pour se faire mousser et pour attirer l'attention, mais malheureusement, quitte à choisir, il aurait préféré que ce soit plutôt que d'être accro à la drogue alors qu'il n'avait même pas encore atteint quinze ans. Quitte à choisir, il aurait même préféré que sa vie soit totalement différente. Mais comme on dit bien souvent, on ne choisit pas sa famille, et bien lui n'avait pas choisi sa vie. Quel adolescent préférait dormir dans un caniveau plutôt que d'avoir le confort d'un lit douillet ? Qui aimerait côtoyer des jeunes drogués plutôt que des personnes bienveillantes ? Johan n'avait pas fait tout faut que  de gaieté de coeur, il avait simplement fait les mauvais choix suite aux épreuves qu'il avait déjà traversé.

Alors oui, même s'il était surdoué, il y avait encore beaucoup de choses avaient lesquelles il avait du mal à composer, comme le fait de se faire des amis ou même une petite amie, ou tout simplement le fait d'accorder sa confiance à quelqu'un. Il avait toujours fui les choses lorsqu'elles devenaient trop dangereuses à ses yeux, et pourtant, cette fois-ci, sans réellement savoir pourquoi, il avait prononcé ces mots qu'il avait sur le coeur et qu'il n'avait même pas dit à son propre père. Ou alors, le fait de parler à une inconnue, même si c'était avant tout une camarade de classe, était plus simple que de le faire vis-à-vis d'un membre de sa famille. Du seul membre de sa famille qui lui restait.

La vérité, c'est que Johan n'avait plus aucune attente de la vie par rapport à lui. Il ava totalement baissé les bras et il n'y croyait plus. Plus d'une fois, il avait songé que prendre ces comprimés l'aideraient à tout oublier et à en finir plus vite mais il n'avait pas eu le courage de prendre une dose suffisamment nécessaire pour mettre fin à ses jours. Et il lui arrivait parfois de regretter de ne pas avoir eu ce courage. Peut-être devrait-il aussi en parler avec le psychologue qui le suivait ? Là aussi, c'était compliqué de mettre des mots sur la douleur et la souffrance qu'il ressentait.

" - Personne ne peut avoir confiance en moi, il suffit de me regarder pour voir que je ne suis pas digne."

Il était déjà plus d'accord sur le fait qu'ils savaient ce qu'ils faisaient, tout du moins il l'espérait. Mais serait-il assez fort pour affronter les prochains obstacles de la vie sans toute cette force en poudre blanche ? Il n'en était pas certain. Et s'il replongeait ? C'était sa plus grande crainte.

" - La vérité c'est que s'ils me laissent sortir c'est parce que je suis observé. Avant d'aller en cure, je.. J'ai été arrêté avec de la drogue sur moi, les gars avec qui je bossais n'ont jamais donné signe de vie, alors que.. Enfin bref.. Et une agent du FBI m'a clairement sauvé la vie, sans elle, c'est pas au lycée ni en cure que je serai mais plutôt dans un lieu avec des barreaux. Elle a mis deux agents qui se relaient pour me surveiller et s'assurer que je ne trahisse pas sa confiance. Tu vois, même ça, on doute de moi."

Il y avait de quoi en même temps, il avait joué au con, maintenant il en payait les conséquences. Il avait trahi Isaiah et il devait être patient pour se racheter auprès de lui, tout comme auprès de cette femme qu'il ne connaissait pas il y a encore quelques mois.

L'aveu de Johan avait fait bizarre à Alicia. D'abord parce que c'était presque pas croyable, et ensuite parce qu'il s'était confié à elle alors qu'ils se connaissaient que depuis quelques mois. Et puis, ils s'étaient très très peu parlés depuis la rentrée. D'autant plus qu'il y a encore quelques minutes, elle lui criait presque dessus parce qu'il était tout le temps absent et qu'elle devait se taper tout ses cours pour quand il daignait se pointer. Il faut croire que son empathie avait prit le dessus puisque désormais, elle essayait de comprendre ce jeune adolescent pour qui elle développait un peu de sympathie finalement.

Alicia savait ce que c'était, de ne pas avoir une vie facile. Non pas qu'elle veuille concurrencer, ou même comparer avec Johan pour voir qui avait la vie la plus merdique, loin de là. Mais elle pouvait le comprendre, se mettre à sa place. Elle aussi avait grandi avec un seul parent. Et quel parent... Sa mère l'avait tellement laissé livré à elle-même qu'Alicia n'était même pas sûre qu'elle puisse appeler ça avoir une maman. Elle avait manqué d'amour, terriblement, et elle en souffrait encore aujourd'hui. Heureusement que Maureen et Sofia avaient été là parce que sans elle, la jeune adolescente se serait sentie terriblement seule et aurait certainement mal fini. Maintenant, elle vivait avec Maureen et elle se rendait bien compte que malgré tout l'argent, et tout les cadeaux que sa soeur pouvait lui offrir, rien ne pouvait remplacer l'amour dont elle avait manqué enfant. Cet amour si important pour qu'un enfant puisse se construire et se développer sainement. Alors oui, elle avait eu une certaine chance dans son malheur, elle avait échappé aux familles d'accueil puisque ses soeurs étaient majeures et que Maureen avait accepté de la garder avec elle. Sinon, dieu seul sait où est-ce qu'elle serait aujourd'hui, et avec qui. Les services sociaux l'avaient toujours sous surveillance et le moindre faux pas pourrait tout faire sauter. D'autant plus que ses problèmes de santé n'arrangeait rien au problème.

Johan n'était pas sûr d'être complétement sorti d'affaire après sa cure. Alicia lui disait qu'ils devaient avoir confiance en lui pour le laisser sortir. Après tout, il ne fallait pas prendre le risque qu'il rechute avant même qu'il ait terminé sa cure ! Il était autorisé de sortie, c'est donc que cela ne devait pas être si grave que ça, ou bien qu'il était presque sorti d'affaire. Johan lui, trouvait que personne ne pouvait avoir confiance en lui, et qu'il n'était pas digne de cela. N'importe quoi, pensait Alicia! "Non, Johan. Evidemment que tu es digne. Et je suis sûre que je peux avoir confiance en toi." Alors évidemment, pour l'instant ce n'était pas le cas, puisqu'elle le connaissait trop peu pour cela. Mais si elle apprenait à le connaître, elle était certaine qu'elle pourrait lui faire pleinement confiance.

Johan lui avouait ensuite qu'il avait échappé à la prison. Là, Alicia ne put empêcher son visage de parler pour elle. Elle était étonnée, et presque choquée. Alors, elle trainait avec un criminel ? C'était peu croyable ! "Alors, montre leur qu'ils ont tords de douter de toi !" Alicia avait envie que Johan se batte, qu'il montre à tout le monde qu'il pouvait s'en sortir et qu'il réussirait.

Pourquoi Johan s'était confié ? Il n'en avait aucune idée. Peut-être parce qu'il avait besoin de connaître l'avis d'une personne qui ne serait pas son père. Une personne avec un avis neutre, qui ne voudrait pas le blesser en lui disant la vérité. Et c'était comme si Alicia cochait toutes les cases. Avec elle, il savait qu'il ne risquait pas d'être privilégié, pas vu la manière dont elle l'avait accueillie lorsqu'il s'était pointé devant elle. Mais au fond, il ne savait toujours pas pourquoi il parlait autant, lui pour qui d'habitude, il faut lui tirer les vers du nez pour qu'il y ai un semblant de discussion avec son interlocuteur.

Il s'était confié sur son enfance, sur le fait que seul sa mère l'avait élevé. Vu le visage de la jeune brune, ce devait être pareil pour elle, mais peut-être même encore en pire. En tout cas, elle ne dit rien à ce sujet. Et ce n'était pas le but après tout. Enfin, de base, ce n'était pas non plus le but qu'il se confie à elle. Mais puisqu'il était lancé, il semblait ne plus pouvoir s'arrêter. Lorsque sa mère était encore là, il n'avait jamais manqué de rien, il avait eu tout l'amour nécessaire, tout comme, même s'ils ne vivaient pas sur l'or, il n'avait jamais eu à se plaindre. Il savait qu'il n'était pas dans une situation dramatique. Mais depuis le décès de celle-ci, il était totalement perdu. Devenir autonome alors qu'il est à peine âgé de quatorze ans.

Il aborda ensuite ses doutes concernant l'issue de sa cure de désintoxication. L'allemand n'était clairement pas certain qu'après celle-ci il soit apte à reprendre une vie que les médecins appelaient normale. Il n'avait jamais eu une vie normale, et ce n'est certainement pas dans la situation qu'il vit qu'il va pouvoir juger de ce qu'est une vie normale. Alicia semble persuadée que les médecins lui font confiance, sinon, ils ne l'auraient pas laissé sortir. C'était trop dangereux pour lui. Malgré cela, il était certain qu'il n'était pas une personne de confiance, personne ne souhaitait se confier à lui, il attisait plus la moquerie que la confiance. Les paroles de la jeune demoiselle pourraient le rassurer. Si Alicia le pensait digne de confiance alors il était tranquille, et il est vrai qu'il appréciait qu'elle lui fasse confiance, qu'elle se confie à lui, mais ce n'est pas quelque chose que l'on fait sur demande. Ça se fait naturellement sans que quelqu'un ne puisse l'impacter.

Pour finir, il lui confia la dernière épreuve en date qu'il avait dû avoir à vivre. La prison, ou plutôt la non-prison. Il y avait échappé de peu et il était plutôt heureux de ne pas y être. Pourtant, si la situation n'avait pas tourné en sa faveur, c'est derrière des barreaux qu'il devrait être à ce moment précis. Ce n'est pas pour autant qu'il est considéré comme un dangereux criminel, c'était simplement un gamin perdu rien de plus, et c'est ça que Carson avait compris en le voyant désorienté.

" - Pourquoi je leur montrerai quelque chose qui est faux ? Je ne suis pas quelqu'un de bien Alicia, il suffit de voir les mauvais choix que j'ai fais. Puis de toute façon, je ne suis pas certain que me battre contre ces gens changent quoique ce soit.."

Il était tout simplement résigné. Plus aucune envie de se battre, de prouver qu'il en valait la peine, parce qu'il était sûr du contraire. Si ça se trouve à cet instant précis, une personne engagée par le FBI était dans le lycée, non loin d'eux et pouvait entendre leur conversation. Avec tout ceci, Johan était devenu presque paranoïaque.

Johan s'était vraiment confié à Alicia et la jeune adolescente s'était montrée empathique envers lui. Peut-être que c'était parce qu'elle se retrouvait un peu dans sa personne. Leur vie compliquée, élevée par un seul parent... Sauf que la jeune fille elle, avait finalement été plutôt bien entourée à la suite. Certes, sa mère avait perdu sa garde, mais elle avait eu la chance de se retrouver non pas à la rue, ni dans une famille d'accueil, mais chez sa soeur. Et éternellement, elle lui en serait reconnaissante, à jamais. Même si Maureen avait parfois trop de choses à dire sur son comportement, et qu'elle se sentait un peu brimée, elle aimait sa soeur plus que tout au monde. Et presque comme une mère.
Elle ne le connaissait que depuis peu de temps, et ne lui avait parlé que depuis quelques minutes, et pourtant, elle ressentait une certaine confiance en lui. C'est pourquoi, elle insistait sur le fait qu'il était digne, et qu'elle pensait pouvoir avoir confiance en lui. Elle en avait profité pour dire à Johan qu'il devait montrer à tout ces gens qu'ils pouvaient avoir confiance en lui, qu'il fallait qu'il leur montre qu'ils avaient tords de douter de lui.

Sauf que, même si Alicia avait fait en sorte qu'il soit confiant, cela n'avait pas marché. Bon, on ne le devenait pas en si peu de temps et grâce à une personne qu'on connaissait peu, mais elle espérait quand même l'aider un peu à prendre confiance en lui, et en ses capacités surtout. Mais elle fut un peu désappointé par la réponse de Johan. Il semblait refuser toute aide, et se dénigrer encore et encore. Pourtant, Alicia, elle, était persuadée qu'on ne naissait pas en étant quelqu'un de bien, ou quelqu'un de mal. C'est nous qui faisions le choix de l'être. Nos décisions. Nos rapports sociaux. Mais on pouvait toujours changer le cours des choses, elle en était persuadée. C'était certain, et pour Johan, rien n'était encore perdu, elle le savait. "Tes mauvais choix, c'est du passé. Aujourd'hui, tu peux décider de changer. Mais il faut le vouloir..." Et elle ne le sentait pas encore prêt pour cela, apparemment, même si elle espérait le contraire. Il faudrait qu'elle parle à son ami avec qui il trainait souvent. Lukyan qu'il s'appelait, dans ses souvenirs. Certainement qu'il pourrait l'aider lui aussi. A deux, ils y arriveraient peut-être mieux. "Tes mauvais choix ne définissent pas la personne que tu es Johan..." Et encore heureux. Sinon, il y a un paquet de personne qui auraient fini en enfer.