Maureen ψ Low on self esteem, so you run on gasoline.

« Qu’est-ce que tu fais dans ma cachette ? »,  elle n’est pas haut comme trois pommes que déjà, elle ne sait pas garder sa langue dans sa poche. Les escaliers de secourt n’étaient pas à elle et pourtant, si elle avait décidé que si, alors dans sa tête, c’était véritablement le cas. Ses prunelles noires charbon étaient rivées sur ce petit garçon qu’elle avait eu l’occasion d’apercevoir pratiquement toute sa vie. Et puisqu’elle avait cinq et qu’elle n’était plus un bébé maintenant, on pouvait dire que ça faisait un sacré bail. Elle avait les bras croisée sur sa poitrine plate, un sourcil arqué alors qu’elle semblait véritablement attendre une réponse mais à la place, elle se laissait distraire par une chose qui lui sembla alors plus importante. Elle s’approcha du petit garçon, leva sa petite main pour lui toucher les cheveux. « T’as une coupe étrange. », elle tire un peu sur une mèche comme pour vérifier si c’était ou non des vrais cheveux. « On dirait un champignon en or. », elle sourit et s’assoit en tailleur à côté de l’autre enfant. « Peut-être que si on vendait tes cheveux, on pourrait s’acheter pleins de bonbons ! », elle a l’air véritablement excitée à cette perspective. Maureen aimait beaucoup les bonbons. Comme tous les enfants, probablement. De la poche de son petit short, elle sortait un toffee qu’elle gardait précieusement. Attendant avec une patience qui n’avait rien d’enfantine le bon moment pour s’en délecter. Si Maureen aimait les bonbons, il était rare qu’elle puisse en manger. Parce que sa mère préférait acheter son jus dégoutant en lieu de lui faire ce plaisir simple. Mais celui-là, on le lui avait offert. D’ailleurs, c’était la maman de ce petit garçon qui le lui avait offert une semaine de cela alors qu’elle l’avait aidé à monter chez elle une brique de lait. Elle était gentille sa voisine et elle semblait ne pas avoir assez d’mains pour tout monter chez elle. C’est tout naturellement qu’elle lui était venue en aide même si avec ses petits bras, la tâche s’était avérée plus ardue que prévue. « On peut partager ma cachette. », elle découpe la friandise avec ses dents et lui tend l’autre moitié qu’elle n’avait pas la bouche. Elle a un large sourire sur ses lèvres, les yeux qui pétillent. « Ce sera notre cachette. ». Et cette cachette secrète, où eux seules étaient autorisés furent visité d’innombrable fois. C’est ici qu’elle venait se réfugier à chaque fois qu’elle en ressentait le besoin, c’est avec lui, qu’elle trouvait le réconfort. Il n’avait pas besoin de parler, en réalité, au reflet de leur première rencontre, les monologues de Maureen étaient fréquents mais elle savait qu’il écoutait. De toute manière, que pouvait-il bien lui répondre quand elle lui racontait qu’elle avait une fois encore dû sortir la tête de sa mère de son vomi pour l’aider à prendre un bain et se coucher. Que pouvait-on répondre à une gamine qui devait s’élever toute seule. Qui n’avait une mère qui n’en était pas un et un père qui n’était qu’un inconnu ? A une gamine qui voyait, sentait, mangeait la misère et vivait la pauvreté. Non, elle ne mangeait pas toujours à sa faim. Oui, elle portait bien souvent des vêtements bien trop grands ou bien trop petits mais plus qu’usagés. Que pouvait-on dire à une gamine qui rencontrait un nouvel ami de sa mère tous les quatre matins. Qui se prenait des coups, des vilaines remarques ou encore des mains au cul ?  Qui en plus devait supportés les violentes engueulades, les cris, les objets qui se brisent quand finalement la relation arrivaient à terme ? Mais elle préférait ceux-là aux gémissements et grognements. Au bruit de chairs qui se cognent, se percutent. Ouais, tout était mieux que de l’entendre baiser. Qu’avait-il à répondre à une gamine qui devait et prendre soin de sa mère et prendre soin de sa sœur, qui n’avait au final que trois ans de moins qu’elle. Rien, il n’y avait rien. « Tu dors chez toi ce soir ? », elle hausse les épaules et sort la cigarette qu’elle a piquée au copain actuel de sa mère et des allumettes qui trainaient dans la cuisine. Ils s’étaient demandé ce que ça faisait de fumer et aujourd’hui était le jour où ils se risquaient à essayer. « Non. », elle lui répond avec un petit sourire. De toute manière, ses nuits, elle les passait le plus souvent dans son lit. Elle lui tend la clope et les allumettes. Elle ne se dégonflait pas mais s’il essayait avant, elle serait plus confiante. Puis, c’était lui, l’homme. Et pendant un temps, il fut celui qu’elle pensait être l’homme de sa vie.

Dans les méandres de sa défonce, elle s’enfonce. Dans la merde qu’était sa vie, elle continuait de creuser. C’est à l’école de médecine qu’elle aurait dû être et pourtant, la réalité était tellement loin de ce dont elle avait longtemps rêvé. Mais le choix, l’avait-elle réellement eut ? Qui aurait pu laisser sacrifier sa propre sœur sans lever le petit doigt. La chaire de son sang, sa responsabilité. Un matin, elle s’était réveillée et elle avait perdu tout ce qui pouvait alors compter à ses yeux. L’amour de sa vie, ses rêves de grandeurs, son intégrité, son honneur, son identité. Qu’avait-elle pour mériter un tel châtiment ? Maureen n’avait fait que vouloir protéger les gens auxquels, elle tenait. Quel qu’en soit le prix. Elle avait laissé partir Rhett parce qu’elle avait eu peur pour lui. Il n’aurait pas dû s’interposer, il n’aurait pour une fois pas dû ouvrir sa jolie bouche. Il savait qu’elle avait l’habitude d’encaisser les abus des nombreux petits-amis de sa mère et pourtant, il n’avait pas trouvé de meilleure idée que de s’interposer ce jour-là. Mais Leonardo n’était pas un homme contre lequel on pouvait tenir tête sans s’attendre à des représailles. Et ça aurait probablement viré en bain de sang si elle n’avait pas fait en sorte que ces deux-là ne viennent plus à se croiser en rompant tout contact avec Rhett. Ça avait été difficile mais sa décision avait été motivée par son amour pour lui, son désir de le protéger à tout prix. Elle était toujours surprise de se rendre compte à quel point est-ce qu’il avait facilement encaissé cette rupture. Parce qu’au bout du compte, on parlait d’une amitié si vieille, d’une complicité fusionnelle et d’un amour inconditionné. Mais il n’avait pas demandé son reste et quand ce fut l’heure de se rendre à l’université, il était juste parti. Et bien qu’elle ait été blessée par sa capacité à la laisser partir, elle s’était dit que ce n’était pas bien grave. Qu’un jour, ils finiraient par se retrouver. Que ce jour-là, il serait ce politicien influent et elle serait ce médecin compétent. Que leur amour était intemporel, éternel et à l’épreuve des balles. Que ce jour-là, elle aurait enfin la force ou le courage de lui dire ce secret qu’elle trainait derrière elle depuis bien trop longtemps déjà. Peut-être que ce jour-là, elle pourrait lui dire qu’ils étaient parents. Que ce jour-là, elle accepterait enfin son rôle de génitrice, qu’elle saurait être une mère pour sa fille. Et qu’ensemble, ils l’annonceraient à Alicia. Qu’elle n’était pas sa sœur mais en réalité le fruit d’un amour si fort et si pur. Mais au bout de ce rêve, elle réalisait qu’elle ne l’y rejoindrait jamais quand un matin Leonardo cogna à la porte du petit appartement qu’elle partageait avec sa mère Anitta, sa sœur Sofia et sa fille, Alicia. Mais Alicia n’était pas présente ce jour-là, la gamine de quatre ans n’avait de toute manière pas besoin d’assister à ça. Sofia n’avait seulement que quinze ans mais ça n’empêcha pas l’ex de sa mère de l’accuser de l’avoir volé. Il était question d’une grosse quantité de drogue qu’il exigeait qu’elle lui rembourse. Maureen avait envie de croire que sa sœur n’avait pas fait ça, qu’elle n’avait pas été aussi stupide mais elle était plus intelligente que cela. Sofia était peut-être jeune mais elle était tombée dans la mauvaise fréquentation bien plus jeune encore. « Je vais le faire ! Je vais te rembourser ! », Elle n’avait pas réfléchi, elle avait juste ouvert sa grande gueule sans véritablement penser aux conséquences. Il était juste hors de question pour elle que sa petite sœur soit enrôlée dans le bordel de Leonardo pour effacer sa dette. Son putain nom d’emprunt aurait pu être Katniss Everdeen. Sofia avait essayé de l’en dissuader, avait essayé de la faire revenir à la raison qu’elle disait. Mais elle n’avait pu être plus lucide en faisant le choix de se sacrifier pour sa jeune sœur. Aussi loin qu’elle se souvienne, elle l’avait toujours fait. Mau avait toujours saigné pour les gens qu’elle aimait et cette fois-là, l’entaille était bien trop profonde pour qu’elle n’espère être un jour sauvée. Elle n’a pas crié, elle n’a pas pleuré, elle n’a pas supplié la première fois qu’elle a été forcé de vendre son corps pour une petite poignée de dollar. Elle a mordu l’oreiller, elle a encaissé sur le ventre en fixant le mur craquelé. Et une part d’elle est morte ce jour, là. Celle qui se respectait encore.

Du dos de sa main, elle se frottait l’arrêt du nez, elle reniflait, cherchait à ne laisser échapper aucun reste de poudre blanche de ses narines. Cette dernière année avait été une illusion, un mirage, un semblant d’utopie. Naïve, elle avait pu être de croire qu’elle aurait droit à cette vie normale, à cette vie banale. Mau avait bel et bien recroisé Rhett mais ça n’avait pas été comme elle l’avait originellement imaginé. Elle était bien responsable d’Alicia mais ça encore, loin d’être comme elle l’avait prévu. Ça ne devrait pas être surprenant. Toute sa vie était loin d’être comme elle l’avait rêvé. Mais l’espace d’une année entière, elle avait réellement pensé qu’elle pourrait s’en sortir. Que même si sa vie n’était pas comme elle l’avait longtemps voulu, elle pouvait être heureuse. C’est dans les bras de Trey qu’elle trouva son bonheur, dans un petit diner qu’elle retrouva une vie normale. Elle était une jeune femme de vingt-quatre ans qui malgré tout avait encore la vie devant elle. Cette année-là, elle n’avait pensé qu’à elle, au fait qu’elle méritait que la vie se décide de nouveau à lui sourire. Elle vivait chez son homme, jouait au joyeux petit ménage. Et le pire c’était qu’elle avait été heureuse, véritablement et sincèrement. Mais de son petit nuage, la chute fut brutale. Un jour, elle avait un appel de sa mère qui lui disait que sa propre fille qu’elle lui avait abandonné était à l’hôpital. Dans la foulée, s’ensuivit des petits soucis avec les services sociaux et elle n’avait plus d’autre choix que d’assumer ses responsabilités. C’est derrière le dos de son petit-ami actuel qu’elle alla trouver celui qui l’avait sorti du bordel, son ex-petit-ami, Rhett. Il lui fallait de l’argent, beaucoup d’argent mais Maureen avait bien trop de fierté pour demander de l’argent. Oh ça, beaucoup trop. A la place, elle opta pour reprendre du service dans le milieu de la position mais cette fois, elle espérait le faire au sommet de la chaine alimentaire. Elle avait besoin d’argent pour récupérer sa fille, besoin d’argent pour payer ses frais médicaux et ses médicaments et c’est de cette manière qu’elle choisissait de le faire. Parce qu’après, c’était tout ce qu’elle savait faire. Encore une fois, elle relayait sur les compétences de son alter-ego Raquel pour la sortir du pétrin. Une fois encore, elle se sacrifiait par amour mais cette fois, ce serait bien la dernière. Ses choix l’amenèrent à perdre le deuxième homme qu’elle s’était risquée à aimer et il lui avait fait comprendre qu’elle ne pourrait jamais espérer l’amour quand elle n’était qu’une pute. Les putes, on ne les aimait pas. On les baisait. Ce qu’elle trouvait ironique, au final. Puisque Trey avait été le seul client qui lui avait laissé croire le contraire. Il l’avait aimé alors qu’elle n’avait été qu’une pute mais c’était bien la preuve que ce genre de futilité n’était pas pour les femmes comme elle. Ces femmes d’une seule nuit, ces filles de joie. Elle sortait sa carte bancaire et se traçait fébrilement une autre ligne de coke. Tant qu’elle aurait ça, elle pourrait tenir le coup. Tant aurait la coke et Alicia. Son seul objectif à présent était d’offrir à cet enfant de onze ans la vie qu’elle mérite. Mau savait que ça ne rattraperait pas les années de misère à grandir élevée par un parent minable et en plus de ça le faire dans la pauvreté et la solitude. Elle le savait parce qu’elle lui avait fait vivre par son égoïsme, sa propre enfance. Si elle l’avait abandonné à la naissance, si elle avait eu le cran, jamais elle n’aurait souffert autant mais elle était faible, n’avait aucune volonté. Et bordel, elle avait été tellement jeune. Le fait de lui offrir une belle vie aujourd’hui  n’enlevait rien au fait qu’elle était toujours une mauvaise mère mais ça, ce n’était pas bien grave puisqu’elle était bien la seule à le savoir.

Je vis une double vie et parfois, je ne sais plus qui je suis. Je suppose que c’est souvent le cas quand on a une double identité. Une double personnalité. Parfois, j’ai l’impression d’être folle, d’agir comme une personne que je ne connais pas. Mais Raquel est forte, Raquel est bonne. Raquel met la bouffe sur la table et Raquel me protège.  Mon corps est le foyer de tant d’hommes et mon cœur un sanctuaire bafoué, abusé. Je suis celle que l’on attend de moi, je joue mes rôles avec perfection. Je vis mes secrets tous les jours. Incapable de leur tourner le dos, impossible de faire comme s’ils cessaient d’exister. Je suis une mère, je suis une pute. Ces deux vies ne sont pas conciliables mais ce sont les miennes. Les deux sont inconnus aux yeux du monde et j’en suis la seule gardienne de mes secrets. De leur totalité, en tout cas. Quelques personnes ont des pistes, ont une moitié de vérité. Mais dans l’intégralité, je suis la seule à porter le poids du silence. J’anesthésie mes démons en les saupoudrant de blanche. A petit feu, je tue chaque cellule de celle que j’avais pu un jour être. J’oublie tous mes rêves de grandeurs et je ne cherche que la facilité. La vie aisée, loin des problèmes, loin des besoins. Aujourd’hui, je loge dans l’un des quartiers les plus friqués de cette ville et à mes pieds se trouve le monde que je n’ai pourtant jamais quitté. Je suis un corps astrale, je n’ai pas de maison, pas de répit. Je fais ce qu’on attend de moi, je donne le service pour lequel on me paie. Et tout l’argent que je me fais n’a aujourd’hui plus aucune importance. Je dépense sans compter alors qu’avant, j’économisais jusqu’au plus petit centime. Mes vêtements et mes chaussures sont griffés alors qu’avant, elles étaient usées, déchirés, troués. Mes cheveux sont brillant, mon sourire éclatant, mes ongles élégants. J’ai tout mais je n’ai rien. Je suis riche mais mon âme n’en est qu’appauvri. Je me mêle à la haute. Je leur extorque leur frics pour du cul et des informations compromettantes ou cruciale. C’est pour moi moyen de payer à Rhett la dette que je lui dois. Parce que bien que je le repousse, que je le garde à distance, vivre sans lui dans ma vie, je n’en ai pas envie. De la vie, je veux tout. Et dans mon ascension, viendra ce moment fatidique où mes ailes, je me brulerai. Je le sais. Ma vie n’est qu’une succession de haut, de bas et de très très bas. Viendra le moment où je me pèterais l’aiguille de mon Louboutin et je me pèterai la gueule mais je souffrais d’euphorie, d’inconscience. J’essaie d’être une bonne mère. Pardon, une bonne sœur. Je me démène pour offrir à Alicia les meilleurs soins, la meilleure éducation. Tout absolument tout. Pourvu qu’elle ne devienne pas comme moi. Pourvu qu’elle soit meilleure que moi. Qu’elle puisse vivre ses rêves et non les rêvé comme sa mère.