Jennifer (Aujourd'hui, je ne fais rien. Et si j'ai pas finis, je continuerais demain).

J'étais assise à même le sol, dans ma chambre, ou devrais-je dire, ma future ancienne chambre puisque demain, je ne vivrais plus ici. Sur l'armoire entre ouverte, était suspendu un sac opaque dans lequel se trouvait ma robe de mariée. Je ne faisais rien de particulier, je réfléchissais. J’essayais de me souvenir si j’avais eu raison ou tort de dire oui à Lester, car à dire la vérité, je ne me souvenais plus pourquoi j’avais dit oui. Je l’avais rencontré alors que j’avais seize ans et que je venais d’intégrer un nouveau lycée. Il faut dire qu’à la mort de ma mère, alors que je venais d’avoir treize ans, papa et moi avions quitter la ville de Portland, ou je suis née. Au départ, il pensait pouvoir concilier mon éducation et son travail ; il est militaire, ou plutôt, il était militaire ; il devait constamment se déplacer et maintenant que maman n’était plus là, je devais le suivre, ce qui n’était guère simple, on peut le dire. Je ne connaissais pas grand-chose de mon père, il ne connaissait pas grand-chose de moi, on se voyait rarement car parfois, il partait pendant plusieurs mois, maman avait peur qu’un jour, il parte et ne revienne jamais, et pourtant, c’est à elle que c’est arriver. Médecin généraliste, elle avait dû rester tard, à cause d’une urgence, le problème c’est que lorsque son patient est parti et qu’elle a fermé le cabinet, il est arrivé. Surgit de nulle part au milieu de la nuit, un taré de Junkie, qui avait besoin de sa dose. Il savait qu’en tant que médecin, maman avait des médicaments dans sa réserve. Évidemment, elle ne voulait pas lui en donner, pour elle, s’était céder à la facilité, elle préférait l’aider autrement, il a répondu en la poignardant. Fin de l’histoire. Au bout de six mois à changer d’école toutes les semaines ; c’est de l’exagération ; mon père à décider qu’il était grand temps de changer de vie et de métier. Nous vivions désormais à Seattle où il a réalisé son rêve, celui d’ouvrir une galerie d’art. Je me souviens, quand j’étais petite, les rares fois où il était à la maison, il passait des heures dans ce que je croyais être son bureau, en fait, il s’agissait d’un atelier où il peignait, ou il sculptait. Je n‘ai pas un œil très critique en matière d’art, pour tout dire, je n’y connais rien, j’ai du mal à voir un chef d’œuvre dans un cercle rouge sur une toile entièrement blanche, mais voilà, de l’avis de celles et ceux qui visitaient la galerie, mon père est un génie. Je veux bien, mais à ce moment-là, ça ne nous faisait pas manger à notre fin. Jusqu’au jour où cette femme est venue. Une russe, il me semble bien, aux vêtements qu’elle portait, j’ai tout de suite compris qu’elle était blindée de pognon. Et je n’avais pas tort, elle en avait plus que vous ne pouvez l’imaginer. Elle a acheté la totalité de la galerie. Il ne restait absolument rien. Rien, si ce n’est un chèque avec un paquet de zéro. Je crois bien que je n’avais jamais vu mon père aussi heureux. Nous sommes restés encore quelques temps à Seattle, jusqu’à ce que, trop languie de ma ville natale, je demande à revenir là-bas. J’avais des amies, elles me manquaient. Alors, nous sommes retournés à Portland, mais les choses étaient différentes. Je n’étais plus une fille parmi d’autres, j’étais la fille de Chris Fitzgerald, nouveau peintre et sculpteur des stars ; car la russe était une célébrité, mais me demandez pas son nom, c’est imprononçable ; j’étais devenue la fille à connaitre et si, au départ, ça me plaisait de pouvoir me vanter que Madona avait acheter deux tableaux à mon père, j’en ai vite eu marre. Nous avons déménagé en janvier, au beau milieu de l’année scolaire, mais pour la première fois depuis trois ans, j’avais enfin la possibilité de choisir ou je voulais aller : un lycée public. J’en avais plus qu’assez de devoir supporter les regards et les critiques chaque fois que j’avais le malheur de porter la même paire de chaussures deux fois dans le mois. A croire que pour les riches, seule l’apparence compte, que le reste n’a pas d’importance. Je suis une personne naturelle, je ne suis pas matérialiste et j’en avais assez d’évoluer au milieu de personnes qui n’ont que ce mot à la bouche : le luxe. L’argent ne fait pas le bonheur, loin de là et maintenant que ma famille en avait, je me rendais compte que c’était tout l’inverse, j’étais malheureuse. C’est lors de mon premier jour dans ce nouveau bahut, que j’ai fait la connaissance de Lester. J’ai tout de suite vu qu’il était comme moi, qu’il venait du même milieu et qu’il tentait d’y échapper par tous les moyens, en s’inscrivant dans un lycée de quartier tout simple. Son père était le maire de la ville, sa mère dirigeait le Country Club. Sa famille faisait presque tous les jours la une des journaux, toujours souriante, l’image même de la famille parfaite. Mais s’était loin d’être le cas, en apprenant à le connaitre, j’ai vite compris que les apparences étaient trompeuses. Son père est un homme violent, il se prend souvent des coups, trop souvent. Quant à sa mère, c’est une coquille vide, elle est là, sans être là. Elle ne donne jamais son avis, elle se contente de se laisser vivre. Lester et moi, nous sommes rapidement devenus amis, puis très vite l’amour a pris le dessus. On se ressemblait beaucoup lui et moi, on s’entendait bien, il me faisait rire aux larmes, il me faisait rêver, alors il m'a demandé de l’épouser il y a un an et demi, j’ai très vite accepté. Je n’avais pas terminé mes études, certes, mais lui non plus, mais c’était sans importance. Le problème, c’est qu’en organisant le mariage avec ma future belle-mère, j’ai fini par me rendre compte que je ne voulais pas de ça. J’aimais Lester, mais je ne l’aimais plus de la même façon, l’amant, puis le fiancé avait fini par devenir le meilleur ami et on n’épouse pas son meilleur ami. Voilà, c’est à ça que je pensais, cet après-midi-là, assise sur le sol de ma chambre.

  « Qu’est-ce que tu fais ? » me demanda Lester, dont la silhouette se dessina devant moi. Je ne l’avais pas entendu arriver. « Rien. En fait, si. Je réfléchissais ! » répondis-je, en levant les yeux vers lui. « Et tu réfléchis à quoi ? », ajouta-t-il, en s’asseyant à côté de moi. « A moi, à toi. A nous. » C’était vague, comme réponse, mais à son regard, j’ai compris qu’il se posait des questions lui aussi. « Je crois qu’on est en train de faire la plus belle connerie de notre vie ! » m’indiqua-t-il alors, avec un pâle sourire. Est-ce vraiment ce qu’il pensait ? J’avais peine à le croire. Je n’avais rien vu venir. Comme moi, ses sentiments avaient fini par redevenir amicaux. J’étais sa meilleure amie et j’allais devenir sa femme. C’était étrange. On est resté là, de longues minutes, silencieux et puis, j’ai retiré ma bague. On ne pouvait pas faire ça, on ne pouvait pas se marier et prendre le risque de perdre la chance de rencontrer la bonne personne. Je dois dire que c’était un soulagement de lui avoir parler. Le plus difficile, c’était d’annoncer la nouvelle à nos parents. Je ne craignais pas la réaction de mon père, c’est celle de son père que je craignais. J’avais peur qu’il ne s’en prenne à lui, qu’il ne l’accuse d’avoir gâcher l’opportunité d’épouser une fille riche, mais finalement, j’avais tort. Le bonhomme n‘a rien dit à son fils, c’est à moi qu’il s’en est pris ! J’ai tout pris dans la figure, j’étais une idiote irresponsable, j’avais gâché la vie de son fils, la sienne et celle de mon père. Il a même été jusqu’à me rendre responsable de la mort de ma mère. Et c’est pour cette raison, au fond, que j’ai choisie de partir, de quitter Portland. Mon père à bien essayer de me retenir, mais je n’ai pas cédé. Je ne me reproche rien si c’est ce que vous voulez savoir, mais j’avais besoin de prendre du recul. De ne plus vivre dans une ville où je suis la fille de Chris Fitzgerald, celle qui a rompu ses fiançailles la veille de son mariage. Je voulais devenir une fille comme les autres, quelle n’a donc pas été ma surprise, lorsque mon père m’a annoncé qu’il m’avait trouvé un appartement en colocation, avec le fils d’une de ses clientes. Je ne savais pas vraiment de qui il s’agissait, mais j’étais furieuse. Je me trouvais assez adulte pour trouver un logement sans son aide, et surtout pour quoi faire ? Garder un œil sur moi ? Je crois que c’est le cas, parce que depuis six mois, maintenant que je vis avec ce type, j’ai l’impression d’être en prison. Oh, je suis libre de sortir comme bon me semble, ce n’est pas le problème, mais on ne se parle pas, on s’engueule ! Il me prend pour une écervelée qui n'en veut qu'à son argent, je le prends pour un pervers. Bref, ça clash assez souvent, pour ne pas dire tout le temps, entre nous. Au fond, je n'ai rien contre lui, mais n'aime pas que l'on me dicte ma conduite ou que l'on me colle une étiquette. En bref, entre lui et moi, ce n’est pas l'amitié rêvé par mon père. Mais qui sait, peut-être que ça viendra ? En tout cas, j'ai terminé mes études là-bas, à Washington et je suis resté en contact avec Lester, après tout, je ne le déteste pas et lui non plus, cette rupture, nous l'avons décidée ensembles.