J'ai trop bu M'sieur l'agent /Isaiah

Je ne connaissais pas les détails du quotidien des gens faisant partie des forces de l’ordre, jamais cela ne m’avait frôlé l’esprit d’en faire partie même, malgré cette envie d’aider les autres qui avait dicté la voie à suivre, mais je me doutais bien qu’il y avait un code de déontologie que les policiers se devaient de suivre, avec une série de choses qu’ils pouvaient dire et ne pas dire en présence de quelqu’un dans une situation donnée. Enfin, il devait y avoir ce genre de chose dans chaque métier. En enseignement, il était évident que certaines choses ne se disaient pas, devaient être prises avec des pincettes, ce genre de choses-là. Et connaissant l’importance de ce genre de situation, l’éthique professionnelle et tout ce qui venait avec, quelque chose me disait que lorsque l’agent n’allait pas me juger, que personne n’allait me juger dans cette situation, il le disait parce qu’il n’avait pas le choix, parce qu’il ne pourrait pas commencer à rigoler, qu’importe à quel point pathétique je pouvais paraître. Pourquoi son regard serait différent de celui des autres ? Pourquoi serait-il en mesure de venir tout changer ? Normalement, je n’avais pas de problème avec les gens de l’ordre, admirant même leur travail, leur dévouement, mais là, je devais admettre que je n’étais pas tant convaincu, voire même peu confiant. Mais sachant que c’était moi qui avait des ennuis et pas cet homme, je décidai de passer outre, me contentant de répondre par un simple grognement. Sobre ou pas, ce n’était pas tant mon genre de réagir de la sorte, sauf que dans le cas présent, je ne savais que dire, sans parler du fait que toute cette histoire, malgré ma consommation de café, qui n’avait servi qu’à absorber quelque peu de l’alcool qui me restait dans le corps, était en train de me peser, était en train de jouer sur ma fatigue et mon état d’esprit. Malgré tout, je fis mon possible pour tenter de tenir la conversation, même si je sentais qu’elle était en train de se changer progressivement en monologue, monologue sur ma vie personnelle que je ne pensai clairement pas avoir ici et maintenant. Enfin, je ne pensais pas non plus me retrouver dans un bar à boire sans fin, sans fond, comme je ne pensais pas remettre en question mon mariage une bonne fois pour toutes, au point de ne pas me voir retourner chez moi. En fait, si je m’écoutais, ici et maintenant, je ne rentrerais pas chez moi, voilà tout, et ça ne semblait pas être une si mauvaise idée, au vu de ce que l’homme vint à me dire. Mais ne me voyant pas élaborer, ou appeler qui que ce soit, je me contentai d’hausser les épaules, et dire:  « Encore faut-il que je sorte d’ici. » avec une pointe d’ironie, même si au fond, je me demandais aussi combien de temps faudrait-il qu’il me garde comme ça, à me fixer alors que c’était sans intérêt. Puis, les heures vinrent à passer, et le lendemain matin, à une heure que je ne saurais dire, on me permit finalement de sortir de la salle, ce que je fis après m’être adressé à l’agent, pour lui dire:  « Merci… Et désolé. », estimant que ce n’était pas de trop de l’avoir accaparé de la sorte alors qu’il aurait pu faire certainement plus intéressant. Ensuite, j’allai récupérer mes affaires, non sans signer quelques papiers, me laissant quitter avec un horrible mal de tête, non pas seulement en raison de l’alcool, mais aussi de toutes ces lourdes décisions que cette nuit m’avait poussé à prendre et qui, je le sentais, allaient changer ma vie à partir de ce moment.