Post Boysband - Levi

Il y avait quelques mois de cela, quand on me demandait quel était mon métier à l’hôtel, je ne me posais pas la question, je disais simplement que j’étais chasseur, portier, tout dépendant du terme le plus approprié et de la personne à qui je m’adressais. Je n’en avais aucune honte, même si je savais que c’était un métier tout simple, tout banal, parce qu’au vu de ce que j’avais vécu précédemment, au vu de comment ma vie avait changé pendant cette dernière année et demie, j’étais limite fier d’être parvenu à me trouver un métier acceptable, et surtout de le garder, sans ressentir quelconque frustration du côté de mes supérieurs. Il y avait de cela environ trois semaines, si on m’avait posé la question, j’aurais répondu la même chose, réfléchissant au fait d’ajouter que je chantais au bar de l’hôtel à l’occasion. Maintenant, depuis quelques choses, je ne pouvais pas me contenter de cette réponse. Je ne me souvenais même pas quand on m’avait demandé de pratiquer mon métier initial, étant devenu limite un substitut, raison étant que maintenant, sans vraiment que je m’en rende compte, on m’avait assigné au bar de l’hôtel. Parfois, tout dépendant de la masse de gens, c’était l’après-midi, parfois c’était en début de soirée. On ne m’avait pas encore demandé de le faire en fin de soirée, et de toute façon, je ne planifiais pas le faire. Petit à petit, je prenais contrôle de cette occupation qui, au final, était devenue la mienne, le premier l’ayant fait n’étant jamais revenu, et j’étais capable d’établir mes limites, comme celle de travailler tard le soir, alors que je m’occupais désormais de ma fille à temps plein. Haley était assez vieille pour s’occuper d’elle toute seule, je le concevais, mais je ne me voyais pas ne pas la voir du tout pendant une journée. Au moins, on m’accordait cela, certainement parce que je commençais à être apprécié, du moins, c’était ce que je supposais. Enfin, je n’en abuserais pas non plus, ne me voyant pas prendre le risque de perdre mon boulot pour autant. Tant et aussi longtemps que mes principes seraient respectés, je saurais faire avec, je saurais bien faire ce qu’on me demandait de faire, que ce soit de transporter des valises ou divertir les clients. Aujourd’hui, comme souvent ce l’était maintenant, c’était la seconde option qui se prêtait à la circonstance. Comme c’était devenu chose habituelle maintenant, j’avais fait une petite répétition avec les quelques musiciens qui m’accompagnaient, nous avions vu ensemble la liste de chansons de la soirée, commençant à penser à en changer certaines, à varier un peu, histoire que ça ne devienne pas monotone. Puis, au moment voulu, nous nous étions rendus sur scène, commençant le petit concert. Le tout se déroula sans aucun problème, sans anicroche, sans demande étrange, faisant en sorte que les deux heures passèrent plutôt rapidement, mais parurent enchanter la petite foule qui allait et venait dans le bar. Remerciant ceux qui étaient présents à la fin, comme j’avais pris l’habitude de le faire, même si ce n’était jamais en grandes pompes, je descendis de scène, dans l’intention de me rendre au bar pour demander un verre d’eau que je comptais boire rapidement pour ensuite quitter les lieux et rentrer chez moi. Mais avant que je ne puisse ne serait-ce que commander, une personne vint à ma rencontre. Pas un étranger qui voulait me féliciter, me faire une suggestion bidon, mais une personne que je connaissais, que je connaissais de longue date. Quelque peu surpris, je ne sus pas tant comment réagir à son commentaire, me contentant de lui offrir un sourire un peu timide, laissant échapper un rire nerveux quand il vint à rajouter un propos supplémentaire. Que pouvais-je faire d’autre ? Je ne saurais pas le dire. Je savais que Gabriel et moi nous nous étions vus il y avait de cela quelques mois, lors de cet anniversaire surprise dont je ne m’étais visiblement pas toujours remis, mais tout avait été si chaotique que nous n’avions même pas eu ce que je pourrais appeler une conversation. En aurions-nous une ici et maintenant ? Je ne saurais pas le dire. Je ne voulais pas le repousser, mais disons que je n’étais pas certain de savoir de quoi lui parler non plus. Pire encore, je n’aidai pas à la situation lorsque je me rendis compte qu’il était en train de me tendre un verre, qui n’était visiblement pas rempli d’eau. Maladroitement, je ne sus faire autrement que lui dire:  « Je… Je ne bois pas… Désolé. » Peut-être que par politesse j’aurais pu prendre sur moi, accepter, pour finalement ne pas le boire, mais on m’avait fortement suggéré à la clinique de ne pas le faire, lorsque je m’y étais rendu pour mon rendez-vous de routine et que je leur avais dit que j’allais travailler au bar de l’hôtel où je travaillais. On m’avait dit de le dire clairement, même si ce n’était pas confortable. Et en effet, ce ne l’était pas. Voilà pourquoi je cherchai rapidement à rectifier le tir, mais le mieux que je pus trouver à dire, ce fut:  « Comment tu vas ? » Je ne pouvais pas tant lui faire savoir que ça faisait longtemps que nous ne nous étions pas vus, parce qu’en fait, ce n’était pas tant chose vraie, et n’ayant jamais été un expert des discussions sur la pluie et le beau temps, je n’avais pas eu la vitesse d’esprit pour trouver autre chose. Au moins, ça se voulait une interrogation banale, qui, je supposais, n’allait pas faire trop de remous et qui, je l’espérais, ne provoquerait pas un plus malaise d’emblée.

Plus de dix années avaient passé depuis que nous nous étions vraiment parlés, Gabriel et moi. Maintes choses avaient changé également, faisant en sorte que même si à l’époque, je partageais mon quotidien avec lui, maintenant, c’était comme s’il m’était un lointain étranger. Alors pour sûr, je craignis pendant un instant qu’il ressente de la frustration par rapport à ce que je venais de lui dire, qu’il m’en veuille, et que la conversation prenne fin alors qu’elle avait à peine commencé. Heureusement, ce ne fut pas ce qui arriva, et je ne pus m’empêcher de m’en montrer soulagé, m’octroyant même la permission d’esquisser un léger sourire au passage pour le montrer. Cela me donna aussi l’aplomb pour passer à autre chose, poursuivre la conversation, même si je le fis de façon bien banale, à savoir en lui demandant comment il allait. Ce fut suffisant pour poursuivre, apparemment, puisqu’il vint à me répondre aussi normalement qui soit, me laissant l’occasion d’accuser réception de l’information en hochant la tête de façon bien banale. Je réagis toutefois plus vivement au moment où il vint à parler du fait que j’avais recommencé à chanter, gloussant d’un rire nerveux, que je tentai de ne pas faire durer sur plus longtemps qu’une ou deux secondes. Prenant pour acquis que c’était suffisant pour confirmer le fait, surtout que si je ne me trompais pas, il m’avait vu faire, je ne crus pas nécessaire de m’attarder sur cette affirmation, venant plutôt à répondre à sa question en disant:  « Ça va. » J’aurais pu en dire davantage, peut-être même prendre le temps de lui préciser certaines choses sur ce à quoi il venait d’assister, mais je me ravisai. De toute façon, je n’en aurais pas eu le temps, raison étant qu’il avait pris la parole un peu trop rapidement, m’obligeant à passer autre, acquiescer à l’idée de s’asseoir au comptoir. Inutile de me lancer dans un argumentaire à ce sujet, puisque j’avais encore du temps devant moi, parce que c’était en effet mieux ainsi pour discuter. Bien sûr, je restais dans le flou d’où la conversation pourrait nous mener, et ayant l’impression que je serais capable de stresser à un rien, je décidai de dire ce que j’aurais pu dire plus tôt, soit:  « En fait, c’est récent, chanter comme ça… » Je n’allai pas plus loin, me sentant soudainement en danger devoir expliquer bien autre chose, y compris tout ce qui s’était passé pendant cette décennie, ce de quoi je ne me sentais pas tant prêt à parler. Je savais que ça faisait un an bientôt que j’étais sorti de désintoxication, que ma vie se replaçait petit à petit, mais encore une fois, c’était trop frais. Déjà, reprendre le chant avait été une étape énorme, il me fallait encore composer avec celle-ci, pour le moment en tout cas. Mais heureusement, ça ne sembla pas l’intéresser plus que ça dans un premier temps, venant à soulever le sujet de mon anniversaire, m’arrachant un autre rire nerveux, puis une autre confession, soit:  « Je t’avoue, je me souviens à peine de ce qui s’est passé… » Et pourtant, je n’avais pas bu, consommé quoi que ce soit. C’était que tout s’était montré soudainement envahissant. Avec un petit entourage comme le mien, jamais je n’aurais imaginé que tant de gens auraient pu se déplacer pour ma personne… À moins que ce soit juste pour profiter d’une fête ? La seconde option me semblait encore et toujours la plus plausible, même si j’avais pu reconnaître quelques visages, à commencer par celui de Gabriel, même si ce fut que brièvement, trop brièvement, à tel point que je ne pus m’empêcher de soulever, pour le coup:  « On n’a même pas eu le temps de se dire quoi que ce soit, je crois… » Sur ces mots, je pinçai les lèvres, sachant que volontairement, j’avais fait un sous-entendu déjà soulevé précédemment, comme quoi nous n’avions pas pu discuter très longtemps, et que peut-être ce serait le moment de rattraper le coup. Mais en toute franchise, je ne savais encore et toujours pas par où commencer, n’ayant jamais été celui capable de raconter ma vie en long et en large. Que pourrais-je lui dire ? Que pourrais-je lui demander ? J’essayais encore de le déterminer, espérant trouver une possibilité, une ouverture à la réponse de mon ancien collègue, si réponse il y avait, évidemment.

Adolescent en pleine puberté, j’aurais certainement affirmé que oui, chanter, me donner en spectacle devant les autres, c’était bel et bien ma passion. Maintenant adulte, au vu de ce que j’avais traversé, je n’en étais plus tant certain. J’avais toujours aimé ça, j’aimais encore ça, mais il n’en demeurait pas moins que j’étais parvenu à m’en passer pendant un bon moment. Du coup, dire que renouer était le bon mot ne me semblait pas approprié. Au final, j’y allai pour quelque chose de plus neutre, c’est-à-dire que j’haussai les épaules, puis je dis:  « Si on veut. » Ici et maintenant, je ne me voyais pas tant commencer à expliquer que c’était surtout grâce à ma fille, pour revoir l’étincelle qu’elle avait eue dans les yeux quand elle avait découvert ce que je faisais au moment de sa naissance, cette étincelle d’admiration que je ne pensais pas mériter de sa part, ne serait-ce que pour quelques secondes. Enfin, je ne pensais même pas que je la méritais au moment des faits, je ne croyais pas non plus la mériter maintenant, mais juste pour la voir heureuse, ça valait le coup que je fasse l’effort. Pour moi, en ce moment, parler de tout ça, c’était partager un peu trop, au-delà de ce que j’étais capable de dire. N’aimant pas le fait de parler de ma personne et de ma vie aux autres, je me sentais encore moins à l’aise de le faire en ces circonstances, même si Gabriel et moi nous nous connaissions depuis maintenant plus de quinze ans. Le temps avait passé, les choses avaient changé, et du coup, méfiant, craintif, j’ignorais si nous pouvions réellement avoir une conversation dite normale, encore moins au vu du contexte de notre dernière rencontre. Cela ne voulait pas dire que je me sentais confortable pour autant, comme je le trahis par le rire nerveux que je laissai échapper au moment où Gabriel me rappela le bref échange que nous avions eu la dernière fois. Je fis mon possible pour me calmer rapidement, devenant plus réceptif à la suite de son discours, laissant la culpabilité me quitter un peu, me rendant compte que peut-être ce n’était pas l’idéal, penser que nous ne pourrions avoir une conversation normale. N’était-ce pas ce que nous étions en train de faire en ce moment, discuter normalement ? Et pourtant, ça ne me faisait pas mal. Enfin, cela ne me fit pas mal jusqu’au moment où il vint à me poser une question rehaussée d’un commentaire qui me mit un peu plus inconfortable. Refusant de me refermer complètement pour autant, je tentai quand même de lui dire:  « Je suis revenu ici directement et je n’ai pas bougé. » Je me disais que même si je ne précisais pas que mon retour datait du moment de la séparation du groupe, Gabriel allait le comprendre quand même, je ne le précisai pas, ajoutant toutefois, dans un nouvel effort:  « Mais… J’ai fait profil bas… » Profil bas, voilà une expression que je trouvais adaptée, estimant que le lieu et le moment n’était clairement pas choisi pour dire que j’avais besoin de m’éloigner, éventuellement expliquer les raisons de cet éloignement. Gabriel l’avait vu comme moi, les choses ne s’étaient pas tant terminées en bon termes, mais ces mauvais termes m’avaient suivi, bien longtemps, me faisant chuter bas, particulièrement bas. Commençant tout juste à me relever, discuter de tout ça sur mon lieu de travail, même si je n’étais plus en service, c’était inapproprié, à mon avis, tant pour moi que pour mon métier. Terminant mon bref discours sur ça, je ressentis soudainement le besoin de détourner un peu la conversation, juste un peu, histoire de ne pas parler que de ma personne. Je demandai donc:  « Et toi, que deviens-tu ? », réalisant que pas une seule fois, nous avions parlé de ce que lui, avait fait, depuis la fin du groupe. Et limite, je me sentais un peu idiot de ne pas être au courant, sachant que lui, savait ce que je faisais en ces lieux. Bon d’accord, il ne savait pas tout, mais il en connaissait un minimum, minimum que je me devais aussi de connaître, à mon avis. De plus, j’estimais que ma question était suffisamment vague pour être considérée comme une banalité, laissant la liberté à Gabriel de me dire ce qu’il voulait bien que je sache, sans entrer dans l’interrogatoire, ou bien le discours trop personnel.

Plus ouvertement que je ne l’avais fait, Gabriel vint à me parler de ce qu’il faisait maintenant, après avoir tenté de se détacher de ce passé de groupe de garçons populaires que nous avions en commun. Ce fut ainsi que j’appris qu’il était devenu policier, plus précisément inspecteur, ce qui était loin d’être négligeable. J’aurais même tendance à dire que c’était admirable, mais je ne parvins pas à le faire. En vérité, quand il était question des autorités, je faisais encore plus profil bas que lorsqu’il était question de ma précédente carrière. Ces dernières années, j’avais développé ce réflexe affreux qui faisait en sorte que lorsque je voyais un agent de la paix, voire même une simple voiture vide, j’avais une envie affreuse de me tapir, de me cacher dans le sol et ne pas en sortir dès que tout serait passé et ce, même lorsque je n’avais rien à me reprocher. Chaque fois, je craignais d’être abordé, je craignais de chuter encore plus bas que je ne l’étais précédemment. Maintenant, c’était moins pire, mais certaines retenues ne me quittaient pas. Heureusement, mon mutisme, le fait que je m’étais contenté d’accuser réception d’un signe de tête, ne vint pas altérer la conversation, puisque bien rapidement, Gabriel reprit la parole, me faisant remarquer que ça changeait, ce à quoi je répondis avec un petit air amusé, accompagné d’un:  « Tu m’étonnes. » Et là, la surprise liée à cette annonce passée, j’aurais bien voulu lui dire que j’étais content qu’il aie trouvé sa voie, mais je n’en eus pas l’occasion, la discussion revenant sur ma personne, me faisant comprendre que je ne m’en sortirais probablement pas. Soupirant discrètement, sans exaspération, juste de quoi me donner un temps pour trouver mes mots, je finis par répondre:  « Rien qui ne vaut vraiment la peine d’être mentionné, en fait… » Et contrairement à d’habitude, où rester vague était, en quelques sortes, ma spécialité, je ne me sentais pas confortable à cette idée. Je ne saurais expliquer pourquoi, peut-être par le fait que Gabriel et moi avions partagé notre quotidien pendant un bon moment, que peut-être le voir à tête plus posée me faisait sentir un peu plus à l’aise, c’était encore flou, et c’était embêtant surtout. Perdu dans cet espèce de dilemme, avant que j’arrive au bout, un rire nerveux sortit de ma bouche, en réponse immédiate à sa question, me faisant reprendre la parole, autrement que prévu toutefois, pour dire:  « Outre ma fille, non. » Aux premiers abords, la tournure de phrase pouvait paraître étrange, mais j’étais persuadé qu’il allait comprendre. Et dans le pire des cas, dire que ma fille était le centre de mon univers désormais, ce n’était pas quelque chose qui me gênait. Au contraire, actuellement, c’était probablement ma plus grande fierté, et le fait que bien malgré moi, un sourire continua de planer sur mes lèvres suite à mes propos vint facilement le trahir. Il ne resta pas éternellement toutefois, puisque peu de temps après, un peu plus décidé et en confiance, je repris mon sérieux, venant lui dire:  « J’ai obtenu sa garde à temps plein récemment. » Bon, ce n’était pas vraiment ce que j’avais fait pendant les dix dernières années, mais c’était un point important, et probablement le plus simple à confier, avouer. De plus, il fut suffisant pour que j’ajoute:  « Et je suis devenu clean… Ça fera un an bientôt. » Par la même occasion, je venais, en quelques sortes, dire que je n’avais pas arrêté de consommer suite à nos années de folies, que même, de mon côté, c’était devenu pire. Et cela venait justifier autre chose, soit:  « Avant ça, j’ai tourné en rond, je n’arrivais pas à garder le boulot le plus stupide qui soit. En fait, ça m’étonne que tu ne m’aies pas croisé avant, je crois que tu aurais eu pas mal d’occasions de m’arrêter. » Nouveau rire nerveux, mais cette fois-ci, vraiment nerveux, rien à voir avec un potentiel manque de mots. Reprenant contenance, je tentai même de blaguer un peu, et dire:  « Tu ne vas pas m’arrêter maintenant que je te l’ai dit, n’est-ce pas ? » Enfin, oui, c’était une blague, mais j’étais aussi sérieux. Mais au moins, je pouvais dire que je n’avais jamais fait de mal à qui que ce soit, sauf à moi-même pendant tout ce temps, et j’avais su me racheter. Je tentais encore de le faire maintenant, mais qui sait, peut-être que cela ne comptait pas aux yeux de la loi ? Je ne paniquais pas, ayant envie de croire que Gabriel avait un minimum de considération pour moi, mais convaincu de rien, je me tus, et j’attendis, ne voulant pas m’enfoncer davantage. Puis, au final, quand l'attente ne fut pas aussi légère que je l’eus cru, je cherchai encore à dévier un peu le sujet, et demander:  « Tu… Tu as eu des nouvelles des autres ? » J’avais choisi probablement la pire question à poser, mais je n’avais pas trouvé mieux. Est-ce que ça ferait l’affaire ? Seul Gabriel saurait me le dire maintenant.

Le fait d’être discret sur ma vie privée n’avait rien de nouveau pour moi. Il y avait certaines choses me concernant que même les gens avec qui j’avais partagé mon quotidien pendant plus de cinq ans ne savaient même pas. Comme là, le fait que Gabriel ne soit même pas au courant que j’avais une fille ne m’étonna pas, pas quand je vins à réfléchir sur le point du comment il n’était pas au courant. Mais le lien était assez simple à faire; Haley était venue au monde à l’époque du groupe, et elle avait été l’objet du chantage de notre manager contre nous, qui voulait que je l’oublie, qui voulait que j’y pense le moins possible. Du coup, je n’en avais parlé, à presque personne. Un seul avait été dans la confidence: Derrick. Il avait été dans la confidence pour bien des choses, et pendant bien longtemps, je l’avais regretté, puisque ça m’avait miné encore plus, ç’avait détruit ma vie à un point inimaginable, à un tel point que maintenant, la reconstruire n’avait rien de facile, puisque ça se faisait morceau par morceau. le plus gros morceau auquel j’avais été confronté pour le moment, ç’avait été la cure. Cure que je trainais encore un peu comme un boulet, qui ferait toujours de moi une personne un peu plus marginale, comme ç’avait été le cas plus tôt. C’est ce qui m’obligea à confirmer à mon ancien partenaire que oui, j’étais sobre d’alcool, mais aussi de drogue. Pour le premier, j’hochai la tête pour ce faire, mais le second, je repris la parole, pour avouer:  « Pas mal tout, en fait. » En fait, je consommais tout ce qui pouvait me permettre de planer un peu et me faire oublier la réalité. Ce n’était pas un plaisir, c’était pour me sentir un peu mieux, sans que ce soit vraiment efficace, mais sans que ce soit pire que lorsque j’étais seul et sobre. Maintenant, je pouvais concilier mes souvenirs et mon quotidien, souvenirs qui étaient toujours aussi lourds, mais supportables. Au moins, je pouvais mettre ça derrière, ou du moins, je tentais, même si des fantômes me rattrapaient, comme en ce moment. Soulagé que cela n’irait pas plus loin, ce fut avec un sourire que je lui montrai mon soulagement par rapport au fait que ça ne jouerait pas contre moi, pas pour le moment. Reprenant mon sérieux, j’hochai la tête pour lui dire que oui, j’avais fait une cure, ajoutant comme détail:  « Pendant six mois. » Un peu plus de six mois en fait, qui avaient été longs, et mouvementés, qui ne nécessitaient pas plus de détail, j’en avais l’impression. Tentant de changer le sujet, supposant que Gabriel avait été pas mal plus sociable que moi avec les autres, ce fut avec un certain désarroi que j’appris que ce n’était pas le cas. Troublé, je fronçai les sourcils, pour les arqués, adoptant un air plus bouleversé au moment où il prit pour acquis que j’en avais eu davantage. Et ce fut dans ce contexte que je fus obligé de lui avouer:  « Hum, non… » Je marquai une pause, le temps de trouver mes mots, et j’ajoutai:  « Je l’ai vu une fois… Peut-être deux… Mais c’est tout. » Refusant de parler de l’échange de messages que nous avions eu à une période où j’étais plus que vulnérable, je tentai d’évincer la chose, et donc de dire:  « Je n’ai pas reparlé à qui que ce soit après la séparation… Inutile de te dire que j’étais surpris de tous vous voir à mon anniversaire… » La confession sortit dans un rire nerveux, trahissant le choc que j’avais eu, que je n’avais pas su vraiment exprimer correctement. Et je n’y parvins pas non plus maintenant, ajoutant plutôt:  « J’avais… Vraiment, vraiment besoin de m’éloigner, en fait… » et estimant que peut-être, après plus de dix ans, ce serait le temps, je fis amende honorable, concluant:  « J’espère juste… Que tu ne m’en veux pas. Ce… Ce n’était pas contre toi… Et je suis désolé… D’avoir été distant. » Je ne m’osai pas à dire que je l’avais blessé ou quoi, puisque je n ‘en savais absolument rien. Ce serait, je supposais, à lui de me le dire. Était-ce pour autant que je considérais avoir fait le tour ? Pas vraiment, pour tout dire. Mais au moins, je n’étais pas resté silencieux, je ne m’étais pas renfermé, et pour moi, c’était beaucoup, puisque j’avais encore fort à faire de ce côté.